40% 3,7% 1,6% 50 jours 1,7% 27% 2,5% Yuan C’est la dette gouvernementale de la Chine rapportée à son PIB. L’Etat peut continuer d’alimenter le cycle du crédit. Page 2 C’est la croissance américaine au 2e trimestre, qui a été revue à la hausse. Page 4 contre 1,8% précédemment, pour les attentes d’inflation à long terme en Europe. Page 5 C’est la durée moyenne d’un régime de volatilité supérieur à 25% et que nous qualifions de risque systémique. Page 6 C’est la plus-value engrangée par les obligations du Trésor américain entre le 20 juillet et le 24 août. Page 7 de correction de la bourse de Shanghai suite à la modification de la politique de change des autorités chinoises. Page 10 C’est la hausse du cours du platine durant le mois d’août. Elle reflète la probabilité d’une réduction progressive de l’offre. Page 11 Les interventions récentes de la Banque populaire de Chine n’indiquent pas de volonté de laisser la monnaie se déprécier. Page 12 Malgré la Chine, l’économie mondiale maintient le cap Septembre 2015 LE COMMENTAIRE Les inquiétudes suscitées par la Chine ne désarçonnent pas l’économie mondiale La fin de l’été a été agitée pour les marchés financiers. Le nouveau mouvement de vente des actifs chinois s’est propagé au reste du monde. Il a amplifié les craintes concernant les perspectives économiques du pays, après la dévaluation du yuan. Les évolutions récentes des marchés chinois relèvent plus d’une correction brutale que d’un début de baisse durable. Parallèlement, la reprise se confirme aux Etats-Unis et dans la zone euro. Il faut replacer les évolutions récentes en Chine dans le contexte des tendances économiques de long terme. Le pays connaît une période de transition délicate, à mi-chemin entre la «période émergente» (1990-2006 environ), qui a vu le pays adopter le capitalisme et engranger des taux de croissance réelle impressionnants (12% à 13% par an), et la «maturité», qui devrait débuter avant 2020 et être caractérisée par une stabilisation de la croissance autour de 5%. Christophe Donay Responsable de l’allocation d’actifs et de la recherche macroéconomique Chef stratège Pékin doit donc réussir un virage périlleux, pour passer d’un modèle économique basé sur l’investissement et les exportations à une croissance qui repose sur la consommation. Mais cette transition a été retardée et compliquée par les répercussions de la crise des subprimes aux Etats-Unis, crise qui a forcé les autorités chinoises à opter pour un programme de relance important. Cela a permis de protéger la trajectoire de la croissance, mais au prix d’importants déséquilibres. La grande question est de savoir si les autorités chinoises parviendront à gérer cette phase de transition sans krach économique ou financier. A notre avis, et pour deux raisons, il est probable qu’elles échouent. La première est que la Chine reste excessivement dépendante de l’investissement. La seconde est que, ces dernières années, la croissance a été portée par la dynamique du crédit. Elle dépasse largement la croissance du PIB nominal (voir graphique) et génère une dangereuse instabilité au sein de l’économie. Ces déséquilibres sont annonciateurs d’un moment Minsky1 en Chine, c’est-à-dire d’un effondrement brutal des prix des actifs. La date est impossible à prévoir mais, sauf erreur politique majeure des autorités, les conditions ne semblent pas réunies pour le moment. La dette publique équivaut à tout juste 40% du PIB (contre environ 100% dans les économies développées), ce qui signifie que l’Etat peut continuer d’alimenter le cycle du crédit et conserver une croissance économique proche de nos prévisions (6,5%) cette année et l’an prochain. Mais, même si les autorités disposent des ressources nécessaires pour éviter un krach aujourd’hui, cela ne durera pas éternellement car les déséquilibres continuent de se creuser. Pourtant, à l’heure actuelle, la Chine enregistre encore une croissance soutenue, augurant à notre avis de perspectives économiques mondiales favorables. |2| perspectives |septembre 2015 EXCÈS DE CRÉDIT: ENCOURS DE CRÉDIT ET PIB NOMINAL (VARIATION SUR UN AN EN %) % 34 32 30 28 26 24 22 20 18 16 14 12 10 8 6 4 : Excès de crédit Encours de crédit (financement social total) PIB nominal 2003 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 Source: Pictet WM - AA&MR, Datastream Aux Etats-Unis, les signes d’une croissance portée par la consommation se multiplient. La baisse des cours des matières premières dope les revenus réels. Nous pensons donc que les Etats-Unis connaîtront un deuxième semestre 2015 plus solide. Des signes encourageants sont également visibles en zone euro, mais ils sont plus modérés. Aux Etats-Unis et en zone euro, l’expansion économique est soutenue par la croissance du crédit, fermement ancrée autour de 7% en glissement annuel outre-Atlantique, et enfin positive dans l’union monétaire (autour de 1% sur un an). Ces perspectives relativement positives pour l’économie mondiale devraient permettre un rebond des marchés, même s’il faut probablement s’attendre à un second pic de volatilité (qui intervient en général 28 jours après le premier, sur la base des corrections passées). Dans ce scénario, la tendance haussière des actions des marchés développés devrait rester intacte. 1 Un «moment Minsky» est un effondrement soudain des marchés, qui survient après une longue période de spéculation ou de croissance déséquilibrée et financée par un excès de crédit. Selon ce concept, ces périodes mènent à des crises, car l’envolée de la valeur des investissements incite à une spéculation accrue. Il tient son nom de l’économiste Hyman Minsky, qui expliquait que les marchés, notamment les marchés haussiers, étaient instables par nature. Il avait été créé pour décrire la crise de la dette asiatique en 1997. La crise des subprimes aux Etats-Unis en est un autre exemple. «Perspectives» est également disponible en ligne. Suivez quotidiennement et abonnez-vous à nos vues sur l’économie, les marchés et les tendances séculaires sur http://perspectives.pictet.com perspectives |septembre 2015 |3| MACROÉCONOMIE La Chine tremble, l’économie mondiale résiste Les acteurs économiques et financiers s’interrogent sur l’intensité de la croissance économique chinoise. Le fléchissement d’indicateurs avancés fait craindre un ralentissement brutal. Les moyens dont disposent les autorités pour contrer les forces déflationnistes restent néanmoins substantiels. Christophe Donay, Nadia Gharbi, Jacques Henry et Bernard Lambert Alors que la Chine inquiète, la croissance de l’économie mondiale reste soutenue par l’accélération de la croissance américaine et par celle, plus modeste, de l’Europe. L’objectif de croissance économique des autorités chinoises se situe autour de 6,5%. Pour contrer le ralentissement, la Banque populaire de Chine (BPC) dispose de deux outils efficaces pour stimuler