COMMENT UN SYSTÈME INSTABLE DEVIENT EXPLOSIF La crise

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COMMENT UN SYSTÈME INSTABLE DEVIENT EXPLOSIF
La crise financière et la création de liquidités
Christian GOMEZ*
Septembre 2011
NE PAS DIFFUSER, EN INSTANCE DE PUBLICATION
* Docteur d’Etat en Sciences Economiques et ancien élève de Maurice Allais, Christian Gomez a d’abord suivi une
carrière universitaire- Maître de Conférences à l’Université de Rennes - avant de rejoindre en 1983 le secteur
bancaire où il a exercé des fonctions de responsabilités importantes dans l’activité de Banque d’investissement
d’une grande Institution Financière Internationale tant en Europe – Paris, Londres et Zürich - qu’en Asie – Tokyo et
Hong Kong.
1
COMMENT UN SYSTÈME INSTABLE DEVIENT EXPLOSIF
La crise financière et la création de liquidités
Christian Gomez
La dernière crise dans laquelle nos économies sont engluées depuis 2007 n’est pas que la conséquence de
quelques aberrations avérées, comme la titrisation des « subprimes », mais elle est aussi, et surtout, le dernier
avatar des crises financières qui ont ponctué l’évolution des économies de marché depuis des décennies et qui
renvoient toutes au fonctionnement fautif d’un système bancaire fondé sur le principe des réserves fractionnaires
et sur les mécanismes du crédit qui en découlent. Dans cet article, l’auteur montre que l’on retrouve dans cette
crise les grands traits de la crise financière « classique » mais que les conséquences de ceux-ci ont été encore
aggravées par l’émergence d’un système bancaire parallèle encore plus dangereux que «l’officiel », des
« innovations » financières menées sans aucune réflexion sur leur impact sur les liquidités et une perte de contrôle
de ces dernières dans le cadre d’une politique monétaire impuissante et d’un système financier international
défaillant. C’est ainsi que, face à la crise de l’intelligence qu’a connue la science économique au cours des trois
dernières décennies, avec le règne sans partage d’idéologies pseudo-scientifiques, l’auteur en appelle à une
nouvelle réflexion sur la notion même de liquidités et sur les moyens de leur contrôle et invite à renouer avec
cette tradition qui de Ricardo à Allais, en passant par Mises, Hayek, Fisher, Friedman, Tobin et Minsky, n’a eu de
cesse que de proposer une réforme en profondeur du système financier pour réguler l’évolution des économies de
marché, magnifier l’esprit entrepreneurial du capitalisme et limiter drastiquement les délires spéculatifs, comme
ceux que nous avons connus ces dernières années, qui cassent les ressorts mêmes de nos économies et
corrompent nos démocraties.
2
On peut se demander si l’aveuglement n’est pas une caractéristique des comportements
économiques. Aveuglément dans les phases d’expansion et d’euphorie, quand les acteurs
économiques pensent que les temps heureux ne finiront jamais car « this time is different »
(Reinhart et Rogoff, 2009). Aveuglement dans les périodes de crise où chacun recherche les
coupables dans les actions des uns et des autres qui, par leur maladresse, leur ignorance ou
leur avidité, ont mis à mal un système « si parfait » qui permettait de générer tant de profits
faciles à certains et prodiguait tant de confort intellectuel à d’autres, économistes et autres
« experts », convaincus d’avoir enfin mis en place un système conforme à leurs modèles qui,
bien sûr, ne pouvaient pas être faux. N’est-ce pas Lucas1, un des tenants de la théorie dite « des
anticipations rationnelles », qui déclarait en 2003 : « Nul ne peut contester à la macroéconomie son plein succès : Le problème de la prévention d’une nouvelle dépression, qui était
son problème crucial, a été pleinement résolu ».
Certes, la crise mondiale que nous connaissons est forte et durable et son issue est encore très
incertaine2, tant la période qui l’a précédée a été marquée par des déséquilibres majeurs et
généralisés : explosion du crédit, boom immobilier, « bulles spéculatives » sur de nombreux
actifs avec un écrasement rare de toutes les primes de risque, poussée sur les prix des matières
premières et des produits alimentaires….. Mais, est-elle pour autant exceptionnelle dans ses
manifestations essentielles ? Certainement non. Il suffit pour s’en convaincre de se reporter à
l’historique des crises qui ont marqué ces deux dernières décennies3. Pourtant, face à un tel
phénomène, la tentation est grande de s’en tenir à la surface des phénomènes. Du côté
américain de l’Atlantique, les analyses des économistes et autres commentateurs4 tournent
autour de deux thèmes : (1) Le président du Federal Reserve Board, Allan Greenspan, est
coupable5, d’une part, d’avoir maintenu les taux d’intérêt directeurs trop bas et trop
longtemps après la crise de 2001 (dite « Crise Internet ») et , d’autre part, d’avoir été trop
complaisant avec les marchés financiers en leur faisant croire qu’ils seraient toujours soutenus
en cas de faiblesse trop appuyée6 ; (2) le processus d’octroi des crédits dits « subprimes »7 a été
fautif et, derrière lui, c’est toute une chaine du désastre qui s’est mise en place : titrisation de
mauvaises créances, structuration de ces dernières avec des effets leviers trop importants,
1
Presidential Lecture, American Economic association, 2003
Ecrit en Septembre 2011 alors que les marchés donnent de nouveaux signes inquiétants de faiblesse.
3
Voir le tableau présenté page X
4
Cooper(2008), Fleckenstein (2008), Morris (2008),Philips (2008), Turner (2008), Kaufman (2009), Lowy (2009), Mauldin et Tepper (2011)],
5
Une bonne revue des critiques adressées à ce Président du Fed, longtemps loué avant d’être voué aux gémonies, se trouve dans Fleckenstein
(2008) qui a sous-titré son livre sur Greenspan : « The Age of Ignorance at the Federal Reserve ».
6
C’est ce que les marchés ont appelé: “The Greenspan’s put”.
2
7
Crédits hypothécaires dits « subprimes » : crédits accordés à des ménages à la situation financière fragile, en dessous du seuil minimal FICO
(credit scoring) fixé pour bénéficier d’un prêt qualité « prime » (taux d’intérêt plus bas en raison d’une prime de risque moins élevé).
3
notations surévaluées, infestation des bilans bancaires eux-mêmes déséquilibrés, illiquidité
potentielle des titres créés et refinancés à trop court terme …. De l’autre côté de l’Atlantique, la
faute de l’emballement est d’abord attribuée à de trop faibles taux d’intérêt résultant soit de
l’établissement de la zone euro dans des pays habitués à payer beaucoup plus chers les fonds
empruntés, les pays calomnieusement dénommés aujourd’hui « PIIGS » (Portugal, Italie,
Irlande, Grèce, Espagne), soit d’une politique délibérée (Grande-Bretagne).
Notre approche sera, elle, radicalement différente. Les faits rapportés sont bien sûr avérés mais
ils ne prennent leur véritable signification que replacés dans ce que nous croyons être le vrai
cadre conceptuel qui leur convient : le modèle de la crise financière classique dans un système
bancaire à couverture fractionnaire dans lequel, d’une part, l’empilement de créances à terme
assises sur des ressources de plus en plus liquides et, d’autre part, des taux d’intérêt sans cesse
biaisés par l’expansion monétaire liée au crédit bancaire créent les conditions de la crise et de
l’écroulement. Notre but est de montrer que cette crise n’a en soi rien d’original (Partie 1)
sinon que de nouveaux facteurs sont venus fragiliser encore plus un système déjà instable et
amplifier ses déséquilibres. Il y a, d’une part, tous les développements qu’ont connus les
systèmes financiers au cours des 30 dernières années, nouvelles structures parallèles,
innovations financières et explosions des opérations « transfrontières » (Partie 2). Il y a, d’autre
part, un mode de régulation monétaire, la politique dite « Inflation Targeting », qui s’est
révélée d’une totale inefficacité en abandonnant toute gestion des liquidités de l’économie
(Partie 3). Précisément, cette crise, plus encore que celles qui l’ont précédée pose le problème
de la définition des liquidités dans le système financier tel qu’il s’est historiquement développé,
surtout dans les deux dernières décennies (Partie4). En fait, ce que montre notre analyse, c’est
que les tentatives de réguler le système financier par la voie réglementaire, comme il est tenté
aujourd’hui à travers les lois Dodd-Frank et le nouveau cadre « Bâle3 » en cours de discussion,
sont vouées à l’échec faute d’une véritable compréhension de la cause réelle de la crise
financière qui est le principe même de fonctionnement du système bancaire : le mécanisme du
crédit avec couverture fractionnaire des dépôts.
« Plus ça change, plus c’est la même chose » : les circonstances des crises
changent, les ressorts restent….
Comprendre les facteurs qui ont conduit à la crise mondiale qui s’est amorcé en 2007, « The
Great Recession » comme l’appellent les anglo-saxons, nécessite de dégager les traits communs
qu’elle partage avec toutes les autres crises financières8 du passé avant d’en étudier les
facteurs plus spécifiques. Or, pour analyser les périodes d’euphorie et les crises qui
8
Voir tableau page 25
4
s’ensuivent, cinq types d’approche nous paraissent essentielles pour construire la grille de
lecture la plus complète [encadré de la page 6] qui, à l’exception de l’hypothèse de
« l’accélérateur financier » (Bernanke et alii), ne se rattachent pas aux courants dominants
actuels de la recherche économique, tous pris à contre-pieds par la crise de 2007. Chacun
d’eux apporte une contribution pour reconstruire son déroulement, ainsi que nous allons
tenter de l’illustrer.
Au début et dans le cours du processus, il y a toujours une situation de liquidités en excès et
de taux d’intérêt bas par rapport aux niveaux auxquels les agents économiques sont habitués
Comme l’avaient vu les tenants de « l’Ecole Autrichienne »9 et tous les économistes mis dans la
catégorie monétariste, en dépit parfois de leurs différences10, l’injection de liquidités ou le
sentiment éprouvé par les agents d’une plus grande facilité d’accès au crédit(emprunteurs) ou
d’octroi de ce dernier (banques) , dans un contexte de taux d’intérêt perçus comme attractifs,
est toujours l’impulsion de départ qui enclenche le processus. Le système repart quand les
agents économiques puisent dans leurs encaisses ou empruntent auprès de banques désireuses
de prêter et qu’un nouveau pouvoir d’achat créé ex nihilo se déverse sur les marchés
entrainant un frémissement de la demande, un raffermissement des prix des biens et des actifs
et, donc, une génération de profits propre à inciter à poursuivre le processus. Et ce dernier ira
s’amplifiant, alimenté par toujours plus de liquidités et de crédit, toujours plus de profits et
donc toujours plus de dépenses.
Bien entendu, ce type de réactions suppose que les acteurs économiques ne soient pas
surendettés (Ménage, entreprises, Etats) ou rendus très fragiles par des déboires antérieurs
(Banques, Intermédiaires Financiers non bancaires ….) et que les perspectives économiques ne
soient pas obérées par le poids du passé et apparaissent suffisamment claires.
