Comment assainir l activite des banques Christian Arnsperger

8 moneta #1 // 13 mars 2013
//__La forme monétative fait couler beau-
coup d’encre. Elle vise à interdire aux banques
commerciales de cer de la monnaie scriptu-
rale : celles-ci accordent aujourdhui des cré-
dits non intégralement couverts par les dé-
ts d’épargne de la clienle. Elles comptent
sur le fait que les fonds des épargnant-e-s
restent plus longtemps entre leurs mains et
elles les font « travailler » à leur fice. On
sait de longue date que créer de l’argent
scriptural renforce les secousses cycliques de
l’économie. C’est ce que veut empêcher la -
forme monétative, qui exige que seul puisse
être prêté, sous forme de cdits, l’argent mis
en circulation par le biais d’une « politique
monétative » publique et indépendante. Tous
les fonds de la clientèle des banques seraient
alors à labri d’une faillite bancaire et la
garantie de l’Etat deviendrait superflue. La
masse monétaire ferait l’objet d’un contrôle
centralisé. En outre et gce au droitgalien
de cer de la monnaie, que les banques acca-
parent actuellement, l’Etat pourrait duire
sa dette et se financer en grande partie sans
intérêts.
Si l’« initiative motative » devait abou-
tir, elle serait extmement difficile à appli-
quer, ne serait-ce que parce qu’elle menace
les privilèges bien enracis du secteur ban-
caire. Fin 2012, sur son blog, l’Association
suisse des banquiers SwissBanking appelait
explicitement à ne pas prendre au sérieux
l’intét porté par le Fonds monétaire inter-
national au « Plan de Chicago » des anes
1930 — un précurseur historique de la -
forme monétative. La création de monnaie
publique serait, selon SwissBanking, un « vi-
rage politico-économique en épingle à che-
veux ». La monnaie scripturale créée par les
acteurs privés est un « gage de prospéri », et
l’ieme de réforme motativecoule-
rait dune « tendance interventionniste ».
Les problèmes doivent être débattus
Indépendamment de telles prises de position
politiques surgit une question technique :
une réforme monétative pourrait-elle s’ac-
quitter de ses deux tâches principales mieux
que le réseau bancaire actuel ? Elles devraient
pouvoir terminer exactement la quantité
de monnaie cessaire et, par conséquent, en
préciser la bonne quanti. Serait-il possible
de collecter toutes les informations néces-
saires afin de ne créer trop ni trop peu de
monnaie ? Une institution spécifique pour-
rait-elle tenir tête aux lobbies ? Le Gouverne-
ment et le Parlement n’exerceraient-ils au-
cune pression ?
En dépit de ces objections et questions, il
serait souhaitable que l’initiative sur la -
forme motative aboutisse, car les débats
publics sur les problèmes actuels de la créa-
tion de monnaie scripturale pourraient ame-
ner à réformer le secteur bancaire depuis
l’intérieur, et de façon plut radicale. Des ré-
formescessaires, puisque chaque nouvelle
crise banquière et financière montre à quel
point la création de monnaie scripturale peut
être instable et procyclique. La faute aux
banques avides de profit. En temps de crise,
créer de la monnaie scripturale prie est un
moyen de maximiser les néfices et la va-
leur actionnariale à court terme (et à courte
vue). Le volume d’argent passe gulière-
ment, et de loin, le potentiel de croissance de
l’économie elle. La spéculation pre gé-
ralement le gonflement rapide à la viabi-
lité économique. Du coup, la montagne de
dettes, fondée sur un impératif de croissance
future, ne cesse d’augmenter. Peu de ban-
quiers ont peu le dangereux vice structurel
que cela représente.
Un nouveau mole économique pour-
rait découler de cette prise de conscience : les
banques devraient recourir aussi peu que
possible à des refinancements externes. Elles
devraient, pour chaque pt, tenir compte
RATIONALISER LA CRÉATION DE MONNAIE PRIVÉE__L’association « Modernisation monétaire » souhaite
lancer en Suisse aussi rapidement que possible une initiative populaire en faveur de ce que
l’on appelle la réforme monétative (lire moneta 4/11). L’économiste Christian Arnsperger s’attend
à une levée de boucliers dans le secteur bancaire et plaide pour un compromis.
Comment assainir
l’activi des banques
Initiative « forme monétative »
Gian Trepp a présenté en détail l’initiative pour
la réforme monétative dans l’édition 4/2011 de
moneta. Ce numéro est disponible sur Internet :
www.bas.ch
Qui « crée » la monnaie ? Qui contrôle la masse monétaire ? Un examen plus approfondi s’impose.