le crédit: l’abaissement des taux de réserve obligatoire des banques et la réduction des taux directeurs. La politique budgétaire dispose quant à elle encore de suffisamment de marge de manœuvre pour stimuler les dépenses en infrastructures. L’Empire du milieu poursuit ainsi sa politique globale de type stop-and-go, qui correspond à une politique économique stimulante lorsque l’activité ralentit et à un ralentissement des injections de crédit lorsqu’elle accélère. L’alternance entre les espoirs et les craintes de ralentissement génère de la volatilité, à la fois dans la sphère économique et financière. Chine: le scénario d’un hard landing cette année reste peu probable La timide amélioration conjoncturelle observée au 2e trimestre a débouché sur une nouvelle détérioration en juillet-août, notamment au niveau des indices des directeurs d’achat (PMI) et des chiffres du commerce extérieur. La perception négative a encore été amplifiée par le krach boursier. Cette dégradation économique doit toutefois être relativisée. D’une part, elle s’explique en partie par des facteurs non récurrents: cyclones sur la côte, frein temporaire à la production polluante dans la région de Pékin et explosion à Tianjin. D’autre part, le secteur des services – qui a sensiblement gagné en importance dans l’économie chinoise – paraît se porter nettement mieux que le secteur manufacturier. Dès lors, que faut-il anticiper? La récente dévaluation du yuan (voir pages 7 et 12) ne devrait pas apporter un soutien important, mais les injections de liquidités, les baisses de taux d’intérêt et les réductions des ratios de réserves obligatoires décidées ces derniers mois (les derniers mouvements datant du 25 août), alliées à une politique budgétaire plus expansive, devraient avoir un impact bénéfique, même si c’est avec un certain décalage. Sans être particulièrement optimiste concernant la croissance chinoise, un atterrissage brutal (hard landing) au second semestre 2015 nous semble peu probable. Au contraire, une légère amélioration conjoncturelle au cours des prochains |4| mois paraît le scénario le plus vraisemblable. A moyen terme, les excès du crédit et les nécessaires transitions structurelles font toutefois peser des risques considérables sur l’économie chinoise. Etats-Unis: perspectives de croissance toujours favorables Outre-Atlantique, la croissance au 2e trimestre a été révisée à la hausse à 3,7%. Ainsi, en moyenne au 1er semestre, la progression du PIB s’est élevée à 2,2%. D’un côté, un tel résultat est largement supérieur aux prévisions qui prévalaient il y a à peine plus d’un mois. D’un autre côté, le rythme de croissance atteint le semestre dernier ne paraît pas particulièrement robuste, puisqu’il est exactement équivalent à celui observé en moyenne depuis que la reprise a débuté il y a six ans. Les statistiques disponibles pour le 3e trimestre sont globalement demeurées favorables, pointant vers une croissance toujours solide. La hausse du dollar en valeur moyenne , encore amplifiée par le mouvement observé ces dernières semaines, les incertitudes entourant la croissance mondiale et les récentes turbulences secouant les marchés financiers devraient peser sur la croissance de l’économie américaine. Néanmoins, l’effondrement de l’investissement dans le secteur pétrolier le semestre dernier – qui a fortement pénalisé la progression du PIB (0,6 point de pourcentage) – devrait déboucher sur une contraction largement plus modeste au second semestre. En outre, la solide progression de l’emploi et «Les excès du crédit et les nécessaires transitions structurelles font peser des risques considérables sur l’économie chinoise» l’impact bénéfique de la chute du prix de l’essence sur le revenu réel des ménages devraient continuer de soutenir la consommation, tandis que le secteur immobilier devrait toujours avoir le vent en poupe. Dans ce contexte, nous tablons sur une croissance robuste de quelque 2,7% au second semestre 2015. Les inquiétudes relatives à la croissance chinoise et le récent revers des marchés financiers internationaux ont réduit les probabilités de hausse des taux des Fed funds en septembre. Le scénario le plus probable reste selon nous celui où la Réserve fédérale remontera ses taux d’intérêt en décembre. Et nous sommes aussi toujours d’avis que, suite au resserrement en cours des conditions monétaires et financières, ce mouvement initial de remontée des taux sera perspectives |septembre 2015 LA PART DE L’INVESTISSEMENT DANS LE PIB CHINOIS EST TROP IMPORTANTE La transition d’un économie régie par les exportations vers une économie régie par la consommation s’avère délicate. % du PIB 80 Croissance économique déséquilibrée et excès de crédit 70 60 Consommation privée 50 40 30 20 Investissement 10 0 1952 56 60 64 68 72 76 80 84 88 92 96 00 04 08 12 16 Source: Pictet PWM – AA&MR, Datastream probablement suivi d’une action extrêmement prudente de la part de la Fed l’année prochaine. Nous tablons ainsi sur des relèvements de taux limités à 75 points de base en 2016, soit un resserrement monétaire particulièrement lent en comparaison historique. Zone euro: les craintes de déflation resurgissent Les dernières enquêtes conjoncturelles en zone euro se sont avérées résilientes. L’indice des directeurs d’achat composite (Markit/PMI), mesurant l’activité dans les services et l’industrie, a affiché une légère hausse en août, pour s’établir à 54,3, un plus haut en quatre ans. Dans le détail, la composante relative aux nouvelles commandes à l’exportation a fortement augmenté, notamment en Allemagne. Ce dernier élément constitue plutôt un signe rassurant, étant donné les incertitudes qui pèsent sur les économies émergentes, et en particulier sur la Chine. Sur le front du crédit et des agrégats monétaires, l’embellie se poursuit. Le volume des prêts alloués au secteur privé a progressé de 0,9% sur un an en juillet, affichant ainsi son plus fort taux de croissance depuis décembre 2011. Dans ce contexte, nos prévisions de croissance restent inchangées. Nous tablons sur une croissance du PIB située autour de 0,4% par trimestre et de 1,3% pour l’ensemble de l’année 2015. Dans le même temps, selon les dernières estimations d’Eurostat, le taux d’inflation global annuel s’est stabilisé à perspectives |septembre 2015 0,2% en août. La baisse du prix des matières premières, mais aussi l’évolution de l’économie mondiale, exercent à nouveau des pressions baissières sur les perspectives d’inflation. Après s’être stabilisées autour des 1,8%, les attentes d’inflation à long terme, mesurées par les taux breakeven, sont retombées à leur niveau d’avril dernier, soit 1,6%. La BCE pourrait donc être amenée à agir si les perspectives d’inflation venaient à se dégrader significativement. De longues réformes japonaises Pour la première fois, fin juillet, le taux de soutien à la politique de