9
Nous subsumons sous ce terme bien sûr tous ceux qui se réfèrent à la « vraie » Ecole autrichienne de Menger et Böhm-Bawerk et , au XXème
siècle, de Mises et Hayek (tous deux naturalisés américains) , bien qu’ils ne soient parfois en rien autrichiens comme Rothbard ou plus près de
nous, Murphy, Jesus de Sotto.
10
Beaucoup pensent que les « monétaristes », c'est-à-dire ceux qui soutiennent que la monnaie et, plus largement, la situation de liquidités,
joue un rôle primordial dans le comportement de dépense et de placement, font l’hypothèse d’une exogénéité de la monnaie. C’est une
assertion fausse. Par exemple, Maurice Allais, bien que faisant jouer à la monnaie un rôle primordial, considère l’offre de monnaie/crédit
bancaire comme endogène fait dépendre son injection du comportement de crédit et donc de la situation même de l’économie dans le cadre
de sa théorie de la dynamique monétaire (voir encadré page 5 et la bibliographie)
5
-0.5
-0.5
1.5
log(M/PIB)
Etats-Unis: 1990-2007
-0.6
Masse Monétaire MZM
rapportée au PIB
-0.7
1.4
-0.6
CREDITS BANCAIRES AU SECTEUR PRIVE ET PIB
1.3
-0.7
Evolution du Rapport Crédits/PIB
Comparaison avec la tendance 1990-2000
-0.8
tendance 1990-2000
-0.9
Royaume-Uni: 1990-2007
-0.8
1.1
1.1
-1.0
0.9
90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07
tendance 1990-2001
sources: Bank of England, ONS
90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07
Il a été beaucoup reproché11 à Alan Greenspan de ne pas avoir monté les taux d’intérêt plus tôt
lors des différentes « bulles spéculatives » qui se sont produites durant sa tenure, car cela
aurait évité les dérapages et les crises qui ont suivi. Mais, c’est lui faire aujourd’hui un mauvais
procès rétrospectif. D’abord, parce que c’est faire abstraction du climat de cette époque et
surestimer les capacités prévisionnelles des agents économiques (et des experts !)12, toujours
enclins à extrapoler l’expérience récente. Ensuite, parce que ce n’est pas prendre en compte les
difficultés à contrecarrer une machine économique en proie au jeu de la spéculation
généralisée, sauf à prendre le risque de la récession économique, ce qu’il s’est toujours refusé à
envisager. La réaction à l’augmentation progressive des taux d’intérêt à court terme après 2004
en est la preuve. Les marchés, prêts à prendre tous les risques, y répondirent par une baisse des
taux d’intérêt à long terme sur les actifs les plus risqués, c'est-à-dire par un effondrement des
« primes de risque ». En effet, une fois la dynamique économique lancée, il faut compter avec
la psychologie des acteurs non seulement sur les marchés financiers mais dans tous les secteurs
de la vie économique, y compris, par exemple aux Etats-Unis, chez Mrs Jones, très modeste
employée américaine, dont la note aux Tests FICO13 est inférieure au seuil fatidique de 720
pour être considérée comme un emprunteur de « première classe » (« prime borrower »), mais
qui a l’occasion unique de s’offrir la maison de ses rêves avec un « crédit pas cher »…
On trouvera une revue de toutes ces critiques chez Fleckenstein (2008)
12
Il faut se souvenir qu’à l’époque (2003-2004), les craintes de Greenspan et de son successeur Bernanke étaient que les Etats-Unis ne
tombent dans une déflation « à la japonaise » ( !) et la plupart des « experts économiques » niaient l’existence de déséquilibres sur les marchés
immobiliers…..
13
Aux Etats-Unis, le « statut financier » des individus est étalonné par une méthode de « credit scoring » sur une échelle allant de 300 à 850, la
moyenne se situant dans la fourchette 700-750. En cas d’emprunt, chaque individu se verra assigner des conditions particulières en fonction du
risque qu’il fait courir au prêteur et ce risque est mesuré par son « score » au test FICO ( du nom de ses créateurs : « Fair Isaac Co. »). Une note
inférieure à 620 fait de l’emprunteur un « sub-prime borrower » ; une note supérieure à 720 permet d’accéder au rang des « prime
borrowers ». Voir sur tous ces points Lowy (2009)
6
1.3
1.2
Source: FRB Saint-Louis, FRED base
11
1.4
1.2
-0.9
1.0
-1.0
1.5
1.0
0.9
COMPRENDRE LES CRISES ECONOMIQUES ET FINANCIÈRES: LES CINQ APPROCHES CLEFS











Maurice Allais: Instabilité monétaire chronique et régulation retardée (1954-1955-1968-2000)
La psychologie optimiste (opt) ou pessimiste (pes) des agents économiques influence l’offre de monnaie/crédit M
(opt:+, pes:-) et la demande de monnaie Md (opt:-, pes:+)Psychologie représentée par Z, indice conjoncturel
d’optimisme et de pessimisme construit par Allais
La dynamique monétaire dépend de l’offre des variations de M et de l’ajustement entre M (offre) et Md (demande)
Une économie monétaire ne peut jamais être à l’équilibresensibilité de (M-Md) à toute variation du climat
psychologique
Tout déséquilibre est nécessairement cumulatif jusqu’aux points d’inflexion de M (Bilans bancaires trop distendus ou
réserves en excès) et de Md (minimum d’encaisses relativement à la dépense ou abondance de liquidités) à partir
desquels le processus s’inverse
Plus l’offre de monnaie est élastique à la conjoncture, plus grande sera l’instabilité et la violence des fluctuations
Pas de cycle-limite (autorégulation) quand l’offre de monnaie peut s’accroitre sans limite  explosion (hyperinflation,
« bulles »)
Offre et Demande de Monnaie
En fonction de Z (indicateur conjoncturel)
Hyman Minsky: L’Hypothèse de l’instabilité financière inévitable (1984-1986)
Distinctinction de trois types de financement à dangerosité croissante: (1) Financement à remboursement sécurisé sur ressources courantes (« Hedged Finance), (2) Financement à
remboursement spéculatif (Speculative Finance) ou le paiement des intérêts et les appels de marge ne peuvent se faire que par endettement ou vente d’actifs, (3)Financement de type « Ponzi »
(« Ponzi Finance ») où le paiement des intérêts où le paiement des intérêts ne peut se faire que par un endettement croissant
En phase de stabilité et de croissance apparemment « saine » développement des financements de plus en plus risqués par les Banques en vue de maintenir ou accroitre le rendement sur
capital investi (« Return on Equities » par augmentation du rendement des actifs et une utilisation de plus en plus poussée des « effets leviers » (rapport total bilan/capital)
Inéluctabilité de la crise quand les opérations spéculatives et de type ponzi prennent trop d’importance « loi d’airain du capitalisme financier »
Fisher, Bernanke, Gertler, Gilchrist…..: L’Hypothèse de l’accélérateur financier (1933-1988-1993-1994-1995/6-1999)
La valeur des actifs est un facteur permissif de l’endettement car ceux-ci servent de gages (« collatéral ») et est procyclique, c'est-à-dire qu’elle suit les fluctuations de l’activité réelle
La valeur des actifs influence le comportement des agents économiques via leur capacité à obtenir des prêts le secteur financier amplifie l’impact des chocs économiques
Kahneman, Tversky, Montier, Akerlof, Schiller: Les « biais » du comportement psychologique comme renforçateurs de tendance (1974-2000-2002-2009)
Biais : « herd instinct » : tendance à se sentir rassuré en suivant le consensus partagé par le plus grand nombre ; « cognitive dissonance » : tendance à rejeter tout ce qui va contre les convictions
établies, « confirmation bias » : tendance à surestimer ce qui conforte ses opinions, « conservation bias » : réticence à changer d’opinion, une fois celles-ci établies ; « anchoring » : face à
l’incertitude, les évènements passés (les prix des actions par exemple) constituent la base d’analyse des évènements actuels ; « ambiguity aversion » : les gens sont très déstabilisés par les situations
d’instabilité financière ; availability bias » : L’information la plus facile d’accès (journaux, télévision) a une importance capitale dans les décisions ; « contextual definitions » : les décisions sont
toujours prises dans un contexte déterminé, c'est-à-dire en s’appuyant sur les conceptions du moment ; « Framing » : tendance à hyper-simplifier les schémas d’analyse d’une situation donnée ;
« dynamic prospect theory » : changement de la perception du risque en fonction des résultats passés ; « exaggeration of true probabilities » : affectation d’une probabilité 0 ou 1 à des évènements
ayant des possibilités de survenance plus nuancées……..
Wicksell, Mises, Hayek, « les autrichiens » : création de monnaie, taux d’intérêt, distorsions de l’appareil de production et crises
 Toute création monétaire entraine une divergence entre le taux d’intérêt du marché et « le taux naturel » (équilibre épargne-investissement)
 Cette divergence pousse au sur-investissement dans des secteurs à « maturation longue » (taux d’intérêt trop bas) au détriment d’autres secteurs, dont les biens de consommation et les
services
 Le « boom » qui s’ensuit va conduire à la montée des prix des biens de consommation et à des tensions sur les taux d’intérêt situation difficile des secteurs surinvestis (biens d’investissement)

Caractère inévitable de la crise comme processus de réajustement de l’appareil de production à la structure réelle de l’épargne.
7
La dynamique psychologique des acteurs économiques comme facteur amplificateur de
première importance dans la compréhension des phénomènes économiques et de ces
périodes particulières que sont ces moments d’euphorie ou ceux de grand pessimisme qui les
suivent
Tous ceux14 qui ont décrit les grandes périodes d’euphorie et les grands emballements ont tous
été frappés par le climat psychologique dans lequel elles baignaient et Keynes15 faisait jouer aux
« esprits animaux » (« Animal spirits ») des entrepreneurs et des spéculateurs un rôle clef dans
la génération des perturbations économiques. Il en tirait d’ailleurs la conclusion qu’il fallait un
agent stabilisateur pour amortir ces dernières, en l’occurrence l’intervention gouvernementale.
Mais, c’est cependant Maurice Allais qui, le premier en 195416 dans un modèle empiriquement
testé, chercha à formaliser l’évolution de la psychologie des opérateurs économiques17 et à en
montrer l’influence sur l’interaction des deux facteurs explicatifs clefs de l’évolution
économique : les comportements d’encaisses et d’offre de crédit/liquidités. Pour Allais, la
psychologie est essentiellement fonction des évènements passés, tels qu’ils sont perçus par les
agents à travers le tamis de la mémoire, et leurs anticipations ne sont que l’expression de leur
état d’esprit, optimiste ou pessimiste, au moment de leur prise de décision, une évolution
favorablement perçue conduisant à une poursuite, voire une accentuation, du sentiment
d’optimisme, et inversement dans le cas contraire. Du point de vue du comportement, cette
influence aura donc deux conséquences :
-
-
Concernant la détention d’encaisses et de la demande de crédit, toute psychologie positive va pousser les
agents économiques, d’une part, à réduire de plus en plus leur niveau d’encaisse ( avoirs aisément liquidables
à rendement nul ou faible) jusqu’à leur plus strict minimum et, d’autre part, à augmenter autant que possible
leur endettement, les deux mouvements tendant à élargir toujours plus le champ des opérations envisagées
(consommation, investissement, spéculation) et à prendre ainsi toujours plus de risques.
