Madagascar - African Economic Outlook

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Madagascar
2016
Simplice Zouhonbi / [email protected]
Tankien Dayo / [email protected]
Adamson Rasolofo / [email protected]
www.africaneconomicoutlook.org
Madagascar
Madagascar
• La croissance économique à Madagascar a plafonné à 3.2 % en 2015, son niveau de
2014, mais elle devrait atteindre 4.0 % en 2016 et 4.5 % en 2017.
• L’année 2015 a été marquée par une deuxième facilité de crédit rapide du FMI et par
l’appui des partenaires techniques et financiers au Plan national de développement.
• Une croissance durable suppose une gestion rationnelle de l’espace territorial et la
maîtrise de l’urbanisation.
Vue d’ensemble
L’année 2015 a permis la consolidation des institutions mises en place en 2014. Le pays a adopté
une politique de décentralisation, organisé des élections locales et sénatoriales, des assises sur
la réconciliation nationale avec le concours des anciens présidents de la République, et lancé une
consultation nationale sur la réforme du secteur de la sécurité. Un deuxième gouvernement posttransition a été investi. Malgré ces avancées, la stabilité du pays apparaît fragile en raison de la
hausse de la pauvreté et du chômage, et des tensions persistantes entre l’exécutif et le parlement.
Le taux de croissance économique est resté relativement faible en 2015, à 3.2 % comme en 2014,
un rythme inférieur à l’objectif d’au moins 5 % fixé par le Plan national de développement (PND)
pour réduire la pauvreté. Cette langueur s’explique par les incertitudes politiques, les progrès
limités en matière de gouvernance, la faiblesse des investissements dans les secteurs sociaux
et les infrastructures, les pénuries d’énergie, une grève estivale de 40 jours à Air Madagascar,
la détérioration générale de l’environnement des affaires, sans compter les chocs exogènes
(sécheresse au sud de l’Île, inondations au nord, baisse des cours des produits miniers et faible
croissance du partenaire européen).
La croissance économique reste tirée par le secteur secondaire (zones franches industrielles,
agro-industrie, industries métallurgiques et du bois) et par le secteur des services (banques,
tourisme, assurances, BTP). Le secteur primaire dans son ensemble a connu un faible taux
de croissance, (0.7 % contre 3.3 % en 2014), du fait des inondations dans la partie nord et de la
sécheresse au sud. L’inflation a été contenue à moins de 10 %. Le déficit budgétaire s’est creusé,
passant à 4.6 % du PIB en 2015 (estimation) contre 2.3 % en 2014. Le déficit du compte courant s’est
également détérioré, passant de 0.2 % du PIB en 2014 à 2.3 % en 2015. La stabilité macroéconomique
reste donc fragile. L’insécurité alimentaire demeure par ailleurs préoccupante. Dans ce contexte,
l’indice de développement humain est resté faible, avec un IDH de 0.510 plaçant Madagascar au
154 e rang dans le Rapport sur le développement humain 2015 du Programme des Nations Unies
pour le développement (PNUD). La résilience du pays aux chocs extérieurs s’est affaiblie.
En termes de perspectives, la croissance économique devrait s’améliorer pour atteindre 4.0 %
en 2016 et 4.5 % en 2017, et contribuer à une réduction de la pauvreté et du chômage sous l’effet
conjugué d’une meilleure gouvernance et d’une relance des investissements publics et privés.
Avec un environnement politique plus apaisé, cette croissance économique serait principalement
tirée par l’agriculture, la production des zones franches industrielles, les nouvelles technologies
de l’information et de la communication (NTIC), les transports, le tourisme et le secteur du
bâtiment et des travaux publics (BTP).
L’amorce du processus de développement durable passe par une transformation structurelle
de l’économie qui implique une réallocation de ressources vers les secteurs les plus productifs,
une meilleure intégration économique des zones rurales et des zones urbaines, à travers la mise
en œuvre de politiques publiques favorisant une gestion rationnelle du territoire et une maîtrise
du phénomène d’urbanisation rapide.
2
Perspectives économiques en Afrique
© BAfD, OCDE, PNUD 2016
Taux de croissance du PIB réel (%)
%
Afrique australe
Afrique (%)
Madagascar
Graphique 1. Taux de croissance du PIB réel 8
6
4
2
0
-2
-4
-6
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015(e)
2016(p)
2017(p)
Source: BAfD, Département Statistique PEA. Estimations (e) ; prévisions (p).
Tableau 1. Indicateurs macroéconomiques
2014
2015(e)
2016(p)
2017(p)
Croissance du PIB réel
3.3
3.2
4.0
4.5
Croissance du PIB réel par habitant
0.5
0.4
1.2
1.7
Inflation
6.0
7.9
7.4
7.8
Solde budgétaire (% PIB)
-2.3
-4.6
-3.1
-3.6
Compte courant (% PIB)
-0.2
-2.3
-1.7
-2.0
Source : Données des administrations nationales; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p).
Développements récents et perspectives
Le contexte national de l’activité économique a été marqué en 2015 par la nomination d’un
nouveau Premier ministre et la formation du deuxième gouvernement post-transition. Les
nouvelles institutions instaurées en 2014, comme la Présidence, le Parlement et la Haute Cour
constitutionnelle, ont été mises en place. Le pays a finalisé le plan de mise en œuvre (PMO) du
Plan National de Développement (PND) pour orienter les efforts de réduction de la pauvreté et de
développement. Le lancement des consultations nationales sur les objectifs de développement
durables (ODD) et l’agenda post 2015, et la participation de Madagascar aux grandes rencontres
internationales sur le développement durable (conférence sur le financement du développement,
assemblée générale des Nations Unies sur les ODD et sommet de Paris sur le changement
climatique) ont contribué à repositionner le pays sur la scène internationale et favoriser la prise
en compte des préoccupations des populations dans les politiques de développement. Madagascar
a obtenu un deuxième décaissement de 42 millions de dollars (USD) au titre de la Facilité de
crédit rapide du Fonds monétaire international (FMI) en novembre 2015. De nouveaux projets et
programmes ont été élaborés avec les principaux partenaires techniques et financiers - notamment
les Nations Unies, la Banque mondiale, la Banque africaine de développement (BAfD), l’Union
européenne, l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), la France.