Shinzõ Abe est passé sous la barre des 40%, son plus faible niveau depuis son arrivée au pouvoir fin 2012. Cela pourrait mettre en danger la poursuite des réformes structurelles, mais ce mouvement est surtout lié à un positionnement moins pacifiste du Japon au niveau de sa politique étrangère. Ce sujet restera toutefois encore ouvert longtemps. Les conflits territoriaux, tant avec la Chine qu’avec la Russie, sont en effet loin d’être résolus, surtout après la visite de Dimitri Medvedev aux îles Kouriles et le refus d’Abe d’assister à la parade militaire chinoise commémorant l’agression japonaise durant la Seconde guerre mondiale. Malgré tout, les réformes se poursuivent prudemment. Ainsi, après la catastrophe de 2011, le premier réacteur nucléaire a été remis en service le 11 août. Le gouvernement Abe a reconnu la difficulté d’atteindre l’objectif d’inflation de 2% dans un contexte de faiblesse des prix du pétrole. Mais plusieurs indicateurs économiques restent bien orientés. Au deuxième trimestre, l’investissement a crû de 5,6% et la demande de crédit émanant des entreprises continuait à croître. En variation annuelle, les ventes de détail ont progressé de 3,4% en juillet, effaçant ainsi les effets négatifs de la hausse de la TVA en avril 2014. La poursuite d’une telle tendance nécessitera toutefois une hausse des salaires. Les statistiques de juillet sont donc particulièrement attendues. |5| STRATÉGIE Les actifs refuges manquent à l’appel La correction marquée des principaux marchés actions en août n’a pas été accompagnée d’une hausse notoire des actifs refuges tels que les obligations du Trésor américain à 10 ans. Le dollar américain, généralement recherché durant les crises, ne s’est pas apprécié non plus. Christophe Donay, Jacques Henry, Luc Luyet et Alexandre Tavazzi MARCHÉS FINANCIERS Performance en % des indices financiers en monnaies locales. Données arrêtées au 31.08.2015 Indice Depuis le 31.12.2014 Mois précédent Actions USA* USD S&P 500 -2.9% -6.0% Actions Europe * EUR Stoxx600 8.7% -8.2% Actions marchés émergents* USD MSCI Emerging Markets -12.6% -9.0% Obligations souveraines US* USD ML Treasury Master Oblig. d'entreprise investment grade US* USD ML Corp Master 0.9% 0.1% -0.6% -0.7% Oblig. d'entreprise à haut rendement US* USD ML US High Yield Master II 0.1% -1.8% Hedge funds USD Credit Suisse Tremont Index global** 2.9% 0.9% Matières premières USD Reuters Commodities Index -12.1% -0.2% Or USD Gold Troy Ounce -4.7% 3.3% Dans le sillage des inquiétudes entourant l’économie chinoise, les indices de volatilité des actions se sont brusquement envolés dans la zone que nous qualifions de risque systémique, soit à plus de 25%. Le pic de volatilité a été atteint le 24 août, à 53,3%. La crise de confiance dans l’économie chinoise nous paraît temporaire (voir «Le Commentaire» et «Macroéconomie» pour plus de détails). La tendance haussière des marchés actions des pays développés n’est pas remise en cause. Nous restons positifs face aux actions américaines et européennes. Notre analyse montre que la volatilité implicite atteint généralement le régime de risque systémique en deux pics successifs, espacés de 28 jours, et qu’au total ce régime prévaut durant 50 jours. En termes de timing, il est ainsi concevable qu’un rebond des principaux marchés actions développés intervienne durant la première quinzaine du mois d’octobre. Les secteurs caractérisés par une croissance soutenue et des |6| * dividendes/coupons réinvestis ** fin juillet 2015 cash flows résilients pourraient donc susciter l’intérêt des investisseurs. Durant la correction des marchés actions en août, les bons du Trésor américain n’ont pas rempli leur rôle de protection des portefeuilles. Les rendements sont restés proches des 2%, déjà atteints dans le sillage de la baisse des anticipations d’inflation depuis mi-juillet, lorsqu’ils se situaient aux environs de 2,5%. Notoirement, le billet vert ne s’est pas apprécié non plus, comme de coutume, en présence d’un régime de crise systémique. Cependant, le yen et l’euro se sont renforcés, alors que l’or stagnait, suggérant que le marché donnait une préférence aux actifs et aux devises des pays pratiquant une politique monétaire de style assouplissement quantitatif – politique monétaire particulièrement adaptée en cas de ralentissement économique marqué. Une autre explication plausible réside dans la vente d’actifs étrangers par les banques centrales pour défendre leur devise, ou pour soutenir leur marché actions. La Banque populaire de Chine aurait d’ailleurs injecté 2500 milliards de dollars en quelques semaines dans son marché actions. Peu de protection à travers les obligations du Trésor américain Il faut remonter à 2011 pour retrouver une correction d’une ampleur plus grande que celle que nous venons de vivre au cours du mois d’août, avec une perte au niveau de l’indice S&P 500 de 12%. Cette correction a débuté le 20 juillet, mais les trois quarts de la baisse sont intervenus entre le 17 et le 25 août. Durant cette phase de volatilité des marchés actions, le comportement des obligations à 10 ans du Trésor américain n’a pas été conforme à leur statut d’actif refuge. Il est cependant trop tôt pour considérer que la classe d’actifs change de statut. Les flux de liquidités durant cette phase ont certes contrecarré leur comportement d’actif refuge, mais ceux-ci ne semblent pas nécessairement durables. Une rétrospective montre qu’entre le 18 septembre et le 15 octobre 2014, la baisse de 7,3% du S&P500 a été en partie compensée par un gain de 5% sur les obligations souveraines à 10 ans et en moyenne, depuis 2007, les obligations à 10 ans ont absorbé environ 42% des baisses les plus fortes subies par les actions américaines. En juillet et août, malgré la forte correction des actions, le gain enregistré par les obligations à 10 ans n’a été que de 2,3%. Les obligations d’Etat allemandes qui, historiquement, protégeraient moins bien un portefeuille d’actions européennes, perspectives |septembre 2015 n’ont pas pris le relais, puisque le gain entre le 20 juillet et le 24 août a été encore plus faible, avec 1,7%. L’imminence de la hausse des taux de la Fed vient tordre les règles habituelles de construction de portefeuille, comme cela avait été le cas en 2013 lorsque Ben Bernanke avait annoncé en mai la phase de ralentissement du QE. Actions développées: les valorisations deviennent plus attractives Alors que les parlements européens avalisaient le troisième plan d’aide à la Grèce, les autorités chinoises ont surpris les marchés financiers le 11 août, en annonçant un nouveau mode de fixation du yuan. Cette décision, qui fait suite à plusieurs tentatives de stabilisation du marché des actions chinoises, confirme les inquiétudes des investisseurs quant à la croissance du pays et à son impact mondial. L’effet direct de cette décision s’exercera