Sciences économiques

publicité
OPTION SCIENCES ECONOMIQUES : meilleure copie 2015 du concours externe de recrutement sur
épreuves de commissaire des armées.
N.B : Ces copies ont été dactylographiées sans qu’aucune correction n’y soit apportée, sur le plan du
fond comme sur celui de la forme.
Feuille n° 1/4
SUJET : La théorie de la déflation selon Irving Fischer est-elle applicable aujourd’hui ?
Près de sept ans après la faillite de la banque américaine Lehmann Brothers, la zone-euro
peine à renouer avec la croissance de l’activité, et après un regain entre 2010 et 2012, l’inflation y a
atteint au printemps 2015 un niveau extremement bas. Ainsi, selon l’INSEE, elle pourrait connaître, si
la situation actuelle perdure, un épisode de déflation entre janvier et juin 2015. Justifiée par la crise
financière des subprimes et par la crise des dettes souveraines de certains pays européens, la
situation économique actuelle n’est pas sans montrer des analogies avec celle qu’avait causée la
crise d’Octobre 1929, dont l’économiste américain Irving FISHER avait donné une explication parmi
les plus pertinentes, par sa théorie de la « debt deflation ».
A cet égard, il semble que les travaux d’Irving Fischer aient joué un rôle déterminant dans la
décision des principales banques centrales de la planète d’ouvrir largement les normes de crédit et
de procéder à des achats massifs de titres. Il est également utile de remarquer que le gouverneur de
la Fed à l’époque de la crise des subprimes, Ben BARNANKE avait réalisé sa thèse sur les aspects
monétaires de la crise des années 1930. En 2008, les dirigeants des Etats et des banques centrales
ont eu conscience qu’ils étaient confrontés aux mêmes causes, et qu’ils risquaient de voir se
reproduire les mêmes conséquences que lors du krach de 1929 ; et la théorie de la déflation d’Irving
Fischer a été déterminante pour les aider à identifier le phénomène et à prendre des mesures
efficaces.
Néanmoins, si le monde n’a heureusement pas basculé dans l’isolationnisme et l’explosion
du système économique international qu’ont caractérisé les années 1930, il n’en reste pas moins que
les mesures prises par la Banque centrale européenne (BCE) n’ont pas été suffisantes, ni pour
retrouver le rythme de croissance d’avant 2008, ni pour atteindre durablement un niveau d’inflation
proche de 2% par an. Plus ambitieuses, les politiques monétaires de la Federal reserve américaine
(Fed) ou de la Bank of England britannique ont certes contribué à des niveaux de croissance et
d’inflation supérieurs. Ainsi, la théorie d’Irving Fischer semble insuffisante pour expliquer l’ensemble
des processus à l’œuvre dans les économies occidentales, au lendemain de la crise des subprimes.
La déflation désigne la baisse durable (pendant au moins deux semestres) du niveau général
des prix au sein d’une économie donnée. Elle représente donc le contraire de l’inflation ; or, tout
autant qu’une inflation incontrôlée, la déflation présente de grands risques pour l’activité
économique. En effet, la déflation est souvent cause de récession économique. Elle a pour effet de
conduire les agents économiques à reporter leur décision de consommer ou d’investir, car ils
anticipent une baisse de prix qui améliorera leur pouvoir d’achat. Elle entraine également, d’autre
part une baisse des revenus des entreprises, qui sont conduites à diminuer leurs investissements
ainsi qu’à diminuer les salaires de leurs employés, afin de pouvoir restaurer leurs marges ; cette
Page 1 sur 9
baisse des salaires conduit elle-même à une diminution de la consommation des ménages, abaissant
encore la demande anticipée des entreprises. En situation de rigidité des salaires, les producteurs
devront licencier leurs salariés, renforçant encore la baisse de la demande. La déflation a donc des
effets auto-générateurs et auto-entretenus. KEYNES parlait de « spirale déflationniste ». Il s’agit donc
d’une grave menace contre laquelle il convient de lutter.
Contrairement à KEYNES, l’originalité d’Irving Fischer est de s’être concentré sur les effets
déflationnistes de la diminution du crédit et de la masse monétaire. Nous reviendrons
ultérieurement sur sa démonstration. Il nous parait néanmoins, que si cette approche explique
beaucoup de la crise financière de 2008, d’autres paramètres sont tout aussi déterminant dans la
situation actuelle de la zone euro.
Il convient donc de se demander dans quelle mesure peut-on dire que la situation de très
faible inflation, voire de déflation, que connait la zone euro est imputable à une destruction (du une
création insuffisante) de monnaie. Plus largement, on pourra également la question de savoir si la
théorie quantitative de la monnaie reste pertinente pour expliquer les mouvements de prix
aujourd’hui.
