Rapport de Stage - Observatoire de la Côte d`Azur

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Université de Nice Sophia-Antipolis
DEA d’Astronomie : haute résolution angulaire, image et Gravitation
Rapport de Stage
Par Anthony Meilland
Par Anthony Meilland
Sous la direction de Philippe Stee
Equipe « PSI» département GEMINI
Observatoire de la Côte d’Azur
1
Sommaire
Introduction……………………………………………………….. 3
I Le Phénomène Be……………………………………………….. 4
1 Historique . . . . . . . . .
2 Intérêt de l’étude des étoiles Be
3 Modèle de base . . . . . . .
4 Formation de l’enveloppe . . .
5 Variabilité(s) . . . . . . . .
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II Techniques d’observation……………………………………….19
1 Techniques pré-interférométriques . . . . . . . . . . . . . . . . 19
2 Interférométrie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
III Le code SIMECA……………………………………………… 26
1 Présentation . . . . . . . . . . . . . . . .
2 Hydrodynamique . . . . . . . . . . . . . .
3 Equilibre Statistique. . . . . . . . . . . . .
4 Transfert de rayonnement. . . . . . . . . . .
5 Calcul des observables . . . . . . . . . . . .
6 Exemple : Application de SIMECA à l’étoile γ Cas
7 Limitations et améliorations futures . . . . . . .
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34
IV Modélisation de l’étoile α Ara……...………………………… 35
1Observations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
2 Problématique autour de l’ajustement des paramètres physiques . . . . 40
3 Résultats. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
4 Un modèle pour α Ara. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50
V Etude de la dissipation des disques…………………………….. 51
1Les différents scenarii de dissipation . . . . . . . . . . . . . . 51
2 Modification du code SIMECA . . . . . . . . . . . . . . . . 52
3 Premiers résultats. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
Conclusion………………………………………………………... 55
Bibliographie………………………………………………………56
2
Introduction
La problématique de ce stage de DEA, effectué dans l’équipe « physique stellaire » du
département GEMINI de l’Observatoire de la Côte d’Azur sous la direction de Philippe Stee,
concernait la modélisation des étoiles chaudes actives de type Be et leur observation
multitechnique. L’accent sera mis, dans ce rapport, sur l’importance de l’interférométrie dans
cette étude et l’apport du VLTI, nouvel instrument européen installé au Chili.
Mon travail au côté de Philippe Stee s’articulait essentiellement autour de la modélisation de
l’étoile α Ara à partir de données obtenues simultanément en Juin 2003 au VLTI et au Brésil.
Le code SIMECA, développé à l’observatoire depuis le début des année 90, a été la base de
cette modélisation. Un autre axe de recherche dans mon étude des étoiles Be concernant la
dissipation des enveloppes des étoiles Be sera aussi abordé.
J’ai par conséquent décidé de diviser mon rapport en cinq chapitres concernant chacun un
aspect de mon stage. Le premier présentera une synthèse du phénomène Be en évoquant la
plupart des hypothèses actuelles. Dans le deuxième chapitre je reviendrais sur l’importance
des différentes techniques d’observations et discuterais les informations qu’elles apporte à
notre étude. Je présenterais plus particulièrement l’interférométrie et le VLTI avec ses deux
instruments actuels : MIDI et AMBER. Le code SIMECA sera détaillé dans le troisième
chapitre et un exemple de modélisation de l’étoile γ Cas sera expliqué. Dans la quatrième
partie je présenterais mon travail personnel sur la modélisation de l’étoile α Ara, première
étoile Be observée par le VLTI dans le temps garantie de MIDI. Enfin, dans la dernière partie
j’aborderais mes recherches sur la dissipation des disques.
Les références bibliographiques numérotées tout au long de ce rapport sont présentées en
détail à sa fin. Notez que toute autre information provient soit de la thèse de Philippe Stee ou
de discussions avec lui soit de celle de Jamal Bittar.
Vue d’artiste d’une étoile Be
3
I. le phénomène Be
1. Historique
L’histoire commença en 1866 avec la découverte de « lignes brillantes » dans le spectre de γ
Cassiopeiae par le Père Angelo Secchi (1), astronome au Vatican. Ces lignes plusieurs fois
plus brillantes que le spectre avoisinant étaient situées à la place des raies en absorption de
l’hydrogène déjà observées dans les spectres d’étoiles, en particulier pour le Soleil. Leurs
positions ne permettant pas de douter de leur identité, elles furent qualifiées de raies en
émission de l’hydrogène. γ Cas étant une étoile chaude de type B, le qualificatif Be viendra
plus tard de la réunion de ce B et du e d’émission.
Plusieurs autres étoiles de type B possédant des raies en émission furent ensuite découvertes
parmis les étoiles relativement brillantes des deux hémisphères, ce qui permit de donner de la
substance au qualificatif d’étoiles Be. Et pour compliquer le tout, des étoiles de type O et A
présentant des raies en émission ont aussi été classées parmis les étoiles Be.
En 1931 Otto Struve (2) proposa un modèle d’étoile déformée par l’action de sa propre
rotation et qui, devenant instable, éjecterait de la matière à l’équateur. Le disque en rotation
autour de l’étoile ainsi formé pourrait donner naissance aux raies en émission par simple
recombinaison radiative.
Cette hypothèse sur la présence d’une enveloppe de gaz autour de l’étoile fut vite adoptée,
mais sa forme de disque ou d’anneaux (Struve prenant comme modèle les anneaux de
Saturne) ne faisant pas l’unanimité, elle dut cohabiter avec celle d’une enveloppe sphérique
jusqu’au milieu des années 1980 qui permirent, grâce au développement de l’interférométrie,
de mesurer l’aplatissement de l’enveloppe (3) (ou l’angle d’ouverture du disque) .
Son hypothèse sur la rotation rapide qui permettrait d’arracher de la matière à l’étoile fit
encore moins l’unanimité car elle laissait supposer que toutes les étoiles Be tournaient à la
vitesse critique, d’autres théories furent alors mises en avant. La binarité fut d’abord évoquée,
puis dans les années 1970, ce fut le tour de vents stellaire qui éjecteraient la matière hors de la
photosphère de l’étoile par la pression radiative (4). Dans les années 90 la compression de la
matière au niveau de l’équateur par ce vent (Wind Compressed Disc) a été avancée (5). Des
oscillations non-radiales et la présence de forts champs magnétiques ont aussi été proposées.
Très récemment de nouveaux modèles et de nouvelles observations ont remis la rotation
rapide au goût du jour. Jusqu’à présent aucune de ces hypothèses ne peut être écartée ou
privilégiée.
L’observation des étoiles Be sur une période de plus de cents ans permit aussi de mettre en
évidence une autre caractéristique intéressante de étoiles Be : la variabilité . Plusieurs types de
variations mettant en jeu le profil des raies, leur intensité, le flux de l’étoile et même son type
spectral furent ainsi découvertes. Leur période (ou pseudo période) varie selon le phénomène
entre quelques heures et plusieurs décennies .
