Introduction à la chimie des éléments des groupes représentatifs

Introduction à la chimie
des éléments des groupes
représentatifs
La grotte constitue un exemple spectaculaire d’un écosystème alimenté non pas par
la lumière mais par la chimie inorganique.
C. Petit, US News and World Report, 9 février 1998, p. 59.
OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE:
relier les formules et
les propriétés périodiques
des composés au tableau
périodique des éléments;
décrire quelques méthodes
de préparation, propriétés et
utilisations des premiers
éléments représentatifs, ainsi
que celles de leurs principaux
dérivés, à l’aide de quelques
réactions chimiques de base.
La chimie du soufre
et la vie dans
des conditions extrêmes
Dans notre système solaire, la vie
existe-t-elle ailleurs que sur Terre?
Cette question est toujours sans ré-
ponse. Les conditions extrêmement
rudes prévalant sur les planètes autres
que la Terre éliminent pratiquement
l’existence d’une vie humaine dans
ces régions, mais les scientifiques ne
rejettent pas l’hypothèse de la pré-
sence de vie sous des formes plus
rudimentaires. Ils y croient d’autant
plus qu’elle existe sur Terre dans des
conditions si sévères qu’elles dépas-
sent l’imagination: chaleur ou froid
extrêmes, pression élevée, acidité ou
basicité très forte, salinité élevée.
Comment des organismes, qualifiés
d’extrémophiles, peuvent-ils survivre
dans de telles conditions? D’où pro-
viennent-ils et comment se sont-ils
adaptés à leur milieu actuel? La chi-
mie contribue de façon appréciable à
la recherche de réponses à ces ques-
tions: par exemple, on a pu montrer
que le soufre, un non-métal, jouait un
rôle central dans l’existence de quel-
ques extrémophiles.
Les mines
On pense que les minéraux contenant
du soufre sont oxydés par l’oxygène
de l’air ou par les ions Fe3en pré-
sence d’eau. Plusieurs réactions sont
possibles, conduisant toutes à la
formation d’ions H3O(aq) et sulfate
(SO42). L’oxydation de la pyrite (FeS2)
par Fe3se produit selon l’équation:
FeS
2
(s) 14 Fe
3
(aq) 24 H
2
O (l)
15 Fe
2
(aq) 2 SO
42
(aq) 16 H
3
O
(aq)
tandis que l’oxygène oxyde les deux
composants:
4 FeS
2
(s) 15 O
2
(aq) 6 H
2
O (l)
4 Fe
3
(aq) 8 SO
42
(aq) 4 H
3
O
(aq)
Plusieurs espèces de bactéries,
comme les thiobacillus capables d’oxy-
der un bon nombre de composés miné-
raux du soufre jusqu’au stade SO42
prospèrent dans des milieux extrême-
ment acides et accélèrent grandement
cette dégradation minérale. Celle-ci
aboutit finalement à une acidification
très importante des eaux entrant en
contact avec les déchets sulfurés des
mines. Ces eaux acides engendrent de
sérieux problèmes de pollution. En
plus des dommages causés aux plantes
© 2005 Groupe Beauchemin, éditeur ltée
PLAN DU CHAPITRE
1Le tableau périodique:
un guide fondamental
2L’hydrogène
3Le sodium et
le potassium
4Le calcium et
le magnésium,
deux métaux
alcalino-terreux
5L’aluminium
6Le silicium
7L’azote et le phosphore
8L’oxygène et le soufre
9Le chlore
3
et aux animaux, elles peuvent extraire
des minéraux l’arsenic et d’autres élé-
ments toxiques, qui, normalement,
resteraient fermement liés dans les
roches. On peut avoir une idée de
l’ampleur de ce phénomène en se
rappelant qu’à peu près la moitié des
ions sulfate présents dans les océans
est produite de cette façon.
