UNIVERSITÉ DE MONTPELLIER
MASTER 2 DARWIN
Dynamique d’assemblage des communautés et réseaux trophiques
RAPPORT BIBLIOGRAPHIQUE
ANNÉE 2015 - 2016
MAXIME DUBART
1 Introduction
L’écologie des communautés vise à comprendre l’assemblage et l’évolution des communautés
écologiques, à prédire les distributions et les abondances d’espèces dans le temps et l’espace,
ainsi que leurs patrons d’interactions [14].
Deux perspectives ont dominé les études portant sur l’assemblage des communautés en éco-
logie. La première perspective est déterministe, fondée sur les concepts de niche, de filtres envi-
ronnementaux, de différenciation écologique et d’exclusion compétitive. La seconde est neutre,
stochastique, et considère que les communautés résultent d’un assemblage aléatoire à travers les
événements de migration, d’extinction, de spéciation et de dérive écologique. Ces deux pers-
pectives portent sur des échelles de temps et d’espace différentes. La perspective neutre se situe
davantage à de grandes échelles. Alors que la perspective déterministe, se situe à des échelles
spatiales locales et sur des échelles de temps courtes. Il semble néanmoins qu’elles soient aux
deux extrêmes d’un continuum d’hypothèses pour expliquer l’assemblage des communautés éco-
logiques.
L’assemblage des communautés résulte en un ensemble d’espèces en interactions. La commu-
nauté peut ainsi être réprésentée sous la forme d’un réseau. Une partie de l’écologie des commu-
nautés vise à comprendre comment ces réseaux sont structurés, et quelles sont leurs propriétés.
Ces études s’intéressent le plus souvent à des réseaux locaux, et mettent en évidence l’existence
de structures non aléatoires qui renforcent leur stabilité. Cependant, les propriétés des réseaux
d’interactions résultent de leur dynamique d’assemblage et la dynamique d’assemblage d’une
communauté locale dépend de la structure régionale du réseau d’interactions.
La majorité des recherches menées sur les dynamiques d’assemblage ne considèrent pas la
structure du réseau d’interaction régional, mais généralement un pool d’espèces [3]. De la même
manière, la plupart des études sur les réseaux cherchent à comprendre le rôle des structures ob-
servées, mais beaucoup moins de travail a été réalisé sur l’origine de ces structures. La première
partie de ce rapport présentera les différents cadres d’études proposés pour l’assemblage des com-
munautés. La seconde partie détaillera quelques propriétés particulières, couramment rencontrés
dans les réseaux d’interactions. Finalement, la troisième partie de ce rapport montrera comment
ces deux thèmes peuvent être liés.
2 Assemblage des communautés
Concept de niche et règles d’assemblage Le concept de niche est ancien et encore très
utilisé est écologie. La niche environnementale d’une espèce peut être définie comme l’ensemble
de conditions abiotiques nécessaires à une espèce pour maintenir un taux de croissance positif. La
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niche écologique est généralement un sous-ensemble de la niche environnementale, et se définit
de la même manière que cette dernière mais en intégrant les interactions biotiques. Finalement,
la niche peut être définie comme un espace à N-dimensions (Niche de Hutchinson) représentant
l’ensemble des conditions écologiques permettant à une population de se reproduire et de se
maintenir indéfiniment. Selon la théorie de la niche, les communautés écologiques sont donc
perçues comme des assemblages d’espèces, dont la composition est avant tout influencée par les
facteurs abiotiques et les interactions biotiques. A une échelle locale, la coexistence d’espèces est
permise par la différenciation de niche ou encore l’existence de compromis, ces deux mécanismes
n’étant pas mutuellement exclusifs. En effet, si deux espèces partagent exactement la même niche,
l’une d’entre elles devrait disparaitre en raison de l’exclusion compétitive (Principe de Gauss).
Diamond [17] à proposé un ensemble de règles d’assemblages (assembly rules), fondées sur
la compétition, qui permettent d’expliquer la composition des communautés. La notion d’exclu-
sion compétitive s’observe in natura à travers les distributions en damier (checkerboard ; cer-
taines paires d’espèces ne sont jamais trouvées ensemble). L’occurence de ces patrons et les
mécanismes sous-jacents ont néanmoins été remis en cause. En effet, ces distributions en damier
peuvent aussi être observées quand les espèces sont distribuées de manière aléatoire [13]. Certains
patrons sont, quant à eux, significativement différents de ceux obtenus sous l’hypothèse d’une dis-
tribution aléatoire [26], mais peuvent néanmoins être expliqués par d’autres mécanismes que la
compétition (par ex. préférences d’habitats, spéciation récente, histoire de colonisation [26]). Fi-
nalement, Götzenberger et al. [26] définissent plus largement le concept de règles d’assemblage
comme "n’importe quelle contrainte sur la coexistence d’espèces" ; ainsi les patrons de distribu-
tion dépendent de facteurs abiotiques et biotiques, des capacités de dispersion des espèces, mais
également des évenements historiques de migration ou de spéciation.