dans les pays émergents, principaux producteurs de matières premières consommées en Chine. La faiblesse de la monnaie va s’ajouter au ralentissement de la demande et augmentera encore les pressions déflationnistes sur ces économies. Le profil rendement/risque de ces marchés paraît donc défavorable. Les marchés actions développés ont baissé dans le sillage des autres bourses, mais il convient de rappeler que l’impact économique de la décision chinoise est moins important, car la croissance économique en Europe et aux EtatsUnis provient principalement de facteurs domestiques. Il est toutefois perspectives |septembre 2015 possible que les prévisions de croissance des secteurs les plus exposés à l’économie chinoise soient révisées à la baisse. Les investissements dans les entreprises qui génèrent des flux de trésorerie conséquents et bénéficient de la faiblesse des matières premières semblent ainsi présenter de l’intérêt. Dans cet environnement, les politiques monétaires resteront accommodantes, alors que les valorisations des marchés boursiers sont devenues plus attractives, à 14,5x pour le marché américain, 13,3x pour le marché européen et 12,4x pour le marché japonais. devrait continuer à peser sur l’appétit au risque, il est probable que ces monnaies restent globalement fortes. Néanmoins, il est bon de rappeler que l’appétit au risque ne devrait pas durablement rester faible. Le yuan exacerbe les divergences entre monnaies La faiblesse des monnaies des économies émergentes et de celles liées aux matières premières n’est pas un phénomène nouveau. Néanmoins, les craintes de dévaluation du yuan, liées à la modification de son taux de référence par la Banque populaire de Chine (voir «Thème du mois» pour plus de détails), ont renforcé cette thématique. En-dehors de la perte de vitesse de ces monnaies, la force des devises développées suscite également de nombreuses analyses. En effet, le dollar américain et la livre sterling restent forts avec, notamment, la perspective d’une prochaine hausse des taux directeurs. L’euro, le yen et le franc suisse restent soutenus, quant à eux, par une balance courante positive, qui les renforce en cas de réduction de l’appétit au risque. Comme la perspective d’une hausse des taux par la Fed avant la fin de l’année |7| FAITS MARQUANTS DANS LE MONDE La Chine provoque une chute des exportations L’économie chinoise s’essouffle et pèse sur les exportations de ses partenaires commerciaux, accentuant les craintes pesant sur les perspectives économiques, notamment des marchés émergents. Cela s’ajoute au ralentissement structurel des échanges commerciaux mondiaux, qui dure depuis quelques années. USD 43,8 mias Le déficit commercial américain s’est creusé, passant de 40,9 milliards de dollars en mai à 43,8 milliards en juin, les exportations de biens et services s’étant réduites de 136 millions de dollars et les importations ayant grimpé de 2,8 milliards. La faiblesse des exportations concerne principalement les biens d’équipement, qui ont reflué de 769 millions de dollars. La progression des exportations de biens de consommation a en grande partie compensé la baisse des exportations de biens d’équipement et de produits pétroliers. USD 2,3 mias Le déficit commercial du Mexique a atteint 2,3 milliards de dollars en juillet, pour un total de 6,3 milliards sur les sept premiers mois de l’année. Au cours de l’année écoulée, les exportations ont chuté de 2,6%, s’établissant à 32,8 milliards de dollars, tandis que les importations progressaient de 1,1%, à 35,1 milliards. Le repli du peso à un niveau record face au dollar devrait désormais constituer un atout pour les exportateurs mexicains. Le principal partenaire commercial du Mexique étant les Etats-Unis, son économie est moins exposée au ralentissement chinois. 25 ans Le Brésil, qui avait profité de l’appétit de la Chine pour les matières premières ces dernières années, a été frappé de plein fouet par le ralentissement économique chinois et la dégringolade des cours des matières premières. La dévaluation du renminbi est un autre coup dur pour le Brésil, qui pourrait bien subir la pire contraction de son économie en 25 ans. |8| perspectives |septembre 2015 2,0% Malgré le ralentissement de l’économie chinoise et les inquiétudes persistantes à propos de la dette grecque, le carnet de commandes à l’exportation du secteur manufacturier allemand, corrigé des variations saisonnières et de l’inflation, a progressé de 2% en juin par rapport au mois précédent, soit un volume total de commandes inédit depuis avril 2008. Néanmoins, ces statistiques sont gonflées par un volume inhabituellement élevé de commandes en gros, ce qui pourrait peser ultérieurement sur les commandes. -14,7% Les exportations de la Corée du Sud ont reculé de 14,7% en glissement annuel en août, du jamais vu depuis 2009. La Chine représente environ un quart des exportations de la Corée du Sud, mais les exportations vers le Japon et l’Europe ont également cédé du terrain. Les produits pétroliers, l’automobile et les chantiers navals sont les secteurs les plus touchés. -4,4% -19,2% Les exportations de l’Indonésie ont fortement reculé pendant plusieurs mois, avant de plonger de 19,2% en glissement annuel en juillet. Comme les autres producteurs de matières premières asiatiques, le pays est exposé à la croissance ralentie de la Chine, directement (la Chine est son plus grand marché à l’export, car elle achète 14% de ses exportations) et indirectement, en raison de la baisse des cours des matières premières. Ces dernières représentent près de 60% des exportations de l’Indonésie. L’Etat cherche à diversifier l’économie. perspectives |septembre 2015 Les exportations du Japon ont cédé 4,4% en glissement trimestriel au deuxième trimestre 2015, en raison d’un repli des ventes vers la Chine (qui absorbe 18% des exportations japonaises) et le reste de l’Asie. La faiblesse des exportations a une part de responsabilité dans la contraction de l’économie de 1,6% en glissement annuel au deuxième trimestre et alimente les doutes quant au futur du programme de relance, «Abenomics», de la troisième économie mondiale. |9| CLASSES D’ACTIFS ET MONNAIES Les hedge funds tirent leur épingle du jeu La brutalité avec laquelle les principaux marchés actions ont corrigé en août a peu affecté le secteur des hedge funds. Certains gérants, spécialisés dans l’investissement tactique, ont même réussi à profiter des mouvements dans le secteur de l’énergie et des changes. Actions Tempête sur les marchés Les craintes liées au ralentissement chinois font souffler un vent de panique sur les marchés. Les autorités chinoises étaient probablement loin d’imaginer que la modification de leur politique de change entraînerait les marchés financiers dans une phase de correction sévère. Dans la semaine qui a suivi cette décision, l’indice Shanghai Composite