Concernant l’offre de crédit des intermédiaires financiers, ce climat va conduire également les banques à être
de plus en plus souples dans leur offre de crédit et à alimenter avec toujours moins de réticence la demande
des emprunteurs.
Ce sont ces deux mouvements combinés qui vont s’alimenter l’un l’autre et créer le boom ou la
dépression.
Il est symptomatique que beaucoup de recherches modernes travaillant sur la psychologie des
agents économiques ne font fondamentalement que confirmer en les approfondissant les vues
14
15
16
McKay (1841), Klindleberger(1st ed.1978), Chancellor (2000)
Keynes (1936,), édition Française, 1988, Voir un exposé chez Diemer (2011)
Modèles de la dynamique monétaire d’Allais : 1953,1954,1955,1968,1982 in Allais, Editions Clément Juglar, 2001
17
Dans le modèle d’Allais, la psychologie des agents économiques est approchée par le calcul d’un indice Z qui est fonction des taux de
variation passés de la dépense globale, l’influence de chacun d’eux étant pondérée par un taux d’oubli et donc décroissante en fonction de
l’éloignement dans le temps.
8
de Maurice Allais. Sans aller dans le détail de tous les « biais » psychologiques répertoriés18
dans le comportement des individus, il est possible de les résumer en quelques traits : (1) Les
agents économiques forgent leurs croyances et convictions à travers leurs expériences passées
et, une fois celles-ci bien ancrées, tout changement devient difficile car ils vont trier les
informations pour chercher celles qui les confortent; (2) Ils cherchent à se donner une image la
plus simplifiée possible de la situation présente et leurs prises de décision sont fonction du
climat général, tel qu’ils le ressentent et tel qu’il apparait dans les informations les plus
aisément accessibles ; (3) Ils sont très sensibles au consensus et les données des marchés
auxquels ils se réfèrent sont celles qui reflètent l’opinion générale (4) ils vont être enclins à
prendre d’autant plus de risques qu’ils auront déjà expérimenté quelques succès ; (5) Ils sont
sensibles non au niveau de leur revenu et de leur patrimoine, mais à ses variations 19, c'est-à-dire
aux pertes ou aux gains20.
Un grand nombre d’observations peuvent conforter le schéma présenté dans ses grandes
lignes, tant au niveau des comportements des marchés (explosion des cours boursiers et des
rapports cours/bénéfices, écrasement des primes de risque sur les obligations risquées….) que
des comportements des agents économiques (croissance des dépenses grâce à un endettement
massif, détérioration des bilans…). Deux exemples suffiront à illustrer les comportements
décrits : pour les Etats-Unis, le graphique comparant les évolutions des crédits à la
consommation et du taux d’épargne et, pour un grand nombre de pays industrialisés (G10),
l’évolution de la propension moyenne à consommer (ratio complémentaire du taux
d’épargne21). Le taux d’épargne des ménages n’est certes pas le meilleur indicateur de leur
comportement d’encaisses mais, il donne une bonne idée de leur appétit de dépenses et, en
liaison avec leur propension à s’endetter, de leur attitude face au risque d’illiquidité.
18
On en trouvera une énumération dans l’encadré de la page 4, voir aussi Vogel (2010), p.77-117
19
Cette idée se trouve particulièrement exprimée chez Montier (2002). Elle correspond à un enseignement constant du Professeur Allais. On
en trouve un écho dans Prat (1984)
20
21
Ce qui est exactement la formulation d’Allais
Comme R(Revenu)= C(Consommation)+S(Epargne), C/Y (Propension à consommer)=1-S/Y (taux d’épargne),
9
32
%
%
Etats-Unis:1960-2006
Crédits à la Consommation et Epargne des ménages
28
(en % du revenu disponible)
24
20
16
100
12
96
8
échelle
épargne
échelle
Crédits
100
1975-2007
%
Groupe des Pays Avancés (G10)
PROPENSION A CONSOMMER DES MENAGES
(rapport consommation totale
au revenu disponible)
source: Bis 77th
ann. report, p20
%
92
4
88
16
12
0
Crédits à la consommation (encours)
Epargne des ménages
Sources: BEA,
FRED Base
84
96
92
88
G10: Aust ralia, Belgium,Canada,France,
Germany,It aly,Japan, T he Net herlands, Spain,
Sweden, Unit ed-Kingdom, Unit ed-St at es
84
76 78 80 82 84 86 88 90 92 94 96 98 00 02 04 06
-4
1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005
Bien entendu, au cœur de ce processus d’entrainement, le système bancaire joue une place
essentielle dans son interaction avec le système économique, à la fois comme facteur
d’alimentation en liquidité et comme élément de fragilité croissante susceptible de mettre un
terme à l’expansion et, même, de provoquer la crise.
Comment la pompe à injection du système bancaire alimente les circuits économiques et
financiers, les inondent de liquidités et finalement se grippe et se casse……..
Dans son modèle de la dynamique monétaire des années 50, Maurice Allais, à partir des
observations faites sur le comportement des banques dans l’histoire économique, supposait
que les banques ajustaient les crédits distribués à leurs réserves en fonction de la conjoncture.
Extrêmement téméraires dans les phases d’expansion, tendant le rapport des crédits aux
réserves jusqu’à la rupture (la crise de liquidité), afin de maximiser leurs profits ; extrêmement
frileuses dans les phases plus maussades, accumulant par prudence des réserves en excès,
soucieuses de préserver l’essentiel c'est-à-dire leur survie. Aujourd’hui, alors que la politique
monétaire a pour unique instrument la manipulation des taux d’intérêt22, les banques n’ont
plus réellement de contraintes de réserves en régime de croisière mais doivent « jouer » (c’est
le cas de le dire) avec une contrainte de capital réglementaire qui leur impose de maintenir un
certain ratio entre leurs actifs pondérés en fonction de leur risque supposé («risk weighted
assets ») et leurs fonds propres réglementaires (capital et instruments assimilés). Leur
comportement est-il pour autant changé? Certainement pas. Il est seulement rendu plus
complexe et asymétrique selon le climat conjoncturel et c’est là que Minsky rejoint Allais.
Dans les phases d’expansion, même quand celles-ci se caractérisent par une grande stabilité et
un équilibre apparent, les banques vont progressivement jeter les bases de leur déconfiture
future d’une manière, pourrait-on dire, « naturelle » par le jeu de la concurrence interbancaire
et de la recherche/préservation/maximisation de leur rentabilité :
22
Une analyse plus approfondie est fournie plus loin, à partir de la page 18
10
-
-
La concurrence interbancaire va nécessairement pousser à la baisse les marges sur les produits banalisés
(« plain vanilla » comme on dit dans le métier) par le simple jeu de la défense des parts de marché sur les
différents segments ;
La préservation/maximisation de la rentabilité, c'est-à-dire du rendement du capital investi (« Return on
Equities » ou « ROE » dans le jargon habituellement utilisé), lui, va nécessiter d’agir dans deux
23
directions pour éviter sa baisse: augmenter ou, à tout le moins, maintenir le rendement moyen sur les actifs
et augmenter le coefficient de levier du bilan, c'est-à-dire le rapport du montant total des actifs au capital
« dur » (c'est-à-dire les actions de la société et les bénéfices non distribués).
Le premier facteur va les pousser à se ruer, toutes en même temps, sur les mêmes segments
profitables et/ou consommant le moins de capital possible, quitte à les engorger (immobilier)
et à en faire baisser la rentabilité. Le second facteur va les conduire à rechercher (1) tous les
produits et activités permettant de leur faire gagner, au moins momentanément, des marges
plus élevées, (2) toutes les activités à consommation réduite, voire nulle, de capital et (3) tous
les subterfuges pour économiser ce dernier tout en multipliant les opérations lucratives.
Progressivement, elles seront conduites à augmenter les liquidités autant qu’elles le peuvent
avec des risques de plus en plus élevés.
Dans les phases de pessimisme, quand tout le monde se méfie de tout le monde, les réserves
rejouent un rôle clef, mais contre les Banques Centrales. En effet, face aux tentatives de ces
dernières d’offrir toute la monnaie de base possible pour relancer la machine économique, les
banques vont opposer leur force d’inertie en accumulant par prudence des réserves dans leurs
comptes à la Banque centrale, la demande de crédit étant faible en tout état de cause. C’est
exactement, ce qui s’est produit depuis 2008.
Ainsi dans la grande phase d’expansion/euphorie que nous avons connue, c’est un schéma à la
Minsky-Allais qui s’est appliquée avec pour seul objectif : Augmenter le ROE ! Les exemples
pourraient être multipliés :
-
Volonté de développer toutes les activités n’engageant pas ou peu le bilan, comme (1) les revenus de trading
(2) les commissions issues de montage d’opérations, de la structuration et du placement de produits pour
recevoir des revenus sans consommer du capital, et (3) les montages pour alléger le bilan de tous les actifs
possibles (prêts) par soit une cession réelle ou fictive ( c'est-à-dire dans ce dernier cas à des structures hors
24
bilan , bien que sponsorisés par la Banque initiatrice)  modèle OD (Originate to Distribute), soit par
couverture du risque de contrepartie sur le marché des CDS (Credit Default Swaps) devenu le véritable guide
pour le « pricing » des prêts accordés (taux d’intérêt sur les prêts aux entreprises et grandes entités : coût de
la ressource+assurance CDS+marge)
23
Avec, pour chaque Banque i, BNi= Bénéfice net , Ki= Capital, ATi= Actif total, on peut écrire le rendement sur capital investi (Return on
Equities) Bni/Ki de la manière suivante : BNi/Ki=BNi/Ati*Ati/Ki, c'est-à-dire que le ROE est d’autant plus élevé que le rendement moyen de
l’actif est élevé et que le coefficient de levier est important.
24
Ce point est expliqué plus loin (page 27-28
) sous la rubrique :système bancaire parallèle (Shadow Banking System)
11
-
Concentration sur les activités et les produits à faible (voire nulle) consommation de capital : crédits
25
hypothécaires ; titres affectés de bons ratings comme les CDOs « subprime » AAA disposant à la fois d’une
bonne note (donc moins de consommation de capital) et d’un rendement supérieur à un titre AAA « normal »
-une obligation IBM ou General Electric par exemple ; Prêts aux investisseurs (hedge funds) contre
collatéral)… ;
-
Développement croissant d’opérations risquées mais à forte marge comme les « leveraged loans » (Prêts à
des entreprises endettées en tirant de plus en plus sur les ratios de solvabilité :rapport dette/ excédent brut
d’exploitation-EBITDA) ou les crédits liés à des rachats d’entreprises ( « Leveraged Buy-out »-LBO), pendant
que les critères de sélection des emprunteurs (crédits hypothécaires résidentiels et non résidentiels, Crédits
aux « développeurs » immobiliers, crédits aux entreprises, Crédit à la consommation) étaient assouplis et que
les clauses de sauvegarde des contrats de prêts aux entreprises (« les covenants ») étaient parfois purement et
simplement supprimées ( ces prêts ont d’ailleurs laissé un nom : les « lite-loans ») ;
-
Explosion des prêts « transfrontières » (« cross border ») à la fois dans la devise d’origine des banques et,
surtout, dans d’autres devises (essentiellement le dollar), ce qui n’est pas neutre du point de vue de la
26
liquidité , puisqu’il y a effectivement plus de risques dans une devise où l’on n’a pas un accès direct au
« refinanceur » en dernier ressort, la Banque Centrale.