4
2 Intérêt de l’étude des étoiles Be
L’observation des étoiles Be permet avant tout d’étudier tous les phénomènes physiques
évoqués dans le paragraphe précédent . Qu’il s’agisse de vents stellaires, de la rotation rapide,
de pulsations non-radiales, de l’importance des champs magnétiques ou de la binarité les
étoiles Be sont de très bons laboratoires.
Leur forte luminosité permet une observation aisée des objets les plus proches (quelques
centaines de parsecs). Des observations à hautes résolution spectrale dans les nuages de
Magellan (métallicité différente) ont été menées dans le cadre du projet Flames (GIRAFFE)
sur le VLTI en collaboration avec le groupe d’Anne-Marie Hubert de l’observatoire de
Meudon et Christophe Marteyron en thèse sur ce sujet.
Elle permet aussi d’étudier la physique du transfert de rayonnement hors équilibre
thermodynamique local (luminosité trop importante et densité trop faible pour établir l’ETL)
dans l’enveloppe circumstellaire. L’étude de la cinématique du gaz circumstellaire permet
aussi d’aborder les problèmes de transfert de moment angulaire et de la dynamique de ces
milieux.
Outre l’intérêt de ces étoiles dans le cadre de la physique stellaire, l’ionisation du gaz
interstellaire sur de grandes distances, de l’ordre de cent parsec, explique leur rôle important
dans le réchauffement du gaz de la galaxie et dans la formation de chocs radiatifs dans le
milieu interstellaire ( 6).
De plus leur masse importante les condamne à une fin de vie violente sous forme de
supernovae. Là encore, l’énergie dégagée peut avoir des répercussions sur la galaxie et en
particulier sur la formation de nouvelles étoiles. Les fluctuations de densité provoquées par la
supernovae peuvent ainsi entraîner l’effondrement d’un nuage de gaz dont la densité est
proche de la densité critique.
L’enrichissement du milieu interstellaire en éléments lourds produits par l’étoile durant sa vie
ou par l’explosion de la supernovae est aussi un phénomène important dans l’étude de la
métallicité des galaxies.
L’abondance des étoiles Be dans notre galaxie est de l’ordre de 20% des étoiles B . Ce taux
peut être beaucoup plus important dans certains jeunes amas ( 60-70%) ( 6) . L’excès de
luminosité des étoiles Be comparé aux étoiles B normales peut engendrer des erreurs dans la
mesure de la fonction initiale de masse en prenant des étoiles lumineuses pour des étoiles plus
massives.
Enfin, les étoiles Be qui sont des objets massifs évoluent rapidement et restent donc peu de
temps sur la séquence principale. Un point intéressant serait d’étudier la corrélation entre
l’age des étoiles B et le taux d’étoiles Be pour savoir si ce phénomène correspond à une
certaine période de la vie de toutes les étoiles chaudes massives.
5
3 Modèle de base
3.1 Paramètres physiques communs
Le point central de la définition des étoiles Be est bien entendu la présence de raies de
l’hydrogène en émission. Cependant de nombreuses étoiles présentant ces raies ne sont pas
pour autant classées comme des étoiles Be .
On définit tout d’abord les étoiles Be comme des étoiles chaudes, principalement de type B
bien que des O tardives et des A précoces puissent être classées dans cette catégorie. Leur
température varie donc entre 8000K et 40000K. Ce sont toutes des étoiles non supergéantes
(classe II III IV V). Le plus souvent elles sont situées sur la séquence principale ou juste au
dessus. Les objets pré-séquence principale comme les Ae/Be de Herbig et les T-Tauri sont
donc à exclure de cette catégorie de même que les supergéantes de type P-Cygni.
Il faut aussi distinguer les Be dites classiques des étoiles B[e], souvent géantes et possédant
des raies interdites. Une autre catégorie est celle des Be-shell, possédant des profils avec une
forte absorption centrale appelés profils shell (voir 3.3.2). Ces étoiles sont certainement des
Be classiques vues à travers le disque équatorial dont la profondeur optique importante
provoquerait l’absorption centrale.
La vitesse de rotation des étoiles Be semble être en générale plus élevée que celle des étoiles
B classiques, autour de 70% de leur vitesse critique, vitesse au-delà de laquelle l’étoile
devient instable . Un article récent (7) prétend qu’un biais observationnel est introduit dans la
mesure de la vitesse de rotation dû à l’aplatissement de l’étoile et à l’effet von-Zeipel induit.
La vitesse de rotation de ces étoiles serait donc sous évaluée et une valeur autour de 95% de la
vitesse critique serait possible. La valeur de la vitesse de rotation est un paramètre crucial
pour la compréhension des mécanismes à l’origine de l’enveloppe circumstellaire et ce point
sera abordé plus en détail dans la partie 4.2 de ce chapitre.
Une autre caractéristique essentielle de ces objets est la présence de forts vents radiatifs dont
la vitesse terminale peut dépasser 1000 km/s au niveau des pôles. A l’équateur ces vents
semblent être plus faibles avec des valeurs de l’ordre d’une centaine de km/s.
Une dernière caractéristique, qui nous amènera au paragraphe suivant, est la présence d’un
fort excès infrarouge dans la distribution spectrale d’énergie des étoiles Be.
3.2 Rayonnement continu
Le rayonnement continu d’une étoile Be à trois origines. La première partie provient de la
photosphère de l’étoile qui peut être assimilée à un corps noir de température Teff
(correspondant à son type spectral). Une deuxième partie provient de la diffusion de la
lumière de l’étoile par l’enveloppe circumstellaire. La troisième et dernière partie provient de
l’émission propre de l’enveloppe. La matière circumstellaire est excitée par le rayonnement de
l’étoile centrale, une grande partie est alors ionisée (jusqu’à 99%). Les électrons libres
peuvent alors émettre du rayonnement libre-libre (perte d’énergie cinétique par un électron et
émission d’un photon), ou libre-lié (recombinaison d’un électron avec un ion et émission d’un
photon).
Il est donc difficile, comme le montre la figure 1, de modéliser le rayonnement continu de
l’étoile par une courbe de Planck. L’enveloppe n’étant pas en équilibre thermodynamique (ni
même en équilibre thermodynamique local) on ne peut pas considérer le rayonnement comme
la somme de deux corps noirs, un pour l’étoile à une température Teff et l’autre à une
température Tenv<Teff .
6
L’excès infrarouge produit par l’enveloppe doit être mis en relation avec la polarisation
mesurée sur ce type d’objet (1 à 3 %). La corrélation entre ces deux phénomène n’a rien
d’étonnant puisque ils ont la même origine : la diffusion de la lumière de l’étoile par
l’enveloppe. Notons qu’avant l’arrivée de l’interférométrie la mesure du taux de polarisation
était le principal indice d’aplatissement de l’enveloppe et le seul moyen de déterminer la
direction du demi grand axe de l’enveloppe.
