COMMENT UN SYSTÈME INSTABLE DEVIENT EXPLOSIF La crise

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COMMENT UN SYSTÈME INSTABLE DEVIENT EXPLOSIF
La crise financière et la création de liquidités
Christian GOMEZ*
Septembre 2011
NE PAS DIFFUSER, EN INSTANCE DE PUBLICATION
* Docteur d’Etat en Sciences Economiques et ancien élève de Maurice Allais, Christian Gomez a d’abord suivi une
carrière universitaire- Maître de Conférences à l’Université de Rennes - avant de rejoindre en 1983 le secteur
bancaire il a exercé des fonctions de responsabilités importantes dans l’activité de Banque d’investissement
d’une grande Institution Financière Internationale tant en Europe Paris, Londres etrich - qu’en Asie Tokyo et
Hong Kong.
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COMMENT UN SYSTÈME INSTABLE DEVIENT EXPLOSIF
La crise financière et la création de liquidités
Christian Gomez
La dernière crise dans laquelle nos économies sont engluées depuis 2007 n’est pas que la conséquence de
quelques aberrations avérées, comme la titrisation des « subprimes », mais elle est aussi, et surtout, le dernier
avatar des crises financières qui ont ponctué l’évolution des économies de marché depuis des décennies et qui
renvoient toutes au fonctionnement fautif d’un système bancaire fondé sur le principe des serves fractionnaires
et sur les mécanismes du crédit qui en découlent. Dans cet article, l’auteur montre que l’on retrouve dans cette
crise les grands traits de la crise financière « classique » mais que les conséquences de ceux-ci ont été encore
aggravées par l’émergence d’un système bancaire parallèle encore plus dangereux que «l’officiel », des
« innovations » financières menées sans aucune réflexion sur leur impact sur les liquidités et une perte de contrôle
de ces dernières dans le cadre d’une politique monétaire impuissante et d’un système financier international
défaillant. C’est ainsi que, face à la crise de l’intelligence qu’a connue la science économique au cours des trois
dernières décennies, avec le règne sans partage d’idéologies pseudo-scientifiques, l’auteur en appelle à une
nouvelle réflexion sur la notion même de liquidis et sur les moyens de leur contrôle et invite à renouer avec
cette tradition qui de Ricardo à Allais, en passant par Mises, Hayek, Fisher, Friedman, Tobin et Minsky, n’a eu de
cesse que de proposer une réforme en profondeur du système financier pour réguler l’évolution des économies de
marché, magnifier l’esprit entrepreneurial du capitalisme et limiter drastiquement les délires spéculatifs, comme
ceux que nous avons connus ces dernières années, qui cassent les ressorts mêmes de nos économies et
corrompent nos démocraties.
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On peut se demander si l’aveuglement n’est pas une caractéristique des comportements
économiques. Aveuglément dans les phases d’expansion et d’euphorie, quand les acteurs
économiques pensent que les temps heureux ne finiront jamais car « this time is different »
(Reinhart et Rogoff, 2009). Aveuglement dans les périodes de crise chacun recherche les
coupables dans les actions des uns et des autres qui, par leur maladresse, leur ignorance ou
leur avidité, ont mis à mal un système « si parfait » qui permettait de générer tant de profits
faciles à certains et prodiguait tant de confort intellectuel à d’autres, économistes et autres
« experts », convaincus d’avoir enfin mis en place un système conforme à leurs modèles qui,
bien sûr, ne pouvaient pas être faux. N’est-ce pas Lucas1, un des tenants de la théorie dite « des
anticipations rationnelles », qui déclarait en 2003 : « Nul ne peut contester à la macro-
économie son plein succès : Le problème de la prévention d’une nouvelle pression, qui était
son problème crucial, a été pleinement résolu ».