Les conséquences de toutes ces évolutions apparaissent avec une grande clarté. D’un côté, une
montée extraordinaire de la rentabilité dans cette « âge d’or » de la Banque avec des ROE après
impôts en général très supérieur à 20% dans la plupart des pays industrialisés27 et une
extraordinaire accumulation de profits, le secteur bancaire faisant aux Etats-Unis plus de 50%
en moyenne des profits réalisés par les autres secteurs avec une part de l’emploi très inférieur.
D’où les salaires faramineux et les bonus mirobolants ! D’un autre côté, une véritable explosion
de la taille des bilans en termes d’actifs réellement portés au bilan et non en termes d’actifs pris
en compte dans les ratios règlementaires prudentiels, avec des totaux de bilan pour chaque
banque prise isolément plus importants que le PNB de leur propre pays (Royal Bank of
Scotland : 120% du PNB de la Grande-Bretagne, BNP-Paribas : plus de 80% du PNB français, UBS
et Crédit Suisse : chacun 4 fois le PNB de la Suisse), pays supposés devoir garantir en dernier
recours leur solvabilité ! Ebahi, le monde découvrait à l’occasion de la crise de 2007-2008,
25
Les Collateral Debt Obligations (CDO) sont des titres représentatifs de portefeuille de créances, souvent de mauvaise qualité intrinsèque,
mais qui sont découpés en tranches différenciées par le risque encouru par leurs détenteurs. En cas de défaut des débiteurs, les créanciers
/investisseurs sont payés selon un ordre que reflète la notation (« rating »). Les notes AAA sont payées les premières, puis viennent les autres…
On a souvent dit que les banques avaient menti aux investisseurs sur la qualité de ces titres affectés de la note la plus élevée. En fait, c’est faux.
Leur management s’est leurré ou a été leurré par les structureurs puisqu’une part non négligeable de ces CDOs a été « achetée » par les
banques comme investissement : un rendement supérieur à d’autres types de titres AAA avec la même consommation de capital.
26
« Il y a des signes que la croissance très rapide des banques actives au plan international a contribué à accroitre la vulnérabilité de leur
modèle de croissance (« Busines Model »)…. La progression très dynamique du volume de prêts bancaires a dépassé très significativement la
croissance du commerce international au début des années 2000, soulevant des questions sur les changements intervenus dans les relations
entre l’activité économique réelle et l’activité bancaire internationale. Des études supplémentaires de cette question sont requises » (CGFS, July
2010, page 1) il s’agit du doublement de 20 à 40% du ratio prêts bancaires/ensemble des exportations
27
Selon des chiffres relevés dans l’AGEFI du 5 Décembre 2007 , les ROE après impôts ( !)des différents pays étaient les suivants pour 2006:
Etats-Unis (27.7%), Pays Nordiques (27.6%), Royaume Uni (26.8%) , Japon (23.5%), France (20.5%), Italie (20%), Allemagne (17.6%)
12
l’incroyable « leverage » (coefficient de levier) sur lequel reposait tout cet édifice avec des
rapports « total de bilan sur capitaux propres « durs » (vrai capital) » supérieurs à 25/30, voire
38 pour l’UBS.
UN EXEMPLE DE « LEVERAGE » DANS LE SECTEUR BANCAIRE :L’EXEMPLE DE CITIGROUP
LEVERAGE APPARENT ET RÉEL (au 31 décembre de chaque année)
2005
2006
2007
Capital/Total passif
8.1%
6.8%
5.5%
Leverage « apparent »
12.3
14.7
18.7
Capital ajusté/Actifs tangibles
4.5%
3.8%
2.3%
Leverage « réel »
21.4
25.0
41.6
Capital ajusté : après déduction des actifs intangibles et autre « goodwill » qui sont sans valeur en cas de crise
Source : James Turk, Financial sense.com 03/17/2008
Un calcul fait par un analyste financier pour Citigroup, après rectification du bilan de ce dernier
pour bien mettre en valeur les « vrais » capitaux en cas de crise, se passe de commentaires.
Ainsi, alors que l’optimisme le plus extravagant régnait dans le système bancaire dans cette
période, le comportement quotidien des banquiers préparait leur propre chute en laissant deux
risques se développer sans même en avoir conscience :
-
Un risque global de solvabilité, résultant de l’accumulation de mauvais risques dans des bilans
extraordinairement fragilisés par les coefficients de levier qu’ils comportaient,
Un risque global de liquidité dans la mesure où une bonne partie des bilans était refinancée sur les marchés à
très court terme, voire au jour le jour, dans la devise d’origine (ce qui est un moindre mal, vu l’implication
possible des Banques Centrales des pays concernés en cas de problèmes) mais aussi, et d’une manière
croissante, dans des devises étrangères… (ce qui est infiniment plus problématique)
Et tout ceci…. sans même prendre en compte le « système bancaire parallèle » (« Shadow
Banking System ») dans lequel des problèmes insolubles allaient bientôt surgir. Décidément
Maurice Allais et, dans le cas présent, surtout Hyman Minsky avaient bien raison.
Les nouveaux facteurs amplificateurs et démultiplicateurs ou les effets pervers
d’un aveuglement systématique
Si les facteurs généraux ont été à l’œuvre dans la crise traversée, il n’est pas possible de la
comprendre si ceux-ci ne sont pas intégrés dans une analyse plus large englobant tous les
autres aspects du système financier qui, loin de n’être que des compléments, ont été aussi des
déclencheurs-amplificateurs-démultiplicateurs de chocs en interaction avec les premiers. Les
13
répertorier, c’est montrer à quel point, ce système financier a été hors contrôle, dirigé par des
autorités dépourvues de tout instrument pour analyser les phénomènes et leurs conséquences
potentielles.
Le « Shadow Banking System » (SBS): un univers parallèle et comparable au « Traditional
Banking System » pour injecter toujours plus de liquidités … avec toujours plus de risques
Ce système a mis plusieurs années à se constituer et les racines de son développement sont
multiples :
-
-
-
Du côté des investisseurs/déposants, il y a la volonté de déposer des fonds liquides en attente d’emploi à des
conditions plus rémunératrices que celles offertes par les banques et dans des conditions considérées comme
28
plus sûres , au moins jusqu’à ce que les craquements dans la confiance se fassent sentir, soit dans des SICAV
monétaires/ »Money Market Funds » (MMF), soit à travers le marché du «repurchase agreement »
(« repos »), la liquidité et la sureté des « dépôts »/parts étant assurées par la qualité des titres à court terme
achetés en contrepartie des dépôts (MMF) ou mis en gages (repos) et par l’importance de leur marché
(argument surtout valable pour les MMFs)
Pour les emprunteurs (Banques et leurs véhicules associés -« conduits », « Structured Investment
Vehicles »- ; entreprises ; hedge funds et autres fonds), il s’agit de lever des fonds soit par émission de
« papiers » du type : Commercial paper/Billets de trésorerie, Asset-backed Commercial paper (ABCP), AssetBacked Securities (ABS)…. , soit de mettre en gages/ « collateral » les titres détenus.
Pour les banques, il faut le noter, il s’agit à la fois de
marchés (MMFs et Repos) où elles se refinancent
elles-mêmes à court terme de manière croissante,
mais aussi où elles font se refinancer les véhicules
(« conduits » et SIV) qu’elles ont montés pour loger
une part de leurs opérations (surtout des titres issus
des titrisations initiées par elles ou des prêts divers)
afin que celles-ci soient déconsolidés (placés en
dehors du bilan) et échappent ainsi aux ratios
prudentiels réglementaires.
Ce marché est loin d’être anecdotique puisque,
s’envolant vraiment vers le début des années (Source : Pozsar et alii, 2010, page 5)
90, il a dépassé en importance le système
bancaire traditionnel dans des proportions notables, atteignant un « pic » en 2006 de l’ordre
de 20 trillions de dollars.
28
Le point clef est que les dépôts dans les banques commerciales ne sont assurées que jusqu’à un certain montant (100 000 dollars avant la
crise), or les dépôts des entreprises et des investisseurs institutionnels n’ont bien sûr rien à voir avec ces montants. Avec les MMFs, les dépôts
sont supposés investis dans des titres de bonne qualité et liquides. Dans le cas du marché des « repos » ou « inverse repos », les opérations
présentent sur le papier ici aussi une sécurité plus grande puisque les dépôts/prêts sont sécurisés par « l’achat » temporaire d’un titre avec
une marge de décote (« Le haircut ») pour éviter tout risque en cas de défaut de la contrepartie et de vente sur le marché du titre apporté en
garantie. Ce marché a été longtemps léthargique en raison du statut ambigu du titre « vendu » en cas de faillite du vendeur/emprunteur
pendant la période du repo. Une décision de justice en 1984
14
Ce qu’il faut comprendre, c’est que, de par son fonctionnement, ce marché est une véritable
machine à créer de la monnaie de la manière la plus traditionnelle mais aussi la plus
dangereuse qui soit en raison de l’absence d’un « Prêteur en dernier ressort » 29 en cas de
panique. Il est ainsi soumis à tous les aléas de la confiance que s’accorde chacune des parties
prenantes dans les transactions et, donc, à tous les affres de la liquidité lors du renouvellement
des opérations de refinancement.
Les MMFs sont des créateurs de monnaie car ils financent leurs actifs avec des ressources à
vue (les parts de Fonds) considérées par leurs détenteurs comme immédiatement disponibles
sans coûts et à prix garanti30. Il y a donc duplication de monnaie (Allais) car les sommes prêtées
(les titres achetés ou pris en « repos ») sont considérées comme disponibles au même moment
par le prêteur et l’emprunteur, exactement comme dans une opération de crédit bancaire
classique. Il y a, de plus, multiplication de monnaie possible car l’emprunteur peut déposer les
fonds dans une banque enclenchant un processus de dépôt-redépôt entre le système bancaire
et les MMFs. Du point de vue des repos, il s’agit d’un processus fondamentalement identique
puisque les fonds prêtés ont un fort coefficient de substituabilité à l’encaisse (aisément
liquidable à tout moment), les titres pris en gages (« le collatéral ») pouvant être eux- mêmes
« rehypothèqués » (opération dite de « Rehypothecation »), c'est-à-dire revendus contre
espèces, le titre devenant alors une espèce de billet de banque circulant comme le billet de
banque à l’origine de l’activité bancaire (!).