Les thiobacillus ferrooxidans sont abon-
dants dans les eaux de drainage. Ils
tirent leur énergie de l’oxydation de
Fe2selon la réaction:
4 Fe
2
(aq) O
2
(aq) 4 H
3
O
(aq)
4 Fe
3
(aq) 6 H
2
O (l)
Les grottes
Le soufre peut jouer un rôle impor-
tant dans la formation et l’évolution
de certaines grottes. Un exemple ty-
pique de son action se trouve dans la
jungle du sud du Mexique. La Cueva
de Villa Luz crache du sulfure d’hy-
drogène (H2S (g)) toxique et rejette
des eaux d’un blanc laiteux contenant
du soufre finement divisé et en suspen-
sion. La grotte abrite une rivière sou-
terraine assez large et un labyrinthe de
passages s’élargissant toujours. L’eau
aboutit dans la grotte après avoir
traversé des couches stratifiées sous-
jacentes riches en soufre et dégage du
sulfure d’hydrogène, dont la concen-
tration dans l’air peut atteindre
200 mg/m3d’air. Ce gaz réagit avec
l’oxygène pour donner du soufre qui
se dépose en cristaux jaunes sur les
parois entourant les sources d’eau.
2 H
2
S (g) O
2
(g) 2 S (s) 2 H
2
O (l)
L’oxydation peut se poursuivre,
transformant une partie du soufre en
acide sulfurique.
2 S (s) 2 H
2
O (l) 3 O
2
(g) 2 H
2
SO
4
(aq)
Le sulfure d’hydrogène est toxique,
si bien que l’exploration de la grotte
nécessite le port d’un masque à gaz.
Cependant, fait assez surprenant, la
grotte déborde de vie. Là encore, les
bactéries thiobacillus accélèrent les
réactions d’oxydation des composés à
base de soufre et se développent grâce
à l’énorme quantité d’énergie libérée,
même en l’absence de toute autre
source de nourriture.
Les bactéries s’agglomèrent en fila-
ments qui pendent aux parois et aux
voûtes. D’autres organismes s’en nour-
rissent et ainsi commence une chaîne
alimentaire, qui comprend des arai-
gnées, des moustiques, des escargots
nains et… des poissons ressemblant à
des sardines. Tout cet écosystème se
maintient grâce à l’oxydation du soufre
se produisant à l’intérieur de la grotte.
Des filaments de bactéries oxydant le soufre
suspendus à la voûte d’une grotte mexicaine
contenant une atmosphère riche en sulfure
d’hydrogène. Arthur N. Palmer
Il s’agit pourtant d’un environne-
ment peu ordinaire! Le sulfure d’hy-
drogène et l’oxygène présents dans
l’atmosphère de la grotte se dissolvent
dans les gouttes d’eau infiltrée à partir
de la surface, réagissent ensemble pour
produire de l’acide sulfurique selon
les réactions vues précédemment. Ces
deux gaz, dont la concentration dans
les gouttes diminue à la suite de ces
réactions, sont constamment rem-
placés, si bien que l’eau s’enrichit
progressivement en acide sulfurique.
Plus les gouttes sont vieilles, plus
elles sont acides. Leur concentration
moyenne en ions H3O(aq) est de
l’ordre de 4 102mol/L. Par contre,
dans certaines d’entre elles, elle peut
atteindre 1 mol/L: inutile d’insister
sur les brûlures de peau ou sur les trous
dans les vêtements des chercheurs
ayant exploré ce site!
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DE(mIRE)
point Les éléments des groupes représentatifs Ces éléments constituent les groupes
A du tableau périodique (1, 2 et de 13 à 18). Ils font partie des trois grandes
catégories : non-métaux, métalloïdes et métaux. Dans le système solaire,
l’abondance relative des 18 premiers éléments du tableau, les périodes 1, 2 et 3,
est portée sur le graphique ci-dessous: l’échelle (logarithmique) des ordonnées
représente le nombre d’atomes de chacun d’entre eux pour 1012 atomes d’hy-
drogène. Certains figurent parmi les plus abondants (H et He), d’autres (Li, Be
et B), parmi les plus rares.
H He Li Be B C N O F Ne Na Mg Al Si P S Cl Ar
Nombre datomes par 1012 atomes dhydrogène
1014
1012
1010
108
106
104
102
0
QUELQUES ÉLÉMENTS DES GROUPES REPRÉSENTATIFS ET LEUR ABONDANCE DANS LE SYSTÈME SOLAIRE
Le sodium, un métal mou,
peut se couper au couteau.
Un dirigeable gonflé à lhélium. Un des allotropes
du carbone, le diamant.
Le magnésium, un métal mou très
réducteur (facilement oxydable).
Les allotropes blanc et
rouge du phosphore.
Le soufre liquide, fluide et de couleur foncée (t 230 °C), versé
dans de leau froide se solidifie en soufre mou et élastique.
En présence de lumière diffuse, lhydrogène
et le chlore se combinent lentement.
© 2005 Groupe Beauchemin, éditeur ltée
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Huit des 10 éléments les plus abondants de la croûte terrestre font partie des
groupes A (1, 2 et de 13 à 18) du tableau périodique. Ces éléments représen-
tatifs entrent dans la composition des 10 plus importants composés
chimiques produits dans le monde. Leur importance économique ainsi que l’intérêt
de leur chimie justifient un bref survol de leurs propriétés. On peut y voir aussi un
résumé ou une synthèse des notions et des concepts étudiés en chimie générale.
1LE TABLEAU PÉRIODIQUE:
UN GUIDE FONDAMENTAL
Les similitudes des propriétés des éléments ont été à la base de la création des
premiers tableaux périodiques (voir le chapitre 2, page 46). Mendeleïev avait en
partie groupé les éléments selon la composition de leurs composés avec l’oxygène
et l’hydrogène (tableau 1). De nos jours, on les regroupe selon l’arrangement de
leurs électrons périphériques.
1 Le tableau périodique: un guide fondamental 5
Abondance des éléments dans
la croûte terrestre*
Éléments Fractions massiques
O 0,4660
Si 0,2772
Al 0,0813
Fe 0,0500
Ca 0,0363
Na 0,0283
K 0,0259
Mg 0,0209
Ti 0,0044
H 0,0014
* CRC. Handbook of Chemistry and Physics,
63eédition, Boca Raton, Fl., CRC Press, p. F160.
TABLEAU 1Les similitudes à lintérieur des groupes*
1A 2A 3A 4A 5A 6A 7A
oxyde commun M2OMOM
2O3EO2E4O10 EO2E2O7
composé hydrogéné
commun MH MH2MH3EH4EH3EH2EH
état doxydation
le plus élevé+1 +2 +3 +4 +5 +6 +7
oxanion commun ––BO33CO32NO3SO42ClO4
–––SiO44PO43––
* M (métal), E (non-métal ou métalloïde).
Rappelez-vous que le caractère métallique des éléments diminue dans une
période (de gauche à droite). Le groupe 1A (1) renferme les éléments qui pré-
sentent les caractères métalliques les plus marqués: les métaux alcalins. Les
éléments à la droite du tableau sont des non-métaux et, entre les deux catégories,
se situent les métalloïdes. Cette propriété augmente dans un groupe (de haut
en bas): par exemple, le carbone du groupe 4A (14), deuxième période, est un
non-métal, le silicium et le germanium sont des métalloïdes, l’étain et le plomb
sont des métaux (figure 1).
1.1 Les électrons périphériques
Les électrons nset npconstituent les électrons périphériques des éléments repré-
sentatifs (voir la section 5.4.1, page 144), déterminant leurs propriétés chimiques.
Le groupe 8A (18), les gaz rares, dont les sous-couches sont toutes remplies,
peut servir de point de référence. La configuration électronique de l’hélium est
1s2, tandis que ns2np6représente celle des électrons périphériques des autres gaz.
