Éclairage
39 La Vie économique Revue de politique économique 3-4/2015
La Suisse abrite quatre banques dites
«systémique: les deux géants que sont
Credit Suisse et UBS, le groupe Raiffeisen
et la Banque cantonale de Zurich (ZKB). La
Banque nationale suisse (BNS) a constaté
limportance systémique des deux pre-
mières en 2012, celle de la ZKB en novembre
2013 et celle de Raiffeisen en août 2014.
La BNS est tenue par la loi de définir les
facteurs systémiques. La législation sur cette
catégorie de banques, connue aussi sous le
nom de législation «too big to fail» (TBTF),
est entrée en vigueur en 2012. Les fonctions
de type systémique sont les produits et les
services indispensables à léconomie natio-
nale, qui ne sont pas substituables à court
terme. En cas de crise, elles doivent être
maintenues à tout prix. On considère comme
systémique toute banque qui détient une part
de marché substantielle dans ces fonctions.
La législation TBTF nayant été appliquée
dabord quaux deux grandes banques, il
ne saute peut-être pas immédiatement aux
yeux qu’elle concerne uniquement le mar-
ché intérieur. Ce n’est donc pas lactivité
internationale dune banque qui est déter-
minante, mais seulement son importance
nationale. Le message du Conseil fédéral
de 2011 dit du reste que «pour répondre à la
question de savoir si une banque est dim-
portance systémique, il faut [] adopter un
point de vue national1
Comme fonctions systémiques, lart. 8
de la loi fédérale sur les banques et caisses
dépargne cite notamment les opérations de
dépôt, de crédit et de paiement. Le critère
décisif est la part de marché dune banque
dans les opérations de dépôt et de crédit.
La loi ne précise, cependant, pas à partir de
quel seuil une banque est considérée comme
systémique. D’autres critères peuvent être
pris en compte, comme la taille, le profil
de risque ou limbrication dans le système
financier et dans l’économie.
Dans le cas de la ZKB, la BNS a qualif
de systémiques les opérations de dépôt et de
crédit réalisées avec léconomie réelle suisse,
sur une durée maximale dun an; à cela, il
convient dajouter le trafic des paiements
concomitant. Dans ces segments, la ZKB
détient entre 6 et 8% des parts du marché
national et arrive en quatrième position par
la taille, doù son importance systémique
aux yeux de la BNS. La concentration de
son activité commerciale sur le canton de
Zurich et son imbrication dans le système
bancaire renforcent cette importance.
Principes de l’importance systémique
Qu’une entreprise puisse devenir insol-
vable et se retirer du marché est une carac-
téristique essentielle d’une économie de
marché performante. Qu’en est-il dans le cas
dune banque systémique?
En tout premier lieu, des mesures préven-
tives sont censées empêcher qu’on en arrive
même à une situation dinsolvabilité immi-
nente, où il faudrait assainir une banque
systémique, voire la liquider. Ces mesures
préventives consistent avant tout en un ren-
forcement des exigences en fonds propres
et en liquidités. Toute banque systémique
doit en outre établir un plan de stabilisation,
dans lequel elle expose les mesures qu’elle
compte prendre en cas de crise pour aug-
menter ses fonds propres et sa liquidité, et
éviter ainsi le pire.
Cest seulement si tous les barrages
cèdent et si linsolvabilité menace que lAu-
torité fédérale de surveillance des marchés
financiers (Finma) nomme un délégué à
lassainissement pour diriger la banque. À
cet effet, il faut que soient déjà connues les
stratégies permettant aux fonctions systé-
miques de se poursuivre sans interruption.
Ces détails doivent figurer dans le plan
durgence établi par la banque. Comme les
mesures qui y figurent doivent être appli-
cables immédiatement – c’est une leçon de
la crise financière de 2008 –, la Finma peut
ordonner en tout temps de se préparer à les
mettre en œuvre.
Il n’existe pas de modèle uniforme pour
les plans de stabilisation et durgence. Ceux-
ci s’aligneront sur les caractéristiques spéci-
fiques de la banque systémique concernée.
Mesures préventives: la part de fonds
propres de la ZKB est de presque 17%
Avec la reconnaissance de limportance
systémique, les exigences minimales en
matière de fonds propres n’ont augmenté
que de peu, passant de 13,6 à 14,0%, à quoi
s’ajoute chaque fois le volant de fonds propres
Établissement «systémique», la Banque cantonale
de Zurich est prête à affronter la tourmente
Depuis plus dun an, la Banque
cantonale de Zurich (ZKB) est
considérée comme «systémique»,
ce qui résulte largement de
l’adaptation de la législation
à la suite de la crise financière.
Depuis lors, la ZKB a révisé son
plan d’urgence et est convaincue
de pouvoir garantir la stabilité du
marché financier en cas de crise.
Martin Bardenhewer
Directeur de la trésore-
rie, Banque cantonale
de Zurich
Éclairage
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anticyclique. Les banques systémiques
doivent en outre remplir des exigences sé-
vères en matière de qualité des fonds propres.