Du point de vue de l’économie et des risques de ces opérations, il est alors possible de voir ce
qui est en jeu : un considérable montant de créances à maturités longues ( le plus souvent très
supérieures à un an) est refinancé en fait par des ressources à maturités extrêmement courtes,
c'est-à-dire de un à quelques jours. Une énorme transformation qui se produit sous deux
formes :
-
-
Dans le cas où des véhicules portent ces créances, ceux-ci vont émettre des papiers à terme (dont la maturité
va de un à trois mois) qui eux-mêmes vont être achetés par des MMFs dont les ressources sont exigibles à vue
sans coût.
Dans le cas des repos, tous les types de titres vont pouvoir servir de monnaie d’échange et d’abord ceux
acquis dans des opérations initiées par les firmes elles-mêmes, c'est-à-dire dans les opérations de titrisation,
et qui continuent à être portés par elles (grandes banques d’investissement par exemple)
29
En tout avant la crise de 2007 car lorsque la crise s’est déclenchée, il a fallu se rendre à l’évidence. La banque Centrale devait entrer dans le
jeu et garantir tous les actifs sous peine de voir tous les circuits de financement s’écroulaient.
30
Ce point est apparu avec une clarté totale lorsqu’en Europe, BNP-Paribas a dû interrompre en Août 2007 la valorisation de certaines de ses
SICAV monétaires qui contenaient des titres qui ne pouvaient plus être cotés (CDOs AAA) ou, aux Etats-Unis quand, pour les mêmes raisons, le
« Reserve Fund » a failli commettre l’acte impensable : « Breaking the Buck » et ce, pour un montant très limité. Finalement, c’est le
gouvernement américain qui a dû tout garantir et, en Europe, ce sont les banques « sponsors » qui ont assumé la charge.
15
C’est ainsi que s’est financé pour une large part le marché de la titrisation avec pour
conséquences immédiates, deux faits : (1) une contribution majeure de ce système de création
monétaire à l’inflation générale des actifs immobiliers et à la poussée de la demande globale,
(2) Une vulnérabilité croissante de circuits de financements avec des répercussions possibles sur
le système bancaire traditionnel, d’autant plus que beaucoup des titres échangés, en particulier
sur le marché des « repos », n’avaient aucune liquidité et qu’une simple demande de liquidation
suffisait à faire basculer tout le système, ce qui arriva.
Les « innovations » financières, les pratiques institutionnelles, les changements juridiques et
réglementaires : Créer ou détruire des liquidités sans le savoir …….
Il n’y a pas de lecture possible des évènements sans une vision claire de ce que sont les
liquidités, c’est à dire, selon la meilleure définition disponible, celle d’Allais31, toutes les
ressources dont les agents économiques pensent pouvoir disposer quand ils établissent leurs
plans de dépenses32. Toute modification de l’environnement de ces derniers doit donc être lue
à travers cette grille. Or, ces modifications ont été nombreuses et elles sont toutes allées dans
le même sens : augmenter les liquidités en phase d’expansion, les diminuer lorsque le vent
tourne. Il est impossible d’entrer dans une analyse exhaustive de chacune d’entre elles, mais de
les répertorier pour montrer l’ampleur des changements introduits au nom du « progrès » et de
« l’innovation ».
-
-
-
-
31
32
33
33
Faire ressembler de plus en plus les dépôts à terme et d’épargne à des dépôts « transactionnels » , ces
transformations réduisant l’utilisation des dépôts à vue et augmentant la substituabilité aux encaisses des
autres instruments, rendant toujours plus floues les frontières entre l’encaisse et l’épargne ;
Lancer des marchés de produits dérivés, en donnant ainsi la possibilité d’intervenir sur de très nombreux
sous-jacents à partir d’une mise de fonds minimale (le dépôt pour les contrats à terme, la prime pour les
options) avec un impact maximum sur les marchés physiques du fait des opérations d’arbitrage et des
34
opérations de couverture des « Market Makers » ;
Changer les règles juridiques concernant les opérations financières, comme cette décision de justice
35
confirmant que les titres vendus avec clause de rachat à terme (repos) étaient bien « Bankruptcy remote » ,
ce qui a rendu plus facilement « liquidables » les portefeuilles d’actifs financiers, modifié les comportements
d’encaisses et entrainé une explosion des marchés de repos et de prêts contre collatéral ;
Rendre automatique l’accès à des facilités de crédit qu’elles soient non directement gagées (crédit à la
consommation) ou gagées comme les prêts aux Hedge funds/ spéculateurs (« margin trading » : achat
Allais (1975), voir plus loin p.15
Ces points sont analyses de manière plus approfondie en page 18-20
Voir Gomez (2010) pour une analyse de toutes ces réformes qui ont ponctué l’histoire économique américaine des 30 dernières années
34
Lorsque des produits optionnels sont vendus ou achetés par les banques, leur couverture « en delta » implique une action allant dans le
sens du marché
35
Ce qui signifie que la vente de titres, même assortie d’un contrat de rachat à terme, est une « vraie » vente au sens juridique et que ces titres
appartiennent à leur détenteur qui peut les revendre à tout moment en cas de faillite du débiteur sans risque d’être considéré comme un
débiteur comme les autres.
16
d’instruments financiers financées par crédit bancaire) ou à d’autres agents comme les ménages (hypothèques
de second rang sur la valeur estimée de la résidence- Home equity Loans aux Etats-Unis), changeant tous les
comportements d’encaisses, d’emprunt et de spéculation
16
16
16
Etats-Unis 1970-2007
12
Prêts à la consommation contre collatéral Hypothécaire
(Mortgage Equity Withdrawal)
et Epargne des ménages
8
12
12
%
12
Royaume-Uni:1970-2007
%
Prêts à la consommation contre collatéral hypothécaire (MEW)
et épargne des ménages
8
(en% du revenu disponible)
8
(en % du revenu disponible)
8
épargne
4
0
-4
mew
4
4
0
4
0
70 72 74 76 78 80 82 84 86 88 90 92 94 96 98 00 02 04 06
0
mew
sources: BEA, NIPA tables
et CBO/BP jan 2007
-4
épargne
sources:ONS et Bank of England
-4
70 72 74 76 78 80 82 84 86 88 90 92 94 96 98 00 02 04 06
-
36
Mettre en place des règles prudentielles (comme les ratios prudentiels ou les « haircuts » sur les
opérations de prêts de titres) dont la rigueur épouse le cycle (douce en phase d’expansion et dure en phase
de difficultés), revenant à offrir des liquidités quand tout va bien et à alimenter ainsi l’euphorie et, au
contraire, à en retirer et à amplifier la crise quand tout va mal.
-
Toute cette énumération montre la complexité du problème. Et, encore, c’est compter sans les
complications liées au fonctionnement du système financier international
Le fonctionnement du système financier international (SFI) comme nouvelle «pompe à
liquidités »
Le rôle déstabilisateur du SFI se joue aujourd’hui à deux niveaux : (1) Le déficit américain et son
financement quasi-automatique par les pays excédentaires dont, en premier lieu, la Chine, (2)
les opérations de « carry trades » par lesquelles les pays à taux d’intérêt faibles servent de
source d’alimentation de la spéculation partout dans le monde. Il se trouve que les deux jouent
aussi dans un sens pro-cyclique.
Sous la pression de la demande globale, le déficit extérieur des Etats-Unis n’a fait que
s’accroitre depuis les années 90, passant d’un niveau moyen de 2% du PIB à plus de 6% dans les
dernières années. Dans un SFI fonctionnant convenablement, cette situation aurait dû peser sur
36
Les « haircuts » sont les marges de sécurité prises sur les titres mis en gages qui sont ainsi décotés pour réduire au maximum les risques de
perte au cas où, du fait de la défaillance de l’emprunteur, le créancier/déposant devrait revendre ces titres pour se rembourser.
17
la conjoncture américaine pour ralentir la machine économique. Ce n’est pas le cas aujourd’hui.
Comme les pays excédentaires sont soucieux de conserver leurs excédents, ils empêchent leur
monnaie de monter en achetant systématiquement les dollars en excédent et en accumulant
des réserves, avec deux effets sur la liquidité mondiale :
-
-
Les masses monétaires de ces pays gonflent, accroissent le dynamisme de la demande chez eux et au plan
international et favorisent les pressions inflationnistes, en particulier par l’impact de leur croissance sur les
cours des matières premières et alimentaires ;
La conjoncture américaine n’est en rien affectée et reçoit de nouvelles impulsions car, du fait de cette
accumulation de dollars dans les bilans des Banques Centrales des pays excédentaires, celles-ci n’ont d’autres
possibilités que de les réinjecter dans l’économie américaine en achetant des actifs liquides et réputés
« solides », des obligations du Trésor Américain, avec pour conséquence un écrasement des rendements. Le
déficit américain n’entraine donc aucune pression sur le marché des fonds prêtables aux Etats-Unis. Au
contraire, la réinjection quasiment automatique des dollars, en pesant sur le taux d’intérêt d’une certaine
catégorie d’actifs (Trésor américain) et en libérant de la liquidité pour d’autres investissements, facilite le
placement dans d’autres types de dettes aux taux d’intérêt plus attractifs, invitant ainsi les agents
économiques du pays considéré, en l’occurrence les Etats-Unis, à s’endetter toujours plus dans des actifs
toujours plus risqués.
Ainsi donc, le laxisme dans la politique d’un pays à monnaie clef est en fait un facteur
permanent de déstabilisation mondiale.
De même, les pays à taux faibles, voire très faibles (Japon), alimentent la spéculation mondiale
qui emprunte dans ces pays (Japon surtout, mais aussi la Suisse) pour investir sur des devises et
actifs d’autres pays à taux de rendement plus élevés. C’est ce qui est appelé le « Carry trade ».
En bonne théorie économique, ces opérations ne devraient pas marcher. Or, elles marchent et
ont souvent rapporté beaucoup d’argent. Elles ont démarré à grande échelle dans les années
90 par de massives opérations sur le yen (emprunt en yens et placements en d’autres devises).
D’un montant jugé alors considérable de $300/350 milliards, elles se sont développées depuis
lors sur d’autres devises (comme le franc Suisse) et ont touché toutes les catégories
d’opérateurs depuis les plus sophistiqués (Banques et Hedge funds) jusqu’aux plus « naïfs »
(ménages japonais et est-européens) avec, d’une part, des effets significatifs sur les devises
(baisse des devises empruntées et, donc, vendues sur le marché ; hausse des devises
d’ « investissement ») et sur les liquidités en circulation et, d’autre part, des conséquences
souvent positives pour les « professionnels » (Banques, Hedge Funds) et parfois désastreuses
pour les autres (ménages est-européens par exemple). Elles se mesurent aujourd’hui en
trillions de dollars.
