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PRÉAMBULE
CONÇU il y a plusieurs années - je n’ose les compter ! - voilà un ouvrage
bienvenu et bien né : longue gestation, beau bébé. Un fruit mûr. Auquel
beaucoup ont participé. Pouvait-il en être autrement tant le champ est vaste,
tant l’objectif se voulait novateur, à l’interface des sciences de la conservation de
la nature et des politiques de gestion de la biodiversité, « entre l’Homme et la
nature » ? De fait, les manuels de la si mal nommée « biologie de la conservation »
ne manquent pas. Vague de fond des sciences écologiques amorcée dans les années
1980, portée et amplifi ée par les vents du sommet planétaire de Rio de Janeiro
(1992) et la ratifi cation de la Convention sur la diversité biologique, la « biologie
de la conservation », accompagnée de son fi ls spirituel (ou stratégique ?), le concept
de biodiversité, ont changé la face de l’écologie, science de crise, pour reprendre
l’expression de Michael Soulé. Science impliquée, donc science transformée.
Et c’est bien ce que montre cet ouvrage, qui n’avait pas vocation à explorer de
façon critique l’écologie et ses mutations aux frontières d’autres sciences, d’autres
grands champs scientifi ques. Mieux, grâce à la mobilisation et la collaboration
généreuse de nombreux spécialistes, grâce au travail préparatoire, exploratoire et de
contact avec le monde multiforme des gestionnaires effectué par Katia Schmitzberger
et Marie Winterton à l’aube de ce qui n’était qu’un projet du Comité français du
MAB, cet ouvrage fait éclater la carapace biologique devenue trop étroite pour ces
sciences de la conservation en action que visait à promouvoir feu la « biologie de la
conservation ». La tortue s’est muée en un beau livre, en un beau lièvre : regardez-le
courir dans toutes les directions, celles que lui ouvre la démarche du MAB – la voie
de l’optimisme disent justement Catherine Cibien et Michel Étienne en ouvrant la
première partie ! Et l’on ne compte plus les pays qui sont traversés, les thématiques
à la croisée des disciplines qu’évoquent Katia Schmitzberger et Marie Winterton en
introduisant la seconde partie de l’ouvrage : peut-on mieux faire comprendre que
l’on est entré au royaume de l’interdisciplinarité ? Il court, il court le joli lièvre d’un
fragment de nature à l’autre, entre villes et campagnes, croisant espèces naturalisées,
espèces invasives, espèces indigènes. Et le voilà à l’écoute des savoirs locaux, de la
parole des sciences sociales - à l’étroit, je le crains, dans ces corridors verts qu’on veut
lui ménager et, oreilles au vent, en attente de nouvelles politiques publiques.
Et le voilà reparti d’un trait notre sympathique et remuant lièvre, dans tous les
territoires de la biodiversité, symbole de la conservation dynamique dont traite la
troisième partie du livre qu’introduisent Frédéric Bioret et Raphaël Mathevet.
Il était légitime de fi nir sur une note d’optimisme : une ouverture qu’amorce
Michel Trommetter au seuil de la dernière partie, « Innover pour gérer la
biodiversité ».
Gentil lièvre, précieux livre : la démarche du MAB ouvre bien la voie de
l’optimisme, entre l’Homme et la nature. Un gage de relations durables !
Professeur Robert Barbault
Directeur du Département Ecologie et Gestion
de la Biodiversité du Muséum national
d’Histoire naturelle à Paris
Président du Comité Français du MAB