Dans une première partie, nous verrons qu’Irving Fischer fonde une théorie – issue de la
conception quantitative de la monnaie – qui lie déflation et crédit, et que cette théorie a été validé
au cours des crises financières récentes. Dans une seconde partie, nous constaterons cependant que
la théorie d’Irving Fischer n’est pas satisfaisante pour expliquer la situation de risque de déflation
dans la zone-euro, et qu’afin d’en sortir, des réponses de politique monétaire et des réformes
structurelles sont nécessaires.
I.- La théorie d’Irving Fischer, liant déflation et masse monétaire, s’est révélée tout à fait pertinente
pour expliquer les crises financières contemporaines.
IA/ Le fondant sur une conception quantitative de la monnaie, la théorie d’Irving Fischer lie déflation
et crédit lors des crises financières.
Les épisodes de déflation sont rares dans l’histoire, et le 20e siècle a au contraire été marqué
par des épisodes d’hyperinflation dont le plus connu est celui de l’Allemagne entre 1914 et 1924. La
France a connu la déflation au cours des années 1930, lorsque, malgré la baisse de l’activité, la
Banque de France défendait la parité Franc-Or, et alors que les Britanniques avaient dévalué la Livre
dès 1931. L’exemple le plus remarquable de déflation reste celui du Japon, suite à la crise financière
qui s’y est produit en 1989-1990. Théoricien de la première moitié du 20e siècle, Irving Fischer ne
décrit pas tant la déflation telle que nous l’entendons aujourd’hui (la baisse durable du niveau
général des prix), que l’éffondrement brutal des prix des actifs et ses effets sur la quantité de
monnaie et la demande de crédit.
La conception que fait Irving Fischer de la masse monétaire s’inscrit dans la continuité de
celle des économies classiques. Ainsi, pour le Français J.B. JAY, la monnaie n’est qu’un voile, un
lubrifiant de l’activité économique. La quantité de monnaie en circulation n’a aucun effet à long
terme sur les quantités produites mais une augmentation de la masse monétaire entraine
simplement une augmentation – dans la même proportion – des prix (toutes choses égales par
ailleurs). C’est ce que formule Irving Fischer au début des années 1920 par l’équation :
M.V = Y.P.
Page 2 sur 9
Où (M) est la masse monétaire en circulation, (V) la vitesse de circulation d’une unité (le nombre de
transactions qu’elle permet de faire), (Y) le niveau de la production de l’économie, et (P) le niveau
général des prix. V étant rigide à court-terme, et Y ne variant que peu (la croissance économique est
en moyenne de + 2% dans les pays développés), on peut donc réduire cette relation, à court terme, à
M = P. En effet, dans une conception classique de parfaite flexibilité des prix, toute augmentation de
la quantité de monnaie se traduit immédiatement par une hausse similaire des prix. L’impact sur les
quantités est absolument nul.
La conséquence de cette formulation quant à la déflation est qu’une baisse du niveau général
des prix ne peut être due qu’à une diminution de la quantité de monnaie de circulation ; or, si cette
situation était
Page 3 sur 9
Feuille 2/4
rare lorsque la monnaie était matérialisée (il est d’ailleurs pénalement répréhensible de détruire des
pièces ou billets de banque), la destruction monétaire s’est répandue avec le développement d’une
économie de crédit assise par une monnaie scripturale. Cette situation est particulièrement brutale
en cas de crise financière.
En plus de formuler, l’intuition des économistes classiques d’une neutralité de la monnaie,
Irving Fischer a théorisé la financiarisation de l’économie, l’essor du crédit et la grande crise de 1929
qui en a résulté. La création-destruction de monnaie est le processus normal qui régit l’économie de
crédit. Les banques ont en effet la possibilité de créer de la monnaie ex-nihilo, en créditant le compte
de son client emprunteur et en inscrivant une créance du même montant à son actif. En remboursant
le capital de son emprunt, le client efface la créance, ce qui conduit à une diminution de la masse
monétaire. Par sa théorie de la « debt deflation » Irving Fischer donne une explication des crises
financières. Au cours de la première phase, marquée par la croissance du prix des actifs financiers et
l’optimisme des acteurs, les investisseurs sont désireux de profiter de cette hausse en bénéficiant de
l’effet de levier constitué par la différence entre le rendement de l’actif et les intérêts de l’emprunt ;
ils souscrivent donc des prêts auprès des banques en donnant l’actif pour garantie. Cette activité est
profitable pour les banques car elles peuvent elles-mêmes revendre leurs créances sous forme de
titres. La hausse des prix est donc entretenue par celle du crédit (donc l’augmentation de la masse
monétaire), laquelle est elle-même accélérée par la hausse des prix. Il peut néanmoins survenir un
moment où les investisseurs doutent de la valeur attendu par l’actif et pense que la hausse va se
retourner. Ils cessent alors d’acheter et les banques de prêter. Les prix de l’actif commence alors à
diminuer, entraînant des ventes massives de la part des détenteurs qui veulent limiter leurs pertes.