Mais les incertitudes politiques, les retards pris dans la mise en œuvre des réformes liées à la
gouvernance économique (faible mobilisation des ressources intérieures pour l’investissement,
© BAfD, OCDE, PNUD 2016
Perspectives économiques en Afrique
3
Madagascar
lutte contre la corruption, qualité des dépenses publiques, gestion des entreprises publiques
Jirama et Air Madagascar, etc.), l’environnement difficile du secteur privé (énergie, sécurité,
arriérés de TVA et de la dette intérieure), combinés aux chocs exogènes (sécheresse dans le sud,
inondations dans le nord, forte baisse des cours des produits miniers et faiblesse de la croissance
en Europe, premier partenaire économique du pays) n’ont pas permis à Madagascar de réaliser
les objectifs du PND pour 2015.
La croissance économique est ainsi restée modeste (3.2 %), à son rythme de 2014 et loin des
performances d’avant la crise mondiale (5.7 % sur la période 2005-08) et de la croissance moyenne
de l’Afrique subsaharienne (estimée à 5 %).
L’un des principaux moteurs de la croissance économique demeure le secteur secondaire
(zones franches industrielles, agro-industrie, industries du bois et métallurgiques, etc.) avec une
croissance en baisse de 4.1 % en 2015 (mais contre 8.5 % l’année précédente). La branche des zones
franches industrielles a connu une croissance de 7.1 %. Quant aux industries extractives, dans
le contexte mondial de baisse des cours des matières premières, leur contribution en valeur a
reculé, avec un taux de croissance sectoriel de 3.3 % contre 25.9 % en 2014. La croissance globale
du pays a été aussi tirée par le secteur tertiaire qui a enregistré une progression de 4.2 % grâce
au dynamisme des banques et des assurances, des NTIC et du BTP lié à la reprise des grands
travaux sur financement extérieur. Suite aux inondations dans le nord de l’île et à la sécheresse
dans le sud, l’agriculture en revanche a affiché une croissance très modeste de 0.7 %, une contreperformance pour ce secteur-clé pour la réduction de la pauvreté rurale.
L’inflation a été contenue à 7.9 % en 2015, en dessous de la barre des 10 % mais à son niveau
le plus élevé depuis 2011. Le déficit budgétaire s’est creusé pour représenter 4.6 % du PIB, contre
2.3 % en 2014. Le déficit du compte courant s’est également détérioré, passant de 0.2 % du PIB en
2014 à 2.3 % en 2015.
La faiblesse de la croissance, les problèmes de gouvernance et le manque d’investissements
conséquents dans les secteurs sociaux ont entraîné une détérioration des conditions de vie
de la population, avec un taux élevé de pauvreté et de fortes inégalités régionales. La stabilité
macroéconomique reste donc fragile. Par ailleurs, la situation d’insécurité alimentaire demeure
préoccupante. Dans ce contexte, le niveau de développement humain est resté faible. Avec un
IDH de 0.510, le pays se classe au 154e rang du classement des Nations Unies. Parallèlement, la
résilience du pays aux chocs extérieurs s’est affaiblie.
Sur le plan de la demande intérieure, malgré des évolutions politiques positives et la reprise de
l’aide extérieure, l’investissement global, principal moteur de la croissance, n’a augmenté que d’un
point, passant de 15.6 % du PIB en 2014 à 16.6 % en 2015. Cette hausse a été induite principalement
par l’investissement public, grâce à la reprise des projets sur financement extérieurs, tandis que la
contribution de l’investissement privé reste modeste, en raison, notamment, de l’aboutissement
accompli des grands projets miniers et de la détérioration continue de l’environnement des
affaires. La consommation totale, principal moteur de la demande intérieure, a enregistré une
baisse de deux points, passant de 88.7 % du PIB en 2014 à 86.7 % en 2015. La consommation
privée reste plus dynamique que la consommation publique, cette dernière étant contrainte
par la faiblesse des recettes fiscales et des retards dans les décaissements de l’aide publique au
développement (APD).
La croissance économique devrait s’améliorer pour atteindre 4 % en 2016 puis 4.5 % en 2017,
permettant ainsi une réduction progressive de la pauvreté et du chômage, sous l’effet conjugué
des progrès attendus de la gouvernance et d’une relance des investissements publics et privés
dans le cadre de la Conférence des bailleurs, ainsi que du dynamisme espéré de l’agriculture, des
zones franches industrielles, des NTIC, des transports, du tourisme et du BTP.
Un tel niveau de croissance devrait contribuer à réduire la pauvreté et le chômage, sous l’effet
conjugué d’un meilleur environnement politique (il reste fragile), de progrès dans les réformes
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Perspectives économiques en Afrique
© BAfD, OCDE, PNUD 2016
Madagascar
macroéconomiques et de gouvernance, ainsi que de la hausse des investissements publics et
privés attendue pour financer les projets d’infrastructures routières et agricoles. Le secteur
tertiaire, avec le BTP et les transports, devrait être la locomotive de la croissance en 2016 et 2017,
devant le secteur secondaire lui-même tiré par les zones franches industrielles, les industries
extractives, les industries métallurgiques et l’agro-industrie. Pour sa part, l’agriculture devrait
retrouver son niveau de croissance de 3 % d’avant les intempéries de 2015.
Tableau 2. PIB par secteur (en pourcentage du PIB)
Agriculture, foresterie, pêche et chasse
Dont pêche
Activités extractives
Dont extraction de pétrole brut et de gaz naturel
Activités de fabrication
2010
2014
28.1
26.4
…
0.1
…
0.4
…
…
14.5
14.4
Production et distribution d'électricité, de gaz et d'eau
1.3
1.2
Construction
3.9
3.2
15.4
13.4
Commerce de gros et de détail; réparation de véhicules
automobiles et hôtels et restaurants
Dont hôtels et restaurants
Transports, entreposage et communications
…
…
21.1
23.7
Intermédiation financière, immobilier, locations et activités de
services aux entreprises
4.4
8.5
Administration publique et défense; sécurité sociale
obligatoire
4.6
5.7
Autres services
Produit intérieur brut aux prix de base / au coût des facteurs
4.5
4.7
100.0
100.0
Source : Données des administrations nationales.