abandonnait près de 27%. Cette baisse suivait une baisse de 22% depuis la mi-juin. Dans le sillage chinois, les indices S&P500, Stoxx Europe 600 et Topix perdaient 11%, 15% et 13% respectivement en monnaies locales sur la même période. De leur côté, les marchés émergents, sensibles à la conjoncture de l’Empire du milieu, cédaient 13%, portant leur baisse depuis la fin avril à 28%. Alors qu’elle était restée relativement basse durant la récente crise grecque, la volatilité est montée à un niveau correspondant à une crise extrême. L’indice Vix a ainsi dépassé le niveau de 50%, alors que l’indice Vstoxx dépassait les 45%. La publication des bénéfices du deuxième trimestre n’a que peu modifié les estimations de croissance bénéficiaire pour 2015. Cette dernière devrait atteindre 1,3% aux Etats-Unis, 6,5% en Europe et 19,8% au Japon. Pour l’année prochaine, on assiste à une faible baisse des estimations de croissance des profits, qui sont de 10,6% pour le S&P500, 10,8% pour le Stoxx600 et 9,1% pour le Topix. Avec la baisse des indices, les multiples des marchés sont donc devenus plus attractifs, retrouvant leurs niveaux d’octobre 2014, (S&P500: 14,5x, Stoxx600: 13,3x, Topix: 12,4x). Les valorisations sont donc à nouveau proches des moyennes à long terme. |10| Obligations Obligations corporate Malgré la panique provoquée sur les marchés financiers par les inquiétudes liées à l’économie chinoise, le marché obligataire souverain a fait preuve d’une relative stabilité, en comparaison avec les autres classes d’actifs, comme les actions ou les matières premières. L’été aura été difficile pour la classe d’actifs, et plus particulièrement pour le segment High Yield énergie, qui a vu sa performance s’effondrer suite à la baisse du prix du baril de brut. Sur l’année, les performances restent décevantes et dans les mois à venir, l’environnement s’annonce peu favorable. Relative stabilité dans le monde souverain D’habitude privilégiés en cas de tempête secouant les marchés financiers, les emprunts allemands et américains n’en ont que très peu profité durant la deuxième quinzaine du mois d’août. Aux Etats-Unis, le taux d’emprunt à 10 ans a terminé le mois là où il l’avait commencé, soit autour des 2,18%. De l’autre côté de l’Atlantique, le taux d’emprunt allemand a gagné 15pb sur le mois pour se stabiliser à 0,80%. Du côté de la périphérie, les taux à 10 ans italiens et espagnols se sont légèrement tendus sur le mois, augmentant de plus de 20 pb pour s’établir respectivement à 1,96% et 2,11%. Dans le même temps, l’accord définitif du troisième plan d’aide pour la Grèce à la mi-août a permis au taux d’emprunt grec à 10 ans de se détendre de 272 pb pour s’établir à 9,31%. Durant ces prochains mois, plusieurs forces contradictoires s’exerceront sur les obligations souveraines. D’un côté, les pressions déflationnistes liées au ralentissement chinois et à la baisse des matières premières devraient pousser les rendements vers le bas. De l’autre, le renforcement de l’économie américaine, et surtout la hausse prochaine des taux directeurs de la Fed, devraient pousser les taux - en particulier américains - vers le haut. Le HY sous pression En août, la volatilité des marchés actions et la baisse des prix des matières premières ont mis le High Yield (HY) sous pression. En effet, sur le mois, le HY a affiché une performance de -1,8%, enregistrant ainsi son troisième résultat négatif consécutif. Dans le même temps, l’Investment Grade (IG) a également affiché une contreperformance (-0,7%), alors que les bons du Trésors américains restaient en territoire positif (+0,1%). Sur l’année, les performances demeurent mitigées. En tête, nous retrouvons le trésor américain (+0,9%), suivi du HY (0,1%) et de l’IG (-0,6%). En termes sectoriels, aucun n’a réussi à se maintenir en territoire positif au mois d’août. Le plus touché a été l’indice HY énergie, qui compte pour 13% de l’indice total. Sur le mois, frappé par la baisse du prix du baril de brut, il a plongé de 7,0%. Dans les mois à venir, l’environnement s’annonce difficile pour cette classe d’actifs. D’une part, l’embellie conjoncturelle aux Etats-Unis contribue à confirmer l’éventualité d’une hausse des taux directeurs cette année. D’autre part, un prix des matières premières en baisse pèse sur les entreprises du secteur de l’énergie. perspectives |septembre 2015 Hedge funds Hedge funds: bonne tenue face à la correction des marchés Les récents soubresauts des marchés ont mis les nerfs des investisseurs à vif. A ce jour, les hedge funds semblent résister, voire protéger les portefeuilles contre la baisse, face à la chute des classes d’actifs traditionnelles. De nombreux acteurs préféreront oublier le mois d’août, la correction des marchés due au ralentissement chinois renforçant les craintes d’une déflation mondiale. Avec une volatilité à son plus haut depuis quatre ans, les conditions de marché sont devenues pour le moins difficiles. Mais les hedge funds semblent s’en sortir, pas de manière totalement indemne cependant. Selon les premières estimations, leurs stratégies ont toutes réalisé une performance relative supérieure aux investissements traditionnels. En tête, les traders tactiques qui, malgré des pertes sur leurs portefeuilles actions et leurs positions à découvert en euros, ont engrangé des plus-values sur leurs positions shorts dans l’énergie et les devises asiatiques. Les gérants equity hedge ont moins bien résisté, des titres populaires comme Amazon et Facebook ainsi que les secteurs surpondérés des biotechs et des semi-conducteurs ayant fortement souffert. Malgré tout, certaines positions à découvert ont généré de l’alpha – davantage en Europe qu’aux Etats-Unis. Dans l’univers event driven, où beaucoup de gérants partageaient les mêmes positions, des titres comme Allergan ont plongé. En attendant que la situation se stabilise et permette de tirer des conclusions définitives, certains gérants recherchent activement des points d’entrée attractifs pour des titres de haute qualité, et d’autres renforcent l’exposition aux fusions-acquisitions. perspectives |septembre 2015 Métaux précieux Changes Les récentes incertitudes entourant la santé de l’économie chinoise ont produit des effets variés sur les différents métaux précieux. Depuis le mois d’août, deux indices reconnus de l’évolution du dollar américain se comportent différemment. Performances contrastées D’un côté, l’or a notamment profité de la forte augmentation de la volatilité sur les marchés actions internationaux pour terminer le mois d’août sur une performance de plus de 3%. Outre sa caractéristique de valeur refuge, le métal jaune a aussi profité du fait que ces événements avaient réduit les chances de hausse de taux par la Fed en septembre. D’un autre côté, l’argent et le palladium ont souffert, vu leur relative dépendance à la demande chinoise. Les deux métaux