L’inertie chimique et la quasi-absence de réactivité caractérisent ce groupe. On
ne connaît pas de composé stable des trois premiers gaz rares, He, Ne et Ar; on
sait maintenant que les trois suivants, Kr, Xe et Rn, en forment quelques-uns.
Dans les années 1960, la découverte de composés du xénon figure parmi les déve-
loppements les plus intéressants de la chimie inorganique moderne.
Figure 1 Des éléments du groupe
4A (14). Un non-métal: le carbone (le
creuset de graphite); un métalloïde :
le silicium (le cylindre brillant) ; des
métaux : l’étain (les copeaux) et le
plomb (les balles, le chevalier et la
boule). Charles D. Winters
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1.2 Les composés ioniques
des éléments représentatifs
Les ions dont les orbitales set psont remplies sont très courants, justifiant de
ce fait la règle stipulant que les éléments réagissent de manière à atteindre la
configuration des gaz rares. Les éléments des groupes 1A (1) et 2A (2) forment
des ions chargés respectivement +1 et +2, dont la configuration est identique à
celle du gaz rare qui les précède dans le tableau périodique. Tous les composés
communs de ces éléments, comme NaCl ou CaCl2, sont ioniques (tableau 2).
Comme on s’y attend, ce sont des solides cristallins possédant un point de fusion
très élevé et conduisant l’électricité lorsqu’ils sont à l’état fondu.
Beaucoup de composés d’éléments du groupe 3A (13), à l’exception du bore
qui est un métalloïde, contiennent des cations chargés +3: les ions Al3, par
exemple, sont présents dans la plupart des composés de l’aluminium.
Les éléments des groupes 6A (16) et 7A (17) atteignent la configuration du
gaz rare qui les suit dans le tableau périodique en captant des électrons. Ainsi,
dans la plupart des réactions, les halogènes (groupe 7A) forment des anions
chargés -1 (les halogénures F, Cl, Br, I) et les éléments du groupe 6A (16),
des anions chargés -2 (O2, S2, Se2, Te2). Dans le groupe 5A (15), on trouve
parfois des ions chargés -3 comme l’ion nitrure N3possédant la configuration
d’un gaz rare. Cependant, l’énergie requise pour former des ions fortement
chargés est élevée, si bien que d’autres types de réactions ont souvent préséance.
Introduction à la chimie des éléments des groupes représentatifs
6
TABLEAU 2Quelques réactions typiques des métaux des groupes 1A, 2A et 3A
(1, 2 et 13)
Métaux (états), Non-métaux (états), Produits ioniques
groupes groupes (états)
K (s), 1A (1) Br2(l), 7A (17) KBr (s)
Ba (s), 2A (2) Cl2(g), 7A (17) BaCl2(s)
Al (s), 3A (13) F2(g), 7A (17) AlF3(s)
Na (s), 1A (1) S8(s), 6A (16) Na2S (s)
Mg (s), 2A (2) O2(g), 6A (16) MgO (s)
EXEMPLE 1Quelques réactions des éléments des groupes 1A, 2A et 3A
(1, 2 et 13)
Donnez la formule et le nom du produit de chacune des réactions suivantes, et
équilibrez la réaction.
a) Ca (s) et S8(s).
b) Rb (s) et I2(s).
c) Lithium et chlore.
d) Aluminium et oxygène.
SOLUTION
On présume que ces éléments forment des ions ayant la configuration du gaz
rare le plus proche. Les métaux des groupes 1A, 2A et 3A (1, 2 et 13) donnent
des cations chargés respectivement +1, +2 et +3. Dans leurs réactions avec ceux-
ci, les non-métaux des groupes 6A et 7A (16 et 17) forment des anions chargés
respectivement -2 et -1. On applique les règles de nomenclature présentées dans
le chapitre 3 (voir la page 72).
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