Politique macroéconomique
Politique budgétaire
La politique budgétaire mise en œuvre en 2015 a contribué au maintien de la stabilité
macroéconomique, malgré une conjoncture économique globalement difficile. Les transferts
et subventions aux entreprises publiques dans les secteurs de l’énergie et du transport aérien
expliquent la réduction de l’investissement public et un déficit budgétaire contenu à 4.6 % du PIB,
un résultat néanmoins compatible avec l’objectif de stabilité macroéconomique. Les ressources
allouées aux secteurs de l’éducation et de la santé ont représenté respectivement 16.6 % et 5.3 %
du budget total alloué aux ministères et institutions, tandis que les parts de l’agriculture et des
infrastructures ont été respectivement de 6 % et de 3.7 %. Ces dépenses se décomposent pour
10.5 % du PIB pour les dépenses courantes et seulement 4.8 % pour les dépenses d’investissement.
Les dépenses totales ont représenté 16.9 % du PIB en 2015. L’accroissement des transferts
et subventions aux entreprises publiques dans les secteurs de l’énergie et du transport aérien,
ont amené l’état à réduire des investissements et à maintenir son déficit budgétaire à 4.6 % du
PIB, compatible avec l’objectif de stabilité macroéconomique. Ainsi, les ressources allouées aux
secteurs de l’éducation et de la santé ont représenté respectivement 16.6 % et 5.3 % du budget
total alloué aux ministères et institutions, tandis que les parts allouées à l’agriculture et aux
infrastructures étaient respectivement de 6 % et de 3.7 %. Les dépenses courantes représentent
10.5 % du PIB, et les dépenses d’investissement seulement 4.8 %.
Le déficit budgétaire s’est creusé pour s’établir à 4.6 % du PIB en 2015 contre 2.3 % en 2014.
Le cadre macro-budgétaire pour la période 2016-18 reflète la volonté de financer le
développement à travers, notamment, une mobilisation accrue des ressources intérieures (12.4 %
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Perspectives économiques en Afrique
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Madagascar
du PIB en 2015), une meilleure qualité des dépenses d’infrastructures et de développement social,
et une politique d’endettement prudente.
Les perspectives sont favorables à un accroissement des dépenses d’investissements publics,
qui devraient représenter 5.2 % du PIB en 2016, tandis que les dépenses courantes devraient être
contenues à 10.6 % du PIB. Les recettes budgétaires sont projetées à 10.4 % du PIB en 2016 et 2017.
Les dépenses totales devraient s’établir à 15.9 % du PIB en 2016 puis à 17 % en 2017.
Ce cadrage macro-budgétaire vise à contenir le déficit budgétaire en dessous de 3.6 % du PIB
en 2016 et en 2017.
Tableau 3. Finances publiques (pourcentage du PIB aux prix actuels)
2007
2012
2013
2014
2015(e)
2016(p)
2017(p)
Total recettes et dons
16.0
10.8
10.9
12.4
12.3
12.8
13.4
Recettes fiscales
11.4
9.1
9.3
9.9
9.8
10.4
10.4
4.3
1.2
1.3
2.3
2.3
2.1
2.7
Total dépenses et prêts nets (a)
18.7
13.4
14.9
14.7
16.9
15.9
17.0
Dépenses courantes
Dons
11.0
10.7
11.8
10.8
10.5
10.6
11.4
Sans intérêts
9.9
10.0
11.1
10.2
9.6
9.7
10.4
Salaires et rémunérations
5.2
5.4
5.7
5.6
5.7
5.7
6.1
Intérêt
1.1
0.7
0.7
0.6
0.9
1.0
0.9
Dépenses d’investissement
7.6
2.7
3.1
3.9
4.8
5.2
5.6
Solde primaire
-1.6
-1.9
-3.3
-1.7
-3.6
-2.2
-2.7
Solde global
-2.7
-2.6
-4.0
-2.3
-4.6
-3.1
-3.6
Note : a. Seuls les principaux postes de recettes et de dépenses sont détaillés.
Source : Données des administrations nationales; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p).
Politique monétaire
Madagascar a un taux de change flexible. La politique monétaire et de change menée en 2015
a été prudente, dans le but de soutenir la croissance et de maintenir la stabilité des prix.
Malgré la baisse mondiale des cours du pétrole, le taux de l’inflation a atteint 8 % en 2015, son
niveau le plus élevé depuis 2011. Cette hausse a été provoquée par l’augmentation des prix des
produits locaux, des biens importés et de l’énergie. La hausse des prix des produits alimentaires a
cependant moins accentuée, notamment dans le cas du riz, principale denrée de consommation
de la population, dont le cours est resté stable sur le marché international.
La politique monétaire s’est traduite par un recours à la Banque centrale pour financer le déficit
budgétaire et par une croissance du crédit au secteur privé. Par conséquent, la masse monétaire
au sens large s’est sensiblement accrue, de 9.8 % en 2014 puis de près de 11 % en 2015. Malgré cette
accélération, les conditions de liquidité sont paradoxalement devenues plus restrictives pour la
majorité des banques, en raison notamment des mesures prises par la Banque centrale pour
abaisser, à la fois, le taux de réserves obligatoires, de 15 % à 13 %, et le taux directeur, de 9.5 % à
8.7 %, son premier ajustement depuis 2004.
Pour la politique de change, la Banque centrale a maintenu le régime de change flottant, dont
les taux sont déterminés quotidiennement sur le Marché interbancaire de devises. Elle publie
toutes les informations utiles (cours de référence, cours plancher, cours plafond) pour donner à
ce marché une bonne visibilité.
En 2016 et 2017, la politique monétaire continuera à favoriser la relance économique tout
en veillant maîtriser l’inflation. Dans cette perspective, la Banque centrale prévoit de renforcer
son autonomie dans la gestion de la politique monétaire et de change, ainsi que le rôle du taux
directeur dans la relance des investissements. Cette politique devrait permettre à l’économie
de mieux s’ajuster aux chocs extérieurs, notamment aux fluctuations des cours du pétrole et
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Perspectives économiques en Afrique
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Madagascar
des principaux produits d’exportation du pays tels que le cobalt et le nickel. L’inflation devrait
se maintenir autour de 7 % au cours des deux exercices, du fait de la relative stabilité des cours
du pétrole sur le marché international et d’une politique budgétaire compatible avec l’objectif de
stabilité macroéconomique.
