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A la lumière de la crise, l’accent sur les MEGIS peut sembler peu judicieux. En effet, selon
Miller et Stiglitz (2010), le paradigme moderne manque d’une bonne modélisation des agents
hétérogènes, de l’asymétrie d’information, des externalités, de jeux de coordination et du
défaut de paiement. Wickens (2009), Buiter (2009) et Caballero (2010) critiquent vivement
l’approche de la macroéconomie moderne qui néglige les agents hétérogènes, les marchés
incomplets ou imparfaits, le risque et les asymétries d’information. De Grauwe (2009) et
Akerlof et Shiller (2009) dénoncent l’hypothèse d’anticipations rationnelles retenue dans les
MEGIS. Nous retenons de ces critiques une invitation à dépasser la modélisation MEGIS
existante. Certaines contributions présentées dans cet article intègrent des agents hétérogènes
(Kiyotaki et Moore, 1997 ; Curdia et Woodford, 2010), visent à évaluer les conséquences des
asymétries d’information (Bernanke, Gilchrist et Gertler, 1999 ; la section sur le capital
bancaire) ou tiennent mieux compte du risque dans la décision des agents économiques
(section sur le canal de la prise de risque).
Caballero (2010) définit l’évolution de la littérature comme une tension entre le « cœur » et la
« périphérie ». La périphérie se nourrit de champs de recherche connexes tels que les théories
financières ou la modélisation des décisions en univers incertain. Le cœur vise à développer
des analyses quantitatives dans un cadre d’équilibre général dynamique, ce qui incite
l’économiste à retenir des hypothèses simplificatrices facilitant la résolution de ces modèles
complexes. Nous présentons dans cet article les contributions récentes qui tentent de se
nourrir des enseignements de la périphérie pour améliorer les prévisions du cœur.
La crise récente a invité les économistes à réévaluer la modélisation du secteur financier dans
les MEGIS. Il s’agit de proposer une véritable modélisation de l’intermédiation financière et
de son impact macroéconomique afin de mesurer l’efficacité de la gestion de la crise choisie
par les banques centrales. Ces dernières ont mené des politiques monétaires volontaristes avec
une baisse marquée des taux directeurs. Toutefois, cette politique monétaire conventionnelle
s’est heurtée à un taux plancher (zero interest rate bound). Les taux directeurs étant très bas,
les banques centrales ont été dans l’impossibilité de les baisser davantage. Des politiques
monétaires dites « non conventionnelles » ont été mises en œuvre afin de juguler la crise. Ces
dispositifs, mis en place en période d’inefficacité de la politique conventionnelle de fixation
des taux directeurs, comprennent une augmentation massive de la quantité de monnaie en
circulation dans l’économie (« quantitative easing ») et un assouplissement des conditions de
financement aux agents financiers et non financiers, la banque centrale se substituant aux
marchés et aux banques commerciales pour financer l’économie («credit easing » ) (pour une
description de ces politiques non conventionnelles, voir CAE 2008 ; Bernanke, 2009 ; Banque
de France, 2009 ; IMF, 2009)
La section 2 est consacrée aux 2 articles fondateurs d’accélérateur financier. La crise a suscité
un foisonnement de travaux de recherche. La section 3 présente une sélection de contributions
qui nous semblent représentatives des pistes de recherche prometteuses car elles tentent de
relever les défis suscités par la crise (section 3.1.) et s’intègrent dans des canaux de
transmission de la politique monétaire identifiés dans la littérature tels que le canal du capital
bancaire (section 3.2.2.) et le canal de la prise de risque (section 3.2.3.). De plus, nous avons
retenu des articles qui fournissent des évaluations quantitatives car, comme nous le soulignons
en section 3.1., la crise présente un défi quantitatif pour la modélisation macroéconomique. La
section 4 présente les recommandations en termes de politique économique.