Quel Pacte de Stabilité et de croissance en situation de crise ?

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Conférence d’Économie. 29 04 2009
Séance 9 : La politique budgétaire.
Benjamin Guelfi.
Quel Pacte de Stabilité et de croissance en situation de crise ?
« L’enjeu est d’éviter que le coût des plans de relance n’étouffe la croissance à la sortie de cette crise »
Eric Woerth, Ministre du Budget.
Renoncer à la politique monétaire impliquait faire des concessions. Si les taux d’intérêt et de change
relèveraient désormais d’une entité indépendante la BCE il fallait alors un gage commun quant aux politiques
fiscales des Etats qui partageraient une monnaie unique. C’est dans ce contexte que le Conseil adopta en 1997 le
Pacte de Stabilité et de croissance (PSC), gravant dans le marbre une « culture de stabilité », érigeant en
principes incontournables la stabilité des prix et l’équilibre des comptes publics, garantissant ainsi un Euro fort.
Les Etats se voyaient contraints à une responsabilité budgétaire et à une surveillance multilatérale qui aboutirait
le cas échéant à des sanctions pécuniaires. Les critères retenus pour qualifier une politique budgétaire
d’irresponsable furent un déficit annuel inférieur à 3% du PIB et un endettement public global inférieur à 60%
du PIB.
En temps de crise économique, la théorie économique conçoit trois outils pour relancer la croissance :
les taux d’intérêt, les taux de change et la politique budgétaire. Les deux premiers volets étant monopolisés par la
BCE qui agit avec un excès de précaution, en l’absence d’un plan de relance européen, les Etats seraient
condamnés à attendre une relance de l’économie par elle-même car, ayant atteint la limite du 3% de déficit ils
s’exposeraient à des sanctions de la Commission. Le Pacte condamnerait les Etats à la paralysie économique en
limitant excessivement leur marge de manœuvre budgétaire. Les critiques se précipitent alors contre ce
maillage absurdement contraignant en temps de panne économique car il empêcherait tout politique contra-
cyclique.
Or, contrairement à certaines idées reçues, le PSC prévoit des exceptions en temps de crise. En outre,
depuis 1997 aucun Etat n’a été effectivement sanctionné par la Commission alors que les violations du PSC ont
été nombreuses. Rajoutons que si les Etats se voient contraints aujourd’hui c’est par l’absence d’efforts
budgétaires en temps de croissance ce qui renforce la pertinence du PSC comme outil de discipline
macroéconomique et de paix politique entre les Etats partageant un monnaie unique et qui ne cache ses
prétentions de devenir une monnaie de référence. Le problème qui se pose est de définir le niveau de
relâchement budgétaire et inflationniste qu’il faut permettre pour relancer les économies et à quel prix le PSC
pourra après faire revenir la rigueur fiscale dans l’UEM.
Si le PSC doit faire preuve de flexibilité face à la crise actuelle pour permettre une relance budgétaire (I) il
doit cependant rester un outil central pour assurer la relance et la croissance soutenue sur le long terme (II).
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I. « Le Pacte de Stabilité n’est pas un code pénal mais un instrument politico-
économique flexible » Hans Eichel1.
En adoptant le Pacte de Stabilité, le Conseil inclut des cas exceptionnels dans lesquels les Etats
pouvaient dépasser le déficit de 3%. Toutefois, si on considère que depuis 1997 aucun Etat n’à été
effectivement sanctionné pour violer le PSC, on comprend que le Conseil finit toujours par négocier
avec l’Etat concerné pour éviter des lourdes sanctions (A). Cette flexibilité permet aujourd’hui aux Etats
de pratiquer des politiques de relance budgétaire (B).
a. Un instrument à géométrie variable mais isolé parmi les institutions économiques de
l’UE.
