L’économie ne stagne pas, elle se
transforme
Crise asiatique en 1997, des « dotcoms » en 2000, des subprimes
en 2007 ; krach de 1987, krach de 2008 ; bulles immobilières, bulles
obligataires… Depuis quarante ans, on assiste en accéléré à une
succession de crises sans qu’on sache s’il s’agit des signes d’une
« stagnation séculaire », d’épisodes d’une crise permanente du
capitalisme, ou d’une « grande transformation » de l’économie
mondialisée.
La reprise anémique aux Etats-Unis et en Europe après la crise de 2007,
LE MONDE | 07.10.2014 à 11h52 • Mis à jour le 13.10.2014 à 11h22 |
Par Elie Cohen (directeur de recherche au CNRS)
L’économie ne stagne pas, elle se transforme http://abonnes.lemonde.fr/idees/article/2014/10/07/l-econom...
1 sur 5 27/10/14 1516
ont conduit les économistes américains Larry Summers et Robert
Gordon à défendre l’hypothèse de « stagnation séculaire », évoquée par
Alvin Hansen en 1938, au cœur de la Grande Dépression.
Larry Summers comme Robert Gordon voient dans la baisse des taux de
croissance potentiels des économies développées une tendance lourde.
Sept ans après les débuts de la grande crise, la prédiction d’Alvin Hansen
semble se réaliser : l’insuffisance de la demande rend difficilement
rentable l’investissement, et donc l’introduction de nouvelles
technologies. Dans ces conditions, l’économie croît durablement en
dessous de son potentiel.
Larry Summers voit dans l’atonie de la croissance, malgré des taux
d’intérêt proches de zéro, un effet de la faiblesse de la demande due à la
stagnation des revenus et à un moindre recours à l’endettement des
ménages.
Les politiques monétaires cessent d’être efficaces pour stimuler
l’économie, les baisses de taux d’intérêt conduisent à l’apparition de
trappes à liquidités. Seule une politique poursuivant un niveau
d’inflation plus élevé et une baisse des taux d’intérêt nominaux peut
provoquer une chute des taux d’intérêt réels, à même de stimuler à
nouveau l’investissement et la croissance.
OBSTACLES À LA CROISSANCE
Robert Gordon, quant à lui, explique les moindres gains de productivité
et de croissance par la panne du progrès technique. La
révolution Internet induirait de moindres effets sur l’activité que la
révolution électrique ou mécanique des siècles précédents.
De fait, les données empiriques sur le rendement de l’innovation, tant
dans les nouvelles technologies de l’information que dans les sciences du
vivant, paraissent lui donner raison : la croissance exponentielle des
coûts de développement d’un nouveau composant électronique ou d’un
nouveau médicament est telle que les conditions de leur rentabilisation
L’économie ne stagne pas, elle se transforme http://abonnes.lemonde.fr/idees/article/2014/10/07/l-econom...
2 sur 5 27/10/14 1516
développement sur les gains de productivité.
L’hypothèse d’une stagnation séculaire semble d’autant plus réaliste
que des obstacles à la croissance ont, en Occident, été progressivement
élevés dans quatre domaines : la démographie, l’éducation, les inégalités
et la dette publique. Pour Larry Summers comme Robert Gordon, le
vieillissement de la population et la fin de l’augmentation de l’emploi
féminin impactent négativement la croissance potentielle, tout comme la
fin de l’élévation du niveau d’éducation, l’accroissement des inégalités,
ou encore la perte de réactivité de l’économie après une longue crise.
Mais la conjoncture présente justifie-t-elle cette hypothèse ? Aux
Etats-Unis, une croissance située entre 2 % et 3 % en 2014 et 2015, un
taux de chômage en forte baisse (même si le taux d’activité n’a pas
retrouvé son niveau d’avant-crise) et une bonne dynamique
d’investissement ne sont pas a priori les symptômes d’une décroissance
séculaire.
Elie Cohen aux Rendez-vous de l’histoire à Blois
Elie Cohen prononcera le 8 octobre à 19 heures la conférence
inaugurale du cycle économique des 17e Rendez-vous de l’Histoire de
Blois, qui se déroulent du 9 au 12 octobre.
C’est la première fois que ce festival d’histoire propose un
programme de débats et de conférences sur les questions
économiques (www.rdv-histoire.com (http://www.rdv-histoire.com/) ).
A l’inverse, l’eurozone connaît une croissance inférieure à 1 % en 2014 et
de l’ordre de 1,5 % en 2015, avec de fortes disparités internes. Les
stratégies contrastées de sortie de crise de part et d’autre de l’Atlantique
expliquent largement ce différentiel de performance : assainissement
bancaire, stimulation monétaire de l’activité et acceptation de forts
déficits expliquent les succès américains, quand l’obsession de la
L’économie ne stagne pas, elle se transforme http://abonnes.lemonde.fr/idees/article/2014/10/07/l-econom...
3 sur 5 27/10/14 1516
Mais cette dernière est davantage induite par les traits constitutifs de la
zone euro que par une « stagnation séculaire » à l’européenne.
PHÉNOMÈNE HISTORIQUE
Quant à l’hypothèse d’un enchaînement d’épisodes témoignant d’une
« crise permanente » du capitalisme, il faut faire la différence entre les
bulles d’actifs – qui finissent par se résorber (comme celle de la
« nouvelle économie », en 2000/2002), les crises de crédit ou
de balances de paiement – qui se gèrent (telle la crise asiatique), et les
crises systémiques du type de celles de 1929 ou de 2007 – qui conduisent
à des réaménagements structurels de la régulation.
Ces crises hétérogènes, qui se déroulent sur fond de croissance continue
à long terme, infirment autant la thèse de la crise permanente que celle
de la stagnation séculaire.
La longue crise que nous traversons depuis 2007 a mis à nu les
dysfonctionnements de la finance dérégulée et de la mondialisation, les
défauts d’architecture de l’euro, la moindre diffusion de la révolution
numérique, les effets d’un partage de revenus inéquitable sur la
dynamique de la demande, les limites des outils de la politique
monétaire, l’affaiblissement de la croissance potentielle dans les pays
développés, et la difficulté d’inventer de nouvelles politiques
économiques pour sortie de crise.
La crise n’est en réalité que le lent dévoilement d’un phénomène
historique, la « grande transformation » géopolitique, culturelle et
économique annoncée par l’historien et économiste hongrois Karl
Polanyi en 1944, et que nous vivons depuis la fin des « trente
glorieuses ».
L’économie ne stagne pas, elle se transforme http://abonnes.lemonde.fr/idees/article/2014/10/07/l-econom...
4 sur 5 27/10/14 1516
L’économie ne stagne pas, elle se transforme http://abonnes.lemonde.fr/idees/article/2014/10/07/l-econom...
5 sur 5 27/10/14 1516
1 / 5 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !