Zones humides de la basse vallée de la Seine
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Introduction
Un espace de diversité…
La basse vallée de la Seine abrite de nombreuses zones
humides (vasières, prairies humides, tourbières…) et repré-
sente un ensemble écologique de première importance pour
la biodiversité au niveau international. En outre, les fonc-
tions écologiques de ces zones sont multiples, à l’image de
leur diversité : régulation des régimes hydriques, des cycles
biogéochimiques… (Bernard, 1994).
Ces « services » naturels rendus, ajoutés à l’accueil d’un fort
patrimoine biologique, font des zones humides des espaces
produisant des ressources et assurant des fonctions essen-
tielles pour notre environnement. La prise de conscience
générale de l’intérêt de ces écosystèmes, traduite notam-
ment par la loi sur l’Eau de 1992 (art. 5), en fait maintenant
des milieux soumis à protection.
…mais un espace menacé
Cependant, la vocation industrialo-portuaire imposée à la
vallée de la Seine par l’homme dès le début du XIXesiècle a
largement altéré la biodiversité et les fonctions hydrolo-
giques et écologiques de la plaine alluviale*. La construc-
tion du chenal de navigation, les endiguements successifs et
l’extension des terres agricoles ont considérablement réduit
la surface des zones humides. Ces aménagements, en empê-
chant les débordements du fleuve, ont aussi perturbé le
fonctionnement hydrologique de ces zones humides, autre-
fois lié aux épisodes de crues, maintenant essentiellement
dû aux variations de la nappe souterraine.
De plus, ces milieux fragiles ont été fortement exploités : le
creusement des ballastières (sables, graviers alluvionnaires),
commencé à la fin du XIXesiècle, s’est accéléré par la
demande croissante en granulats pour l’industrie du bâti-
ment. L’extraction de la tourbe pour l’horticulture a été un
autre facteur de disparition des biotopes humides, abritant
des plantes rares, comme à Heurteauville.
Ces transformations se sont faites aux dépens des écosys-
tèmes initiaux, zones alluviales ou tourbières. Elles ont par-
fois produit de nouveaux milieux comme des plans d’eau,
attractifs pour l’hivernage d’oiseaux (foulques, grèbes…)
mais peu propices à leur nidification en nombre. La nature
est donc encore présente mais quelle nature exactement?
La pression anthropique croissante a eu des conséquences
graves, parfois irréversibles sur les zones humides de la
basse vallée de la Seine. Malgré tout, de nombreux espaces
remarquables subsistent encore qui nécessitent une atten-
tion particulière, à l’image d’autres sites sur l’ensemble du
territoire national. Dans cet esprit a été initié, en 1997, un
Programme national de recherche sur les zones humides
(PNRZH ; voir p. 4).
Les travaux présentés dans ce fascicule ont été menés pour
l’essentiel dans le cadre du projet « Zones humides de l’es-
tuaire et des marais de Seine - Structure, fonctionnement,
gestion », contribution normande au PNRZH, constituant
de fait un apport connexe au programme Seine-Aval. Ce
projet a été mené dans un cadre pluridisciplinaire et s’est
attaché logiquement à :
- connaître l’état présent des zones humides de la basse val-
lée de la Seine, ce qui suppose également la compréhension
de leur histoire et de leur dynamique actuelle;
- évaluer, outre le fonctionnement de ces zones humides et
notamment les «services» que l’on peut encore en attendre,
leur intérêt sur le plan du patrimoine naturel et leur degré
de « naturalité »;
- aborder, dans une démarche intégrée, le développement
de la basse vallée, par l’évaluation et le bilan des outils de
protection et de gestion des zones humides avec les autres
usagers de ces espaces.
Deux enjeux apparaissent primordiaux et ont été soulevés :
- protéger ou restaurer le patrimoine naturel mais sur quelles
références et à quelles échelles? Quelle nature peut-on pré-
server dans un espace où émergent les nouveaux projets
d’aménagement, où augmente une population suscitant une
demande sociale toujours croissante d’espaces récréatifs?
- protéger ou restaurer des fonctions écologiques mais des
seuils n’ont-ils pas déjà été franchis et certaines fonctions
déjà perdues?
En outre, les réponses à ces questions sont-elles les mêmes
dans l’estuaire aval ou dans les boucles de la Seine, plus en
amont?
La basse vallée de la Seine constitue un site atelier idéal
pour poser ces questions aux scientifiques, mesurer les
enjeux environnementaux et jeter les bases conceptuelles
d’une politique de préservation de la nature et d’un déve-
loppement durable.
(*) expliqué dans le glossaire.