Coopération économique, intégration régionale et commerce
En 2015, le commerce à l’exportation a été soutenu par le secteur minier (cobalt et nickel), qui
représente le tiers des exportations totales, et les produits manufacturés de la zone franche. Les
exportations ont connu une croissance de 12.6 % en 2014 puis de 8.7 % en 2015, grâce notamment
à l’entrée en exploitation commerciale de plusieurs projets miniers. Les importations ont connu
en 2015 une baisse en valeur de 1.3 %, reflétant en partie la chute des cours mondiaux du pétrole.
Le déficit commercial s’est ainsi résorbé : il a représenté 3 % du PIB en 2015 contre 4.3 % en 2014,
bénéficiant à la fois d’une bonne tenue des exportations, – produits miniers, produits de la zone
franche ou produits traditionnels (vanille et essence de girofle notamment) – et d’une baisse des
importations (produits alimentaires, produits pétroliers, biens d’équipements).
En 2015, le solde courant de la balance des paiements a néanmoins enregistré un déficit
représentant 2.3 % du PIB (contre 0.2 % en 2014) suite à la baisse du tourisme, à l’augmentation
des transferts de dividendes et à la baisse des aides budgétaires non remboursables. Il faut
noter que les échanges de la Grande Île avec les communautés économiques régionales restent
relativement faibles, la plupart des opérateurs s’intéressant peu à ces marchés de proximité,
encore peu accessibles compte tenu de la faible compétitivité des produits malgaches.
En termes de perspectives, le déficit du solde courant devrait rester modéré, pour représenter
1.7 % du PIB en 2016 et 2 % en 2017. Cette tendance traduira d’une part la hausse des exportations
des produits miniers et des produits manufacturés des zones franches, surtout à destination des
États-Unis, grâce à la réintégration de Madagascar dans le traité de libre-échange entre les ÉtatsUnis et l’Afrique (Agoa) ; elle traduira également la reprise des investissements directs étrangers
(IDE) dans les secteurs minier, touristique et financier ; elle traduira enfin les importants
investissements attendus dans les infrastructures.
Tableau 4. Comptes courants (en pourcentage du PIB)
2007
2012
2013
2014
2015(e)
2016(p)
Balance commerciale
-13.6
-11.1
-7.7
-4.3
-3.0
-4.3
-4.7
Exportations de biens (f.o.b.)
16.9
15.5
18.4
17.2
22.5
24.6
25.5
Importations de biens (f.o.b.)
30.5
26.5
26.1
21.5
25.5
28.9
30.2
Services
-2.4
1.5
-0.7
0.7
-0.3
1.0
0.9
Revenu des facteurs
-0.8
-3.2
-3.2
-2.3
-4.1
-3.9
-3.8
Transferts courants
Solde des comptes courants
2017(p)
4.1
6.0
6.0
5.7
5.1
5.5
5.6
-12.7
-6.7
-5.6
-0.2
-2.3
-1.7
-2.0
Source : Données de la Banque centrale et des administrations nationales; calculs des auteurs pour les estimations (e) et
les prévisions (p).
Politique de la dette
Le stock de la dette de Madagascar était estimé, fin 2015, à 3.294 milliards USD, composé
à hauteur de 74.1 % de dette extérieure et de 25.9 % de dette intérieure. Ce stock équivaut à
40.6 % du PIB, contre 35.2 % fin 2014. La dépréciation marquée du taux de change nominal en
2015 a contribué à alourdir le poids de la dette extérieure, qui représentait 30.7 % du PIB fin 2015,
contre 10 % pour la dette intérieure. Plus de la moitié de la dette extérieure est due aux banques
multilatérales de développement, avec des conditions hautement concessionnelles.
Selon le FMI, qui a analysé en novembre 2015 la viabilité de la dette, le risque de surendettement
extérieur de Madagascar est modéré. Le risque s’est néanmoins accru par rapport à l’analyse de
© BAfD, OCDE, PNUD 2016
Perspectives économiques en Afrique
7
Madagascar
2014, en raison notamment de la détérioration du taux de change nominal de 2015. L’analyse
estime cependant que la dette publique totale contractée ou garantie par l’État reste soutenable,
bien que la faiblesse de la mobilisation des recettes fiscales représente une source de vulnérabilité.
L’encours de la dette intérieure a augmenté de 12.5 % en 2015 par rapport à 2014. Cet
accroissement s’explique par l’augmentation des tirages de bons du trésor par adjudication
(BTA), l’émission des nouveaux bons du trésor dits « Fihary » (BTF) et la signature des nouvelles
conventions avec la Banque centrale de Madagascar.
Pour améliorer la gestion de la dette publique, atténuer les risques budgétaires et assurer
la viabilité de la dette à long terme, les pouvoirs publics ont adopté en 2015 un décret fixant les
modalités et procédures d’octroi de garantie sur les emprunts du Gouvernement central. Un autre
décret a créé un Comité technique de la dette, et en a précisé les attributions, la composition
et les modalités de fonctionnement. Ce comité a pour rôle de définir la stratégie de la gestion
de la dette, de statuer sur tout projet de contraction de nouvel emprunt intérieur ou extérieur,
de statuer sur les demandes de garantie du Gouvernement Central ainsi que sur tout projet de
rétrocession de fonds d’emprunt et sur toutes les opérations de traitement de la dette publique.
Le comité doit aussi valider toutes les analyses techniques réalisées en amont de l’emprunt.
Enfin, les pouvoirs publics ont adopté en 2015 un document de Stratégie de gestion de la dette à
moyen terme (2016‑18). Cette stratégie définit la structure du portefeuille de la dette nationale.
Madagascar publie aussi chaque année deux bulletins statistiques de la dette. Cette dernière
répond aux critères du logiciel Sygade 6 (Système de gestion et d’analyse de la dette).
Graphique 2. Part de l’encours de la dette extérieure dans le PIB et ratio du service de la dette sur les exportations
Dette extérieure (publique et privée) /PIB
%
Service de la dette /Exportations
60
50
40
30
20
10
0
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
Source : FMI (WEO & Article IV).