Figure 1 : Distribution spectrale d’énergie simulée pour une étoile Be (étoile, enveloppe et total )
3.3 Raies
La photosphère et l’enveloppe circumstellaire sont les deux régions de formation de raies
composant le spectre d’une étoile de type Be .
3.3.1 raies photosphériques
Dans la photosphère d’une étoile, la température diminue à mesure que l’on se dirige vers sa
surface. Ce gradient de température négatif combiné avec l’augmentation de l’opacité dans les
raie par rapport à celle du continu voisin implique la formation de raies en absorption.
Ces raies dont la largeur naturelle à pour origine la relation d’incertitude d’ Heisenberg, sont
élargies par l’effet Doppler due à l’agitation thermique et à la turbulence présente dans la
photosphère. Les étoiles Be étant des rotateurs rapides, c’est la vitesse de rotation qui est
dominante dans l’élargissement de ces raies (figure 2).
Figure 2 : raies photosphériques élargies par la rotation rapide de l’étoile
7
3.3.2 raies circumstellaires
Les raies d’origine circumstellaire se forment dans toute l’enveloppe. La forte luminosité de
l’étoile entraîne un peuplement des niveaux atomiques par des processus radiatifs. La faible
densité de matière dans l’enveloppe ne permet pas l’établissement de l’équilibre
thermodynamique local (ETL). Les équations de Maxwell Boltzmann et Saha ne sont plus
vérifiées dans cette situation hors-ETL.
Les profils de raie en émission des étoiles Be présentent souvent un double pics autour de la
longueur d’onde centrale. Ces pics ont pour origine l’effet Doppler créé par la rotation de
l’enveloppe. L’émission est décalée vers le bleu pour la matière se rapprochant de nous et
vers le rouge pour celle qui s’éloigne. Il en résulte la présence des deux pics.
On peut alors calculer le rapport V/R(violet/rouge) entre leur intensité respective. Cette
quantité peut fournir de nombreuses informations sur la cinématique et la morphologie de
l’enveloppe.
Dans le cas le plus simple d’une enveloppe homogène et à symétrie axiale en rotation autour
de l’étoile centrale la contribution des deux pics est la même et le rapport V/R vaut alors 1 :
on parle alors de profil à double pics symétrique. La séparation des deux pics dépend de
l’importance du décalage Doppler, et donc de la vitesse de rotation la matière. Si la rotation
de l’enveloppe suit la conservation du moment angulaire on obtient :
S =2V Re sini
Rd
Où Re et Rd sont respectivement les rayons de l’étoile et de la zone d’émission , V est la
vitesse de rotation de l’étoile au niveau de la photosphère et S la séparation des pics
résultante. La présence d’un vent stellaire rend cette formule caduc.
La présence d’un vent stellaire rajoute une composante dans la vitesse projetée par rapport à
l’axe de visée. La superposition de l’effet de la rotation et de celui de l’expansion de
l’enveloppe provoque une absorption supplémentaire dans l’aile bleu de la raie. Il en résulte
un V/R<1. La majorité des raies en émission des étoiles Be possèdent cette caractéristique et
confirme donc la présence d’un vent stellaire. Dans certaines étoiles Be les profils possèdent
un V/R>1 qui pourrait être en accord avec une enveloppe en contraction ou l’existence
d’inhomogénéités dans le disque circumstellaire.
La variabilité du rapport V/R est aussi une caractéristique de certaines étoiles Be. On verra
dans la partie 5 de ce chapitre que l’abandon de la symétrie axiale peut expliquer ce
phénomène.
Il existe aussi des profils de type « bouteille de vin » Ce sont là encore des profils
symétriques, mais ceux-ci ne présentent qu’un seul pic d’émission centré. Des inflexions sur
les ailes de la raie donnent à celle-ci son profil reconnaissable. Elles sont généralement
attribuées à la diffusion des photons par les électrons libres de l’enveloppe mais des effet
purement cinématiques pourraient aussi provoquer ces déformations de la raie (8).
Enfin, certaines raies présentent des profils à doubles pics possédant une forte absorption
centrale en forme de V ; il faut distinguer ces profils de ceux, plus traditionnels, cités plus
haut dont la forme de la dépression centrale est plutôt en U. Cette absorption centrale est
produite par l’enveloppe elle-même est non pas par l’étoile. Le milieu pouvant absorber
autant de lumière doit donc être optiquement épais. On attribue ces profils Shell à des étoiles
observées par l’équateur où la profondeur optique est plus importante (voir morphologie de
l’enveloppe). Cette hypothèse est en accord avec l’importance des Vsin i mesurés pour ces
étoiles et donc l’importance de l’angle d’inclinaison : V.sin i ≈ V .
Ces différents types de profils sont présentés figure 3.
8
Figure 3 : profils de raie en émission : double pics asymétriques, bouteille de vin et profil Shell
3.3 Morphologie et cinématique de l’enveloppe
La présence des raies en émission dans le spectre des étoiles Be ne peut être expliquée
sérieusement que par la présence d’une enveloppe autour de ces objets.
La forme des raies comme nous l’avons vu dans le paragraphe précédent nous apporte un
certain nombre d’informations sur la cinématique de ces enveloppes grâce à l’effet Doppler.
D’autres techniques comme la polarimétrie et plus récemment l’interférométrie à longue base
ont permis de connaître un peu mieux la morphologie de l’environnement circumstellaire.
La symétrie sphérique a été définitivement abandonnée et il est admis par une majorité de
spécialistes que la symétrie axiale (autour de l’axe de rotation de l’étoile) est une bonne
première approximation.
L’enveloppe est aplatie aux pôles pour former un ellipsoïde de révolution ou un disque
suivant les étoiles et les modèles considérés. Cet aplatissement est à mettre en relation avec la
variation de la vitesse des vents stellaires entre les pôles et l’équateur. En effet, aux hautes
latitudes, le vent radiatif est très important (jusqu’à 2000km/s) et peu dense. A l’équateur la
situation s’inverse ( forte densité et faible vent stellaire). Les lois de variation de la densité et
de la vitesse des vents entre ces deux zones sont mal connues actuellement et c’est un des
objectifs des modèles hydrodynamiques actuels que de les contraindre. Le rapport des flux de
masse entre l’équateur et le pôle peut être déduit de l’écart entre la perte de masse mesurée à
partir des raies UV (d’origine polaire) ou celle obtenue à partir des raies visibles et
infrarouges (équatoriales). Ce rapport est compris entre 10 et 100 selon les méthodes utilisées.
L’autre paramètre important dans la caractérisation d’une enveloppe axisymétrique est son
extension. Elle peut être déduite de la largeur des raies en utilisant des modèles simples mais
la situation se complique en présence de rotation et d’expansion. La technique la plus
appropriée pour la mesure de dimensions angulaires est l’interférométrie.