Ce type d’injection, proprement absurde sur le plan économique, s’ajoutant à toutes les autres
étudiées précédemment, il est possible de se demander pourquoi la politique monétaire a pu
être aussi aveugle, elle dont le rôle théorique est supposée de réguler le système économique à
18
travers son influence sur le comportement de demande de crédit des agents économiques et
d’offre de crédit des banques afin d’éviter d’abord l’inflation (objectif unique de la Banque
Centrale européenne par exemple) et, ensuite, d’opérer par ce biais une maitrise des
fluctuations économiques (objectifs combinés assignés au Federal Reserve Board par exemple).
Poser cette question, c’est oublier que la politique monétaire, touchée elle aussi par les
nouvelles idéologies, a été un facteur permissif de premier ordre dans les errements observés
et qu’elle porte une responsabilité considérable dans le développement de l’hystérie collective
et de la crise.
Les politiques « Inflation Targeting » et la méthode Coué : Y-a-t-il un pilote dans
l’avion ?
Du point de vue de la politique monétaire, c’est la politique dite « inflation targeting » (Objectif
Inflation) qui a dominé toute la période des 15 dernières années, après l’abandon des
politiques dites « monétaristes » avec leurs objectifs quantitatifs de croissance des agrégats
monétaires. Ayant longtemps fait illusion du fait de la « Grande Modération » de l’inflation
observée dans ces années-là, qui ne lui devait sans doute rien37, elle s’est avérée d’une rare
inefficacité. Elle reste théoriquement en vigueur… faute de mieux. Elle souffre cependant de
difficultés irrémédiables et restera probablement dans l’histoire économique comme un bon
exemple des aberrations théoriques liées à cette période dite des « anticipations rationnelles ».
L’abandon de toute référence à l’évolution des liquidités et les objectifs de la nouvelle
politique monétaire
A partir des années 90, les politiques monétaires ont abandonné toute velléité de contrôler
l’évolution des agrégats monétaires du fait des difficultés rencontrées par les politiques dites
« monétaristes » dans le cadre d’un système bancaire fonctionnant sur la base de réserves
fractionnaires. En fait, alors que la vitesse de circulation de la monnaie (par exemple PIB/M2)
avait faiblement fluctué dans une bande 1.6-1.8 sur plus de 20 ans, elle se mit à fluctuer
fortement et de manière apparemment erratique à partir de la mise en œuvre des mesures de
dérégulation des marchés financiers, enlevant au suivi des agrégats monétaires toute capacité
prévisionnelle et toute efficacité pour un réglage fin de la conjoncture. La conséquence de cet
échec peut être considérée aujourd’hui comme catastrophique car il conduisit les Autorités à
négliger de plus en plus et, à la longue, complètement, l’évolution des liquidités dans
l’économie. Comme l’observaient Rasche et Williams dans une étude récente38 : « La monnaie a
largement disparu des discussions en politique monétaire…comme le montre une enquête de la Banque
d’Angleterre réalisée en en 2000. Il y avait dans les années 70 onze banques centrales sur 22 qui disaient utiliser
l’évolution des agrégats monétaires et une méthode d’analyse des mouvements du crédit pour les aider à formuler
37
Etant dû à l’entrée de la Chine et d’autres pays émergents dans le commerce mondial et à la pression qu’ils ont globalement exercée sur les
prix des produits du fait de leurs bas coûts de production.
38
Une étude largement confirmée par l’étude de Von Hagen (2004) sur les déclarations des Gouverneurs de Banques Centrales de 1996 à 2002
19
les orientations de la politique monétaire ; mais, au cours des années 90, elles étaient seulement deux à conserver
ce cadre conceptuel » (Rasche and Williams,2007, p449)
Bien entendu, lorsque les quantités ne sont plus l’objectif, ce sont les prix qui le deviennent. Les
taux d’intérêt directeurs des banques Centrales, dont l’utilisation en tant qu’instrument fut si
décriée dans les années 70 et 80, retrouvèrent donc un rôle clef dans un cadre rénové, la
politique dite « Inflation Targeting » dont les soubassements théoriques devaient tout à la
théorie des anticipations rationnelles. Cette politique, qui est toujours en vigueur, repose sur
quatre principes :
-
-
-
Les Autorités monétaires doivent se fixer un objectif d’inflation clair et précis qui doit être connu de
tous pour qu’il serve d’ancrage aux « anticipations » des agents économiques car ceux-ci doivent être
convaincus qu’il sera défendu « bec et ongles » ;
Ce taux doit être lisible par tous et autant que possible épuré de toute perturbation « erratique » comme le
sont souvent les produits énergétiques et les produits alimentaires, d’où l’utilisation fréquente d’un indice qui
élimine ces éléments, l’indice dit « Core Inflation » ;
Le taux de refinancement auprès de la Banque Centrale est l’arme à utiliser car ce taux est un taux directeur
qui est censé diriger tous les autres tout au long de la courbe des taux ;
Dans ce type de politique, la communication auprès des acteurs économiques est clef car la transparence
doit être totale, les effets de surprise devant être réduits au minimum car les mesures prises doivent être
toujours largement attendues.
C’est avec ce type de conceptions que les Autorités Monétaires s’efforcent de réguler
l’économie mondiale depuis les années 90….. avec le succès que l’on sait. Il est rare qu’une
théorie économique ait fait autant de mal.
En économie comme ailleurs, les modes font parfois beaucoup de mal ou comment une
théorie dénuée de sens a pu devenir une « vulgate »…..
Il ne s’agit même pas dans ce cadre de reprendre les éléments purement théoriques sur
lesquels les controverses sont toujours possibles comme (1) l’action hautement problématique
des taux d’intérêt sur l’économie, vaste « boite noire » dans laquelle beaucoup d’économistes se
sont égarés et qui recèlent encore la plupart de ses secrets ou (2) le traitement des anticipations
inflationnistes qui parait sans rapport avec une quelconque réalité39. Il s’agit simplement de s’en
tenir aux faits bruts observés. Et ces faits bruts permettent de dégager trois observations qui, à
notre avis, remettent en cause le bien-fondé de cette approche.
39
Toutes les observations montrent que les « anticipations », même celles des acteurs professionnels les mieux informés, comme les analystes
financiers, sont de type adaptatif et ne dépendent donc que des observations passées.
20

L’indice des prix, en particulier l’indice « Core » est un indicateur économique retardé
(lagging indicator) et est même contra-cyclique.
Ce point est peut-être contre-intuitif mais c’est un fait bien connu des conjoncturistes et il est
d’une importance capitale. En effet, il signifie que
16
l’inflation aura tendance à accélérer (décélérer) 16
ETATS-UNIS 1960-2007
L'inflation peut-elle être un indicateur pertinent
quand l’économie donnera des signes de fatigue
de la politique monétaire?
12
(donnera des signes de vigueur). Dès lors, si la 12 Evolution comparée de la production(GDP)
et des prix
(core inflation)
Banque centrale agit en fonction de ses principes :
elle magnifiera les expansions et approfondira les 8
8
récessions. D’une manière systématique, la seule
prix
observation des prix (« headline Inflation), qui 4
4
permet d’ailleurs aux Autorités Monétaires de
« vendre » leurs décisions à l’opinion publique,
GDP
0
0
conduit donc à agir à contretemps.
source: Bureau of labor (CPI) and
department of Commerce-BEA (GDP )
Les exemples de bévues de ce genre abondent. En -4
-4
1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005
2007 et, même en 2008, alors que la situation
économique se détériorait, les Banques Centrales
envisageaient des hausses de taux. Dernièrement en 2011, en pleine crise de l’euro et avec des
indicateurs économiques mondiaux plutôt en berne, le Gouverneur de la banque centrale, Mr
Trichet, menaçait encore… De fait, du point de vue de la logique du système, il devait le faire …
même s’il avait économiquement
tort ! Complètement tort !

L’indice des prix utilisé,
l’indice « core », n’a fait que
donner des faux signaux
7
7
en %
ET AT S-UNIS 1990-2007
QU'EST -CE-QUE L'INFLAT ION?
Comparaison des indices de prix
6
Taux de variation annuels
6
5
Pour que le système tienne, il ne 5
indice total/indice ex alimentaire et énergie
faut pas que l’indice bouge trop
4
4
"core inflation"
total
d’où le choix de l’Indice des prix
hors produits énergétiques et 3
3
alimentaires. Or, au cours de la
dernière décennie, cet indice 2
2
tau x obje ctif
« core » a été puissamment
source:Department of Commerce, BEA
1
influencé, dans sa composante 1
90
91
92
93
94
95
96
97
98
99
00
01
02
03
04
05
06
07
`produits manufacturés`, par les
effets conjugués du progrès
technique et de la mondialisation, qui ont considérablement ralenti l’évolution d’ensemble de
cet indicateur. Ainsi, en dépit d’une conjoncture mondiale tonitruante et d’une envolée des
liquidités, les Banques Centrales, rassurées par les évolutions bénignes de leur indicateur, ont
21
maintenu une politique très expansionniste jusqu’à ce qu’elles s’aperçoivent que les hausses de
matières premières et des produits alimentaires ressortaient, non de problèmes saisonniers
temporaires, mais d’un boom mondial de la demande alimenté par leurs propres politiques.
D’où une erreur de diagnostic majeure ! Et cela, sans prendre en compte les problèmes liés à
l’évolution du prix des actifs…

Une négligence totale de l’évolution des marchés des actifs immobiliers et financiers
Complètement paralysées par leurs préjugés sur l’efficience des marchés et la rationalité des
acteurs économiques, les Autorités Monétaires ont maintenu hors de leur champ d’action les
évolutions constatées sur les marchés des actifs, l’immobilier mais aussi les actions ou d’autres
actifs risqués (les `junk bonds´en 2006-2007 par exemple). Or les bulles n’ont fait que se
multiplier depuis la terrible expérience japonaise des années 80, sans que cela n’éveille
apparemment l’attention des Banques Centrales et leurs soupçons sur les conséquences de leur
action, en dépit du fait que les dégâts causés par l’éclatement d’une bulle sont
incommensurablement plus importants que la simple dérive de quelques dixièmes de pour cent
de l’indice des prix à la consommation… hors alimentation et énergie ! Le tableau ci-après (page
22), qui recense toutes les grandes crises depuis 1980, démontre, s’il en était besoin,
l’aveuglement des autorités dans ces périodes d’euphorie.
Les Banques Centrales : rodomontades et impuissance congénitale dans un système bancaire
à réserves fractionnaires
En fait, en dehors de l’expérience Volcker au début des années 80 qui, grâce à des relèvements
drastiques des taux d’intérêt à des niveaux jamais vus auparavant, réussit à casser l’inflation, les
politiques monétaires se sont surtout signalées par leur impuissance :
-
Dans les périodes normales, le réglage fin (« fine tuning ») est quasiment impossible vu notre compréhension
limitée de la « black box » où interagissent économie réelle, prix et taux d’intérêt. Il y a donc une marche à
tâtons avec des interventions qui le plus souvent se font à contretemps et augmentent plutôt la volatilité de
l’économie qu’elles ne la réduisent comme l’ont si bien montré Friedman et Schwartz (1982).