Le Conseil fixa donc dès 1997 des mécanismes de surveillance des déficits budgétaires. Ainsi, la
Commission véritable policier de l’économie européenne vérifie et surveille les Etats. La
Commission constate le déficit excessif et dresse un rapport qu’elle envoie au Conseil de Ministres qui
n’est pas tenu par l’avis de la Commission et doit statuer à la majorité qualifiée. Si le Conseil considère
que le déficit existe, il émet des recommandations à l’Etat concerné et il suit l’application des
recommandations. Si l’État ne réagit pas, le Conseil met l’Etat en demeure de prendre des mesures
visant à la réduction du déficit. L’Etat qui après la mise en demeure persiste à ignorer les
recommandations peut se voir sanctionner par le Conseil qui peut le cas échéant. Les amendes peuvent
s’élever jusqu’à 0,5% du PIB de l’Etat concerné (Voir Tableau A).
Cependant, le Conseil prévoit aussi qu’en cas de circonstances exceptionnelles ou
inhabituelles la procédure de sanction n’est pas déclenchée. En effet, est exclue la sanction lorsque
l’Etat concerné souffre une grave récession économique. Le problème consiste alors à déterminer ce
qu’on considère comme une grave récession économique. Le Conseil publia un rapport il fixa la
barre dans une chute du PIB de 2%.
Or, d’après les prévisions, la chute du PIB pour l’année 2009 devrait être de 3,4% pour la zone
Euro. En particulier, l’Allemagne devrait connaître une chute supérieure à 4,3%, quant à la France elle
serait aux alentours de 2,7%2. C'est-à-dire que dans les circonstances actuelles le Pacte de Stabilité
serait sans effet car ni la Commission ni le Conseil ne seraient en position pour initier une action en
constatation ou en manquement vis-à-vis des Etats qui violeraient le seuil du déficit budgétaire. De
surplus, la Commission à déjà laissé entendre qu’elle n’initierait pas des actions vis-à-vis des Etats les
plus déficitaires, notamment la France et l’Allemagne. Il convient donc de nuancer l’effet restrictif du
PCS qui, rappelons le n’a jamais aboutit à la sanction effective d’un Etat membre. Dans le passé, les
Etats réagirent dès le début des actions ce fut notamment le cas du Portugal en 2001 et 2002 ou
1 Ex-Ministre Allemand des Finances.
2 Output, Prices and Indicators, The Economist April 11th 2009.
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réussirent à négocier des délais et des assouplissements avec les autorités à Bruxelles. Le PCS, souvent
accusé de rigidité et de dogmatisme se montre flexible en situation de crise.
Il faut toutefois regretter l’absence de coordination entre le PCS et les autres instances
européennes, notamment la Commission et la BCE. Si les décennies de désinflation stabilisatrice ont
aboutit à créer des banques centrales conservatrices et indépendantes (Jacques LE CACHEUX) la crise
actuelle nous montre les limites de ce schéma lorsque on voit aux USA, la FED agir comme le bras armé
du Trésor qui même du point de vue de la symbolique n’hésitent plus à se montrer coud à coud. En
Europe le dialogue se fait de façon cacophonique et non coordonnée entre la BCE et les politiques
budgétaires des Etats3. Cette absence de coordination est aussi un problème entre les Etats et la
Commission. En vue de respecter la concurrence et l’égalité entre les pays de l’UE, la Commission
pourrait orchestrer les plans de relance nationaux pour complémenter les efforts nationaux à l’échelle
communautaire. Or, la réalité nous montre un panorama assez différent. Tout ce qui reste ce sont des
politiques de relance nationales et indépendantes
b. Le PSC permet des politiques de relance budgétaire.
Le PCS permet donc une flexibilité aux Etats membre de l’UEM pour pouvoir relancer la croissance
grâce à l’endettement et aux investissements parallèlement à une baisse des taux directeurs de la BCE.