La taille de l’enveloppe mesurée par un interféromètre dépend de la longueur d’onde
d’observation (9). L’enveloppe est en faite très étendue (plusieurs dizaines de rayons
stellaires) et son émission dépend des conditions physiques du milieu circumstellaire. Elle
émet principalement dans l’infrarouge (émission continue) et dans les raies d’hydrogène. Plus
on s’éloigne de l’étoile plus la matière est froide et donc plus l’enveloppe émet à de grandes
longueurs d’ondes. Il en est de même pour la formation de raies. Plus l’énergie nécessaire à la
transition en question est importante plus sa région de formation est petite et proche de
l’étoile centrale. On trouve donc en partant de l’étoile d’abord la raie Hβ(4861Å) puis
Hα(6262 Å ) … et provenant d’une zone beaucoup plus étendue on trouve la raie Brackett γ
(21655 Å).
9
La cinématique de l’enveloppe pose un certain nombre de problèmes . Il a été montré que la
distinction entre une enveloppe en rotation képlérienne (loi en r-1/2) et la conservation du
moment angulaire (loi en r-1) en utilisant des mesures spectroscopiques était quasiment
impossible (10). L’interférométrie différentielle devrait permettre d’apporter une réponse à
cette question. Néanmoins, le disque équatorial est souvent considéré comme étant en rotation
pseudo-Keplérienne autour de l’étoile centrale. Dans les régions polaire c’est bien sur,
comme nous l’avons vu plus haut, la vitesse d’expansion qui domine. Les phénomènes
physique à l’origine d’une telle dynamique restent à comprendre.
La figure 4 présente un modèle courant d’enveloppe d’étoile Be axisymétrique (11) et la
figure 5 illustre la variation de l’extension mesurée de l’enveloppe en fonction de la longueur
d’onde.
Fort vent radiatif
(1000km/s)
Éjection de matière
Étoile chaude de type B (O9, A0)
Non supergéante
Séquence principale
En rotation rapide (>200km/s)
Enveloppe circumstellaire
d’hydrogène ionisé
Aplatie ( disque ou ellipsoïde)
Faible vent radiatif
(100 km/s)
Émission de l’ enveloppe :
-dans le continu (excès IR)
-dans les raies d’hydrogène (et hélium)
Figure 4 : modèle de « base » pour une étoile Be classique
Figure 5 : extension de l’enveloppe de γ Cas en fonction de la longueur d’onde d’observation
Pour pousser plus loin la connaissance de la morphologie des enveloppes d’étoiles Be il faut
abandonner les modèles stationnaires et axisymétriques et introduire des dépendances
azimutales et temporelles dans les modèles. Quelques théories seront évoquées dans la partie
5 concernant la variabilité.
Mais abordons en premier lieu un problème plus essentiel portant sur la présence de
l’enveloppe circumstellaire : Quel en est son origine et les causes de sa formation ?
10
4 Formation de l’enveloppe
Depuis Struve en 1921 et sa théorie sur la rotation rapide des étoiles Be, de nombreuses
hypothèses sur la formation d’une enveloppe circumstellaire autour de ces étoiles ont été
avancées.
4.1 Binarité
La binarité est une des causes possibles du phénomène qu’il faut distinguer des autres pour
deux raisons. Tout d’abord elle ne peut expliquer le phénomène Be que pour les étoiles
possédant un compagnon ce qui n’est pas le cas de toutes les étoiles Be. On pourrait objecter
le fait que les étoiles Be appartiendraient toutes à des systèmes binaires mais qu’on ne l’aurait
pas encore découvert. La binarité provoque pourtant de nombreux phénomènes détectables
(émission X et γ, ou méthodes traditionnelles).
Le deuxième aspect important est l’origine de la matière circumstellaire. Dans toutes les
hypothèses abordées plus loin, la matière provient de l’étoile elle même, la binarité peut
permettre au compagnon de transférer de la matière dans le milieu circumstellaire de l’étoile
Be.
Deux hypothèses peuvent être faites sur la formation de l’enveloppe (12) :
-La matière s’échappe de l’une des deux composantes en passant par le point de Lagrange L1
et forme un disque autour de l’autre étoile (figure 6)
Figure 6 : formation d’un disque circumstellaire dans système binaire a partir de l’échappement de la matière
par le point de Lagrange L1 (12)
-La matière peut aussi s’échapper par le point L2 ( opposé a L1 par rapport au centre de
l’étoile considérée), pour spiraler enfin autour du système binaire entier (figure 7). Cette
hypothèse permettrait de rendre compte de certaines variations à long termes observées.
11
Figure 7 : échappement de la matière par le point L2 et formation d’une spirale autour du système binaire (12)
4.2 Rotation
Les Be étant connues depuis longtemps comme des rotateurs plus rapides en moyenne que les
étoiles B classiques, la rotation a souvent été évoquée comme une cause possible de la
formation de l’enveloppe. C’est Struve qui a le premier émis cette hypothèse en 1931 (2).
Dans une étoile où la rotation peut être négligée la matière de l’étoile est soumises à deux
forces principales se compensant parfaitement : la gravité qui tend à l’entraîner vers le centre,
et la pression (matière et rayonnement) qui tend à la repousser vers l’extérieur. C’est le
principe de l’équilibre hydrostatique. La matière photosphérique est soumise à ces deux
forces et ne peut donc pas échapper à la gravité de l’étoile. A la surface de l’étoile la pression
du gaz est négligeable.
La rotation de l’étoile ajoute une nouvelle force à ce bilan : la force centrifuge. Celle-ci est
souvent négligeable dans le cas des étoiles qui comme le Soleil ont une faible vitesse de
rotation de l’ordre de quelques dizaines de km/s. Mais qu’arrive-t-il si cette vitesse permet de
compenser la gravité de l’étoile ? On définit alors la vitesse critique (Vc) de rotation de
l’étoile. Au delà de cette vitesse l’étoile devient instable et la matière s’écoule vers l’extérieur
par l’équateur ( la force centrifuge y est plus importante) :
GM = Vc ² ⇔ Vc =
3/2R ² 3/2R
2 GM
3R
On prend r=3/2R et non pas R car l’étoile elle même est fortement déformée à cette vitesse, le
rayon équatorial devient une fois et demi plus grand que le rayon polaire (13).
Jusqu’à ces dernières années les vitesses de rotation estimées pour les étoiles Be étaient de
l’ordre de 70% de la vitesse critique (13). Avec cette vitesse la gravité est réduite de moitié
ce qui n’est pas suffisant pour permettre aux petites fluctuations de vitesse dans la
photosphère d’arracher de la matière à l’étoile. C’est principalement pour cette raison que
cette hypothèse à longtemps était abandonnée.