C’est ce qui s’est produit à New-York le 24 octobre 1929, le « Jeudi noir ». Les conséquences de ce
retournement sont d’abord que de nombreux emprunteurs deviennent insolvables, du fait de
l’effondrement du prix de l’actif de garantie, pouvant conduire les banques n’ayant pas un montant
suffisant de capitaux propres à faire faillite. La défiance s’installe alors sur le marché interbancaire,
car les banques se suspectent alors sur le marché interbancaire, car les banques se suspectent l’une
et l’autre de détenir des actifs « toxiques ». Souhaitant renforcer leur capital, appurer leur bilan et ne
pouvant se refinancer auprès de leurs consœurs, les banques réduisent alors leur offre de crédit.
Tout cela a pour conséquence de conduire à diminution de l’actif et du passif des banques, donc à
une destruction brutale de masse monétaire. De leur côté, entreprises et particuliers sont affectés
par la fonte de leur patrimoine financier et par la baisse des revenus qui en étaient issus. Ils
diminuent alors leurs dépenses afin de reconstituer leur trésorerie ou leur patrimoine. La chute du
prix des actifs financiers limite en outre la capacité de financement des entreprises par émission sur
le marché. L’économie s’enfonce alors dans la recession jusqu’à ce que chacun ait pu se reconstituer
une situation financière saine.
La théorie de la « déflation de la dette » d’Irving Fischer est donc extrêmement puissante
pour expliquer les crises financières et leur transmission à l’ensemble de l’économie. La conception
quantitative de la monnaie et son assomption d’une parfaite flexibilité des prix a cependant été
critiquée par les économistes keynésiens, pour qui l’ajustement ne se fait pas à court terme par le
prix, mais par les quantités. Dès lors, cette théorie serait impuissante à elle seule à donner une
explication de l’ensemble des phénomènes en jeu dans une crise économique. Ainsi, pour Keynes, la
Page 4 sur 9
déflation serait plutôt le résultat d’anticipations négatives de l’évolution de la demande effective par
les entrepreneurs. Par la suite, l’école de Chicago et M. FRIEDMAN ont développé le concept
d’anticipations adaptatives de l’inflation, celles-ci étant imparfaites et limités par la connaissance
qu’acquièrent progressivement les agents. Les évaluations de la masse monétaire n’auront alors des
effets complets qu’à long terme. Pour LUCAS, au contraire, les anticipations des agents sont
rationnelles et immédiates, et seules des rigidités réglementaires ou un dysfonctionnement des
institutions du marché peuvent entrainer des retards d’ajustement des prix à la masse monétaire.
IB/ Les crises financières contemporaines et la situation actuelle de la zone-euro confirment dans une
large mesure la théorie de la déflation d’Irving Fischer.
Le développement des marchés financiers, la part plus importante prise par ces marchés
dans le financement de l’économie ainsi que la globalisation financièrent ont renforcé la portée de la
théorie de Fischer. En effet, environ 60% du financement de l’économie américaine se fait
aujourd’hui directement sur les marchés, et 40% dans la zone-euro, alors que ces proportions étaient
de 20 à 30 % au début des années 1980. Le décloisemment entre les marchés financiers nationaux et
la fin de la séparation entre banque d’affaire et banque de dépôt a certes permis d’accroitre la masse
de l’épargne disponible, d’abaisser les coûts de financement, d’optimiser les placements en les
diversifiant et en dynamisant leur rendements ; mais ils ont également acrru l’exposition de chacun à
une crise financière. Les capitaux sont devenus particulièrement volatiles, et ils se déplacent au gré
des évolutions de taux. Dès lors les crises financières sont d’autant plus brutales, car la période
d’expansion des prix et d’inflation du crédit décrite par Irving Fischer n’est plus seulement alimentée
par les banques et les investisseurs nationaux mais par ceux du monde entier. De plus, la liberté de
circulation des capitaux diffuse les crises immédiatement au-delà des frontières nationales. Ainsi, en
1930, l’Europe avait été touchée indirectement par le krach de 1929, du fait du rapatriement des
capitaux américains placés en Allemagne et en Autriche ; or, en 2007-2008, les banques européennes
avait elles-mêmes investi aux Etats-Unis et subirent directement des pertes graves.