Photo : Fotolia
9
ANNONCE
Pauvre mais…
//__La belle-doche était partie avec ses deux filles à la soirée
house de DJ Antoine dans le club le plus classe de la ville.
Ashley, elle, n’avait pas été autorisée à les suivre. « De toute
façon, le portier ne te laissera jamais entrer avec tes tee-shirts
en batik, alors laisse tomber », ironisèrent- elles, toutes pom-
ponnées qu’elles étaient. Elles la laissèrent donc à la maison,
bien qu’Ashley eût réussi en un temps record à résoudre le
cube Rubik que sa belle-mère lui avait lancé « tiens, si tu ar-
rives à le remettre en ordre, je verrai si je change d’avis »,
avait-elle ricané. Le jeune voisin sourd qui, comme d’habi-
tude, avait rejoint Ashley dans sa chambre en passant par le
soupirail, lui avait donné un coup de main en douce.
Ashley avait les cheveux blonds comme les blés. Les rap-
peurs qui squattaient devant chez Denner se retournaient sur
son passage. Ils avaient beau se moquer de ses fripes de bro-
cante, tous se doutaient que ses lèvres étaient aussi sucrées
que du Coca Cherry. Ashley speeda jusqu’à la gare. Direction
la teuf de DJ Antoine ! Sauf que, purée, cette histoire de por-
tier, c’était sûrement vrai : elle et son look de clodo, ça n’allait
probablement pas le faire… Qu’importe, elle sauta dans le
train, sans billet puisque, eh oui, elle était belle, mais elle
manquait de thunes.
Devant la boîte, Ashley se sentit un peu nouille jusqu’à ce
que – oups ! Melanie Winiger lui rentre dedans. « Désolée ! »
fit Ashley. « T’inquiète ! » rigola Melanie. Et d’ajouter : « Hé, tu
veux mater mon nouveau tatouage ? Fait à l’encre bio », pré-
cisa l’ancienne miss qui, avant de disparaître dans un taxi, lui
balança un sac plein de fringues absolument mortelles. « Trop
cool, comme dans un conte de fées », jubila Ashley. Ainsi sa-
pée, elle passa tranquille devant le portier. La soirée déchirait.
Ebloui, DJ Antoine descendit rejoindre la belle sur la piste de
danse et se trémoussa à ses côtés sur des beats d’enfer. Mais
lorsqu’il chercha à tâter sa lingerie de plus près, elle l’envoya
paître illico. Ce n’est que sur le chemin du retour qu’elle nota
ce qui était écrit sur son tee-shirt : « Pauvre mais sexy ! » « Une
citation de Platon, se dit-elle. Il faut être timbré pour impri-
mer un truc pareil sur un top Gucci. »__//
rg Odermatt | odi@gmx.ch
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Le patrimoine,
un lien.
des avantages sociaux au lieu de réfléchir
uniquement en termes de maximisation de
leur profit. Cessant de vouloir croître à tout
prix, les banques soutiendraient une écono-
mie ancrée dans la ali et fondée sur
l’éthique. Lactionnariat également est remis
en question : de nombreux petits action-
naires appes à exprimer leurs revendica-
tions sociales valent mieux que quelques
gros. La clientèle des banques devrait en
outre renoncer à percevoir un inrêt. Une
banque ancrée dans l’économie elle a be-
soin d’un enracinement local et de bien
connaître son environnement immédiat.
Mais une saine concurrence entre banques
est cessaire. Les structures de proprté et
les relations avec la clientèle devraient contri-
buer à ce que cer de la monnaie scripturale
soutienne une économie socialement et éco-
logiquement durable, aussi lente qu’il le fau-
dra. Certes, de telles banques existent dé,
mais leur modèle daffaires a encore du che-
min à parcourir pour se propager.
Mettons donc en place un sysme réunis-
sant de nombreuses petites banques coopéra-
tives, à orientation éthique et durable, enra-
cinées localement, se finaant exclusivement
à l’interne. Elles n’aboliraient pas pour autant
le processus actuel de cation de monnaie,
mais elles le rendraient minime et efficace
pour l’économie réelle. Ces banques travail-
leraient aussi « motativement » que pos-
sible, sans qu’il soit cessaire de nationali-
ser la cation de monnaie. Ne serait-ce pas
un compromis entre la situation d’au-
jourdhui et l’objectif ambitieux d’une ré-
forme monétative ?__//
Christian Arnsperger | christian.arnsperger@uclouvain.be
L’auteur est économiste à l’Université de Louvain (Belgique).
Il est actuellement en année sabbatique au sein de la Banque
Alternative Suisse.
chroniquedossier
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