12
Plus récemment (7) il a été démontré que des erreurs sur l’estimation de la vitesse de rotation
d’une étoile à partir des profils de raie photosphériques peuvent être introduites pour des
étoiles en rotation proche de la vitesse critique. Une saturation dans l’élargissement des raies
dû à l’effet d’assombrissement gravitationnel peut induire une sous estimation de la vitesse de
rotation. Il serait donc possible que les étoiles Be aient une vitesse de rotation beaucoup plus
proche de la vitesse critique, ce qui permettrait à la matière de s’échapper des régions
équatoriales et de former un disque responsable du phénomène Be, remettant ainsi sur le
devant de la scène l’idée proposée par Struve en 1931.
Il faut mettre cette hypothèse en relation avec une observation récente de l’étoile Achernar
(14). En 2003 des observations avec le VLTI ont permis de mettre en évidence la forme très
aplatie de cette étoile. Le rapport rayon équatorial sur rayon polaire mesuré est de l’ordre de
3/2 (figure 8).
Figure 8 : Aplatissement d’Achernar déduit de mesures interférométriques (12)
La vitesse de rotation de cette étoile, qui ne présente plus actuellement de raie en émission
mais qui reste tout de même une étoile Be, doit donc être très proche de la vitesse critique.
Ces observations récentes semblent confirmer l’hypothèse d’éjection de matière à l’équateur
par la rotation rapide des Be comme probable cause de la formation de l’enveloppe
circumstellaire .
13
4.3 Vents stellaires
Un autre processus physique important pour l’étude des étoiles Be est la présence de vents
stellaires radiatifs. Les photons émis par la photosphère de l’étoile peuvent transférer leur
quantité de mouvement aux atomes du milieu circumstellaire. Ce processus est d’autant plus
efficace que le milieu est optiquement épais. Le rayonnement continu participe à ce
phénomène mais les raies sont prédominantes car l’opacité y est beaucoup plus élevée.
Pour que le vent stellaire démarre il faut que la force créée par cette pression de radiation
compense la gravité (comme pour la force centrifuge dans le paragraphe précédent). Cela
n’est possible que pour les Be de types précoces (figure 9). Une force supplémentaire est
nécessaire pour « décoller » la matière de la surface de l’étoile pour les types plus tardifs, la
pression de radiation étant ensuite capable d’accélérer le gaz préalablement mis en
mouvement (4) .
Figure 9 : Importance des vents radiatifs en fonction de la luminosité et du type spectral pour les étoiles Be :
possibilité d’initier un vent (a), ou seulement de le soutenir (b) (4)
Un modèle mettant en avant l’importance des vents stellaires est le modèle de disque
compressé par le vent (WCD :Wind Compressed Disc). Dans ce modèle balistique, la
trajectoire de la matière accélérée par le vent stellaire depuis une latitude intermédiaire croise
l’équateur. Les flux continus de matière depuis les deux hémisphères entrent en collision dans
le plan équatorial formant ainsi un choc à l’origine du rayonnement observé et un disque
extrêmement mince (angle d’ouverture de quelques degrés) (5) .
Ce modèle ne permet pas de reproduire de nombreuses observables comme la largeur des
raies voisines de quelques centaines de km/s à l’équateur, l’excès infrarouge mesuré, l’origine
des Be-shell (pas suffisamment de matière pour absorber le rayonnement), ni les mesures
interférométriques montrant une enveloppe plutôt elliptique.
Enfin des calculs détaillés (15) on montré que l’introduction de forces non-radiales inhibaient
complètement la formation du disque. Ce scénario ne semble donc pas fonctionner et
nécessite l’introduction de nouveaux éléments comme la présence d’un champ magnétique.
14
4.4 Champs magnétiques
La présence d’un champ magnétique autour de l’étoile centrale peut modifier sensiblement le
comportement de la matière circumstellaire. Pour affecter significativement le vent stellaire le
champ magnétique doit avoir une force de l’ordre de la centaine de Gauss.
L’ajout d’un champs magnétique dans le modèle WCD (MWCD) permettrait de modifier la
structure du disque de sorte qu’il soit plus en accord avec les observations (16). La matière
pourrait être piégée dans une zone proche de l’étoile qui formerait alors une enveloppe plus
épaisse.
Une autre hypothèse sur l’importance des champs magnétique est la mise en mouvement de la
matière en suivant les ligne de champs. La matière serait alors arrachée à la photosphère puis
une partie retomberait sur l’étoile alors que l’autre alimenterait l’enveloppe circumstellaire
(17) .
4.5 Pulsations
Des pulsations non-radiales de l’étoile Be peuvent permettre aussi d’expliquer la formation de
l’enveloppe circumstellaire . La matière est mise en mouvement par les oscillations de la
photosphère qui permettent d’arracher du gaz à l’étoile (18) . Les forces radiatives
interviennent alors dans le maintient du vent comme cela a été expliqué dans la partie 4.3 .
Certains modes d’oscillations peuvent être privilégiés ce qui permettrait en partie d’expliquer
l’aplatissement de l’enveloppe.
Des observations récentes sur la variabilité des profils de raie ont entraîné la détection
d’oscillations avec l = m = 2 pour une vingtaine d’étoiles Be (19).
D’autres modes avaient déjà été détectés : l = |m| = 8 (20) , l = -m = 3 , l = -m = 2 (21) …
Figure 10 : Exemple d’un mode de pulsation non-radiale d’une étoile : l = m = 4
4.6 Conclusion
Tous les phénomènes cités précédemment participent certainement à la formation de
l’enveloppe des étoiles Be . Si la binarité est prépondérante dans le cas de binaires serrées, il
est possible que les étoiles Be simples soient soumises à une combinaisons de tous les autres
phénomènes. La formation de l’enveloppe peut résulter de l’addition de plusieurs de ces
effets. Leur importance relative dépend du type spectral de l’étoile ( les plus chaudes
possèdent des vents stellaires plus importants …) ou d’autres caractéristiques encore mal
connues (métalicité, gravité à la surface). Ainsi différents processus physiques pourraient être
à l’origine du phénomène Be observé.
La combinaison de différentes techniques d’observation (photométrie, spectroscopie,
polarimétrie et interférométrie) sur des longues périodes de temps (campagnes multisites)
permettra de déterminer pour chaque objet les processus physiques dominants.
15
5 Variabilité(s)
La plupart des étoiles Be sont des objets variables. Cette variabilité peut être détectée par des
observations spectroscopiques (forme, intensité, position des raies) , photométriques (Flux
dans une bande spectrale), polarimétriques (variation du taux de polarisation) ou bien
interférométriques (taille et position de l’enveloppe). Leurs échelles de temps caractéristiques
varient suivant les phénomènes et les objets de quelques minutes à plusieurs décennies. Il est
par conséquent évident que ces fluctuations ont des origines physiques très diverses. Une
classification en fonction de leur période (ou pseudo-période) permet de discerner plusieurs
hypothèses.