-
Dans les périodes d’euphorie, quand les ménages sont pris d’une frénésie de consommation et de rêves
immobiliers, quand les chefs d’entreprises sont pris d’une soif d’ acquisitions souvent aventureuses, d’une
boulimie de rachats d’actions et d’une frénésie d’expansion au-delà de leurs frontières, quand les spéculateurs
en tous genres se lancent dans des jeux de plus en plus risquées et, surtout, quand un système bancaire est
prêt à satisfaire tous les caprices car il en va de son intérêt à court terme et des bonus de ses banquiers, ce ne
sont pas des manipulations minimes des taux de prises en pension qui peuvent arrêter une machine qui s’est
emballée. Au contraire, noyés sous les liquidités, les marchés, tout à leur enthousiasme, répondront par des
baisses de taux à long terme et un écrasement des primes de risque, comme dans les années d’avant-crise
-
Dans les périodes de « gueule de bois », dans les temps de crise qui suivent les euphories collectives, quand
les agents économiques sont surchargés de dettes, il ne s’agit plus de manier les taux d’intérêt qui sont
totalement inopérants comme le montrent tous les exemples connus, l’expérience du Japon comme
l’expérience présente des Etats-Unis et de l’Europe 2008-2011), mais de tenter de ranimer la conjoncture par
22
des injections massives de liquidités qui, le plus souvent, vont « échouer » dans les comptes des banques dans
les Banques Centrales.
HISTORIQUE SUCCINCT DES « BULLES SPÉCULATIVES » ET CRISES FINANCIÈRES DANS LES DEUX DERNIÈRES
DÉCENNIES
Pays/Zone/
Immo-
Secteur
bilier
Bourse
Banques internationales
Secteurs
Pic
Prêts
aux PVD
1982
Etats-Unis/
X
1987
Europe
Japon
X
X
Prêts
aux
entreprises
Norvège :
87/88
Royaume-Uni : 89/90
Suède :
90/91
Espagne :
90/91
Finlande :
89/90
Danemark
86/87
Allemagne : 90/91
France :
90/92
Europe/
X
Scandinavie
Mexique
Crise asiatique
X
Internet
1989/90
X
X
1994
X
X
1997/98
X
X
2000
Etats-Unis/
Europe
X
X
2007 - ?
Conséquences
 « Défaut » des pays en voie de dévelopement
débiteurs
 Réstructuration des dettes (Brady)
 Krach d’octobre 1987 avec plongée des marchés
boursiers et obligataires
 Brokers et banques d’investissement sauvés par
intervention des Banques Centrales
 Nécessité de récapitaliser le système bancaire par
fonds publics
 Longue déflation qui se poursuit effondrement
boursier et immobilier
 Croissance ralentie
 Forte chute des marchés immobiliers
 Pertes importantes des banques
 Système bancaire scandinave au bord de
l’effondrement
 Crise « Tequila » suite à une période de forte
croissance des crédits et à des problèmes de
balance des paiements
 Forte récession (- 7%)
 Prêts massifs des Etats-Unis et des organisations
internationales
Une crise « Tequila » à l’échelle de l’Asie :
 effondrement des marchés
 forte récession dans les pays de la zone
 systèmes bancaires en faillite (Indonesie, Thailande,
Corée,…)
 Effondrement des marchés boursiers
 Sur-investissements massifs dans secteurs medias,
telecoms
 Récession ou ralentissement en 2002 – 2003 aux
Etats-Unis, Europe, Pays émergents
 Première crise immobilière « globale »
 Forte croissance de l’endettement général de
l’économie
 correction boursière et plus forte récession de
l’après-guerre.
Bien sûr, au sommet de ces monuments d’impuissance et d’inefficacité, la politique « Inflation
Targeting » tient une position de premier plan par sa politique de taux sans efficacité et par son
incapacité à maitriser un tant soit peu la part des liquidités dont elle est supposée être en
charge. A son sujet, il faut bien parler de faillite des Banquiers Centraux et, pour caractériser
23
cette dernière, il n’y a qu’à se remémorer les circonstances d’avant-crise, les années 20062007, quand, analysant au microscope chaque frémissement de leur indice des prix préféré, ils
s’interrogeaient doctement sur la nécessité ou non d’accroître d’un quart de point (0.25%) leur
taux de prise en pension et en soupesaient les avantages et les inconvénients pour la
croissance. Pendant ce temps, autour d’eux, tous les media répercutaient les records atteints
par l’or, les métaux, l’énergie, les produits alimentaires, les bourses, l’immobilier dans tous les
pays… tandis que leurs statistiques ne pouvaient que leur montrer les dérapages des masses
monétaires et des volumes de crédit distribué… Mais non, rien n’y faisait. Dans leurs schémas
de pensée, il n’y avait pas de liens à établir entre ces phénomènes. La seule chose qui comptait,
c’était que la Banque Centrale défendît coûte que coûte la ligne des 2% de l’indice des prix pour
ancrer les anticipations, comme jadis l’armée française avait rêvé de défendre la « ligne
Maginot » pour fixer l’armée allemande et l’écraser sous sa puissance de feu.
Malheureusement, la bataille eut lieu ailleurs… loin du mur de béton et d’acier ! En fait, les
banques centrales d’aujourd’hui, comme les armées d’hier, construisent toujours leurs
stratégies en fonction des guerres du passé et non de celles de l’avenir.
LA DEROUTE DES BANQUES CENTRALES : L’EXEMPLE AMERICAIN
200
100
80
Et at s-Unis:1960-2007
Masse Monétaire MZM et Réserves Bancaires
(rapport de MZM aux réserves)
120
150
100
Ratio MZM/réserves Saint-Louis
Ratio MZM/réserves totales ajustées FRBNY
100
Etats-Unis: 1960-2007
Evolution des Actifs Bancaires
(Prêts et Investissements en titres)
Rapportés aux réserves bancaires
80
60
50
60
Note: Réserves bancaires
ajustées au sens de Saint-Louis
40
40
20
Source: FRB Saint Louis- FRED database 0
Définitions, voir texte note ,page
20
1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005
sources: Loans and investments, FRB-FOF,
Réserves, FRED- Database
1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005
Pouvaient-elles faire mieux ? Probablement non car elles ne peuvent disposer d’aucun
instrument efficace pour réguler les économies dont elles ont la charge dans la mesure où elles
ont perdu la boussole essentielle leur permettant de se guider, l’évolution des liquidités qu’il
est de plus en plus difficile aujourd’hui de définir et donc de contrôler. C’est une notion clef sur
laquelle la crise nous incite plus que jamais à réfléchir.
24
Que sont les liquidités, cette « matière noire » de l’économie…. ?
En 1975, Allais donnait une définition extensive de la masse monétaire qui parait aujourd’hui
importante pour cerner ce concept de liquidités car, précisément, il en soulignait le caractère
psychologique résultant de la nécessité de prendre en compte les perceptions des agents
économiques.
DEFINITION DE LA MONNAIE DE MAURICE ALLAIS
« A mon avis, du point de vue économique, la quantité de monnaie dont dispose un opérateur est la part de
son actif qu’il considère (à tort ou à raison) comme susceptible de lui permettre d’effectuer ses paiements
sans délai et sans restriction. Si l’on adopte cette définition, la masse monétaire qu’il y a lieu de considérer
pour l’analyse des phénomènes monétaires est la somme des actifs qui sont considérés comme susceptibles
d’être utilisés pour effectuer des paiements sans délai et sans restriction » (Allais, 1975, p.120).
Dans l’optique Allais, il faut donc tenir compte de tous les éléments de liquidités dont dispose
ou croit disposer l’agent économique lorsqu’il établit, sur son horizon de planification, son
plan de tous les « débours » qu’il aura à assurer pour satisfaire ses projets (consommation,
investissement, spéculation). Pour Allais, celui-ci va prendre en compte, en plus des dépôts à
vue :
-
La part des dépôts à terme ou d’épargne qu’il considère comme substituable à des encaisses, compte tenu
du coût de la substitution et de ses plans patrimoniaux à long terme ;
Des autres éléments de son patrimoine en fonction de leur degré de mobilisation en cas de besoin, compte
tenu du coût et du délai de réalisation impliqués.
Dans ce dernier point, il parait possible d’inclure toutes les possibilités d’emprunt qu’il peut
aisément utiliser en mobilisant son capital humain (revenu) ou non-humain (patrimoine). Ainsi,
il est possible de dire, sans forcer la définition d’Allais, que ce dernier ajouterait aujourd’hui
pour rendre sa définition plus exhaustive sinon plus opérationnelle :
-
Les lignes de crédit disponibles « automatiques » (crédit « revolving » ou lignes de crédit confirmées)
qu’elles soient assises sur les revenus ou sur une quelconque valeur patrimoniale (Par exemple : les
hypothèques de second rang comme les « Home Equity Loans ».
Du point de vue de la création de liquidités, cette définition est importante car, en plus de la
création de monnaie classique ex nihilo par le crédit bancaire, pure création de pouvoir d’achat
gagée par aucun revenu préalable, il y a des formes plus subtiles de création de liquidités :
-
Par duplication de pouvoir d’achat lorsqu’un instrument d’épargne, considéré comme liquide pour tout ou
partie, est prêté ;
Lorsqu’il y a des changements institutionnels ou autres qui modifient la perception des agents économiques
quant à leurs possibilités d’accession à la liquidité.
25
La seule lumière de ces définitions permet déjà d’éclairer beaucoup des évolutions que nous
avons analysées pour expliquer la génération de liquidités et son impact sur la conjoncture
économique. Faut-il aller encore plus loin dans cette analyse en y intégrant tous les instruments
qui permettent de démultiplier le pouvoir d’achat sur les actifs financiers et certains produits
(Matières premières) comme les produits dérivés ou d’autres qui servent de quasi-billets de
banque dans les circuits du « shadow banking System » ? C’est le pas que franchit un
économiste « opérationnel » de très haut niveau, David Roche, dans une étude courte mais
remarquable sur la crise économique et la période qui l’a précédée.
DEFINITION DES LIQUIDITES SELON DAVID ROCHE
« La notion de liquidités renvoie, selon nous, à toute
forme de monnaie qui peut être utilisée (1) pour
acheter des biens et services ou acheter un actif, (2)
pour geler le coût ou le rendement lié à la détention
d’un actif ou d’une dette, (3) pour transférer la
propriété ou les risques afférentes à cette dernière à
une autre contrepartie » (Roche and McKee, 2008,
p.31)
Certes, cette définition pose beaucoup de problèmes et semble mélanger des éléments
hétéroclites40 et en oublier d’autres41. Elle n’en pose pas moins le problème d’une manière plus
heuristique que beaucoup d’études universitaires récentes sur la liquidité42 (sans s).