Certes, la crise mondiale que nous connaissons est forte et durable et son issue est encore très
incertaine2, tant la période qui l’a précédée a été marquée par des déséquilibres majeurs et
généralisés : explosion du crédit, boom immobilier, « bulles spéculatives » sur de nombreux
actifs avec un écrasement rare de toutes les primes de risque, poussée sur les prix des matières
premières et des produits alimentaires….. Mais, est-elle pour autant exceptionnelle dans ses
manifestations essentielles ? Certainement non. Il suffit pour s’en convaincre de se reporter à
l’historique des crises qui ont marqué ces deux dernières décennies3. Pourtant, face à un tel
phénomène, la tentation est grande de s’en tenir à la surface des phénomènes. Du côté
américain de l’Atlantique, les analyses des économistes et autres commentateurs4 tournent
autour de deux thèmes : (1) Le président du Federal Reserve Board, Allan Greenspan, est
coupable5, d’une part, d’avoir maintenu les taux d’intérêt directeurs trop bas et trop
longtemps après la crise de 2001 (dite « Crise Internet ») et , d’autre part, d’avoir été trop
complaisant avec les marchés financiers en leur faisant croire qu’ils seraient toujours soutenus
en cas de faiblesse trop appuyée6 ; (2) le processus d’octroi des crédits dits « subprimes »7 a été
fautif et, derrière lui, c’est toute une chaine du désastre qui s’est mise en place : titrisation de
mauvaises créances, structuration de ces dernières avec des effets leviers trop importants,
1 Presidential Lecture, American Economic association, 2003
2 Ecrit en Septembre 2011 alors que les marchés donnent de nouveaux signes inquiétants de faiblesse.
3 Voir le tableau présenté page X
4 Cooper(2008), Fleckenstein (2008), Morris (2008),Philips (2008), Turner (2008), Kaufman (2009), Lowy (2009), Mauldin et Tepper (2011)],
5 Une bonne revue des critiques adressées à ce Président du Fed, longtemps loué avant d’être voué aux gémonies, se trouve dans Fleckenstein
(2008) qui a sous-titré son livre sur Greenspan : « The Age of Ignorance at the Federal Reserve ».
6 C’est ce que les marchés ont appelé: “The Greenspan’s put”.
7 Crédits hypothécaires dits « subprimes » : crédits accordés à des ménages à la situation financière fragile, en dessous du seuil minimal FICO
(credit scoring) fixé pour bénéficier d’un prêt qualité « prime » (taux d’intérêt plus bas en raison d’une prime de risque moins élevé).
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notations surévaluées, infestation des bilans bancaires eux-mêmes déséquilibrés, illiquidité
potentielle des titres créés et refinancés à trop court terme …. De l’autre côté de l’Atlantique, la
faute de l’emballement est d’abord attribuée à de trop faibles taux d’intérêt résultant soit de
l’établissement de la zone euro dans des pays habitués à payer beaucoup plus chers les fonds
empruntés, les pays calomnieusement dénommés aujourd’hui « PIIGS » (Portugal, Italie,
Irlande, Grèce, Espagne), soit d’une politique délibérée (Grande-Bretagne).
Notre approche sera, elle, radicalement différente. Les faits rapportés sont bien sûr avérés mais
ils ne prennent leur véritable signification que replacés dans ce que nous croyons être le vrai
cadre conceptuel qui leur convient : le modèle de la crise financière classique dans un système
bancaire à couverture fractionnaire dans lequel, d’une part, l’empilement de créances à terme
assises sur des ressources de plus en plus liquides et, d’autre part, des taux d’intérêt sans cesse
biaisés par l’expansion monétaire liée au crédit bancaire créent les conditions de la crise et de
l’écroulement. Notre but est de montrer que cette crise n’a en soi rien d’original (Partie 1)
sinon que de nouveaux facteurs sont venus fragiliser encore plus un système déjà instable et
amplifier ses déséquilibres. Il y a, d’une part, tous les développements qu’ont connus les
systèmes financiers au cours des 30 dernières années, nouvelles structures parallèles,
innovations financières et explosions des opérations « transfrontières » (Partie 2). Il y a, d’autre
part, un mode de régulation monétaire, la politique dite « Inflation Targeting », qui s’est
révélée d’une totale inefficacité en abandonnant toute gestion des liquidités de l’économie
(Partie 3). Précisément, cette crise, plus encore que celles qui l’ont précédée pose le problème
de la définition des liquidités dans le système financier tel qu’il s’est historiquement développé,
surtout dans les deux dernières décennies (Partie4). En fait, ce que montre notre analyse, c’est
que les tentatives de réguler le système financier par la voie réglementaire, comme il est ten
aujourd’hui à travers les lois Dodd-Frank et le nouveau cadre « Bâle3 » en cours de discussion,
sont vouées à l’échec faute d’une véritable compréhension de la cause réelle de la crise
financière qui est le principe même de fonctionnement du système bancaire : le mécanisme du
crédit avec couverture fractionnaire des dépôts.