Avec une part de fonds propres de 16,6%
à fin 2014, dont 14,6% de fonds propres de
base, la ZKB se situe nettement au-des-
sus des exigences minimales. Par diverses
mesures, elle a veillé très tôt à dépasser les
directives et à rétablir ainsi sa flexibilité.
De ce fait, elle compte désormais parmi les
banques les plus sûres du monde, même
sans la garantie d’État.
Une dotation solide en fonds propres
réduit aussi le risque afférent à la liquidité
en cas de ruée sur les banques. Il s’agit là de
la menace la plus immédiate qui pèse sur la
stabilité dune banque en cas de crise. Leh-
man Brothers, Northern Rock et HRE sont
de bons exemples de la façon dont le refi-
nancement insuffisant des actifs et la fai-
blesse du volant de liquidités peuvent mener
en quelques jours à une crise existentielle.
La gestion du risque afférent à la liqui-
dité joue un rôle décisif pour empêcher une
crise. Dès 2015, les banques systémiques
suisses doivent satisfaire entièrement aux
exigences de Bâle III concernant le volant
de liquidités («Liquidity Coverage Ratio»,
LCR), soit un an avant lUnion européenne,
par exemple, et trois ans avant les banques
non systémiques. La ZKB a relevé très tôt
son volant LCR et en remplit les exigences
depuis 2013.
Plan de stabilisation et fonds officiels
À part ces exigences renfores en ma-
tière de fonds propres et de liquidité, le
plan de stabilisation comporte des mesures
pour remonter les taux de fonds propres et
de liquidité en cas de crise grave. Les pos-
sibilités pour la ZKB daccroître ses fonds
propres sont certes considérables, mais peu
diversifes.
Lun des instruments à sa disposition est
le capital de dotation du canton de Zurich.
Le cadre accordé par le législatif cantonal
s’élève à plus de 1 milliard de francs, ce qui
équivaut tout juste à 2% de part supplémen-
taire de fonds propres. En outre, la banque
peut recourir à des emprunts de rang subor-
donné avec abandon de créance, dont elle
est l’une des émettrices les plus solidement
établies sur le marché. Réduire à grande
échelle les actifs pondérés du risque n’est en
revanche pas une option, étant donné que
limmense majorité des fonds propres sont
liés aux opérations de crédit classiques, les-
quelles doivent être protégées en tant que
fonctions systémiques.
Les mesures concernant la liquidité sont
détaillées minutieusement dans le plan de
stabilisation; elles ont été testées et accor-
dées aux plans de crise de la banque. La
priorité va moins aux crises systémiques,
dans lesquelles la ZKB serait plutôt avanta-
gée par sa garantie d’État, qu’à une crise très
grave spécifique à l’établissement. Grâce
à ces mesures, la banque ne s’en remet pas
simplement à la garantie d’État, mais assure
sa liquidité avec ses propres forces, même en
cas de graves problèmes.
Les travaux concernant le plan de stabili-
sation sont largement achevés. Celui-ci sera
mis à jour au moins une fois par an.
Plan durgence: plusieurs
stratégies pour un même but
Le plan durgence doit, en outre, présen-
ter les bases sur lesquelles les fonctions sys-
témiques se poursuivront sans solution de
continuité en cas dinsolvabilité imminente.
À cet effet, les mesures qui y figurent doivent
être applicables immédiatement, par exemple
pendant le week-end. Cela n’est possible que
si le plan durgence se fonde sur les carac-
ristiques spécifiques de la banque concernée.
Quelles sont les caractéristiques de la
ZKB? Tout dabord son statut juridique, qui
en fait une banque du Parlement. En effet, ce
n’est pas le gouvernement cantonal (Regie-
rungsrat) qui prend les décisions pertinentes,
mais le législatif (Kantonsrat). Ensuite, la
ZKB se concentre fortement sur le marché
national, doù le peu dintérêt à séparer les af-
faires suisses des affaires étrangères, comme
le font les grandes banques. Enfin, la majeure
partie des risques résident dans les fonctions
systémiques elles-mêmes. En cas de crise, ces
dernières seraient donc sans doute une partie
du problème.
Étant donné ces particularités, il est peu
probable qu’une seule stratégie puisse cou-
vrir tous les cas possibles. Cest pourquoi le
plan durgence, conçu comme une «boîte à
outils», comporte différentes stratégies et
mesures. Il est en voie délaboration, avec le
concours de la Finma.
Avec les stratégies retenues, la ZKB est
convaincue davoir trouvé les voies permet-
tant dassurer effectivement la poursuite des
fonctions systémiques dans toutes les cir-
constances et de contribuer ainsi à la stabi-
lité du marché financier. N’oublions cepen-
dant pas que lexigence décisive faite à une
banque systémique est de gérer ses risques
activement et de façon concentrée en temps
«normal». Cette gestion doit maîtriser la
complexité dune grande banque et mettre
en réserve des volants de fonds propres et de
liquidités suffisants pour qu’il ne soit jamais
nécessaire dactionner les plans de stabilisa-
tion et durgence.
1 Message du Conseil féral concernant la révision de
la loi sur les banques, 4392.
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