Gouvernance économique et politique
Secteur privé
Madagascar doit déployer davantage d’efforts pour encourager l’entreprise. Dans l’édition
2016 de Doing Business, le rapport annuel de la Banque mondiale sur l’environnement des affaires,
Madagascar est classé 164e sur 189 pays considérés : il a encore reculé d’une place après en
8
Perspectives économiques en Afrique
© BAfD, OCDE, PNUD 2016
Madagascar
avoir perdu six l’année précédente. Il n’enregistre pas de progrès en matière de raccordement à
l’électricité et il reste confronté au coût élevé de l’énergie. L’obtention de prêts et l’octroi de permis
de construire, le transfert de propriété, l’exécution des contrats et le règlement de l’insolvabilité
nécessitent des réformes urgentes. Selon Doing Business, le climat des affaires et la compétitivité
sont handicapés, entre autres, par l’instabilité politique, les difficultés d’accès au financement,
la corruption, l’insuffisance d’infrastructures, l’insécurité des biens et des personnes, le niveau
des prélèvements fiscaux sur les entreprises formelles, une main d’œuvre peu compétitive, et
l’inefficacité de l’administration. Conscient des contraintes structurelles de l’environnement
des affaires, les autorités ont adopté des mesures en 2015 pour opérationnaliser le cadre de
concertation et d’action public-privé et restaurer la confiance entre le secteur public et le secteur
privé. L’Economic Development Board of Madagascar (EDBM) a été restructuré et redynamisé avec
l’adoption, en 2015, d’un décret portant application de la loi sur les zones et entreprises franches à
Madagascar. D’autres actions sont en cours, notamment l’examen de la politique d’investissement
(EPI), la définition de la politique commerciale et la formulation d’une stratégie de lutte contre la
corruption avec l’appui du PNUD.
Secteur financier
Le secteur financier malgache est peu diversifié et développé. Au 31 décembre 2014, il
comptait onze banques, toutes filiales de banques étrangères, cinq établissements financiers et
31 institutions de microfinance (IMF). Le pays ne dispose pas de marché boursier, ni de marché
à terme d’instruments financiers. Le taux de bancarisation est faible : seulement 6 % de la
population disposent de comptes bancaires. La majorité des Malgaches s’orientent donc vers les
IMF dont les interventions sont encadrées par la Stratégie nationale de finance inclusive (SNFI)
2013-17. Le taux de pénétration des IMF est passé de 22.69 % de la population en 2012 à 28.1 % en
2014, et le nombre de clients a augmenté de 30.8 % entre 2012 et 2014.
La santé du système financier malgache apparaît globalement stable. Selon le rapport du FMI
en 2015, les fonds propres par rapport aux actifs pondérés par les risques étaient de 13.5 % au
30 juin 2015, contre 13.3 % six mois plus tôt. La proportion des créances douteuses par rapport
au total des prêts s’élevait à 11.5 % à la même date, un pourcentage modéré, contre 12 % fin
2014. Le secteur apparaissait par ailleurs relativement liquide. Le total des dépôts de la clientèle
représentait 151.5 % du total des prêts fin juin 2015, contre 145.8 % six mois plus tôt.
Les banques malgaches sont également en situation de surliquidité. Selon la Banque centrale,
la trésorerie représentait 43.6 % du total des actifs des banques et établissements financiers fin
2013, et 42.7 % fin juin 2014. Malgré cette surliquidité, la mobilisation des financements à long
terme demeure difficile en raison de l’extrême prudence des banques dans un contexte de risque
élevé. Ainsi, les crédits à moyen et long terme ne représentaient que 43 % des crédits à l’économie
fin septembre 2014, le même niveau que fin 2013.Le secteur financier non bancaire malgache est
également peu développé. Le marché de l’assurance ne compte que cinq compagnies d’assurance,
dont deux entreprises publiques contrôlant l’essentiel du marché. Les différents régimes de
pension et les plans d’épargne pour le troisième âge ne concernent que les travailleurs du secteur
formel (soit moins de 10 % de la population), laissant de côté la plupart des travailleurs du secteur
informel.
En termes de perspectives, les autorités se sont engagées, dans le cadre de la Facilité de crédit
rapide (FCR) du FMI, à poursuivre la réforme du secteur financier et à mettre en place les bases
de développement d’un marché financier, à améliorer la supervision du système bancaire et la
réglementation financière, et à reformer et renforcer le contrôle du secteur de la microfinance.
Gestion du secteur public, institutions et réformes
Le processus de privatisation des entreprises publiques a été interrompu par l’irruption de la
crise politique en 2009. Toutefois, le PND met un accent particulier sur les réformes structurelles
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Perspectives économiques en Afrique
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Madagascar
et prévoit, notamment, un programme de réorganisation des entreprises publiques (dont la
Jirama, la compagnie chargée de la distribution de l’eau et de l’électricité, et Air Madagascar),
un soutien au mécanisme de formation des prix basé sur les coûts, et le raffermissement d’une
gestion économique régie par le marché. Par ailleurs, dans le cadre de la FCR du FMI, les autorités
ont continué à engager des actions pour éliminer définitivement, fin 2015, le régime de subvention
des prix des carburants et réduire les dépenses les moins productives pour améliorer l’efficacité
et la qualité des dépenses publiques. La subvention temporaire aux transports en commun,
accordée initialement pour atténuer l’impact de la hausse des prix des carburants sur le tarif des
transports, sera également éliminée progressivement, et la publication du décret d’application de
la loi 2014-04 relative aux entreprises publiques à caractère commercial a clarifié le rôle de l’État
dans la gestion des entreprises publiques.
Au cours de l’année 2015, la gestion des finances publiques a été ponctuée par des réformes
visant à générer l’espace budgétaire nécessaire au financement public des dépenses prioritaires
du PND ainsi qu’à garantir une plus grande stabilité macroéconomique à travers le renforcement
de la Banque centrale et la mise en œuvre de politiques monétaires plus appropriées. En outre,
la priorité a été accordée à l’amélioration de la qualité des dépenses publiques, à travers une
meilleure priorisation et une budgétisation pluriannuelle axée sur les résultats, le renforcement des
procédures de passation des marchés publics et du contrôle des soldes comptables. Ces réformes
sont en phase avec les grandes lignes du plan d’actions prioritaires 2014-15 de renforcement de la
gestion financière publique. Une stratégie de réforme de la gestion des finances publiques pour la
période 2016-20 est en cours d’élaboration. Les autorités entendent consolider et amplifier en 2016
les efforts de réformes déployés, notamment en finalisant et en mettant en œuvre la stratégie à
moyen terme d’amélioration de la gestion des finances publiques.