Théorie de la biogéographie insulaire En opposition à cette vision déterministe de l’as-
semblage des communautés, la théorie de la biogéographie insulaire (TBI) de MacArthur et Wil-
son [39] propose un modèle stochastique simple : en supposant les espèces écologiquement équi-
valentes, les richesses spécifiques observées sont le résultat d’un équilibre dynamique entre les
événements de colonisation et d’extinction. Le modèle suppose que le taux de colonisation est
négativement corrélé à la distance de l’île au continent, et positivement corrélé à la taille de l’île
(cette seconde hypothèse a cependant été formulée plus tard). Au contraire, le taux d’extinc-
tion est négativement corrélé avec la taille de l’île. De là, MacArthur et Wilson tirent différentes
conclusions : i) les îles les plus grandes (à distance égale) et les moins isolées (à taille égale) pré-
sentent des richesses spécifiques plus importantes, ii) l’équilibre étant dynamique, il doit exister
un turnover régulier (la composition spécifique change au cours du temps). Ces différentes pré-
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dictions ont ainsi pu être vérifiées (revue dans [52]). Le modèle de MacArthur et Wilson se situe à
une échelle écologique où les processus évolutifs ne sont pas considérés (mais voir [22, 60]). Et il
n’apporte aucune information concernant l’identité des espèces. MacArthur et Wilson, mettent en
avant la possibilité que les communautés soient structurées avant tout par la "chance" et l’histoire
(autrement dit, la contingence) plutôt que par des règles d’assemblage fondées sur les niches.
Théorie neutraliste La théorie neutraliste unifiée de la diversité et de la biogéographie de
Hubbell [29] étend le modèle de MacArthur et Wilson en plaçant l’équivalence écologique au
niveau des individus, et en introduisant la dérive écologique (le nombre d’individus pouvant être
maintenu sur le site est limité, ainsi des espèces peuvent s’éteindre par dérive). L’immigration de-
puis la communauté régionnale ou la spéciation assure le renouvellement de la communauté. La
théorie neutraliste vise à expliquer la diversité spécifique, les patrons d’abondances relatives trou-
vés au sein d’un niveau trophique (par exemple, une communauté d’arbres) ou encore la relation
rang-abondance. Le concept d’équivalence écologique est néanmoins discutable. En effet, deux
espèces ne devraient pas coexister de manière déterministe à une échelle locale sans partition-
nement de niche (Exclusion compétitive de Gauss), à moins qu’il n’existe des compromis (e.g.
competition-colonisation [57]) à des échelles plus larges. Néanmoins, dans le cas de la théorie
neutre, il s’agit davantage de coexistence transitoire, permise par la dérive écologique, la spécia-
tion et l’immigration. De plus, Hurt et Pacala [31] montrent que la coexistence est possible sans
l’existence de compromis si la dispersion et le recrutement sont limités (voir [10] pour d’autres
mécanismes). Via l’extension de ce modèle pour incorporer l’évolution génétique de la capacité
compétitrice, Hubbell [30] montre que l’équivalence écologique peut évoluer et être maintenue
sur de longues périodes, sous les mêmes conditions que Hurt et Pacala [31].
Théorie des métacommunautés La plupart des études en écologie des communautés sont
réalisées à une échelle locale. Or, les patrons observés sont différents en fonction de l’échelle
d’observation [9, 29, 36]. La coexistence peut par exemple être impossible dans une commu-
nauté locale, mais possible au niveau régional [45]. Les métacommunautés sont définies comme
un ensemble de communautés locales liées par la dispersion d’une multitude d’espèces poten-
tiellement en interaction [29]. En opposition avec la TBI, la communauté régionale n’est pas
fixe mais résulte de la dynamique des communautés à l’échelle locale (au niveau d’un site) et
de leur dynamique sur l’ensemble du réseau de sites. La théorie des métacommunautés fait ainsi
le lien entre les patrons observés aux échelles locales (patrons d’interactions) et ceux observés
à l’échelle régionale. Les processus sont également différents, fondés sur les interactions (no-
tamment compétition, relations trophiques) et les dynamiques démographiques au niveau local.
D’autres processus sont impliqués au niveau régional, comme la dispersion ou les extinctions.
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