L`obésité infantile : le prix inacceptable d`un marketing efficace

Partout dans le monde, les enfants sont de plus en plus toucs par le surpoids et
lobésité. Le Groupe de travail international sur losi (IOTF) estime que près de
45 millions denfants dâge scolaire dans le monde sont obèses ou près de 3 % de la population
denfants de moins de 5 ans. Il a désormais été démontré que la modernisation des styles de vie,
notamment les comportements dentaires et la forte hausse de la consommation daliments
riches en graisses et en sucres et pauvres en nutriments, était à la base de la pandémie de
conditions liées à losité, dont le diabète de type 2. En outre, de plus en plus détudes associent
les risques pour la san liés à lobési, notamment chez les enfants, à la consommation de
boissons sucrées. Ces aliments et boissons potentiellement nocifs sont commercialisés partout
dans le monde via des stratégies de marketing de plus en plus complexes et très efficaces.
Kaye Mehta se demande si le coût humain de ce marketing efficace nest pas trop élevé.
Les liens entre la publicid’aliments et de boissons sucrées ciblant
les enfants et l’augmentation de l’obésité infantile à l’échelle
mondiale inquiètent de plus en plus. Rien de surprenant : une
grande partie des aliments et des boissons destinés aux enfants
sont considérés comme des produits néfastes pour la santé, riches
en calories et pauvres en nutriments.1,2
De nombreuses études ont démontré que le marketing influençait
les préférences alimentaires des enfants.3,4 L’Organisation mondiale
de la santé (OMS) a conclu qu’il y avait probablement un lien
entre le marketing intensif des chaînes de fast-food et des produits
riches en calories d’une part et le risque d’obésité infantile d’autre
part.5 Les enfants sont surtout exposés à ces stratégies via les an-
nonces publicitaires à la télévision. En outre, les multinationales
du secteur des aliments traités ont recours à des tactiques de plus
en plus élaborées pour s’assurer que leurs produits trouvent une
place dans la vie des enfants.
Par exemple, appliquant des méthodes testées avec succès sur les
adultes, les produits sont ‘introduits’ dans des films et program-
mes télévisés destinés aux enfants. L’attachement aux marques
est stimulé dès le plus jeune âge par le biais de jeux et jouets.
La fidélité aux marques est ensuite encouragée et accentuée à
travers les clubs, les concours et les programmes de parrainage
d’activités sportives dans les écoles. Les occasions offertes par la
forte augmentation de l’utilisation de l’Internet n’ont pas échappé
Lobésité infantile :
le prix inacceptable
dun marketing efficace
Kaye Mehta
Média et événements
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aux experts en marketing, qui ont
réussi à s’imposer là aussi.
Le Président de la FID affirmait ré-
cemment que, en termes d’alimen-
tation et de style de vie, le droit des enfants à un cadre de vie sain
devait être protégé de toute urgence.6 Pourtant la prévalence du
surpoids et de l’obésité chez les enfants a continué d’augmenter
dans pratiquement tous les pays développés et dans de nombreux
pays en développement, parallèlement à la prolifération géné-
ralisée des fast-food et des publicités pour aliments et boissons
sucrées riches en calories et pauvres en nutriments.
Le prix de la réussite économique
Malheureusement, le prix de la réussite de cette industrie très
rentable est de plus en plus clair. Des taux de prévalence de
l’obésité frôlant les 30 % sont désormais courants chez les enfants
des pays tels que les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie.7
Les communautés urbaines à forte densité de population dans de
nombreux pays en développement d’Amérique latine, d’Asie et
d’Afrique sont touchées par une augmentation inquiétante des
troubles liés au surpoids et à l’obésité chez les jeunes, notamment
le diabète de type 2.
8,9
La charge sociétale et financière potentielle
dans ces pays en développement est énorme : les enfants obèses
qui développent le diabète de type 2 pendant l’adolescence ou
au début de l’âge adulte sont plus exposés au développement
de complications invalidantes et mortelles pendant leurs années
d’adultes ‘productifs’.
Les coûts sanitaires directs (traitement, hospitalisation) et indirects
(jours de travail perdus, prestations d’invalidité) menacent sérieu-
sement le développement des pays à faibles et moyens revenus.
En outre, les enfants en surpoids ou obèses sont exposés à de
nombreux autres risques pour leur santé, qui peuvent s’avérer
très coûteux en termes humains et économiques. Ceux-ci incluent
les problèmes psychosociaux, les maladies cardiovasculaires,
l’hypertension et les troubles musculosquelettiques.
Profit contre protection
La publicité d’aliments et de boissons ciblant les enfants est une
question très controversée ; le débat oppose les parties prenantes
de la santé publique et de l’industrie. Les représentants des inté-
rêts des entreprises brandissent leur droit à commercialiser leurs
produits librement. Les enfants sont perçus comme des composants
d’un marché lucratif ouvert à l’exploitation. En fait, non seulement
les enfants dépensent leur propre argent mais ils influencent les
achats des parents : une force puissante sur un marché qui re-
présente plusieurs milliards à l’échelle mondiale.