En fait, toute notre analyse montre le caractère essentiel mais très complexe de ce concept de
liquidités dans notre compréhension des fluctuations et des convulsions économiques. En
suivant un schéma du type Allais, il est possible d’avancer deux points :
-
Au niveau d’un agent économique, les liquidités représentent tout ce pouvoir d’achat potentiel dont les
agents économiques disposent ou pensent pouvoir disposer pour réaliser leurs projets, que ce soit en
40
Cette approche vise surtout à montrer que la notion traditionnelle de masse monétaire ne peut plus convenir et qu’il vaut mieux se
contenter d’une approche « indicielle » pour se donner une idée de l’évolution de la liquidité en rapprochant des éléments qui, stricto sensu, ne
peuvent être sommés
41
En prenant la même ligne de raisonnement, on ne voit pas pourquoi les capacités d’emprunt, liées ou non à des éléments de patrimoine , ne
pourraient pas être inclus. Des auteurs n’ont-t-isl pas comparé le patrimoine immobilier à un ATM durant la période d’expansion aux EtatsUnis ? cf Klyuev (Vladimir) et Mills (Paul) : « Is Housing Wealth an « ATM », The relationship between Household Wealth, Home equity and
savings rates » IMF Working Paper WP/06/162, june 2006
42
Voir les ouvrages récents de Hyun Song Shin, 2010 ; Holmström et Tirole, 2011; Allen, Carletti, Krahnen, Tyrell, 2011, pour des approches
purement théoriques sans réelle portée pratique .
26
-
mobilisant leurs avoirs ou en empruntant. Toute la difficulté vient du fait que la notion même de liquidités
comporte un élément purement subjectif lié à la perception changeante que les agents économiques ont de
leur situation et aux modifications de leur environnement institutionnel ou autre.
Au niveau global, la dynamique va venir de ce pouvoir d’achat potentiel nouveau qui va résulter des variations
43
d’avoirs liquides déjà détenus par les agents économiques et des variations de la pression exercée (positive
ou négative) par les liquidités nouvelles que le système financier rend disponibles ou non.
Dès qu’un processus d’expansion est engagé suite à une situation de liquidité meilleure et à un
rétablissement d’une certaine confiance, il y aura tendance à l’amplification sous l’effet de
plusieurs facteurs :
-
-
-
Les avoirs disponibles vont être utilisés plus intensément et le crédit va être de plus en plus utilisé au fur et
à mesure que la confiance revient ;
Les organismes financiers vont amplifier le mouvement en rendant de plus en plus accessible le crédit (1) en
abaissant leurs critères de sélection, (2) en rendant plus facile la mobilisation de certains éléments du
patrimoine ; (3) en rendant les procédures d’endettement apparemment attractives (taux variables) et de plus
en plus aisés (credit scoring) ;
Les prix des actifs financiers se redressent, et les comportements spéculatifs se déploient, amplifiés par
44
l’utilisation de produits dérivés qui démultiplient l’impact de l’effet-liquidité sur les marchés des actifs ;
Avec l’amélioration des conditions économiques, l’accroissement des prix des actifs financiers et les profits
générés partout dans le système économique, le sentiment positif devient confiance, puis enthousiasme et
enfin euphorie  tous les agents économiques participent de ce mouvement : c’est « la chasse aux bonnes
affaires »
Les comportements deviennent de plus en plus hasardeux, les bilans sont gonflés de dettes, le plus souvent à
très court terme, la prise de risque est à son maximum.
…la fin est proche !
En fait, dans le système actuel, les liquidités ressemblent à une baudruche qui serait alimentée
par un système qui règlerait le flux d’air injecté sur la pression détectée dans le ballon et
insufflerait d’autant plus d’air que cette dernière est forte. Et ce, jusqu’au point de rupture !
Après ? On rafistole et on recommence….. Le problème, c’est que dans l’économie, cette
matière qui exerce tant d’influence ressemble à la « matière noire » de la physique : elle existe
mais il est difficile de la mesurer et donc d’en calculer avec précision les effets. Et, en plus, en
économie, on sait qu’elle se dilate et se contracte….. Et qu’ont fait les économistes, banquiers,
politiques et autres apprentis-sorciers appelés à travailler ou à agir sur cette question? Ils ont
tout fait pour la rendre encore plus invisible et pour en accentuer les effets. Il n’est donc pas
surprenant que toutes les politiques mises en place jusqu’à présent aient échoué et il n’est pas
difficile de prévoir qu’elles échoueront encore tant que le système ne sera pas profondément
transformé.
43
C’est ce qu’Allais et la littérature de tendance monétariste appelle « l’ajustement des encaisses effectives (M) aux encaisses désirées (Md) »
44
Comme le dit Roche: “De toute évidence, si quelqu’un peut acheter un titre représentatif de 100% d’un actif pour 3-5% de la valeur de ce
dernier, il est clair qu’une formidable (awful) quantité de liquidité a été libérée en relation avec les actifs sous-jacents » (Roche, 2008, p12)
27
CONCLUSION GÉNÉRALE
La crise, avec ses phases d’euphorie et de dépression, est inscrite dans l’ ADN du système
financier depuis son origine car, au cœur de son génome, il y a ce gène destructeur : la
couverture fractionnaire des dépôts et le processus de création monétaire par le système du
crédit bancaire qui en résulte. Certes, il a survécu depuis qu’il s’est installé au sein de nos
systèmes économiques, au détour du XIXème siècle, mais au prix de combien de crises et de
souffrances infligées à ceux qui en étaient les victimes. D’autant plus qu’au cours du temps, il a
pu se libérer de toutes les contraintes comme l’étalon-or et, plus près de nous, la
convertibilité-or du dollar (1971), et déployer ainsi à plein son potentiel de destruction.
La dernière crise, dans laquelle le monde est englué depuis 2007, n’en est que la dernière
manifestation, encore accentuée par la véritable crise de l’intelligence que la Science
Economique a subie dans les trois dernières décennies pendant lesquelles ont régné sans
partage des théories qui apparaissent aujourd’hui dénuées de fondements. Celles-ci ont laissé
jouer sans limites toutes les malfaisances dont est capable ce système : d’une part, une
génération effrénée de liquidités quand la conjoncture est bonne, suivie d’une raréfaction
excessive quand le vent tourne ; d’autre part, l’exacerbation de l’hyper-sensibilité du système
aux « humeurs » des agents économiques, optimistes ou pessimistes, les poussant aux excès
haussiers ou baissiers selon la conjoncture du moment, sans que le système ne puisse leur
opposer des limites internes, si ce n’est les interventions en catastrophe des Banques Centrales
appuyées par des garanties étatiques tous azimuts. Curieux système en effet que ce système,
soi-disant libéral, qui ne peut survivre, même en temps normal, que sous l’ombrelle de la
puissance étatique qui contre-garantit les ressources qui lui sont apportées par les agents
économiques, une garantie sans laquelle il serait incapable de survivre tant son fonctionnement
inspire la défiance.
Et face à ces vices congénitaux, qu’opposer ? Les politiques monétaires étant impuissantes, les
appels à la « Régulation » du système se sont multipliés depuis la dernière crise, oublieux que
les tentatives précédentes non seulement n’ont pas évité des dérapages multiples, plus ou
moins graves, au cours des dernières décennies, mais qu’elles les ont probablement aggravés
par les biais qu’elles ont introduits dans le comportement des banques et par tous les jeux
auxquels elles ont donné lieu pour les contourner. Mettre des gendarmes partout, à l’extérieur
des banques (Organes multiples de supervision et de contrôle) comme à l’intérieur, renforcer
les « buffers » en capital (coussins de sécurité) pour chaque risque identifié dans une
surenchère parfois assez cocasse entre les différentes autorités concurrentes, multiplier les
comités de toutes sortes pour améliorer les communications entre les services et autorités en
28
charge, et ainsi de suite… le tout débouchant sur des coûts de fonctionnement en croissance
vertigineuse. Pourtant, faute d’une réflexion sur le principe même de fonctionnement de nos
systèmes bancaires, la couverture fractionnaire des dépôts et la transformation financière des
ressources courtes en emplois longs, il est certain que le système financier restera toujours le
chainon le plus fragile de nos économies de marché et que les crises resteront des risques
majeurs pesant sur l’avenir de nos économies et le comportement des agents économiques.
En fait, vouloir réformer ce système, c’est le refonder et, pour cela, il faut remettre en cause
toutes ces théories erronées dont les esprits de nos contemporains ont été saturés. Gary
Backer a raison lorsque, face à cette demande de nouvelles régulations, anxieuse mais souvent
vide de contenu, il écrit dans un article récent du Wall Street Journal ( 2 septembre 2011) :
« Après la crise financière, la demande largement répandue de modifications radicales du
capitalisme porte trop peu d’attention à la question de savoir si les alternatives de type étatique
(Government substitutes) auraient donné de meilleurs résultats ou des résultats encore moins
bons que ceux délivrés par les marchés ». Mais, il a tort en ce sens qu’il rate le point principal en
ne posant pas la question : Est-ce qu’une réorganisation du système financier ne permettrait
pas de faire en sorte que le jeu interactif des agents économiques que sont les marchés ne
puisse pas dérailler, et ce sans attenter à leur liberté d’action qui est primordiale pour tous ceux
qui sont soucieux d’efficacité économique et suspicieux devant toute intervention étatique? Il
nous semble qu’il est possible de répondre par l’affirmative en renouant avec cette longue
tradition d’économistes qui ,de Ricardo à Allais, en passant par les tenants de la « Currency
School », Walras, Mises, Hayek, Fisher, Simons et les économistes de l’Ecole de Chicago,
Friedman, et même des keynésiens comme Tobin ou Minsky, pour ne parler que des plus
grands, ont critiqué le principe de base du fonctionnement de nos systèmes bancaires, la
couverture fractionnaire des dépôts, et proposé des systèmes de remplacement dissociant,
dans la plupart des cas, la monnaie du crédit45. Accepter la situation d’aujourd’hui, c’est
accepter que le fonctionnement du système bancaire continue à être la plaie du système libéral
et le cancer des démocraties. Réformer le capitalisme pour lui redonner sa vocation
entrepreneuriale passe nécessairement par une refondation de son système financier et
monétaire.
45
Voir, pour une analyse très approfondie de cette question: Gomez (2010) avec une bibliographie complète.
29
RÉFÉRENCES
Acharya (Viral V.) and Richardson (Matthieu): Restoring Financial Stability, How to Repair a Failed System, New
York University Stern School of Business, ed. John Wiley and Sons, 2009, 401 pages
Acharya(Viral V.),Cooley(Thomas F.), Richardson (Matthieu), Walter (Ingo): Regulating Wall Street, The DoddFrank Act and the New Architecture of Global Finance, New York University Stern School of Business, John Wiley &
Sons ed., 2011, 573 pages
Adrian (Tobias) and Shin (Hyun Song): The Changing Nature of Financial Intermediation and the Financial Crisis of
2007-2009, Federal Bank of New York, Staff report, N°439, March 2010, revised April 2010, 34 pages
Adrian (Tobias) with Pozsar (Zoltan), Ashcraft (Adam), Boesky (Hayley): Shadow Banking, CEPR, October 4, 2010
Akerlof (George A.) and Shiller (Robert J.): Animal Spirits, How Human Psychology Drives the Economy and Why It
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