Gestion des ressources naturelles et environnement
Avec 15 types d’écosystèmes terrestres et six écosystèmes marins et côtiers, Madagascar abrite
près de 5 % de la biodiversité mondiale. Le pays a ratifié la plupart des conventions internationales
relatives à l’environnement et il a mis en œuvre plusieurs politiques, programmes et projets
(dont 17 financés par les fonds climatiques en 2013) pour mieux gérer et protéger les ressources
naturelles, avec un accent particulier accordé au renforcement des capacités institutionnelles.
Dans le cadre du Mécanisme de développement propre (MDP), cinq projets ont été enregistrés
au niveau du Conseil exécutif du MDP, couvrant les secteurs de l’hydro-électricité, de l’énergie
solaire et du traitement des eaux. Les questions liées à la gestion des ressources naturelles
impliquent plusieurs ministères (eau, énergie, environnement, ressources stratégiques, etc.) dont
la coordination manque encore d’efficacité.
Madagascar s’efforce d’élargir les aires protégées gérées par Madagascar National Parcs (MNP),
l’organisme en charge des parcs nationaux. Leur superficie est ainsi passée de deux millions
d’hectares en 2003 à sept millions en 2015, dont plus de quatre millions pour les parcs nouvellement
créés. L’exploitation forestière illégale de bois précieux menace cependant gravement les
écosystèmes et la biodiversité du pays, et elle constitue un risque pour les communautés dont
la survie dépend en grande partie de l’exploitation de ces ressources. Pour endiguer ce fléau, un
Comité interministériel chargé de l’assainissement de la filière bois de rose et bois d’ébène a été
mis en place en 2014. Une loi adoptée en 2015 durcit les peines contre les trafiquants de bois de
rose et d’ébène.
En termes de perspectives, la mise en œuvre du PND devrait accroître la contribution des
ressources naturelles à l’économie (recettes fiscales, créations d’emplois, etc.).
Contexte politique
L’année 2015 a été marquée sur le plan politique par la consolidation du processus démocratique
et institutionnel mis en place en 2014. Un nouveau Premier ministre a été nommé en janvier à
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Perspectives économiques en Afrique
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Madagascar
la tête du second gouvernement post-transition, des élections municipales ont été organisées
en juillet et sénatoriales en décembre, et le pays a adopté une politique de décentralisation. Une
loi d’amnistie a été adoptée au parlement, permettant la libération des prisonniers politiques,
puis des assises sur la réconciliation nationale se sont tenues en avril avec la participation des
anciens présidents, dont Marc Ravalomanana rentré d’exil en octobre précédent, et en présence
de quelques 2000 délégués. Un séminaire national s’est tenu en octobre 2015 sur la réforme du
secteur de la sécurité. Le gouvernement a par ailleurs lancé une « Initiative de résultats rapides »
pour renforcer la culture du résultat dans l’administration. Le lancement des consultations
nationales et la participation de Madagascar aux rencontres internationales sur les objectifs de
développement durable (ODD) ont contribué à repositionner le pays sur la scène internationale.
Après les motions parlementaires de déchéance du président et de censure du gouvernement qui
avaient fragilisé la situation politique au début de l’été 2015, un pacte de stabilité a été conclu entre
les parties prenantes. Le gouvernement a finalisé le PND et conclu un programme de réformes
de gouvernance. Par ailleurs, avec l’appui des partenaires techniques et financiers (PTF), les
autorités malgaches préparent l’organisation en 2016 de la deuxième phase de la Conférence des
bailleurs de fonds et investisseurs de Madagascar. La première phase s’était tenue en octobre 2015
à Lima (Pérou).
La situation politique reste cependant fragile. Les principaux défis politiques de 2016
consisteront à mener à terme le processus de réconciliation nationale, à mettre en place le Sénat
et à organiser les élections régionales, tout en assurant une base politique stable pour la mise en
œuvre du programme de réduction de la pauvreté et de développement
Contexte social et développement humain
Développement des ressources humaines
Madagascar fait partie des pays qui n’ont pas réalisé leurs objectifs du millénaire pour le
développement (OMD). Selon les données les plus récentes fournies par l’enquête nationale de
suivi des OMD de 2012-13 (ENSOMD 2012-13), des progrès ont été accomplis en matière d’éducation
universelle, avec un taux d’achèvement du cycle primaire passant de 47 % en 2004 à 69 % en
2012. Mais le taux net de scolarisation a fortement reculé, passant de 96.8 % en 2006 à 69.4 % en
2012 (70.8 % pour les filles et 68.1 % pour les garçons). Ainsi, près de 30 % des enfants malgaches
ne fréquentaient plus l’école primaire alors qu’ils n’étaient que 3 % en 2006, une désaffection
qu’expliquent notamment l’insuffisance de l’offre éducative et les problèmes financiers des
parents. Selon l’Unicef, 78 % des enfants vivent dans la pauvreté et plus de la moitié des enfants
de 5 à 14 ans sont privés d’un assainissement amélioré, notamment en milieu rural.
En matière de santé, Madagascar est confronté de longue date à une épidémie de peste noire
provoquant chaque année des dizaines de décès. Le niveau de mortalité des moins de 5 ans a
stagné entre 2009 et 2012. En 2012, le taux de mortalité maternelle s’élevait encore à 478 décès
pour 100 000 naissances vivantes, alors que la cible pour 2015 était de 127 décès. La prévalence
du sida est faible, avec un taux de 0.3 % en 2014 (source : Onusida). La sécurité alimentaire est
préoccupante, et 47.3 % des enfants de moins de 5 ans souffrent de malnutrition chronique. Le
taux de mortalité liée au paludisme est passé de 5.8 % en 2011 à 6.53 % en 2012. La tuberculose sous
toutes ses formes a touché 119 personnes pour 100 000 habitants en 2012, mieux que l’objectif de
128 cas en 2015. Les politiques de prévention et de traitement du VIH/Sida, de la tuberculose et
du paludisme sont en place, mais le pays doit accroître les ressources publiques et accélérer les
réformes de gouvernance pour se rapprocher des objectifs du millénaire.
La trop faible mobilisation des ressources pour l’investissement et les difficultés de gouvernance
en 2014 et en 2015 n’ont pas permis à l’État d’atteindre les objectifs d’accès aux services sociaux de
base. Les budgets sociaux, déjà limités, sont exécutés en deçà des objectifs, et ont donc un impact
très limité sur la pauvreté. Dans ce contexte, le niveau de développement humain est resté faible.