ont atteint leurs plus bas niveaux sur plus de 4 ans et ont terminé le mois dans le rouge (respectivement à -1,2% et -1,6%). Ce panorama ne serait pas complet sans mentionner la hausse de 2,5% du platine durant le mois. D’ailleurs, le platine semble le mieux représenter la situation actuelle des métaux précieux. Alors que l’abondance de l’offre a été très pénalisante pour le secteur, il semble de plus en plus improbable que l’offre reste si forte, vu l’augmentation des risques d’arrêt de la production dus à la baisse du prix du métal et aux nombreux reports de dépenses d’investissement. Du côté de la demande, les récentes statistiques économiques dans les pays développés confirment un scénario de reprise mondiale, alors que la demande physique et celle des banques centrales pour l’or et l’argent (Chine et Inde notamment), restent vigoureuses. De ce fait, le sentiment particulièrement négatif face aux métaux précieux semble de plus en plus difficilement justifiable. Les deux visages du dollar américain Le marché des changes, lorsqu’il désire apprécier la force ou la faiblesse du dollar américain, a tendance à se référer au US dollar index (DXY). A contrario, la Fed, quand elle commente la performance du billet vert, utilise un indice plus large. Normalement, ces deux indices sont fortement corrélés et fournissent les mêmes signaux. Cependant, depuis le début du mois d’août, une divergence significative est apparue entre les deux indices, en raison d’une composition différente. L’indice DXY inclut six monnaies, exclusivement de pays développés, avec une forte pondération de l’euro (57,6%). L’indice élargi englobe, quant à lui, un grand nombre de monnaies (26), pondérées par les échanges commerciaux. De ce fait, le yuan chinois (21,3%) et le peso mexicain (11,9%) pèsent fortement sur la performance de l’indice, alors que le poids de l’euro est plus restreint que dans le DXY (16,4%). C’est pourquoi la forte dépréciation des monnaies émergentes a poussé l’indice élargi à la hausse, alors que cela n’impactait pas le DXY, qui affichait même un repli. Au vu des perspectives de croissance plus positives dans les pays développés, du ralentissement structurel chinois et des exportations en baisse dans les pays émergents, l’indice élargi du dollar devrait rester fort. Or, comme une appréciation du dollar resserre les conditions monétaires aux Etats-Unis, la hausse des taux de la Fed devrait se faire très graduellement. |11| THÈME DU MOIS: LE YUAN Le yuan poursuit sa mue Le nouveau système de fixation du taux de référence confirme la volonté de la Chine de transformer sa monnaie afin de favoriser son utilisation sur la scène internationale. Selon le triangle d’incompatibilité de Mundell, une économie qui désire ouvrir son marché des capitaux ne peut avoir un taux de change stable et une politique monétaire indépendante. Or, pour assurer une croissance durable, la Chine mène des réformes structurelles, qui passent notamment par un développement et une libéralisation de son marché financier. Ainsi, le changement du taux de référence s’inscrit comme une confirmation de la poursuite de l’ouverture de la Chine et de la volonté d’internationaliser le yuan. Vers un yuan reflétant plus les conditions de marché Le 11 août, la Banque populaire de Chine (BPC) a changé sa manière de déterminer le taux de référence du yuan, provoquant une dévaluation de 1,86% et ranimant les craintes de forte chute du yuan. Avant de savoir si ces craintes sont fondées, revenons sur la façon dont la BPC a géré sa monnaie par le passé. Commençons en 1978, date à laquelle débutent de profondes réformes en Chine pour passer d’une Luc Luyet Stratégiste changes |12| économie planifiée à une économie de marché. En particulier, l’ouverture au commerce international favorise le développement des exportations. Le yuan (aussi appelé renminbi), qui était fortement surévalué, est successivement dévalué et favorise ainsi la forte croissance économique du pays. Le taux de change officiel du yuan se déprécie d’environ 80% jusqu’en janvier 1994, date à laquelle il est unifié avec le taux déterminé par les transactions de marché à une valeur de 8.70 yuans pour un dollar américain. En avril de la même année, la BPC décide d’ancrer la valeur du yuan par rapport au dollar américain à un taux fixe de 8.28 yuans. En 2005, dans un climat de fortes pressions de la part des partenaires commerciaux de la Chine, l’ancrage est levé et un système de change flottant contrôlé est mis en place. Un taux de référence du yuan est dès lors introduit et se détermine chaque jour sur la base d’un indice pondéré en fonction des échanges commerciaux, dont la composition précise est tenue secrète. A partir de ce niveau de référence, le taux de change du yuan est autorisé à fluctuer quotidiennement entre des bornes, fixées à ±0,3% en 2005 puis augmentées graduellement pour atteindre ±2%, leurs niveaux actuels. Ce régime de change mène à une appréciation du yuan de plus de 30% jusqu’en janvier 2014, lorsqu’il atteint 6.04 face au dollar américain. Il s’ensuit une période d’environ six mois où son taux de référence se déprécie, avant de rester relativement stable jusqu’à la veille du 11 août 2015. Avec le nouveau système de calcul, le taux de référence du jour doit désormais se baser sur le prix de clôture de la veille du taux de change traité, tout en prenant en compte les conditions de l’offre et de la demande prévalant sur le marché des changes, ainsi que les mouvements des monnaies principales. Même si le mécanisme de fixation du taux de référence manque de clarté, il devient fortement dépendant du prix du yuan fixé par le marché (qui fluctue quotidiennement à moins de 2% autour du taux de référence). Par conséquent, ce taux de référence devient, en théorie, proche d’un taux de change moderne dicté par le jeu de l’offre et de la demande. La Chine désire internationaliser sa monnaie D’ailleurs, c’est la raison fournie par la BPC, qui voit dans ce nouveau système de calcul du taux de référence du yuan par rapport au dollar américain une façon d’améliorer l’impact de l’évolution du marché, ainsi que le statut officiel du taux de référence, qui s’était affaibli vu la divergence forte et durable par rapport au taux de change traité. Cette justification fait clairement écho aux commentaires publiés le 3 août dernier par le Fonds monétaire international (FMI) sur l’insertion du yuan dans le panier des devises majeures constituant les prestigieux DTS (droits de tirage spéciaux). En effet, le FMI avait signalé que le taux représentatif du yuan était le taux de référence, mais que celui-ci n’était pas basé sur les prix des échanges de marché et pouvait dévier jusqu’à 2% du prix payé sur le marché continental chinois. Une autre raison provient sans doute du désir de la Chine de favoriser une utilisation plus globale de sa