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I_AR_B_O_
La cloque du pêcher:
seul le cuivre... ?
Xavier
SAID*
Depuis de nombreuses années, la
protection contre la cloque du
pêcher (Taphrina deformans) ne
donne pas toujours satisfaction aux
producteurs biologiques. Les échecs
sont fréquents et la maîtrise de cette
maladie est difficile en agrobiologie.
En attendant la mise sur le marché
de cultivars résistants, voici diffé-
rents éléments qui permettront aux
arboriculteurs de mieux raisonner et
maîtriser la lutte contre la cloque du
pêcher.
La cloque du pêcher est largement
répandue dans toutes les régions de
France où l'on cultive le pêcher. La
pression de ce pathogène est constan-
te chaque année mais des variations
au niveau de l'intensité des attaques
sont observées suivant les conditions
climatiques et les régions. Cette
maladie se manifeste la plupart du
temps de manière endémique (mala-
die à caractère permanent liée à la
parcelle) lorsque la protection n'est
pas suffisante.
Le champignon, en provoquant une
hypertrophie des organes foliaires,
peut augmenter la sensibilité du pêcher
à d'autres maladies telles que l'oïdium
ou le monilia. Ces dégâts contribuent
également à diminuer l'activité photo-
synthétique générale de l'arbre. Et
donc, en période l'arbre renouvelle
son feuillage (juin), une compétition
nutritionnelle défavorable s'instaure
entre la production de nouvelles feuil-
les et la croissance des fruits.
Un frein au développement
du pêcher biologique?
Peu de travaux approfondis ont été
réalisés récemment en France sur la
cloque du pêcher. Le manque de con-
naissances sur cette maladie explique
*
Stagiaire à l'INRA de Valence (licence
de phytoprotection à Avignon)
n
Alter
L!J
Agri n020
Les symptômes de la cloque du pêcher
que la stratégie de protection soit
actuellement basée sur une méthode
de lutte empirique (traitements systé-
matiques et uniquement préventifs).
Cette stratégie donne des résultats
corrects en agriculture convention-
nelle, ce qui n'est pas le cas en agri-
culture biologique le cahier des
charges n'autorise que l'emploi du
cuivre pour lutter contre la cloque.
Le cuivre est un fongicide d'origine
minéral qui possède une certaine acti-
vité sur de nombreuses maladies
cryptogamiques. Mais son emploi
présente souvent des contraintes liées
aux risques de phytotoxicité sur les
feuilles et les jeunes fruits lors d'ap-
plications trop tardives à des doses
élevées au printemps. Par conséquent,
les doses appliquées au champ sont
souvent inférieures à la dose réelle-
ment efficace (500 glhl). Ceci entraî-
ne donc des échecs dans la protection
phytosanitaire.
D'autres facteurs peuvent aussi être à
l'origine de ces échecs, comme un
inoculum important dans la parcelle,
un délai trop important dans le
renouvellement du produit après un
lessivage ou bien un mauvais posi-
tionnement des interventions.
Ainsi, dans l'état actuel des connais-
sances, la seule piste envisageable
pour tenter de maîtriser la cloque doit
passer par une gestion plus rigou-
reuse de la protection pendant la
période de haute sensibilité. Voici
quelques éléments de réflexion déga-
gés d'une recherche bibliographique
et de diverses observations réalisées
au cours d'un programme expérimen-
taI quinquennal en agrobiologie
à
l'INRA de Valence. Ce programme
s'est déroulé en étroite collaboration
avec le GRAB et Agribiodrôme.
Un cycle biologique
plutôt subtil
La stratégie de lutte (détermination
des périodes d'observation et d'inter-
vention) est élaborée en fonction du
cycle biologique de la cloque et des
conditions climatiques.
L'agent infectieux responsable de la
cloque est un champignon apparte-
nant à la classe des proto-ascomycè-
tes. Les symptômes se caractérisent
par des déformations et des altéra-
tions du feuillage (voir photo ci-des-
sus) accompagnés de décoloration
(lie de vin). Les fruits ou les rameaux
sont plus rarement atteints (cas de
forte infestation). Un cycle biologi-
que a été établi et retrace les principa-
les phases de l'épidémiologie du
champignon (figure 1, page suivante).
Le mycélium du champignon est
éliminé lors de la chute des feuilles
parasitées. Le mycélium ne survit en
aucun cas sur les parties pérennes de
la plante. Ce sont les spores (coni-
dies) issues du mycélium parasitaire
qui vont assurer la conservation du
champignon sur la parcelle. Les coni-
dies peuvent être présentes sur l'écor-
ce du pêcher, les écailles des bour-
geons ou encore à la surface du sol.
Leur survie est favorisée par des
hivers doux et humides. Une infec-
tion nouvelle par les conidies est
donc possible chaque année.