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Perspectives économiques en Afrique
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Madagascar
Avec un IDH de 0.510 (sur une échelle de un), Madagascar s’est classé au 155e rang du rapport 2015
des Nations Unies sur le développement humain (sur 189 pays considérés). Les données les plus
récentes seront analysées en 2016 pour la définition des objectifs de développement durable.
Réduction de la pauvreté, protection sociale et travail.
Le niveau élevé de la pauvreté à Madagascar mérite une attention particulière dans le contexte
global de recul de la pauvreté en Afrique ces dernières années (rapports du PNUD sur les OMD et
de la Banque Mondiale sur la pauvreté). De fait, la pauvreté se généralise à Madagascar, où elle
affecte plus des trois quarts de la population rurale.
Le pays fait face à des inégalités croissantes entre le secteur urbain et le secteur rural. Selon
les données de l’enquête sur les OMD 2012-13, réalisée par l’Institut national de la statistique
(Instat) avec l’appui des PTF, le taux global de pauvreté monétaire était estimé en 2012 à 71.5 %,
en dégradation par rapport à 1993 (70 %) et 2001 (69.6 %). Le ratio de pauvreté en milieu rural
dépassait 75 %, et même 90 % dans le sud de l’île, contre 31 % dans la capitale et 55 % dans les
villes secondaires. En termes de groupes socio-économiques, le taux de pauvreté est plus élevé
chez les agriculteurs (entre 79 % et 86 % des ménages selon la taille de leur exploitation), suivis
des travailleurs indépendants (43 %). Madagascar enregistre un taux de sous-emploi très élevé,
avec une généralisation des emplois inadéquats (bas salaires, contrats précaires, sous-emploi des
qualifications) qui touchent plus de 80 % des travailleurs, notamment les femmes en milieu rural
et les jeunes. Les différents régimes de pension et les plans d’épargne pour le troisième âge ne
concernent que les travailleurs du secteur formel (soit moins de 10 % de la population), laissant
de côté la grande majorité des travailleurs du secteur informel.
Au regard de cette situation sociale précaire, différent filets de sécurité sociale sont mis
en œuvre par les institutions publiques et les PTF pour aider les ménages les plus défavorisés.
Un ambitieux programme de travaux à haute intensité de main d’œuvre se met également
progressivement en place, permettant de rémunérer les travailleurs participant à des chantiers
publics. Ce programme, qui vise à réduire l’extrême pauvreté, s’inscrit dans une stratégie globale
de réduction de la pauvreté et de promotion de l’emploi en faveur des populations les plus
vulnérables. Toutefois, l’ampleur de ces programmes sociaux et leurs niveaux de financement
sont inadéquats pour protéger la majorité des groupes concernés. Dans le cadre de la Politique
nationale de protection sociale (PNPS), validée en septembre 2015, Madagascar a obtenu un accord
de financement de la Banque mondiale, d’un montant de 40 millions USD sur quatre ans et devant
concerner 750 000 bénéficiaires. La PNPS sera mise en œuvre dans cinq régions rurales (Vatovavy
Fitovinany, Haute Matsiatra, Atsimo Andrefana, Atsinanana et Vakinankaratra), avec l’appui des
agences des Nations Unies (Unicef, Bureau international du Travail, etc.).
Une enquête sur les ODD sera lancée en 2016 par l’Instat avec l’appui des Nations Unies
pour fournir des données récentes sur la pauvreté, les inégalités et d’autres indicateurs du
développement.
Égalité hommes-femmes
Madagascar s’efforce de promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes. Avec un
score de 71.2 contre 67.4 en 2014, le pays s’est classé au huitième rang sur 54 pays considérés de
l’indice Mo Ibrahim, mieux que la note moyenne de l’Afrique (54.8). Le taux de bancarisation des
personnes âgées de 15 ans et plus était à peine de 5.98 % en 2014 pour les hommes et de 5.5 %
pour les femmes en 2014 (contre respectivement 6.5 % et 4.61 % en 2011). En matière d’éducation
(selon le baromètre de la Communauté de développement d’Afrique australe - SADC), la parité
hommes/femmes est effective au niveau de l’enseignement primaire et secondaire. Mais au
niveau de l’enseignement supérieur et de la formation technique et professionnelle, les femmes
ne représentent respectivement que 48 % et 38 % des inscrits, contre 52 % et 62 % pour les hommes.
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Perspectives économiques en Afrique
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Madagascar
Concernant la participation des femmes à la vie politique, le Gender Gap Index situe Madagascar
à la 73e place (sur 145 pays considérés) en termes de présence au parlement, avec un indice de
26 sur 100, et à la 62e place, avec un indice de 25, en termes de présence au niveau ministériel. Parmi
les pays membres de la SADC, les femmes malgaches sont les plus faiblement représentées dans
les instances de prise de décisions économiques. Madagascar se doit de renforcer la promotion
des droits économiques des femmes, notamment leur accès à la propriété foncière, et de lutter
contre les violences faites aux femmes.
Analyse thématique : villes durables et transformation structurelle
La géographie économique de Madagascar est caractérisée par une double disparité entre
les villes et le milieu rural d’une part, et entre les différentes régions d’autre part. Ces inégalités
se reflètent aux niveaux des opportunités économiques et des dotations en infrastructures
économiques et sociales. L’amorce du processus de développement durable passe par une
transformation structurelle de l’économie, ce qui implique une réallocation de ressources vers
des secteurs plus productifs, et une meilleure intégration économique des zones rurales et des
zones urbaines à travers la mise en œuvre de politiques publiques favorisant la gestion rationnelle
et organisée du territoire et une maîtrise du phénomène d’urbanisation rapide.
Dans ce contexte, l’articulation entre le développement économique et le développement
urbain nécessitera un réexamen des politiques territoriales et des investissements. Des
économies d’agglomération, l’élargissement des marchés et la meilleure connectivité qui en
résultent permettent des gains de productivité et des économies d’échelle. Madagascar est en
cours d’urbanisation progressive avec un rythme plus ou moins soutenu ces dernières années.
Le niveau d’urbanisation est passé de 11 % de la population en 1960 à 22 % en 1990, 27 % en
2005 et 37 % en 2013, avec une population urbaine estimée à 6.9 millions d’habitants en 2013.
La population urbaine s’est accrue au rythme moyen de 4.7 % par an entre 2010 et 2015, plus
rapidement que la population rurale. Selon les projections, la population urbaine devrait compter
18 millions de personnes à l’horizon 2035.
