Introduction!
Après les turbulences de l!été, les marchés boursiers sont rapidement revenus sur
leurs plus hauts. Lundi 1er octobre, le Dow Jones, indice phare de la bourse
américaine, a battu son record historique, qui datait de juillet, à la veille de la crise
des «"subprime"», inscrivant un nouveau plus haut à 14 115 points.Tout se porterait-il
donc pour le mieux dans le monde merveilleux de la finance"? N!a-t-on pas vu mi-
septembre à la télévision les épargnants anglais faire la queue pour retirer leurs
précieuses économies des coffres de la Northern Rock, aux caisses asséchées par
les déboires de l!immobilier britannique ? De prestigieuses banques américaines
n!ont-elles pas dilapidé des centaines de millions de dollars dans des produits
financiers opaques dont elles n!avaient aucune façon de calculer la valeur ? BNP
Paribas elle-même n!a-t-elle pas dû suspendre en août la cotation de trois de ses
fonds « monétaires dynamiques », notés AAA (c!est-à-dire réputés sans aucun risque
ou presque) après qu!ils aient perdu 20 % de leur valeur en quelques jours"? Les
banques centrales n!ont-elles pas injecté en urgence des dizaines de milliards de
dollars, d!euros et de livres sterling dans le circuit bancaire"?
La spécificité de la crise actuelle réside dans ce paradoxe apparent. D!un côté, la
profitabilité des entreprises est élevée, la croissance mondiale reste soutenue, portée
par le dynamisme des émergents (Chine en premier lieu), l!inflation est basse et
contrôlée, tout comme les taux d!intérêt. L!économie réelle mondiale est en bonne
santé, les liquidités abondantes et les bourses (occidentales) ne l!ignorent pas": elles
sont tendanciellement orientées à la hausse, depuis 4 ans. De l!autre, le rythme
effréné des innovations financières a complexifié la donne. Nul ne sait exactement
quels organismes financiers supportent quels risques. Or les risques n!ont pas
disparu": les ménages américains se sont endettés au-delà du raisonnable. Leur
dette a été découpée en morceau et distribuée de par le monde. Qui possède
aujourd!hui ces créances potentiellement douteuses"? Le doute s!instille et se
répand": qui a pris (délibérément ou non) trop de risques"? Certains établissements
financiers ne cachent-ils pas des actifs douteux dans les tréfonds de leurs bilans"?
Voilà pourquoi les marchés financiers connaissent depuis deux mois une volatilité
très importante, les périodes d!euphorie alternant avec des périodes de suspicion
généralisée, qui amènent parfois le système au bord de l!asphyxie. Le précipice ne
s!est pas rapproché"; mais la danse est toujours plus frénétique.
Voilà aussi pourquoi il est aussi bien permis d!être optimiste que pessimiste sur
l!avenir proche tout d!abord, sur la capacité du capitalisme financier à s!autoréguler
ensuite. Les marchés financiers sont-ils condamnés à aller de bulles en bulles"? Ou
suivent-ils une logique rationnelle, reflétant fidèlement la santé de l!économie réelle"?
L!étude de la crise actuelle est l!occasion de poser ces questions dans leur
complexité"à la lumière des événements récents ; elle donne des éléments de
réponse allant dans les deux sens. Pour le voir, il faut d!abord revenir sur le
déroulement de la crise de l!été, ce qui implique de plonger dans les arcanes de la
psychologie des acteurs des marchés financiers, notamment du marché
interbancaire (Partie I). Nous reviendrons ensuite sur les causes réelles de la crise,
qui prend ses sources dans le marché immobilier américain. Ce sera l!occasion d!un
voyage pour le moins dépaysant (Partie II). Nous finirons ce dossier par une analyse
des réponses qui ont déjà été apportées à la crise et celles qui restent encore à