Eros et société : hypersexualisation?

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Eros et société : hypersexualisation?
Jocelyne Robert, sexologue, et Daniel Tanguay, philosophe
Soirée du 25 octobre 2007
Un compte rendu de François Julien
Présentation des intervenants
Sexologue de formation, Mme Jocelyne Robert est bien connue pour ses livres
traduits en de nombreuses langues, certains portant plus spécialement sur la
sexualité chez les jeunes. Mme Robert s’est aussi fait remarquer par ses prises
de position publiques sur l’hypersexualisation. Au cours de sa carrière, elle
s’est méritée de nombreux honneurs dont le premier prix Edgar Lespérance en
1991, dans la catégorie « documentaire pratique », pour son livre L'Histoire
merveilleuse de la naissance. Elle a aussi obtenu en 2007 le prix
Reconnaissance en sciences humaines décerné par l’Université du Québec à Montréal pour la
qualité de son parcours et pour sa contribution exceptionnelle au développement et au
rayonnement de son secteur d’étude à l’échelle nationale et internationale.
Docteur en philosophie de l’Université de Paris IV-Sorbonne, professeur
agrégé en philosophie à l’Université d’Ottawa, directeur du Centre
interdisciplinaire de recherche sur la citoyenneté et les minorités, M.
Daniel Tanguay s’intéresse particulièrement aux questions sociales et
politiques dans une optique philosophique. Au cours de son exposé, il
replacera la sexualité actuelle dans un cadre plus large, lié aux
mouvements intellectuels et à la finalité des mœurs.
***** Mme Robert amorce sa présentation en expliquant sa démarche. Se présentant d’abord comme
une sexologue, elle désire se distinguer de ceux qui travaillent beaucoup sur la mécanique de la
sexologie pour se consacrer davantage à la question de l’ouverture à autrui, au sens de
l’expérience sexuelle, au sens de ce que l’on vit dans la sexualité. Dans son livre Le sexe en mal
d’amour. De la révolution sexuelle à la régression érotique (Éditions de l’Homme, 2005), elle
2 développe d’ailleurs cette idée d’une sexualité qui a perdu sa signification depuis une quinzaine
d’années.
Il y a de cela quarante ans, la sexualité était un sujet relativement interdit. Il ne fallait pas en
parler, ou à tout le moins le garder secret. Les temps ont changé, les sociétés ont évolué et
aujourd’hui, c’est absolument l’inverse. Les jeunes sont imprégnés par le sexe, et ce pour des
raisons qui sont à la fois sociales, politiques, et même planétaires. Ils sont très informés autant sur
les choses du sexe que sur les fantasmes amoureux. C’est exactement l’inverse d’il y a quarante
ans. Les jeunes perçoivent l’amour presque comme une chimère. Une forte pression les mène à
croire que le sexe est essentiellement axé sur la consommation, le corps-objet, donc une sexualité
où la place du relationnel est presque inexistante. Mais en réalité, il faut comprendre que les
adolescents sont très angoissés par cette oppression du modèle de performance et veulent être
rassurés.
Depuis une quinzaine d’années, avec le développement d’Internet et des multiples médias,
nous assistons à des changements majeurs au niveau des mœurs sexuelles chez les enfants et les
adolescents, notamment en raison de l’omniprésence de l’image. L’utilisation à outrance du sexe
comme bien de consommation dans la mode, les chansons et la télévision a rendu le sexe
tellement accessible que nous n’avons même plus besoin de faire d’efforts pour accéder à du
contenu pornographique. Il nous arrive même d’en recevoir sans le demander. Nous assistons à
un phénomène d’érotisation de l’enfance, d’hypersexualisation des filles, d’augmentation de
l’offre de services sexuels de toutes sortes, à une érotisation de la violence ou encore au
développement des sex shops, ces sortes de quincailleries du sexe. Et la tendance ne semble
certes pas s’atténuer. Jamais dans l’histoire de l’humanité nous n’avons pu constater ce
phénomène avec une telle ampleur.