Les défenseurs du marketing illimité placent l’entière responsabilité
morale du contrôle de la nutrition des enfants sur les épaules des
parents. L’industrie assume peu de responsabilité concernant ses
pratiques de marketing, elle rejette également l’intervention des
gouvernements pour protéger le droit à la santé des enfants face
au droit au profit de l’industrie. Dans de nombreux pays toutefois,
les parents demandent de plus en plus à être soutenus pour guider
les choix alimentaires de leurs enfants. La santé des enfants doit
être la responsabilité de l’ensemble de la société qui doit créer
un cadre de vie le plus sûr possible.
L’exposition constante
des enfants aux publicités
pour aliments néfastes
pour la santé prouve que
les restrictions actuelles
sont inadéquates.
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Des mesures inadéquates
Dans de nombreux pays, la publicité pour des produits néfastes
pour la santé ciblant les enfants fait l’objet d’un débat ouvert.
Cependant, bien qu’il existe des réglementations sur la publicité
de produits alimentaires dans un certain nombre de pays, des
décisions politiques fortes se font attendre. L’exposition constante
des enfants aux publicités pour des aliments néfastes pour leur
santé ainsi que la hausse des taux d’obésité prouvent que les
limitations actuelles sont inadéquates.
La Suède, la Norvège et le Québec ont interdit toute publicipour
les produits potentiellement néfastes visant les enfants de moins
de 12 ans. Toutefois, même de telles réglementations légalement
contraignantes sont régulièrement ébranlées par la diffusion
transfrontalière d’émissions télévisées qui doivent se conformer
aux réglementations en vigueur dans le pays émetteur, plutôt
qu’aux réglementations du pays récepteur. Au Royaume-Uni,
une revue récente des réglementations sur la publicité télévisée
d’aliments et de boissons ciblant les enfants a recommandé un
renforcement des limitations de la promotion d’aliments néfastes
pour la santé.10 Bien que cette mesure ait amélioré la situation
antérieure, elle n’a pas satisfait les demandes de certaines parties
prenantes qui réclamaient l’interdiction de toute publicité pour
des aliments potentiellement néfastes pour la santé ciblant les
enfants avant 21 heures.
Combattre l’environnement obésogène
La Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant,
publiée en 1989, vise à protéger les enfants contre toutes les for-
mes d’exploitation, y compris le marketing peu scrupuleux. L’IOTF
a récemment publié des directives visant à réduire la promotion
publicitaire d’aliments et de boissons ciblant les enfants (Guiding
Principles for Reducing the Commercial Promotion of Foods and
Beverages to Children), qui défendent le droit d’un enfant à vivre
dans un environnement libre de toute pression commerciale. La
coalition sur la publicité d’aliments ciblant les enfants (Coalition on
Food Advertising to Children) a été créée en Australie en 2002 et
rassemble des professionnels de la santé et des associations de dé-
fense des consommateurs. Elle réclame l’interdiction de toute publicité
pour aliments à la télévision pendant les heures de grande écoute
des enfants et la diffusion de messages en faveur d’une alimentation
saine via des campagnes de marketing social non commercial.
Les prestataires de soins en particulier ont le devoir de soutenir
la campagne en faveur d’environnements et de politiques en-
courageant des choix sains. Dans le cas de l’obésité infantile, le
nombre croissant d’interventions cliniques est intenable. En outre,
celles-ci n’apportent pas de solution aux causes sous-jacentes du
problème. Si nous voulons avoir un impact sur la lutte contre ce
grave problème de santé publique, nous devrons modifier cet
environnement obésogène par le biais d’initiatives à grande
échelle et de politiques fortes et complètes.
Kaye Mehta
Kaye Mehta est chargée de cours auprès du Département de
Nutrition et de Diététique, Flinders University of South Australia, et
membre fondateur de la Coalition on Food Advertising to Children.
Références
1 Chapman K, Nicholas P, Supramaniam R. How much food advertising is there
on Australian television? Health Promotion International 2006; 21: 172-80.
2 Dalmeny D, Hanna E, Lobstein T. Broadcasting bad health. Why food
marketing to children needs to be controlled. A report by the International
Association of Consumer Food Organizations for the World Health
Organization consultation on a global strategy for diet and health.
IACFO. London, 2003. (Available at www.foodcomm.co.uk)
3 Hastings G, Stead M, McDermott L, et al. Review of research on the
effects of food promotion to children. Final report. Centre for Social
Marketing, The University of Strathclyde. Glasgow, 2003.
4 Institute of Medicine. Food marketing to children and youth: threat or
opportunity? The National Academies Press. Washington DC, 2006.
5 World Health Organization. Diet, Nutrition and the Prevention of Chronic
Disease. Technical Report Series 916. WHO. Geneva, 2003.
6 Silink M. Keeping our promises. Diabetes Voice 2007; 52 (Special issue): 2.
7 Wang Y, Lobstein T. Worldwide trends in childhood overweight and
obesity. International Journal of Pediatric Obesity 2006; 1: 11-25.
8 Gill T. Epidemiology and health impact of obesity: an Asia
Pacific perspective. Asia Pac J Clin Nutr 2006; 15: 3-14.
9 Singh R, Shaw J, Zimmet P. Type 2 diabetes in the young. In: International
Diabetes Federation. Diabetes Atlas third edition. IDF. Brussels, 2006: 193-207.
10 Office of Communications. Television Advertising of Food and Drink Products
to Children. Final Statement. OfCom. London, 2007.
(Available at www.ofcom.org.uk)
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