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lorsqu’il écrit que « les taux de change sont des éclu-
ses grâce auxquelles des zones de production aux
niveaux d’efficacité différents peuvent néanmoins
être en communication » (extrait de l’article
« Krugman, ou le libre-échange* », Alternatives éco-
nomiques n° 159, 1998).
Toutefois, une monnaie faible induit bien d’autres
conséquences (y compris sur les exportations), qui
rendent finalement son intérêt des plus limités. En
premier lieu, l’effet décrit ci-dessus (exportations peu
chères), et que les économistes appellent effet prix, est
loin d’être le seul de sa catégorie. L’affaiblissement
d’une monnaie est à l’origine d’un deuxième effet
prix, agissant cette fois sur les importations, qui
deviennent plus chères (car le pouvoir d’achat de la
monnaie nationale est réduit). Parallèlement aux
effets prix, il convient d’ajouter deux effets volume : la
hausse des quantités exportées et la baisse des quan-
tités importées. En définitive, l’impact global d’une
monnaie faible sur la balance commerciale d’un pays
dépend de la comparaison de ces quatre effets, mais
ceux-ci ne se manifestent pas simultanément.
Lorsqu’une monnaie devient faible, il faut un certain
temps avant que les importateurs étrangers réorien-
tent leurs achats vers les exportateurs nationaux, et il
existe une inertie de comportements comparable du
côté des importateurs nationaux de biens étrangers
(ces caractéristiques sont nommées élasticité-prix des
exportations et des importations, correspondant au
taux de variation des prix divisé par le taux de varia-
tion des exportations ou des importations). En d’au-
tres termes, après une dévaluation/dépréciation, les
effets prix (qui dégradent le solde commercial) précè-
dent toujours les effets volume (qui améliorent le dit
solde). A. Marshall (1923), P. Lerner (1946) et
J. Robinson (1939 et 1947) montrent qu’un affai-
de la monnaie nationale exprimé en monnaie étran-
gère, c’est-à-dire le nombre d’unités monétaires
étrangères que l’on peut obtenir en échange d’une
unité de monnaie nationale (dans la boîte à outils de
l’économiste, nous venons de définir le taux de
change nominal*au certain). Lorsque les taux de
change sont définis dans le cadre d’un système de
changes fixes, toute modification de la parité offi-
cielle est appelée « dévaluation » ou « réévaluation ».
Dans le cas d’un système de changes flottants, les
fluctuations des taux de change des monnaies sont
issues du marché des changes. On parle alors de
« dépréciation » ou d’« appréciation ». Le marché des
changes est le lieu où se rencontrent les offres et les
demandes de monnaies. Lorsqu’une monnaie est très
demandée (achetée), elle tend à devenir plus chère
(elle s’apprécie), et inversement lorsqu’elle est très
vendue (elle se déprécie). Les raisons qui poussent à
acheter ou à vendre une monnaie ne manquent pas :
tourisme, commerce, investissements dans un autre
pays, paiement de revenus à l’étranger, transferts de
fonds, placements financiers, spéculation… Et bien
entendu, les autorités monétaires, vu la taille de leurs
réserves de change*, peuvent largement influer sur les
valeurs des monnaies.
Quel est l’intérêt, pour un pays, d’avoir une mon-
naie faible ? Le raisonnement est des plus simples :
lorsqu’un pays dévalue ou laisse sa monnaie se dépré-
cier, ses produits deviennent moins chers pour les
acheteurs étrangers (car le pouvoir d’achat des mon-
naies étrangères augmente mécaniquement). Ceci
dope naturellement les exportations et permet aux
entreprises du pays de rester très compétitives malgré
une productivité, une technologie voire une qualité
des biens inférieures à celles des autres pays. C’est ce
que P. Krugman exprime avec une belle métaphore,