monnaie, nécessitant une plus grande ouverture au marché des capitaux. Or, le triangle d’incompatibilité de Mundell montre qu’il est voué à perspectives |septembre 2015 l’échec de maintenir un taux de change étroitement contrôlé lorsque l’on mène une politique monétaire indépendante et que l’on ouvre son marché des capitaux. De ce point de vue, le changement du 11 août constitue une évolution logique si la Chine désire continuer à augmenter les flux transfrontaliers et conserver une politique monétaire indépendante. La dernière raison tient au fait que l’ancienne méthodologie de calcul du taux de référence rendait en pratique le yuan très synchronisé avec l’évolution du dollar américain, alors que leurs économies respectives ne l’étaient pas. En particulier, vu les pressions désinflationnistes en Chine et la hausse prochaine des taux de la Fed, la divergence de politique monétaire aurait augmenté la surévaluation du yuan s’il était resté fortement lié au dollar américain. Suite à la décision du 11 août, ce lien est théoriquement éliminé. Le yuan ne peut à la fois soutenir les exportations et être éligible aux DTS Malgré la faiblesse chronique des exportations chinoises, le nouveau mécanisme de fixation du taux de référence semble donc répondre à d’autres objectifs qu’une volonté de doper ce secteur. Premièrement, pour produire un effet notable sur les exportations, la faiblesse du yuan devrait être bien plus importante. Or, les interventions récentes de la BPC ainsi que ses commentaires n’indiquent pas une volonté de laisser le yuan se déprécier fortement. Deuxièmement, une baisse significative du yuan serait dommageable dans l’optique des DTS, car il serait difficile de voir autre chose qu’une dévaluation compétitive dans la réforme du 11 perspectives |septembre 2015 août. Troisièmement, un fort affaiblissement du yuan accélérerait la fuite des capitaux que la BPC essaie de juguler – au vu de la réduction des liquidités qu’elle engendre – et mettrait également en position périlleuse de nombreuses sociétés chinoises ayant émis des obligations en monnaies étrangères non couvertes. Enfin, la Chine désire faire de la consommation intérieure le nouveau vecteur de croissance de son économie. De ce fait, une forte dévaluation du yuan pour favoriser les exportations irait à contresens des réformes structurelles qu’elle mène. Sans compter que cela provoquerait sans doute les mêmes dévaluations des monnaies des pays partenaires, réduisant fortement l’impact de la dévaluation du yuan. Conséquence de la réforme du 11 août pour le yuan La première conséquence naturelle est que la volatilité du yuan devrait augmenter. Même si, pour l’instant, la BPC semble déterminée à stabiliser le taux de référence, à terme, un régime de change plus flexible impliquera davantage de volatilité. La deuxième conséquence est une valeur du yuan plus représentative des fondamentaux de l’économie chinoise. Le FMI a indiqué en juin que la monnaie chinoise n’était plus sous-évaluée à un horizon de long terme, soit plus de six ans. Cela implique une monnaie proche de son niveau d’équilibre, c’est-à-dire qu’un renforcement ou qu’un affaiblissement ne peut être privilégié. A moyen terme cependant, les fondamentaux chinois favorisent une dépréciation du yuan. En effet, l’économie chinoise est en pleine phase de transition d’une phase de croissance à deux chiffres à une croissance plus modérée (proche de 5%), caractéristique d’une économie plus mature. De plus, elle doit en même temps corriger les excès induits lors de sa première phase de forte croissance, comme un endettement record des sociétés et des ménages chinois, se situant |13| THÈME DU MOIS: LE YUAN au-dessus de 200% du PIB. Sans mettre en doute la capacité de la Chine à gérer cet ajustement délicat, ce type d’exercice occasionne généralement davantage de risques négatifs, comme une récession, que de bonnes surprises. Il est de ce fait plus probable que les perspectives de croissance, mis à part de possibles stimuli fiscaux, ayant des effets positifs temporaires, produisent un impact négatif sur la valeur du yuan. La politique monétaire suggère, elle aussi, une dépréciation du yuan par rapport au dollar américain. En effet, la Fed devrait bientôt débuter son cycle de hausse des taux, répondant à un marché du travail qui approche le plein emploi, alors que la Chine se situe dans un cycle de baisse des taux, notamment pour faciliter les réformes structurelles de l’économie et contrebalancer la réduction des liquidités due à la sortie des capitaux du pays par des investisseurs cherchant un meilleur rendement. Traverser la rivière en tâtonnant chaque pierre Malgré la dépréciation du yuan depuis janvier 2014 de 6.04 à 6.21 face au dollar américain avant le 11 août 2015, la BPC puise dans ses importantes réserves de change pour empêcher une dévaluation trop forte de sa monnaie (le yuan ne pouvant s’éloigner de plus de 2% du taux de référence du jour). Ce phénomène ne s’est de loin pas réduit après le 11 août, expliquant le peu de variations du yuan après le 13 août. Néanmoins, comme l’objectif annoncé du nouveau calcul du taux de référence était de rendre le yuan plus flexible au mécanisme de l’offre et de la demande, la BPC devra relâcher son emprise sur la monnaie pour la laisser trouver un nouveau point d’équilibre. Vu les fondamentaux chinois cités préalablement, cela implique que le yuan devrait se déprécier, vraisemblablement en direction des 6.80. Néanmoins, cet ajustement sera probablement graduel, car la BPC ne semble pas prête à laisser les seules commandes de sa monnaie à la loi de l’offre et de la demande, en raison des risques induits par de fortes variations de sa valeur. En résumé, le yuan est devenu théoriquement plus HISTORIQUE DU COURS USD/CNY DEPUIS 1993 5.0 5.5 Avant 1994, le taux de change affiché est le taux officiel Le 11 août 2015, la BPC change la méthode de calcul du taux de référence 6.0 6.5 Le 1er janvier 1994, la Chine unifie son système de taux de change, provoquant une dévaluation instantanée de 33% 7.0 Le 21 juillet 2005, le taux de change n'est plus fixé p. r. au dollar américain. Il oscille désormais autour d'un taux de référence calculé à l'aide d'un panier de monnaies 7.5 8.0 8.5 9.0 Jusqu'en 2005, le taux de change est fixé à 8.28 yuans pour 1 dollar américain Appréciation du yuan 9.5 1993 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 Contributeurs | Christophe Donay, Jean-Pierre Durante, Bernard Lambert, Nadia Gharbi, Jacques Henry, Jean-Damien Marie, Luc Luyet, Alexandre Tavazzi Edition | Aidan Manktelow, Kalina Moore, Wilhelm Sissener | Rédaction achevée le 3 septembre 2015 Relecture | Sabine Jacot-Descombes, Traduction | Holger Albrecht, Isabel Alvarez, Juliette Blume, Keith Watson, Mario Clapis Mise en page | Production Multimédia Pictet Papier | Imprimé sur du papier certifié FSC