Avant d’en venir à la crise des subprimes, il convient de remarquer que plusieurs graves
crises financières sont apparues entre les années 1980 et le début des années 2000, et que celles-ci
sont parfaitement explicable par le mécanisme de « déflation de la dette » décrit par Irving Fischer.
Ainsi, la crise asiatique de 1998 fut-elle causée par un afflux de capitaux étrangers et par une forte
croissance de l’endettement ; il en va de même de la « crise nordique » qui a touché la Suède et la
Finlande entre 1990 et 1993. Dans les deux cas, l’ouverture internationale et la libéralisation des
marchés financiers et du secteur bancaire ont entrainé une forte hausse du prix des actifs, dont le
retournement a non seulement entrainé une crise financière, mais aussi une crise de change. La crise
japonaise de 1989-90 correspond elle-aussi au schéma décrit par Irving Fischer, mais son traitement
fut cependant différent. Alors par exemple que la Finlande réussit à apurrer rapidement son secteur
bancaire et a soutenu l’activité par un endettement public massif. Dans tous ces cas, la crise
financière s’est traduite par une forte baisse de l’inflation, voire une déflation, mais il n’y a qu’au
Japon où la déflation s’est prolongée durant plusieurs années.
La crise économique actuelle est le résultat direct de la crise des subprimes, survenue aux
Etats-Unis entre l’été 2007 et l’automne 2008. Elle trouve son origine dans des crédits souscrits à des
ménages pauvres, en vue d’acquérir
Page 5 sur 9
Feuille n° 3/4
Des biens immobiliers, garanties sur ces derniers, et ensuite sorties du bilan des banques par une
titrisation des créances. Le développement de ce marché des subprimes fut permis par la hausse
continue – et qu’il a entretenu – des prix de l’immobilier. Le retournement du marché de l’immobilier
a cependant crée la panique dans le secteur bancaire et a paralysé les prêts interbancaires. La fonte
des patrimoines, la faillite de certains investisseurs (dont Lehman Brothers, Dexia ou Northern Rock),
les efforts de consolidation de bilans et le tarissement du crédit aux particuliers et aux entreprises
ont ensuite transformé cette crise financière localisée à New-York en une crise économique
mondiale, en 2009. Il apparait donc que la crise de 2007-2008 correspond parfaitement à la théorie
développé par Irving Fischer dans les années 1930.
Les dirigeants politiques des principales puissances économiques ont rapidement pris
conscience de cette similitude avec la situation de « debt deflation » des années 1930. Ainsi, leur
réponse fut-elle prompte, et la Fed, la Bank of England et la BCE ont rapidement abaissé leurs taux.
Cela ne suffisant pas à redynamiser les marchés, elles ont procédé à des achats d’actifs, multipliant la
taille de leur bilan par 2 ou 3. Ces opérations correspondent à la théorie d’Irving Fischer, car, pour
éviter une contraction des prix et de l’activité du fait de la destruction monétaire générée par la crise
et le tarissement du crédit, les banques centrales se sont alors substitué aux banques, en maintenant
la masse monétaire à son niveau via des injections directes de liquidités sur les marchés financiers.
Les programmes de soutien ont cependant divergé entre la Fed et la BCE qui ont continué de
conduire des achats de titres et à accroitre leur bilan, et la BCE, qui a arrêté son programme LTRO
après 2012. On observe en effet que la politique expansioniste de la BCE s’était accompagné d’une
accélération de la croissance et de l’inflation entre 2011 et 2012. Au contraire, en 2013 et en 2014, la
croissance à ralentit et l’inflation s’est rapprochée de zero. Au fur et à mesure que les banques
remboursaient leurs emprunts auprès de la BCE, le bilan de celle-ci a diminué depuis 2012, et plus
généralement, la masse monétaire de la zone-euro a elle aussi fondu. C’est dans ce contexte que le
président de la BCE, M. DRAGHI a annoncé en Janvier 2015 l’achat de plus de 1.100 milliards d’euros
d’actifs entre Mars 2015 et Septembre 2016, dans le but de réaugmenter le montant du bilan de la
BCE à son niveau de 2012.
Ainsi, au vu de l’expérience croisée de la zone euro d’une part, des Etats-Unis et de la
Grande-Bretagne d’autre part, il semble effectivement que quantité de monnaie en circulation et
niveau des prix sont fortement correlés.