L’Etat peut ainsi assumer son rôle d’assureur en dernier ressort grâce aux ressources du Trésor
public. La crise des subprimes est à l’origine financière et immobilière. Si la dispersion des actifs
toxiques remplit les Bilans des banques trash bons, elle entraîna dans un deuxième temps une perte de
confiance généralisée entre les banques. Lorsque les Banques ne se font plus confiance, le marché
interbancaire là où les banques se financent au jour le jour se sèche et on rentre dans une phase de
manque de liquidité. Les Banques ayant les Bilans les plus fragiles firent faillite (c’est l’exemple de
LEHMAN BROTHERS) face à l’impossibilité de trouver du liquide. Outre le problème monétaire qui
relève des injections de liquidité des Banques centrales (abaissement des taux directeurs et opérations
d’open market) l’économie a besoin d’une institution capable de freiner la spirale vers le bas. Une
institution ayant les capacités de relancer la dynamique de la confiance et de l’investissement et cette
institution ne saurait être autre que l’Etat.
Si les Etats dépassent le seuil de 3% de ficit c’est donc pour appuyer l’effort de la BCE en une
sorte de policy mix non coordonnée. Ces déficits permettront aux Etats d’augmenter les dépenses en
matière sociale (lutte contre le chômage des jeunes, etc) d’infrastructure (mises en chantier
d’autoroutes, de voies ferrées), réduction des charges fiscales (réduction de la TVA dans la
restauration) et surtout d’éviter l’effet domino dans le monde des entreprises. Voici déjà quelques
mois que malgré la politique volontariste de la BCE en matière de liquidité, les entreprises nationales
ne réussissent pas à assainir leurs trésoreries. Or, indépendamment des perspectives de ventes dans le
moyen terme, ces champions nationaux ne sauraient survivre sans des Fonds de Roulement
3 En 2003, face à l’abandon de la procédure de sanction de la Commission contre la France, les gouverneurs de la
BCE se manifestèrent en menaçant, très subtilement, d’augmenter les taux d’intérêt directeurs.
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conséquents. C’est le rôle de l’Etat en tant qu’assureur en dernier ressort (Jacques LE CACHEUX) de
venir en aide car parfois les entreprises sont too big to fail.
Aménagé par la pratique, le Pacte de Stabilité donne actuellement aux Etats la possibilité de
dépasser leurs engagements fiscaux pour puiser dans le déficit des ressources leur permettant de faire
du contra-cyclique et de relancer ainsi la croissance. Cependant, l’inhabituel doit reste l’exception à la
règle, laquelle doit s’appliquer dès le retournement de la conjecture pour assurer une croissance sur le
long terme en éliminant les risques d’inflation liés à une relance aussi chère tout en permettant à
l’UEM et à l’Euro
II. Le PSC, gage d’une relance solide et d’une croissance soutenue sur le long
terme
Une relance par l’endettement peut s’avérer problématique si ses effets négatifs ne sont
rapidement contournés. Premièrement l’endettement public réduit les possibilités de financement des
autres agents économiques et peut se traduire par une poussée inflationniste (A). Cela nous oblige à
remettre le PSC au centre de la politique économique car seule la rigueur budgétaire peut assurer une
croissance stable sur le long terme (B).
a. Endettement et inflation à court terme, un dérapage à limiter.
L’Etat en quête de financement pour ses déficits ira puiser des fonds sur le marché financier. Or
sur le court terme l’Offre de financements est stable pour tous les opérateurs économiques se
finançant sur le marché. Dès lors, cette augmentation rapide de la demande risque de réduire les
financements disponibles en les faisant plus chers augmentation des taux d’intérêt – et moins
nombreux (voir TABLEAU B). C’est l’effet dÉviction ou crowding out4 qui dans le cadre d’une crise de
confiance risque d’être plus grave car seul l’Etat apparaît comme un client fiable pour des banquiers
sceptiques et méfiants. L’effet premier de l’endettement de l’Etat sera donc un assèchement du
marché financier qui rendra plus difficile l’accès des autres opérateurs économiques au crédit et donc à
l’investissement, rouage essentiel de toute relance économique.
