Les leçons de la crise
Au-delà des ravages qu’elle aura causés sur l’ensemble du globe, la crise
financière aura apporté deux enseignements importants aux investisseurs
socialement responsables. Premièrement, les portefeuilles en actions investis
selon les principes de l’ISR ont dégagé des performances comparables à celle
du marché et n’ont par conséquent pas offert une protection beaucoup plus
efficace contre les mouvements de baisse. Deuxièmement, les indicateurs
extra-financiers utilisés jusqu’à aujourd’hui n’ont pas permis de détecter ou
de prévenir certaines externalités aux effets particulièrement néfastes pour le
système financier et l’économie dans son ensemble. Le but de cette publication
est donc de tirer les conclusions de ces enseignements et de faire de l’ISR
une stratégie d’investissement plus stable et plus efficace.
Bien que la grande récession, comme certains l’ont appelée, eût de fait accrédité de
nombreux principes chers aux investisseurs socialement responsables, elle n’a pas
vu, comme nous l’avons mentionné, une surperformance financière notable des
portefeuilles ISR. Une étude récemment conduite par l’EDHEC, école de commerce
et de gestion française1, arrive d’ailleurs à la même conclusion. Selon ses auteurs,
même si huit indices ISR sur dix se sont mieux comportés que les indices classiques
entre janvier 2007 et décembre 2009, la différence de performance n’apparaît
pas statistiquement significative. Par ailleurs, sur les 120 fonds verts et ISR pris
en considération, aucun n’a été en mesure de générer une surperformance.
Des risques ESG comptant parmi les causes premières de la crise
Des pratiques commerciales non durables comme l’octroi de crédits à des
personnes n’étant pas en mesure de les rembourser, l’encouragement de prises
de risques excessives motivées par des programmes d’incitation dysfonctionnels
et des standards insuffisants en termes de gouvernance d’entreprise figurent
certainement parmi les facteurs à l’origine de la crise financière. On aurait donc
pu penser que les portefeuilles ISR, précisément construits sur la base de
critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), offriraient une
meilleure protection contre un choc de marché d’une telle ampleur.
Bien sûr, les portefeuilles actions ISR demeurent des portefeuilles actions
avant tout et ne peuvent, par conséquent, demeurer stables alors que le reste
du monde chavire. Néanmoins, l’absence d’écart de performance significatif
suggère que les portefeuilles ISR n’étaient pas moins risqués que les portefeuilles
conventionnels. Faut-il en déduire que les filtres ESG n’ont pas produit les
résultats attendus? Nous ne le pensons pas.
Une sélection extra-financière nécessaire...
Si elle est bien effectuée, la sélection de sociétés en fonction de critères ESG
peut diminuer les risques réglementaires et opérationnels et contribuer de
façon quantifiable à l’atténuation des effets externes négatifs qui y sont associés.
Nous avons par exemple pu montrer qu’investir dans des portefeuilles dits
«best-in-class» axés sur l’efficience énergétique et la responsabilité sociale pouvait
sensiblement réduire les émissions de CO2et créer plus d’emplois par unité de
capital investi qu’un investissement de même montant dans un portefeuille
traditionnel2. Mais diminuer l’impact environnemental et social des entreprises
n’est pas seulement une cause louable; c’est aussi une condition nécessaire à une
approche ISR crédible. Une étude récente effectuée dans le cadre des Principes
des Nations Unies pour l’investissement responsable (UNPRI) a passé en revue
les 3000 plus grandes sociétés cotées à l’échelle mondiale et estimé leurs seuls
dommages environnementaux à plus d’USD 2 billions par année3.
1. Introduction
Introduction De la durabilité extra-nancière à la durabilité nancière Résultats Conclusion Résumé 3
1The performance of Socially Responsible Investment
and Sustainable Development in France: An Update
after the Financial Crisis. Noël Amenc and
Véronique Le Sourd. EDHEC 2010.
2Le paradoxe de la performance ISR ou comment
évaluer et mesurer la performance extra-financière
de l’investissement socialement responsable.
Pictet Asset Management 2008
3http://www.unpri.org/files/6728_ES_report_
environmental_externalities.pdf