Il n’y a pas si longtemps, les jeunes recevaient un double message sur la sexualité : le sexe
était quelque chose de sale, de dégoutant, un péché menant directement en enfer, et pourtant, un
acte qu’il fallait garder pour la personne que nous aimerions vraiment. Plus tard, nous nous
sommes dit que la sexualité faisait partie intégrante de la nature humaine et que nous devions
aider les enfants à mieux la connaître. Malheureusement, cette belle volonté n’est restée qu’au
stade de l’intention puisque dans les faits, nous n’avons enseigné dans les écoles que la
prévention, la contraception, les maladies en passant complètement à côté de l’amour, des
sentiments. Aujourd’hui, nous nous retrouvons devant un sérieux problème : la sexualité et
surtout la pornographie sont partout présentes. Cependant, nous avons cessé de faire de
l’éducation sexuelle. En conséquence, les enfants se retrouvent plus angoissés et ignorants
qu’auparavant. Ils ne découvrent pas l’érotisme avec les produits pornographiques. La majorité
ne réalise pas ou ne perçoit pas la fausseté de ces produits somme toute irréalistes. Ces jeunes
veulent connaître ce qu’est l’amour, mais n’ont que de l’information trafiquée, ils n’ont que la
pornographie pour apprendre. Une forme de sexualité est donc partout de nos jours, mais nous ne
pouvons dire pour autant qu’elle s’est démocratisée. Ce n’est que la pornographie qui s’est
démocratisée. Si la sexualité s’était réellement démocratisée, nous verrions dans les médias des
modèles d’hommes et de femmes fragiles, moins beaux, âgés ou malades et pas seulement de
3 jeunes gens beaux, en santé, liposucés, possédants des organes anormalement gros.
Quand nous étions enfants, nous jouions au papa et à la maman. Peu après, il y eut l’arrivée du
phénomène Barbie. Au plan fantasmatique, elle représentait une femme séduisante, mais
également intelligente et avec du pouvoir. Aujourd’hui, les enfants jouent moins au papa et à la
maman, mais fantasment très rapidement sur les modèles de femmes ultras érotiques telles que
Christina Aguilera ou Paris Hilton. Elles se projettent dans ces rêves fantasmatiques qui les
poussent au culte « du cul, du corps et du cash ». Et plus grave encore, nous ne réussissons
presque plus à intégrer la notion d’amour devant celles de plaisir et de performance dans une
société qui nous incite sans arrêt au changement rapide, au commencement et au
recommencement.
Un constat est maintenant clair : nous avons dérapé et il est urgent de proposer des
alternatives. L’éducation sexuelle chez les jeunes est très rare, mais plus nécessaire que jamais.
Nous avons récemment cessé les cours d’éducation sexuelle dans nos écoles et il faut le voir
comme un recul. Nous devons absolument reprendre l’éducation à la sexualité et à la fertilité. Les
parents se retrouvent également dépassés par la situation et ne trouvent que peu de support. Alors
que le sexe devrait illuminer, enrichir la personne, le modèle actuel appauvrit l’estime de soi.
Nous devons trouver les moyens de rivaliser avec le message ambiant en changeant notre
approche éducationnelle. Nous ne connaissons pas encore tous les impacts de cette culture de
consommation sexuelle, mais il est évident qu’ils sont importants.
***** D’entrée de jeu, M. Tanguay tient à préciser le rôle qu’il entend jouer à travers son exposé. Il ne
tient pas à se glisser dans la peau d’un philosophe, d’un sociologue ou d’un sexologue, mais
plutôt dans celle d’un moraliste, malgré l’opprobre qui puisse être lié à ce mot. Moraliste, oui,
mais non au sens de celui qui veut réformer les mœurs. M. Tanguay désire jouer le rôle d’un
moraliste au sens de celui qui veut réfléchir en toute liberté sur une question dans le but
d’approfondir ses connaissances sur le genre humain.