Figure 1 : cycle biologique de la cloque du pêcher
température
1
inocu/um ~ précipitation
HIVER
/ontamin(,,;on\
bourgeons ~ feuilles en
~ d 'b '
PRINTEMPS
AUTOMNE ~ e ourrants developpement· .,
bourgeons """ .
dormants \
(
survi des spores
au niveau de
l'arbre ou du sol
feuilles
infestées
/
sporulation
ÉTÉ
Les conditions de contamination ne
sont pas encore toujours très bien
connues. Les conidies germent à par-
tir de 7-8 cC, sachant que l'optimum
serait situé entre 13 et 18°C (tem-
pératures moyennes journalières).
Des températures supérieures, aux
alentours de 30 "C, inhibent au con-
traire leur développement. La cloque
est donc favorisée par des tempéra-
tures basses, ce qui explique son
développement précoce en fin d'hiver
au moment du débourrement.
Un filament mycélien, issu de la
fusion de deux spores du champi-
gnon, va assurer la contamination en
pénétrant dans les bourgeons débour-
rants au niveau des jeunes ébauches
foliaires aux premiers stades de leur
développement (période de haute
sensibilité) .
Le mycélium se développe entre les
cellules du parenchyme des feuilles.
Les premiers symptômes (déforma-
tions) apparaissent de 2 à 4 semaines
après les contaminations. Ce temps
d'incubation de la maladie est varia-
ble selon les conditions climatiques.
Ainsi, lorsque le printemps est froid
et humide, les symptômes de cloque
peuvent s'extérioriser jusqu'au mois
de juin.
L'apparition de cellules ascogènes
(asques), issues directement du mycé-
lium contenu dans les tissus cloqués,
marque la formation des organes de
fructification. Les asques contiennent
des ascopores qui vont, avant ou après
leur éjection, bourgeonner en spores-
levures (conidies) et donner cet aspect
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farineux sur les organes attaqués. La
sporulation du champignon, favorisée
par les pluies ou le vent, ne se fait
ressentir que l'année suivante car les
conidies assurent très rarement des
contaminations secondaires. C'est
donc une maladie essentiellement
monocyclique.
De la finesse
pour maîtriser la protection
La protection contre la cloque est
essentiellement préventive. Des appli-
cations de cuivre sur des feuilles la
maladie est déjà présente sont sans
effet. La stratégie de lutte actuelle a
deux objectifs:
- diminuer l'inoculum à l'automne
(traitement au cuivre nécessaire à
cette période mais insuffisant, effet
également intéressant contre les mala-
dies bactériennes à la chute des feuil-
les).
- protéger intégralement la culture
pendant la période à risque (fin hiver
- début de printemps).
Remarque: la mesure prophylactique
qui consiste à éliminer les feuilles
infestées (rosettes) par la cloque peut
être envisageable à petite échelle pour
diminuer la pression pathogène.
Cloque du pêcher: lesfacteurs déterminants
Température: le mycélium a des exigences pour son développement: mini-
mum 10 "C, maximum 30°C, optimum 20 cc.
Humidité: une rosée ou une pluie faible ne causera aucune infection. La quanti-
de pluie minimale pouvant assurer une infection est de l'ordre de 10 mm (1).
Tissus réceptifs: il semble que les tissus peuvent rester réceptifs aux conta-
minations pendant environ 6 à 7 semaines
(1)
à partir du gonflement des
bourgeons (suivant les conditions climatiques).
Sensibilité variétale : la variété est un facteur assez peu pris en compte à l'heu-
re actuelle par manque de connaissances. De vieilles variétés sont parfois
citées comme étant tolérantes à la cloque (May Flowers, Amsden, Madame
Girerd). Il est également important de signaler que, d'un point de vue agrono-
mique, une carence en oligo-éléments serait susceptible de favoriser certaines
maladies. En effet, le bore est un élément fondamental pour conserver l'inté-
grité des parois végétales. Une carence pourrait avoir une incidence sur les
défenses mécaniques des cellules et donc diminuer leurs capacités de résis-
tance à la cloque.
Inoculum : son importance au niveau d'une parcelle est difficile à estimer. Des
études montrent qu'un arbre atteint de cloque a une forte probabilité de
présenter des symptômes l'année suivante; en revanche, il n'existe pas de rela-
tion avec d'autres arbres situés à proximité. Le potentiel de dissémination de la
maladie est donc assez faible au sein d'une même parcelle.