Les pouvoirs publics semblent aujourd’hui mesurer les effets inflationnistes potentiels de leurs
politiques de relance. A court terme, la combinaison d’excès budgétaire et faible taux d’intérêt peut
aboutir à un processus inflationniste. En effet, si l’Etat s’endette il émet des titres de dette qui auront
comme contrepartie de la création monétaire. Cette création augmente la masse de monnaie
circulante ce qui dans l’optique quantitativiste, répercute systématiquement par une augmentation
des prix à cause de la règle MV = PT (Avec M = stock de monnaie en circulation, P = niveau des prix, V =
4 Gregory MANKIW Principes d’économie. McGraw Hill, 2001.
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vitesse de circulation de la monnaie et T = volume des transactions). C’est l’inflation liée à la création
monétaire suite à un endettement.
L’injection de fonds publics dans l’économie se traduit aussi par une augmentation de la
Demande tandis que sur le court terme, on peut supposer que l’Offre est inélastique car elle ne peut
pas augmenter la production du jour au lendemain. Cette tension entre l’Offre et la Demande risque de
créer de l’inflation dite keynésienne. L’inflation n’est pas un problème per se mais elle peut créer une
incertitude liée à l’évolution des prix et pénaliser les agents dont leurs revenus réels peuvent être
érodés. Elle peut aussi, dans le cadre d’une économie ouverte affecter la compétitivité de l’économie
nationale à cause de l’augmentation des prix. Bien que les effets sur la consommation soient
ambivalents5, une inflation excessive peut étouffer la croissance.
Enfin, un excès de déficit budgétaire peut être contreproductif d’après l’équivalence
ricardienne. En effet, les agents privés anticipent l’augmentation de la dette publique et donc de
l’impact futur des augmentations d’impôts en épargnant davantage. C'est-à-dire que les politiques
publiques de relance risquent d’être complètement paralysées. L’équivalence ricardiene considère que
l’inflation est aussi un facteur d’anticipation réduisant les dépenses des ménages. Une combinaison
excessive de déficit et inflation peut donc s’avérer dangereuse. D’où l’importance d’un encadrement
légal des politiques budgétaires qui permette d’éviter les abus et de rattraper l’équilibre fiscal une fois
la crise dépassée.
b. Le dépassement de la crise et le retour à la rigueur budgétaire, la monnaie unique et
la paix entre les Etats membres de l’UEM.
Les crises constituent donc une période d’exception, une parenthèse entre des phases de
normalité. Suivant l’adage pactat sunt servanda ou les traités doivent être respectés, il faut que la
relance marque aussi le retour aux équilibres budgétaires prévus par le PSC. Si une application souple
du PSC doit permettre une relance budgétaire, le retour au respect du Pacte doit permettre d’assainir
les comptes publics, éviter l’inflation, protéger la valeur de l’Euro et ancrer la croissance sur le long
terme.
Les détracteurs du PSC oublient très souvent que la rigidité de ses règles ne s’applique qu’aux
Etats dont les déficits sont déjà considérables. En effet, certains Etats qui avaient assainis leurs
politiques budgétaires avant la crise disposent aujourd’hui d’une large marge de manœuvre tout en
respectant les règles du PSC. Ces pays dont l’Espagne constitue le meilleur exemple ont souvent
demandé une application intégrale du Pacte pour tous les pays de l’UEM. Si on observe l’évolution des
déficits respectifs (Tableau C) français et espagnol, on comprend que le PSC n’est rigide qu’avec les
mauvais élèves. Pour assurer la croissance sur le long terme et réabsorber l’inflation et la dette
excessive, les Etats doivent respecter la limite déficitaire de 3% pour permettre aux stabilisateurs
5 Emmanuel COMBE Précis d’Économie, PUF, 8ème édition. Juillet 2004.
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