5.1 Rapide
Ces variations ont des périodes de l’ordre de quelques minutes à quelques jours. Elles
s’observent principalement à travers la déformation des profils de raies (figure 11).
Figure 11 : variation de profils de raie de l’étoile λ Eridani entre 7h et 13h .
Différentes hypothèses peuvent expliquer ces changements souvent pseudo-périodiques .
La première est liée à la modulation par la rotation de l’étoile de zones plus sombres
similaires aux taches solaires (régions de plus faible température). Cette hypothèse
nécessiterait des taches trop larges et trop froides pour être en accord avec les observations
(22) .
Des hypothèses plus récentes s’orientent vers une origine circumstellaire. Un champ
magnétique oblique qui affecterait la structure de l’enveloppe pourrait par exemple provoquer
une telle modulation en mettant en corotation des surdensités de matière circumstellaire (22) .
16
Des pulsations non-radiales de l’étoile peuvent elles aussi être à l’origine de ces variations
périodiques. La détection récente d’oscillations non-radiales ( l = m = +2 ) pour une vingtaine
d’étoiles Be (19), et leur corrélation avec les variations de profils de raies semblent privilégier
cette hypothèse.
On peut aussi émettre l’hypothèse selon laquelle les oscillations de la photosphère éjecteraient
par intermittence de la matière dans l’enveloppe circumstellaire. La rotation de l’enveloppe
inhomogène qui résulterait de cette éjection peut elle aussi expliquer ces variations.
5.2 Moyenne
La période de ces variations varie entre quelques mois et une dizaine d’année. Elles sont
souvent observée à travers les variations du rapport V/R des profils en émission de la série de
Balmer ou grâce à l’interférométrie différentielle. Là encore plusieurs explications peuvent
être avancées.
On peut associer ces modulations à la binarité du système : le compagnon de l’étoile Be peut
transiter régulièrement devant l’étoile Be et modifier substantiellement les profils de raies.
De la matière peut même être transférée à l’étoile Be lors du passage du compagnon au
périastre (23) .
Ces variations peuvent aussi être dues à la précession d’une onde de densité d’ordre un dans
l’enveloppe. Cette onde de densité ne peut subsister que si elle est en permanence excitée soit
par la présence d’un compagnon soit par un effet propre à l’étoile (rotation ou vent radiatif
selon la classe spectrale). C’est en fait l’équivalence des ondes de Linblad dans les bras des
galaxies, rapporté à une enveloppe d’étoile. La présence de ces oscillations à un bras a été
découverte en 1998 pour ξ Tau (24) et confirmée en 1999 pour γ Cas (25) (figure 12a et b).
Figure 12a : Variation de la phase des franges d’interférences sur γ Cas au GI2T et variation du rapport V/R
d’un profil de raie
17
Figure 12b : Modélisation d’un mouvement de précession d’une onde de surdensité dans l’enveloppe de γ Cas à
partir de données inteférométriques et spectroscopiques.
D’autres variations à moyen terme concernent l’intensité de la raie elle même. Une
explication récente pour ces variations introduit une surdensité en forme anneau qui se
propagerait vers l’extérieur de l’enveloppe (26) . Cette surdensité pourrait être provoquée par
l’éjection périodique de matière au niveau de la photosphère.
5.3 longue
Ces variations souvent apériodiques ont une échelle de temps supérieure à la décennie. Il
s’agit de fortes variations photométriques, spectroscopiques, polarimétriques et
morphologiques. Des changements encore plus importants peuvent exister : type spectral
(température effective), passage d’un état de Be , B ou Be Shell vers un autre . L’enveloppe
circumstellaire semble donc pouvoir « disparaître ou apparaître » sur ces échelles de temps.
Il n’existe pas actuellement de modèle pouvant expliquer l’ensemble de ces phénomènes
mais certains auteurs (22) les relient à l’évolution rapide des étoiles de forte masse (les étoiles
Be ont une masse comprise entre 5 et 200 masses solaires).
18
II Techniques d’observation
Comme pour la plupart des objets célestes, l’observation des étoiles Be peut être effectuée à
l’aide de techniques variées. Aux classiques techniques de photométrie et de spectroscopie il
faut rajouter la polarimétrie qui fournit de précieux renseignements sur la morphologie de
l’enveloppe circumstellaire. L’apport récent du développement de l’interférométrie dans le
visible et le proche infrarouge permet de contraindre plus précisément les modèles et de tester
les différentes hypothèses sous-jacentes.
Le but de ce chapitre n’est pas d’expliquer rigoureusement l’ensemble de ces techniques et
leurs applications, mais simplement de les présenter brièvement et de décrire les informations
qu’elles peuvent apporter à notre étude du phénomène Be.
L’appellation techniques pré-interférométriques peut paraître abusive si on se souvient que sa
découverte qui remonte au XIXème siècle avec l’expérience des trous d’Young, est
contemporaine de celle de la polarimétrie et de la spectroscopie. Il n’en reste pas moins que
son utilisation massive en astronomie (hormis le domaine radio) ne remonte qu’aux années
1970.
1 Techniques pré-interférométriques
1.1 Photométrie
Le but de la photométrie est la mesure du flux lumineux d’une étoile dans une bande spectrale
large. Historiquement la photométrie a commencé avec la classification des étoiles par ordre
de brillance. Le filtre utilisé était alors l’œil humain correspondant plus ou moins au filtre V
actuellement utilisé. La mesure dans différents filtres ( U,B,V,R,I,J,K…) permet de calculer
les indices de couleurs (B-V, V-I …) et donc de détecter des excès ou des déficits d’intensité
dans une bande précise. L’allure grossière du spectre peut aussi être extrapolée de ces
mesures.
Les avantages de la photométrie sont liés à la largeur de la bande spectrale utilisée. Des
instruments comme DENIS (DEep Near Infrared Survey) ont pu observer tout un hémisphère
céleste dans plusieurs longueur d’onde (I : 0.82µm, J : 1.25µm et Ks : 2.15µm) (27) . Un autre
instrument récent est 2MASS qui fonctionne en bande J,H et K et dont la couverture du ciel a
été complète (28) .
Outre la possibilité de couvrir de grandes zones rapidement, la précision des instruments
actuels permet d’enregistrer de très faibles variations de flux comme par exemple lors de
transits de planètes devant l’étoile observée.
Dans nôtre cas l’excès infrarouge peut être détecté. On peut donc, grâce à ces instruments,
différencier les étoiles B normales des étoiles possédant une enveloppe ( Be,B[e],Ae/Be, T
Tauri ..). Une étude plus approfondie des indices de couleur (figure 13) peut permettre de
distinguer ces différents types d’étoiles voir même de contraindre certains paramètres
stellaires (18) .
Le flux des étoiles Be étant souvent sujet à de fortes variations la photométrie est une bonne
techniques pour les étudier et en déduire leurs intensités et leurs échelles de temps
caractéristiques pour leurs modélisations.