II.- La théorie de la déflation d’Irving Fischer n’est cependant par satisfaisante pour expliquer
l’ensemble du phénomène déflationniste à l’œuvre actuellement dans la zone euro, et la sortie de
cette situation implique des mesures à la fois monétaires, mais aussi fiscales et structurelles
IIA) La situation de risque de déflation à l’œuvre actuellement dans la zone euro trouve d’autres
explications que celles données par la théorie d’Irving Fischer
Page 6 sur 9
Les difficultés de la zone-euro semblent aujourd’hui davantage liées aux dysfonctionnements
des canaux de transmission du crédit qu’à une insuffisance de l’offre de monnaie. Les capacités de
financement ne semblent pas se diriger également vers l’ensemble des acteurs. Il existe aujourd’hui
une surabondance de demande sur les marchés les moins risqués. Ainsi, les grands Etats et les
entreprises les plus importantes se financent – ils aujourd’hui à des taux très bas sur les marchés
obligataires. Fin 2014, le taux d'intérêt sur les obligations à 10 ans du Trésor français était de 1%, et il
était même négatif sur les titres à 3 mois. A contrario, les taux d’intérêt sont nettement plus élevés
sur les titres des Etats d’Europe du Sud ou sur les crédits aux particuliers.
La désinflation dans la zone euro est également due à la crise des dettes souveraines de
certains pays de la zone euro. Ne pouvant plus s’endetter à bon taux, ceux-ci ont du se tourner vers
le FMI et l’Union européenne qui a mis en place un mécanisme d’aide. Ils ont alors restreint leurs
dépenses, augmenté les impôts et conduit des réformes structurelles profondes. Faute de pouvoir
dévaluer leur monnaie afin de restaurer leur compétitivité, ces Etats ont donc procédé à une
dévaluation interne, en diminuant les prix et les salaires.
Plus généralement, la désinflation a été entretenue par la « spirale » décrite par Keynes, les
anticipations pessimistes des entreprises affectant l’emploi et l’investissement, tandis que la
stagnation des salaires a entrainé celle de la consommation, donc celle des prix. Ce faible dynamisme
des salaires est entretenu par la faible croissance et par les faibles gains de productivité, eux-mêmes
dûs à un faible niveau d’investissement. La hausse du chômage, la baisse de ses recettes fiscales et
les plans de relance de l’activité ont conduit l’Etat français à augmenter considérablement son
endettement et à accroître le poids de sa fiscalité, ce qui a pesé en 2013 et 2014 sur le niveau de
l’activité.
Depuis le printemps 2014, la zone-euro importe également une désinflation provoqué, d’une
part, par la très nette désappréciation de l’euro face au dollar, et d’autre part, par la baisse du prix
des matières premières. La facture énergétique de la France s’est ainsi allégée de 11 milliards d’euros
entre 2013 et 2014. Cette évolution est paradoxale, car si elle renforce la compétitivité
internationale des entreprises de la zone-euro et libère du pouvoir d’achat des ménages, elle
renforce les anticipations Déflationnistes dans la zone-euro.
IIB) Une sortie de la situation quasi-déflationniste actuelle de la zone-euro suppose donc un
ensemble de mesures qui ne se limitent pas à une augmentation de la masse monétaire.
Le programme de rachat massif de titres amorcé par la BCE en Janvier 2015 semble d’ores et
déjà porter ses fruits dans les anticipations d’inflation qui se redressent, de -0,4% en janvier à -0,1%
en Juin. Cette injection de liquidités devrait réorienter l’investissement vers les besoins des
entreprises et des ménages en évinçant les institutions financières des marchés à faible risque.
La crise actuelle a révélé la fragilité des canaux de transmission du crédit, et une amélioration
durable de la situation passe donc par une amélioration du fondement de ces canaux. L’accès à un
financement de marché pour les petites et moyenes entreprises pourrait être développé dans un
cadre réglementaire et sécurisé.
Le faible niveau des taux d’intérêt et du prix des matières premières pourraient être mis à
profit afin de réaliser des investissements soutenant la croissance de long-terme et la productivité au
travail.
Pour éviter de futures « dévaluations internes » à la zone euro, il convient également de
renforcer la coordination des politiques fiscales, budgétaires et économiques dans la zone-euro, de
Page 7 sur 9
même que la mobilité des travailleurs. On pourrait également envisager la création d’une assurance
chômage européenne ou de [illisible] de dette européens.
Page 8 sur 9
Feuille 4/4
La théorie de la « debt deflation » décrite par Irving Fischer reste donc très actuelle dans un contexte
de globalisation financière et de financiarisation de l’économie. La crise financière survenue en 2007
n’explique cependant pas toute la situation actuelle de la zone euro.
Page 9 sur 9
Téléchargement