Selon M. Tanguay, toutes les sociétés humaines ont d’une manière ou d’une autre cherché à
enchaîner Éros, dieu grec de l’amour charnel. Or au Québec, nous voulions libérer ce dieu et nous
l’avons effectivement fait après les années 1960. Durant la Révolution tranquille, période où nous
nous libérions de nos chaînes, nous nous sommes notamment libérés sexuellement, participant
ainsi au vaste mouvement social et culturel que nous appelons maintenant la révolution sexuelle.
Cette transformation des mœurs avait alors pour but de libérer la sexualité du joug de la morale.
Parmi toutes les révolutions que notre société a vécues durant les années 1960 et les suivantes, la
révolution sexuelle est sans conteste celle qui a le mieux réussi et qui eut les effets les plus
profonds sur nos mentalités et nos habitudes de vie. Pour s’en convaincre, il nous suffit de
comparer les films américains actuels avec ceux qui se produisaient durant les années 1950. Une
distance étonnante sépare notre société des mœurs d’alors.
4 Il y a cependant toujours une part d’illusion quand nous tentons d’appréhender les mentalités
et les mœurs d’avant. Il faudrait d’abord, selon M. Tanguay, se prémunir contre l’idée simpliste
selon laquelle la masse des gens ayant vécu avant les années 1960 auraient eu une sexualité
entièrement dictée par les préceptes moraux et religieux. La véritable nouveauté de notre temps
est que notre société s’est à ce point émancipée des mœurs victoriennes antérieures aux années 60
qu’elle semble promouvoir le dictat même du dieu Éros ou, à tout le moins, l’idée qu’il faille
s’interdire d’interdire à propos d’Éros. Nous voulons jouir à notre gré comme si cela était un
impératif. Or, force est de constater que cette façon de penser a des effets néfastes autant sur les
individus que sur la société dans son ensemble. Pour bien comprendre ce que nous appelons ici
les effets néfastes de la révolution sexuelle, il convient de jeter un œil sur ses objectifs initiaux.
Auparavant, les mentalités victoriennes bourgeoises, ou catholiques, poussaient les individus à
refouler leurs désirs sexuels, les empêchant ainsi de s’épanouir. Ces mentalités avaient pour
conséquence de favoriser le développement de névroses et de pathologies autoritaires à grande
échelle. Lors de la Révolution tranquille, la société a désiré faire sauter les verrous de cette
morale victorienne et faire retrouver à l’homme et à la femme les plaisirs de la sexualité. Cette
révolution sexuelle était promise à un beau développement, allant de l’approfondissement de la
psychologie à la sexologie, des mouvements de la contre-culture au féminisme. La société postRévolution tranquille créait alors une nouvelle éthique sexuelle qui tolérait de moins en moins de
limites. Nous pourrions résumer cette nouvelle éthique en vigueur par le mot d’ordre : « jouissez
sans réserve ».
Cependant, la nouveauté de ces mentalités ne datait pas des années 60. La critique de la
société bourgeoise victorienne commençait déjà au début des années 1920, notamment à travers
les différents mouvements artistiques de l’époque. Elle se manifestait par un refus de la droite et
du conformisme social ainsi que par le désir de liberté d’expression encore plus que de l’individu.
Les premières critiques de la mentalité victorienne bourgeoise remontent donc aux années suivant
la Première Guerre mondiale. Ces critiques se sont par la suite répandues, en grande partie aux
États-Unis, et ont graduellement remis en question les mentalités victoriennes jusqu’aux années
60.
Or, face aux normes actuelles de liberté sexuelle, il faut se poser une question : « Dans quelle
mesure une société démocratique peut-elle survivre sans une culture morale qui viendrait contenir
les pulsions des individus et contrôlerait les effets pervers de ce même individualisme? » Nous
avons, en analysant les quarante dernières années, un bon aperçu des aspects sociaux de la
nouvelle éthique morale et nous pouvons en observer les effets. Nous pouvons constater que ces
effets sont en bonne partie définis par les individus selon leur appartenance propre. Le nouvel
hédonisme semble effectivement se traduire différemment selon l’appartenance de classe sociale,
certaines d’entre elles en payant vraisemblablement le prix fort.