Avertissement | Le présent document n'est pas destiné aux personnes qui seraient citoyennes d’un/e, domiciliées ou résidentes, ou aux entités enregistrées dans un pays ou une juridiction dans lesquels sa distribution, sa publication, sa mise à disposition ou son utilisation seraient contraires aux lois ou règlements en vigueur. Les informations et données fournies dans le présent document sont communiquées à titre d’information uniquement, n’engagent pas la responsabilité du groupe Pictet et ne constituent en aucun cas une offre, une incitation à acheter, à vendre ou à souscrire à des titres ou à tout autre instrument financier. En outre, les informations, opinions et estimations figurant dans le présent document traduisent une appréciation à la date de publication initiale et peuvent faire l’objet de changements, sans préavis. La valeur et le rendement des titres ou instruments financiers mentionnés dans le présent document reposent sur des cours provenant de sources d’informations financières usuelles et peuvent faire l’objet de fluctuations. La valeur boursière peut varier en fonction de changements d’ordre |14| flexible. Et, selon la stratégie économique instaurée par Deng Xiaoping en 1978 – qu’il résuma joliment par le slogan «traverser la rivière en tâtonnant chaque pierre» – le yuan constituera probablement une pierre importante pour passer d’une économie planifiée à une économie de marché. En pratique néanmoins, le contrôle de la BPC devrait rester encore très présent dans les évolutions de sa monnaie, afin de s’assurer de la stabilité de cette pierre. Vu la récente volatilité qui a submergé les marchés internationaux, il n’est pas certain que beaucoup s’en plaignent. Source: Pictet WM – AA&MR, Datastream économique, financier ou politique, de la durée résiduelle, des conditions du marché, de la volatilité et de la solvabilité de l’émetteur ou de celle de l’émetteur de référence. En outre, les taux de change peuvent avoir un effet positif ou négatif sur la valeur, le prix ou le rendement des titres ou des placements y afférents mentionnés dans le présent document. Les performances passées ne doivent pas être considérées comme une indication ou une garantie de la performance future, et les personnes destinataires de ce document sont entièrement responsables de leurs éventuels investissements. Aucune garantie expresse ou implicite n’est fournie quant aux performances futures. Le contenu de ce document est confidentiel et ne peut être lu et/ou utilisé que par la personne destinataire de celui-ci. Le groupe Pictet n'est pas responsable de l'utilisation, de la transmission ou de l'exploitation des données contenues dans ce document. Par conséquent, toute forme de reproduction, copie, divulgation, modification et/ou publication du contenu est sous la seule responsabilité du destinataire de ce document, à l'entière décharge du groupe Pictet. Le destinataire de ce document s'engage à respecter les lois et règlements applicables dans les juridictions où il pourrait être amené à utiliser les données reproduites dans ce document. Ce document est émis par le groupe Pictet. Cette publication et son contenu peuvent être cités à condition que soit indiquée la source. Tous droits réservés. Copyright 2015. perspectives |septembre 2015 CHIFFRES CLÉS La Fed se tient prête à relever ses taux Les dernières statistiques conjoncturelles outre-Atlantique continuent de soutenir un scénario de hausse très graduelle des taux directeurs: alors que les statistiques de l’emploi sont favorables, l’inflation et les hausses de salaires restent très modestes. Données arrêtées au 31 août 2015 PRINCIPAUX INDICATEURS ÉCONOMIQUES TAUX D’INTÉRÊT Estimations Pictet – (consensus*) Taux de croissance du PIB 2013 2014 USA Euro-Zone Suisse UK Japon Chine Brésil Russie 1.5% -0.3% 1.8% 1.7% 1.6% 7.7% 2.7% 1.3% 2.4% 0.9% 1.9% 3.0% -0.1% 7.4% 0.1% 0.6% Inflation (IPC) Moyenne annuelle sauf Brésil fin d’année 2013 2014 USA Euro-Zone Suisse UK Japon Chine Brésil Russie 1.5% 1.3% -0.2% 2.6% 0.4% 2.6% 6.2% 6.8% 1.6% 0.4% 0.0% 1.5% 2.7% 2.0% 6.3% 7.8% 2015E 2.5% 1.3% 0.7% 2.5% 0.7% 6.8% -2.5% -3.5% 2016E (2.3%) (1.5%) (0.6%) (2.6%) (0.8%) (6.9%) (-1.9%) (-3.6%) 2.5% 1.6% 1.0% 2.3% 1.5% 6.5% 0.5% 1.0% 2015E 0.1% 0.2% -1.1% 0.2% 0.7% 1.6% 9.0% 15.0% (2.7%) (1.8%) (1.2%) (2.5%) (1.7%) (6.7%) (0.0%) (0.3%) 2016E (0.3%) (0.2%) (-1.1%) (0.1%) (0.8%) (1.4%) (9.2%) (12.3%) Courts (3 mois) Longs (10 ans) 0.25% 0.05% -0.75% 0.5% 0.1% 1.75% (1 an) 14.25% 2.2% 0.8% -0.1% 1.9% 0.4% 4.8% (5 ans) 14.8% USA Euro-Zone Suisse Royaume-Uni Japon Chine Brésil MARCHÉS OBLIGATAIRES 1.9% (2.0%) 1.3% (1.3%) -0.2% (-0.1%) 1.5% (1.5%) 0.9% (1.0%) 1.8% (1.9%) 4.8% (5.5%) 6.5% (7.1%) *Source: Consensus Economics Inc Performance depuis le 31.12.2014 CHF High Yield EUR USD GBP High Yield USD EUR VARIATION DES COURS DE CHANGE (DEPUIS LE 31.12.2014) JPY Par rapport à l’EUR Par rapport au USD Par rapport au CHF CHF — CHF — HKD — HKD — HKD — USD — USD — JPY — JPY — JPY — GBP — GBP — GBP — EUR — EUR — SEK — SEK — SEK — NOK — NOK — NOK — CAD — CAD — CAD — AUD — AUD — NZD — NZD — AUD — NZD — % -15 -10 -5 0 5 10 % -25 -20 -15 -10 -5 15 0 5 Dette émergente (USD) Dette émergente (LC) % -13 -11 -9 -7 -5 -3 -1 1 3 MARCHÉS ACTIONS Performance depuis le 31.12.2014 USD EUR % -25 -20 -15 -10 -5 0 MATIÈRES PREMIÈRES Performance depuis le 31.12.2014 Performance du mois précédent -29.3 Palladium -26.4 Etain -26.4 Sucre Pétrole coté en Asie Cuivre Platine Brent Zinc Aluminium WTI Gaz naturel Plomb Maïs Or en USD Argent Cacao -12.6 Etain Pétrole coté en Asie -11.1 -10.8 Brent Palladium Zinc Sucre Cacao Cuivre Gaz naturel Argent Aluminium Maïs Plomb Platine Or en USD WTI % -20.3 -18.7 -16.8 -16.7 -16.6 -12.2 -8.0 -6.9 -6.7 -5.5 -4.7 -35 -30 -25 -20 -15 -10 -5 perspectives |septembre 2015 0.0 6.5 0 5 10 -14 -12 -10 MSCI World* S&P 500* MSCI Europe* Tokyo SE (Topix)* MSCI Pacific ex. Japan* SPI* Nasdaq MSCI Em. Markets* Russell 2000 -2.1% -2.9% -0.1% 9.1% -10.7% 4.2% 0.9% -12.6% -3.8% 5.8% 4.9% 7.9% 17.9% -3.6% 12.6% 8.9% -5.6% 3.9% CHF GBP -4.7% -0.7% -5.5% -1.5% -2.8% 1.3% 6.2% 10.7% -13.1% -9.5% 1.4% 5.7% -1.8% 2.3% -15.0% -11.4% -6.3% -2.4% * Dividendes réinvestis SECTEURS D’ACTIVITÉ -6.1 -5.3 -4.0 Performance depuis le 31.12.2014 -3.4 -1.6 -1.0 0.0 0.6 1.1 2.0 2.5 3.3 4.4 -8 -6 -4 -2 0 2 4 6 Industrie Technologie Matériaux de base Télécommunications Santé Energie Services publics Finance Consommation de base Consommation discrétionnaire USA -8.4% -3.2% -10.7% -2.7% 3.4% -17.2% -11.4% -4.9% -3.3% 3.4% Europe Monde 6.4% 0.7% -4.0% 9.3% 12.4% -7.5% -5.3% 6.1% 7.8% 7.9% -5.7% -3.0% -12.5% 0.5% 5.1% -17.7% -9.8% -5.1% -1.5% 1.4% |15| PERSP FRA 0915 Perspectives est également disponible en ligne. Suivez quotidiennement et abonnez-vous à nos vues sur l’économie, les marchés et les tendances séculaires sur http://perspectives.pictet.com