(J) Résultats d'expérimentations visant àélaborer un modèle de prévision des risques
pour la cloque du pêcher (Israël)
Alter
n
Agrin020
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---(2)----tl.~:
Figure 2 : estimation de la période à risque
bourgeons
précoces
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adultes
feuilles
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bourgeons
tardifs
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·tr~i.ie~~n"t·c~~tre'
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'~io'q~~:~:::::~::::::::?\'::~:::::::::::::::~:){::::::)?\:
Ire intervention
Î
juste avant le renouvellement si nécessaire .
débourrement
G)
débourrement variable suivant le niveau
de positionnement des bourgeons sur l'arbre
®période de débourrement variable en fonction
de la précocité variétale et des conditions climatiques
Estimation de la période à risque
Il est important de pouvoir estimer la
période de risque potentiel pour pou-
voir agir de manière préventive
(figure 2 ci-dessus). Cette démarche a
pour ambition de traiter à une période
favorable pour atteindre le parasite.
L'infection par la cloque est possible
dès qu'apparaissent les premiers
signes d'écartement des bourgeons à
bois et tant que les arbres ne portent
pas de feuilles pleinement déployées.
Les feuilles adultes acquièrent une
cuticule épaisse résistante à la péné-
tration du champignon.
L'arboriculteur doit donc être vigilant
et ne pas stopper sa protection trop
précocement. Dans ce contexte, la
surveillance des vergers est primor-
diale. Un suivi phénologique très
précis quasi journalier est nécessaire.
Il semble alors important de distin-
guer les bourgeons à bois des bour-
geons à fleurs car le débourrement
des bourgeons à bois peut être plus
précoce, de l'ordre de
5
à
15
jours. La
surveillance des vergers doit égale-
ment prendre en compte les bour-
geons à bois les plus précoces
présents au niveau des extrémités des
o
Alter
~ Agri n020
rameaux de l'arbre et aussi l'hé-
térogénéité dans le débourrement des
variétés (cas des vergers plurivarié-
taux).
Déclenchement et renouvellement
de la protection
La première intervention doit permet-
tre d'avoir une couverture phytosa-
nitaire dès le début du débourrement
des bourgeons. Les attaques les plus
précoces sontles plus dommageables
pour la culture. Il s'agit donc d'anti-
ciper ce phénomène. Il ne faut en
aucun cas attendre de voir l'apparition
des pointes vertes des bourgeons pour
intervenir. Pour cette première inter-
vention, on peut conseiller d'em-
ployer de préférence une forte dose
de cuivre (500 g/hl) sous forme de
sulfate à 20 %. En effet, cette formu-
lation présente une bonne persistance
d'action (lS jours) et une bonne résis-
tance au lessivage (25 mm de pluie).
En zone à risque (attaque importante
dans la parcelle l'année précédente),
cette première intervention doit être
réalisée systématiquement même si
les conditions de contamination ne
sont pas entièrement réunies.
Le renouvellement des traitements
cupriques est nécessaire si les con-
ditions de contamination sont favora-
bles (annonce d'une pluie supérieure
à 10 mm et de températures de 7 à
30°C) et que le pêcher est également
en période de sensibilité (jeunes
feuilles). Il semble souhaitable d'ef-
fectuer la seconde intervention à
500 g/hl pour augmenter l'efficacité
de la protection. Il est préférable de
diminuer cette dose progressivement
jusqu'à la floraison (250 à 200 g/hl)
pour éviter de trop grands risques de
phytotoxicité. Les contaminations tar-
dives au printemps ne nécessitent pas
de protection car les dégâts sont sou-
vent minimes.
Remarque : des températures basses
au printemps ralentissent le dévelop-
pement du pêcher et augmente donc
la période de sensibilité.
Conditions de réalisation de la pro-
tection
Les traitements doivent être réalisés
de manière rigoureuse car l'efficacité
du traitement dépend de la qualité de
son exécution. Le traitement doit
atteindre toutes les parties de l'arbre
et notamment sa cime. Il est préfé-
rable d'éviter les traitements en pré-
sence de vent et en période humide et
froide car le cuivre est plus phytoto-
xique en période de forte gelée.
Des résultats encourageants
A la suite de deux années d'expéri-
mentation à l'INRA de Gotheron en
verger de pêcher biologique
(1995-
1996), un suivi phénologique plus
précis et de meilleures connaissances
de la biologie ont permis de mieux
ajuster la protection et ont contribué à
diminuer l'intensité des attaques. Ces
résultats encourageants sont à vérifier
dans les années à venir. La diminution
des traitements cupriques (néfastes à
l'activité biologique des sols) et
l'amélioration de l'efficacité de la pro-
tection sont des enjeux importants en
agriculture biologique. Les efforts doi-
vent se diriger vers une amélioration
des connaissances sur la sensibilité
variétale, les modalités de contamina-
tions, les modalités d'application du
cuivre (doses) et une détermination
précise de la durée de réceptivité du
pêcher à la cloque sous notre climat.
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