Prenons l’exemple de la déstructuration de la famille par la diffusion de la nouvelle éthique
hédoniste. On peut remarquer que plusieurs jeunes filles devenant mères se retrouvent seules et
n’ont d’autre choix que de vivre dans la pauvreté. De même, nombreuses sont les mères de
famille qui sont abandonnées par leur conjoint et se retrouvent ainsi seules pour élever leurs
5 enfants. Ce manque de responsabilité, malheureusement trop souvent constaté, est favorisé par
une culture populaire encourageant la recherche du plaisir hédoniste, une quête poussant
plusieurs personnes vers la consommation excessive de drogues et d’alcool. Si nous portons nos
regards sur la morale bourgeoise et victorienne, nous constatons que la société d’alors
s’organisait autour de la cellule familiale et inculquait des principes de sécurité, de sobriété et de
moralité sexuelle. Les femmes avaient d’ailleurs un rôle moralisateur important. Les premières
féministes du 19e siècle partageaient avec la morale victorienne l’affirmation suivante : « Les
femmes sont moralement supérieures aux hommes. C’est pourquoi elles ont pour mission de
moraliser les hommes en les incitant à devenir fidèles ». On a là une des clés du dispositif moral
pré-Révolution tranquille. Cette morale avait pour but de contraindre les hommes à modérer leurs
pulsions sexuelles violentes et à respecter les responsabilités familiales. On écrivait alors qu’une
telle moralisation était nécessaire pour garantir l’intégrité de la famille et du mariage. Une société
saine se devait donc d’encourager de bonnes attitudes favorisant le bien-être non seulement
matériel, mais aussi moral et sexuel. Ce dispositif moral, on l’oublie trop souvent, s’appliquait
plus particulièrement aux classes ordinaires, avec une bonne dose de paternalisme, c’est vrai, de
la part d’une bourgeoisie qui n’était pas du tout hypocrite.
C’est donc en partie pour des raisons de justice sociale et de dignité morale que l’on peut
maintenant critiquer la nouvelle morale hédoniste.
On le sait, cette nouvelle éthique est le fait d’une nouvelle classe bourgeoise qui en donne
aujourd’hui le ton. Cette nouvelle classe s’est élevée contre le caractère borné et contraignant de
l’ancien esprit bourgeois. Elle est composée non seulement de la bourgeoisie actuelle, mais
également de l’élite médiatique, intellectuelle et technocratique des nouvelles sociétés. Cette
nouvelle classe, qui se présente comme une avant-garde sociale, donne en fait le ton et fabrique
l’opinion publique depuis les quarante dernières années. Elle est la créatrice et la promotrice de la
nouvelle doctrine contemporaine. La révolte contre l’ancienne morale est devenue aujourd’hui
une véritable industrie culturelle. Cette nouvelle industrie est toujours à l’affut d’une nouvelle
manière de se libérer, d’une nouvelle révolution, d’une nouvelle destination d’aventure. C’est
cette nouvelle industrie qui s’est fait l’initiatrice de la libéralisation des mœurs. Elle défend bec et
ongle l’idée que chacun choisit son propre mode de vie et sa manière de la vivre. Elle a
démocratisé l’idée nietzschéenne selon laquelle chaque individu doit faire de sa vie une œuvre
d’art. Que la poursuite et l’atteinte par tous de l’accomplissement personnel soit une pure réalité.
Cette idée de la personne devrait nous inspirer une certaine modestie à l’égard de ce que nous
sommes et surtout de ce que nous devons être. Mais contrairement à cette idée qu’il y a une limite
au plaisir immédiat et individuel, qu’il y a quelque chose de plus grand que nous, quelque chose
qui nous dépasse, tout concorde dans notre culture pour exalter notre singularité. L’individu
contemporain recherchant le bien-être immédiat s’accorde tellement avec une société de
consommation qu’il a constamment besoin de créer et de stimuler de nouveaux besoins. Alors
que les familles étaient auparavant fondées sur l’accumulation de capital et sur l’idée de la
prévoyance, le nouveau capitaliste postindustriel se consacre à l’assouvissement, à la satisfaction
immédiate et à la dépense sans bornes. Dans ce nouveau capitalisme, il faut jouir davantage et
6 toujours davantage. L’individu cherche à se singulariser et ne se contente même plus de ce qui est
changeant. C’est pourquoi il cherche à se stimuler constamment.