19
Figure 13 : diagramme «couleur-couleur » permettant de classer l’étoiles en fonction de leur valeur I-J et J-K.
1.2 Polarimétrie
La lumière « naturelle » n’étant pas polarisée, la polarisation est principalement la
conséquence d’une propagation dans un milieu anisotrope. Cette anisotropie souvent due à la
structure interne du milieu, cristalline par exemple, peut aussi être la conséquence de facteurs
extérieurs. Les cas les plus importants sont la géométrie non sphérique et la présence d’un
champ magnétique.
Dans le cas des étoiles Be il a été mesuré une polarisation supérieure à celle des étoiles B
classiques . La valeur reste cependant très faible ( < 2 % ) (30) . Cette polarisation a
longtemps été l’indice majeur de non sphéricité de l’enveloppe. En effet l’aplatissement d’une
enveloppe circumstellaire provoque une absorption plus importante de la lumière polarisée
dans la direction perpendiculaire.
La détection récente de champs magnétiques dans les enveloppes d’étoiles Be (31) nous
indique aussi une autre origine possible à la polarisation de la lumière provenant de la matière
circumstellaire qui pourrait être figée dans les lignes de champ magnétique.
Figure 14 : Mesure de la valeur de la polarisation de γ Cas au cours du temps.
20
1.3 Spectroscopie
Cette technique comme son nom l’indique étudie le spectre des étoiles. La lumière est
dispersée en longueur d’onde par un prisme ou un réseau. On enregistre l’intensité du
rayonnement en fonction de λ. L’utilisation de la spectroscopie à partir du XIXe siècle
marque le début de la physique stellaire et sépare ainsi l’astronomie de l’astrophysique.
Cette technique est certainement la plus prolifique en matière d’informations. Elle permet de
reconstruire le spectre des objets étudiés avec une précision qui ne dépend que de l’instrument
utilisé. Les spectrographes actuels comme AURELIE ont une résolution spectrale supérieur à
50000 (λ/∆λ) (29). Ils permettent non seulement de mesurer la largeur équivalente des profils
de raies et d’en déduire l’abondance des différents éléments chimiques dans l’étoile, mais
aussi, en analysant la forme de ces profils de réunir des informations sur les paramètres
physiques du milieu, sa cinématique et sa morphologie avec l’aide de modèles.
Pour notre étude des étoiles Be la spectroscopie est la technique centrale. La plupart des
phénomènes physiques abordés au premier chapitre ont une contrepartie spectroscopique.
L’étude des largeurs équivalentes des raies métalliques permet de déterminer la métalicité des
étoiles et ainsi d’étudier statistiquement la fréquence du phénomène Be en fonction de ce
paramètre.
La vitesse de rotation de l’étoile est calculée à partir de la largeur des raies photosphériques.
Cette largeur est due principalement à l’effet Doppler induit par la rotation de l’étoile.
L’émission de la matière est décalée vers le rouge ou vers le bleu selon qu’elle s’éloigne ou se
rapproche de l’observateur. Des erreurs peuvent être introduites dans cette mesure en raison
de la rotation proche de la vitesse critique des étoiles Be et de l’effet von-Zeipel induit comme
cela a été expliqué précédemment.
La détection de pulsations de l’étoile peut aussi être effectuée en étudiant les variation
périodiques des profils de raies. L’étude de la fréquence et de la forme de ces déformations
permet de déduire les fréquences propres d’oscillation de la photosphère.
L’effet Doppler permet aussi de déterminer la cinématique de l’enveloppe. La mesure de la
vitesse d’expansion de l’enveloppe (liée au vent stellaire), ou de sa rotation est aussi effectuée
à partir de données spectroscopiques. On doit cette fois utiliser les raies en émission d’origine
circumstellaire. La séparation entre les deux pics d’un profil permet à partir de modèles de
remonter aux vitesses de rotation et d’expansion de l’enveloppe.
La largeur naturelle de la raie peut être considérée comme étant très petite comparée à la
largeur observée, une raie peut donc être découpée en différents éléments spectraux
correspondant chacun à un décalage Doppler et donc à une zone d’iso-vitesse radiale. Cette
conversion entre longueurs d’onde et vitesses permet une étude cinématique encore plus fine
et un début d’étude morphologique. Un bon exemple de l’utilisation de cette correspondance
est la détection de surdensités en rotation dans l’enveloppe. La mesure de la variation
périodique du rapport V/R de certaines étoiles Be à pu permettre d’envisager la précession
d’ondes de densité dans leur enveloppe circumstellaire hypothèse qui à été plus tard vérifiée
par interférométrie différentielle.
La binarité de certaines étoiles Be peut elle aussi être détectée grâce à la spectroscopie. La
mesure des décalages globaux des raies dus aux mouvements de l’étoile Be par rapport au
centre de masse permet de mettre en évidence la binarité de l’objet, on parle alors de binaire
spectroscopique. Une autre méthode plus indirecte est la détection d’un phénomène
apparemment liée à la binarité des étoiles Be : l’émission X. Cette méthode est controversée
car il existe encore des incertitudes sur son origine (possibilité de chocs dans le plan
équatorial comme dans le modèle WCD)
21
2 Interférométrie
2.1 Principes
Le pouvoir de résolution théorique des télescopes est limité par la diffraction de la lumière.
Dans le cas d’une pupille circulaire de diamètre D, la taille caractéristique de la tache de
diffraction ( tache d’Airy) est donnée par 1,22λ/D. Il faut rajouter à cela le problème de la
turbulence atmosphérique et la perte de résolution angulaire qu’elle entraîne. Les fronts ainsi
déformés sur des ouvertures supérieures au paramètre de Fried (de l’ordre de 10 cm dans le
visible) interfèrent aléatoirement au foyer du télescope et forment la fameuse figure de
speckles qui a longtemps interdit l’observation à haute résolution angulaire (méthode de
Labeyrie et dérivées mises à part). L’optique adaptative qui permet de compenser les
dégradations des fronts d’onde en déformant un miroir placé sur le trajet optique permet à
présent de s’approcher de la résolution théorique des grands instruments.
Revenons donc à ce problème. Pour pouvoir observer des détails de plus en plus petits il a
fallu construire des télescopes de plus en plus grands. La taille actuelle des plus grands
télescopes est de l’ordre de dix mètres. Leur construction a posé de nombreux problèmes
d’ingénierie (polissage du miroir, contraintes et déformations, optiques actives et adaptatives
…) et la construction future d’hypertélescopes (ELT de plus de 100m) n’est encore qu’à l’état
de projets. La taille des détails observables par les instruments actuels dans le visible (0,5µm)
est de l’ordre du centième d’arcseconde ce qui correspond pour une étoile à 100 parsecs à une
résolution spatiale de l’ordre de la centaine de diamètres solaires. Si on augmente la longueur
d’onde la résolution spatiale va encore diminuer.