« Plus ça change, plus c’est la même chose » : les circonstances des crises
changent, les ressorts restent….
Comprendre les facteurs qui ont conduit à la crise mondiale qui s’est amorcé en 2007, « The
Great Recession » comme l’appellent les anglo-saxons, nécessite de dégager les traits communs
qu’elle partage avec toutes les autres crises financières8 du passé avant d’en étudier les
facteurs plus spécifiques. Or, pour analyser les périodes d’euphorie et les crises qui
8 Voir tableau page 25
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s’ensuivent, cinq types d’approche nous paraissent essentielles pour construire la grille de
lecture la plus complète [encadré de la page 6] qui, à l’exception de l’hypothèse de
« l’accélérateur financier » (Bernanke et alii), ne se rattachent pas aux courants dominants
actuels de la recherche économique, tous pris à contre-pieds par la crise de 2007. Chacun
d’eux apporte une contribution pour reconstruire son déroulement, ainsi que nous allons
tenter de l’illustrer.
Au début et dans le cours du processus, il y a toujours une situation de liquidités en excès et
de taux d’intérêt bas par rapport aux niveaux auxquels les agents économiques sont habitués
Comme l’avaient vu les tenants de « l’Ecole Autrichienne »9 et tous les économistes mis dans la
catégorie monétariste, en dépit parfois de leurs différences10, l’injection de liquidités ou le
sentiment éproupar les agents d’une plus grande facilité d’accès au crédit(emprunteurs) ou
d’octroi de ce dernier (banques) , dans un contexte de taux d’intérêt perçus comme attractifs,
est toujours l’impulsion de départ qui enclenche le processus. Le système repart quand les
agents économiques puisent dans leurs encaisses ou empruntent auprès de banques désireuses
de prêter et qu’un nouveau pouvoir d’achat créé ex nihilo se déverse sur les marchés
entrainant un frémissement de la demande, un raffermissement des prix des biens et des actifs
et, donc, une génération de profits propre à inciter à poursuivre le processus. Et ce dernier ira
s’amplifiant, alimenté par toujours plus de liquidités et de crédit, toujours plus de profits et
donc toujours plus de dépenses.
Bien entendu, ce type de réactions suppose que les acteurs économiques ne soient pas
surendettés (Ménage, entreprises, Etats) ou rendus très fragiles par des déboires antérieurs
(Banques, Intermédiaires Financiers non bancaires ….) et que les perspectives économiques ne
soient pas obérées par le poids du passé et apparaissent suffisamment claires.
9 Nous subsumons sous ce terme bien sûr tous ceux qui se réfèrent à la « vraie » Ecole autrichienne de Menger et Böhm-Bawerk et , au XXème
siècle, de Mises et Hayek (tous deux naturalisés américains) , bien qu’ils ne soient parfois en rien autrichiens comme Rothbard ou plus près de
nous, Murphy, Jesus de Sotto.
10 Beaucoup pensent que les « monétaristes », c'est-à-dire ceux qui soutiennent que la monnaie et, plus largement, la situation de liquidités,
joue un rôle primordial dans le comportement de dépense et de placement, font l’hypothèse d’une exogénéité de la monnaie. C’est une
assertion fausse. Par exemple, Maurice Allais, bien que faisant jouer à la monnaie un rôle primordial, considère l’offre de monnaie/crédit
bancaire comme endogène fait dépendre son injection du comportement de crédit et donc de la situation même de l’économie dans le cadre
de sa théorie de la dynamique monétaire (voir encadré page 5 et la bibliographie)
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