En termes administratifs, le pays compte 1 693 communes dont 172 villes. Antanarivo
comprise, qui dispose du statut particulier de « métropole nationale », 76 villes ont le statut de
« commune urbaine », dont 8 communes de première catégorie ayant un statut de « métropole
régionale » et 67 communes de deuxième catégorie qualifiées de « moyennes et petites villes ».
Sur les 1 617 communes rurales, 99 sont des communes rurales de première catégorie et 1 520 de
deuxième catégorie.
Sur le plan économique, les villes malgaches génèrent les deux tiers du PIB national et
concentrent presque toutes les grandes entreprises et les principales activités économiques.
Cette concentration est d’autant plus forte dès qu’il s’agit d’activités à forte valeur ajoutée ou
qui requièrent un niveau élevé d’expertise. De même, les opportunités d’emploi et de bonnes
rémunérations sont plus ouvertes dans les villes ou dans leurs périphéries. Environ 72 % des
revenus des ménages sont générés en secteur urbain. Les grandes villes regroupaient 56 % des
entreprises du secteur du textile et de la communication en 2003, et 71 % en 2008.
Dans les zones urbaines, l’économie informelle représente une part significative de la
production et des emplois, surtout en période de crise et d’après crise. Cette situation reflète
les difficultés d’insertion professionnelle des jeunes citadins, dont 29.4 % ont un faible niveau
d’instruction. Les IDE dans le secteur textile et le secteur minier contribuent beaucoup à
l’augmentation des recettes fiscales et à la création d’emplois dans les villes et leurs banlieues
(par exemple à Toamasina et à Fort Dauphin).
Le taux de pauvreté en milieu urbain était en 2012 de 49 %, contre 71.5 % en moyenne nationale.
Concernant les autres paramètres de la pauvreté, 72 % des citadins vivent dans des bidonvilles,
61 % ont accès à l’eau potable, seulement 35 % à l’énergie domestique, 40 % aux transports en
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Perspectives économiques en Afrique
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Madagascar
commun, et 62 % à des installations sanitaires améliorées et à des systèmes de gestion des déchets
solides. La pollution de l’air est au-dessus de la norme avec 150 microgrammes de particules fines
par mètre cube. Au niveau du sol et de l’eau, la pollution est également importante à cause des
déchets industriels et ménagers. La pollution et les impacts probables du changement climatique
sur les zones urbaines affectent fortement la population (inondations, éboulements, etc.) et
les activités économiques dans les zones péri-urbaines, mais également rurales (tarissement
des ressources, sécheresses à répétition, diminution des rendements). Par ailleurs, le taux de
criminalité est passé de 1.39 infraction pour 1 000 habitants en 2011, année de crise politique et
sociale, à 0.91 en 2013, année d’une certaine reprise économique. Malgré cette baisse relative,
l’insécurité des biens et des personnes demeure une entrave au développement des villes, surtout
dans les quartiers ou zones urbaines marginalisées.
Le réseau urbain fonctionne actuellement sur un maillage urbain caractérisé par une
discontinuité très marquée entre les villes. Les réseaux urbains régionaux s’organisent à partir
des réseaux marchands du pays. Le maillage du territoire est dominé par la logique selon
laquelle plusieurs cellules de producteurs des zones rurales interagissent avec les cellules de
consommateurs des villes. Le lien entre villes et campagnes reflète le passage d’une économie
vivrière à une économie de marché, avec une intensification des échanges non seulement
entre les villes, mais également entre les villes et l’arrière-pays. Le réseau urbain national de
Madagascar se caractérise par l’esquisse d’une intégration des nouvelles technologies (téléphonie
mobile, internet, etc.) et d’un renforcement des services (transports, multimodalité, etc.) dans le
fonctionnement et l’organisation des agglomérations.
Sur le plan institutionnel, la gestion urbaine implique trois entités, à savoir le ministère de la
Décentralisation et de l’Intérieur, le ministère de l’Aménagement du territoire, et chaque Commune
urbaine. Les villes malgaches disposent généralement d’un budget extrêmement limité, du fait de
la faible attribution budgétaire de l’État et de leur difficulté à mobiliser des ressources financières
locales, notamment fiscales. Seulement 5 % du budget national est affecté aux collectivités locales
et aux administrations régionales, et plus des trois quarts du budget des villes sont constitués par
leurs ressources propres : i) les redevances sur les opérations commerciales ; ii) les taxes indirectes
à travers la fiscalité foncière ; et iii) les redevances sur les services publics. Si la concentration
des entreprises et de leurs clients et le dynamisme des activités économiques sont à la base
du poids économique des villes et contribuent à l’amélioration de leur fiscalité locale, elles sont
loin d’être fiscalement et financièrement autonomes. Pour pallier cette carence de ressources, les
villes déploient des efforts de mobilisation financière au niveau local à travers des partenariats
public-privé et des coopérations décentralisées.
Les politiques publiques nationales se préoccupent peu du phénomène de l’urbanisation,
se focalisant sur le développement rural, le volet social et la protection de l’environnement.
Les initiatives concernant les villes sont menées de façon ponctuelle, sans véritable politique
d’ensemble. Toutefois, à la suite des diverses actions de sensibilisation et de mobilisation sur
la relance du secteur urbain (Forums nationaux urbains de 2013 et de 2015), il est encourageant
de noter l’amorce d’un changement de perception de la part des dirigeants et des partenaires
financiers, ce qui pourrait conduire à une prise de conscience de la nécessité d’élaborer et de
mettre en œuvre une véritable stratégie de développement urbain. Le PND considère ainsi le
secteur urbain comme l’un des secteurs moteurs stratégiques pouvant exercer une influence
déterminante sur le développement du pays. Les problèmes récurrents dans la capitale
d’assainissement, d’accès à l’eau, à l’énergie, aux services de santé et d’éducation, ou encore les
problèmes de gestion foncière et d’entretien de la voirie ont mis en exergue des défis multiples
que génère l’urbanisation rapide dans un contexte de pauvreté généralisée et de fragilité du pays.
Pour répondre aux multiples défis de durabilité que pose l’urbanisation, notamment en termes
d’infrastructures et de capacités de gestion rationnelle des territoires, les pouvoirs publics ont
engagé, en 2015, la formulation d’une Politique nationale de développement urbain (PNDU).
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