Ce que l’on peut reprocher à l’utopie de l’émancipation sexuelle des années 60 et de la culture
hédoniste qui s’ensuivit, c’est sa vision simpliste de la sexualité et du désir. Les émancipateurs
voulaient retrouver, par delà les déformations et les exigences sociales, le désir cru dans son état
naturel, l’Éros originel. On croyait même qu’en libérant la sexualité, le désir et l’amour
règleraient les problèmes de l’être humain. Or ce n’est pas le cas. Éros est un dieu puissant qui a
un désir des corps humains. Il peut se montrer irrespectueux et cruel. Ce côté sombre d’Éros est
bien connu aujourd’hui par l’explosion pornographique qui a accompagné la révolution sexuelle.
Cette pornographie expose avec une simplicité et parfois une brutalité inouïes tous les contacts
humains, et à quelques clics près, n’importe qui peut se retrouver exposé à des scènes faisant
autrefois les délices des hommes les plus dénaturés. De la même manière, la culture populaire et
individuelle ne cesse de repousser les limites de la décence et de soumettre les jeunes spectateursconsommateurs à une stimulation continuelle de leurs fantaisies sexuelles. Cette pornographie
montre souvent les scènes les plus basses et donne l’image d’une sexualité détachée de toute
tendresse et de toute forme d’humanité.
Le libéralisme tolérant de notre société se retrouve alors devant un paradoxe inquiétant. D’une
part, il prêche le respect de l’autre et la dignité de tout être humain, mais d’autre part il tolère une
culture populaire de masse qui propose une image très haute de la sexualité et souvent n’hésite
pas à exploiter les formes les plus dégradées de la sexualité humaine. Ces formes : partouse,
sadisme, masochisme, bestialité, etc., ont toujours existé dans les sociétés humaines, mais elles
étaient socialement réprimées, du moins considérées comme hors norme. Or l’évolution que suit
notre société tend à brouiller cette norme au nom d’une part de la liberté sexuelle et d’autre part
d’une éthique hédoniste.
Dans les années 1960, on a voulu libérer notre sexualité de ce qui était considéré comme le
joug intolérable de la moralité victorienne. On croyait qu’avec la libération sexuelle, la société
deviendrait un nouveau jardin des délices où tous jouiraient sans entraves et sans contraintes. En
fait, le nouveau marché des plaisirs a brutalisé la compétition sexuelle en arrachant la séduction
du désir sexuel ainsi que tous les rituels ou toutes les formes de morales que la civilisation avait
précieusement élaborées et conservées. Ce ne sera pas la première ni la dernière fois dans
l’histoire humaine qu’une révolution aura conduit à des formes de tyrannies souvent plus
insidieuses que la situation antérieure. Avec une bonne dose de complaisance et
d’autosatisfaction, notre société aime à se penser libérée des tourments qui affectaient nos
ancêtres. Cela est peut-être vrai, mais elle néglige le fait que sa liberté a peut-être été acquise au
prix d’un singulier appauvrissement de l’amour. Qui peut dire que la sexualité de nos adolescents
est une marque de progrès dans la sensibilité du cœur et dans l’art d’aimer. Ils savent tout ce qu’il
faut savoir sur l’art de jouir, mais qui leur aura appris l’art d’aimer? Vers qui d’ailleurs peuventils aujourd’hui se tourner pour apprendre sur le tard les contradictions du cœur humain? La
nouvelle éthique a bien épargné d’expliquer cette complexité du cœur humain. C’est pourquoi il
semble que l’impératif de jouissance conduit le plus souvent à la tristesse.
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