Une autre raison tient aux positions spéculatives des fonds de gestion alternative sur les devises, les crédits ou les
actions. Le renchérissement du crédit, les demandes de rachat, les appels de marges les ont forcé à déboucler,
avec des pertes, certaines de ces positions engendrant une volatilité importante sur les marchés. Les pertes
cumulées de ces fonds seront sans doute plus importantes que celles du crédit sub prime.
La crise actuelle est une crise du crédit, arrivant après une phase d’activité exubérante ayant engendré
des comportements excessifs et un sentiment d’impunité face aux risques, les crédits les plus risqués
n’étant pas assez chers. Cette phase est terminée. Le réajustement en cours va rétablir une juste
hiérarchie des risques et des rémunérations associées.
Quelles sont les solutions pour sortir de la crise ? Faut-il craindre une récession ?
Nous assistons à une crise financière. Pour rétablir la confiance et assurer le financement de l’économie, les
Banques Centrales ont eu une réponse appropriée en continuant d’injecter des liquidités et elles disposent d’une
arme encore plus forte, la baisse des taux d’intérêt. Elles l’utiliseront quand elles estimeront que la purge aura été
suffisante pour sanctionner les acteurs du crédit inconséquents et surtout pour éviter un ralentissement
économique. Les anticipations de hausse des taux de la FED, apparues fin juin, ont disparu depuis la baisse du
taux de réescompte, fin août, et les déclarations de Monsieur Bernanke. Celui-ci a affirmé plusieurs fois que la
crise du crédit augmentait les risques pour l’économie américaine et que le FED était prête à intervenir si
nécessaire. D’emblée, les marchés attendent plusieurs baisses du taux d’intervention pouvant atteindre 0,75%, et
ce, dès la prochaine réunion du 18 septembre. Nous considérons que la situation américaine n’exige pas encore
de baisse de taux et que les injections de liquidités sont suffisantes. Par contre, nous sommes certains que la FED
n’hésitera pas à baisser ses taux si l’économie réelle était impactée. Quant à la BCE, son gouverneur avait
clairement indiqué une prochaine hausse de 0,25% en septembre mais la situation financière l’a obligé à
tempérer son discours. Les marchés espèrent un statut quo à la réunion du 6 septembre.
Parallèlement, les autorités politiques de tous les pays sont rapidement intervenues dans les médias pour rassurer
les épargnants. Les pratiques des intervenants financiers les plus contestables (excès d’endettement ou prêts
immobiliers dangereux pour l’emprunteur) feront sans doute l’objet de nouvelles réglementations pour mieux les
encadrer. Enfin, aux Etats-Unis, des mesures seront prises pour éviter aux ménages endettés les plus fragiles la
saisie de leur habitation. Chaque crise financière voit généralement un épilogue similaire.
Le doute porté sur de nombreuses opérations de crédit, dont l’opacité est réelle, rendra probablement la
résorption de cette crise assez longue. La confiance reviendra lentement tant la compréhension de ces
phénomènes est complexe. La crise marquera aussi le passage du milieu du cycle de croissance entamé en 2003,
avec une transition vers une croissance mondiale un peu moins forte mais plus soutenable. En effet, des études
récentes ont montré que seule une récession américaine prononcée pouvait entraîner un fort ralentissement des
pays émergents, qui sont les principaux contributeurs de la croissance mondiale.
Or, aux Etats-Unis, la consommation se maintiendra tant que les créations d’emplois se poursuivront et que le
chômage restera bas. Les entreprises américaines ont été très vertueuses et sont très peu endettées. Leurs
investissements et les exportations soutiennent l’activité. La crise immobilière et les événements actuels
devraient logiquement affaiblir la croissance américaine dans les prochains mois mais de manière mesurée. Nous
attendons une croissance de l’ordre de 2,2 % en 2007 aux USA et excluons le risque de véritable récession.
De plus, il existe une dynamique propre en Europe avec des réformes structurelles introduites en Allemagne et
débutant en France. Nous y attendons une croissance d’environ 2,6%.
La crise financière a plutôt épargné les pays émergents dont la situation financière est satisfaisante. L’activité
dans les pays émergents devrait donc rester soutenue, à l’image de la Chine, ce qu’anticipent déjà les Bourses
domestiques chinoises qui sont au plus haut. L’économie japonaise semble par contre retomber en léthargie : les
exportations et l’investissement ralentissent. La consommation reste faible alors que le marché du travail est
dynamique et que le chômage baisse.
La crise a eu relativement peu d’effet sur les cours du pétrole, qui restent élevés, et sur l’or mais l’indice CRB
des matières premières a perdu quand même près de 10% Si les risques de ralentissement mondial étaient plus
élevés, l’ensemble des matières premières aurait baissé beaucoup plus.
Les principaux bénéficiaires de la crise ont été les emprunts d’état, qui ont servi de valeurs refuges : les taux
longs ont rebaissé de 0,50 à 0,75% selon les pays. Le dollar s’est apprécié de 5% face à l’euro, le yen s’est
apprécié de 10% face à l’euro et de 8% face au dollar: les débouclages d’opérations spéculatives (carry trade) sur
les devises ont été très importants mais de nouvelles opérations reprendront sans doute dès le retour au calme.
En résumé, la vigueur de la croissance mondiale et l’intervention des banques centrales devraient
permettre aux économies et aux marchés d’absorber cette crise.