Le marché mondial est largement resté inaccessible pour l’Afrique. Mais
les effets pervers de la mondialisation semblent s’être déjà concentrés
sur ce continent qui, avec 780 millions d’habitants, représente un dixième
de la population de la planète. La pauvreté, l’inégalité, l’exclusion, la dis-
crimination, la guerre et les maladies sont venues s’ajouter aux caprices
du climat et de la météorologie.
Les problèmes de l’Afrique ne sont pas tous dus au déchaînement des
éléments, ils sont souvent l’œuvre de l’homme. La bonne gouvernance, la
démocratie, le respect des droits humains et syndicaux, le dialogue social
et une forte expression indépendante du monde du travail ont été pen-
dant trop longtemps des denrées rares dans la région. Mais la commu-
nauté internationale ne peut pas non plus décliner sa responsabilité. Les
programmes d’ajustement structurel élaborés par la Banque mondiale et
le Fonds monétaire international étaient censés aider les pays africains à
redresser leur économie pour promouvoir la croissance et encourager l’in-
vestissement. Ils se sont non seulement avérés inefficaces face à la pau-
vreté, mais ils l’ont approfondie.
Les budgets nationaux alloués à l’éducation et à la santé ont été im-
placablement réduits, privant une majorité de gens d’accès aux services
publics essentiels. Des millions de personnes ont été reléguées dans la
précarité de l’économie informelle, privées de protection sociale et obli-
gées de vivre, ou plutôt de survivre, de revenus aussi maigres qu’aléa-
toires. Des ingrédients sociaux vitaux ont fait cruellement défaut dans les
tentatives de stabiliser des économies en perdition. Pis, les législations du
travail, qui assuraient un minimum de protection aux travailleurs et tra-
vailleuses et à leurs familles, ont été revues à la baisse. Les zones franches
d’exportation ont proliféré, souvent au détriment des normes internatio-
nales du travail et des droits sociaux durement conquis.
Le système de partis uniques et d’autres régimes non démocratiques
ont laissé en héritage une dette étrangère colossale qui, outre qu’elle hy-
pothèque l’avenir de générations d’Africains et Africaines, n’a jamais pro-
fité aux populations locales au nom desquelles elle avait été contractée.
La pandémie du VIH/SIDA a également frappé l’Afrique de plein
fouet. Et, si la pauvreté doit être considérée comme un des facteurs de
propagation de la maladie, la prévention, les soins et les traitements aux
victimes dépendent, eux, essentiellement de mesures politiques, écono-
miques et sociales qui devraient figurer en tête des priorités de la com-
munauté internationale.
Tout cela constitue une triste réalité. L’Afrique a trop longtemps été un
continent oublié et un champ de bataille où se disputent des enjeux qui
dépassent de loin ses frontières. Les ressources naturelles ont été pillées
et l’aide internationale s’est réduite comme une peau de chagrin. Le dé-
veloppement s’est arrêté.
V
Editorial