L’interférométrie permet d’obtenir des résolutions spatiales élevées avec des télescopes de
taille modestes. Son principe est basé sur l’expérience des trous d’Young qui sont représentés
dans notre cas par deux pupilles de diamètre D séparées par une distance B. La tache de
diffraction obtenue, de la taille 1,22λ/D se retrouve frangées. La période de ces franges ou
interfrange est donnée par λ/B. L’information sur l’objet est contenue dans le contraste des
franges. Le théorème de Van Citer-Zernike permet de le relier au module de la transformée de
Fourier au point λ/B ( où B est un vecteur). La phase de la TF peut être déduite de la position
des franges. Il est donc possible d’observer jusqu’à une résolution de l’ordre de λ/B. On
retrouve ainsi la résolution spatiale théorique qu’aurait un télescope de diamètre B.
Il ne faut pourtant pas croire que l’interférométrie remplace totalement l’observation au foyer
d’un télescope monolithique. En effet l’information obtenue ne concerne que la fréquence
spatiale λ/B et pour pouvoir reconstruire une image il faut connaître la TF en tout point du
plan. Il faut ainsi utiliser de nombreuses bases dans de nombreuses directions pour
reconstruire tout le plan de Fourier. La rotation de la Terre qui fait varier la longueur et la
direction de la base projetée permet d’obtenir rapidement plus de points dans l’espace de
Fourier : c’est l’effet de super synthèse.
De plus l’information obtenue n’est souvent que partielle et concerne le module de la TF.
L’enregistrement de la phase est plus délicate et nécessite au moins trois télescopes (clôture
de phase).
Une dernière limitation concerne le flux reçu par l’interféromètre qui est incontestablement
inférieur à celui d’un télescope monolithique de même résolution.
22
2.2 Interférométrie classique
On ne mesure ici que le contraste des franges appelé module de la visibilité. On peut le
mesurer en fonction de plusieurs paramètres. Les plus courants sont la longueur de la base
projetée, son orientation, ou la longueur d’onde. L’interférométrie permet alors de déduire des
extensions et des géométries à partir de mesures de visibilité (figure 15).
L’application de cette technique aux étoiles Be a permis la mesure de l’extension de
nombreuses enveloppes. Les résultats obtenus ont montré une évolution de la taille de
l’enveloppe en fonction de la longueur d’onde et une différence entre les extensions dans les
raies d’émission et dans le continu voisin (voir chapitre I).
En mesurant la visibilité suivant différentes orientations l’aplatissement de l’enveloppe à
aussi pu être mesuré.
Figure 15 : Visibilité théorique pour un disque uniforme de diamètre 10 mas à 0,6 micron
Mesure de visibilité pour l’enveloppe aplatie de γ Cas
Carte de brillance de ξ Tau déduite d’observations interférométriques
2.3 Interférométrie différentielle
Le principe de l’interférométrie différentielle est l’observation simultanée d’un objet à
différentes longueurs d’ondes dans une même raie (ou dans le continu pour les objets
chromatiques). La position des franges est reliée à la position du photocentre de l’objet. Or la
position de ce photocentre dépend, dans une raie, des champs de vitesse via l’effet Doppler.
L’étude du déplacement de ce photocentre en fonction de la longueur d’onde permet donc de
remonter à de nombreuses caractéristiques morphologiques et cinématiques du milieu. De
plus elle permet d’atteindre des résolutions angulaires supérieures à la limite de résolution de
l’interféromètre.
Dans l’étude des étoiles Be l’interférométrie différentielle permet de préciser la morphologie
et la cinématique de l’enveloppe.
Cette technique a, par exemple, permis de découvrir la présence d’ondes de densité (que
l’étude spectroscopique ne pouvait que supposer) en précession dans l’enveloppe de certaines
étoiles Be.
On pense aussi que l’interférométrie différentielle sera centrale dans la détermination du type
de rotation de l’enveloppe (képlérienne ou autre)
La figure 16 présente une illustration de l’interférométrie différentielle.
23
Figure 16 : Illustration de l’interférométrique différentielle : frange étalée en longueur d’onde et extraction du
module et de la phase des franges en fonction de λ
2.4 Apport du VLTI
De nombreux interféromètres on été construits depuis le milieu des années soixante-dix (I2T,
GI2T, ISI, IOTA, NPOI …). Ils ont permis de réaliser des avancées importantes dans la
connaissance de la physique stellaire y compris dans l’étude des étoiles Be. De nouvelles
contraintes sur les modèles ont ainsi pu être apportées (forme, extension de l’enveloppe,
zones d’émission des raies..). On peut se demander alors ce qu’apportera de plus le VLTI à
l’étude de ce phénomène? Les principales améliorations viendront de la taille des collecteurs,
du seeing, de la longueur et de la variété des bases possibles, et bien sur de la précision des
instruments utilisés à son foyer.
A terme le VLTI sera composé de quatre télescopes fixes de 8,2 mètres de diamètre (UT) et
de quatre télescopes mobiles de 1,6 mètres (AT). Les UT sont disposés de manière à éviter les
redondances dans la mesure des points du plan de Fourier. Les AT peuvent être placés sur
différents plots (figure 17). Les bases utilisées varient entre quelques mètres et plus de 200
mètres et permettent une très bonne couverture du plan de Fourier (32). Un exemple de
couverture du plan UV est présenté figure 18.
La grande taille des collecteurs permettra d’observer des objets beaucoup plus faibles que
ceux observés jusqu'à présent et la qualité du seeing (de l’angle d’isoplanétisme et du
paramètre de Fried ) facilitera l’utilisation de l’optique adaptative.
Figure 17 : Position des télescopes du VLTI : UT 1 à 4 en gris, positions possibles pour les AT en rose (32)
24
Figure 18 : Exemple de couverture du plan UV réalisé avec le logiciel de préparation d’observation ASPRO.
Configuration avec 2 télescopes principaux UT1 et UT3 , observation d’α Ara le 16 juin 2003 pendant 6 heures
Le VLTI est déjà équipé de l’instrument MIDI (32) fonctionnant dans le moyen infrarouge
(entre 8 et 26 µm). Il utilise deux télescopes (UT ou AT) et permet donc d’obtenir des
informations sur le module de la visibilité (contraste des franges) ainsi que sur la phase
différentielle (faible résolution spectrale) pour des objets chromatiques. Cette mesure peut
être effectuée pour chaque bande spectrale. On peut donc obtenir des courbes de visibilité en
fonction de la longueur d’onde. La résolution angulaire maximale (B=200m) à 10 µm est
environ de 13 mas. Dans le cadre du « Science Demonstration Time » (SDT) MIDI a été
utilisé pour observer l’étoile Be α Ara. L’exploitation de ces données qui est un des objectifs
de mon stage est présentée au chapitre IV.
Actuellement en cours de test, l’instrument AMBER (32) vient d’être installé au foyer du
VLTI. Son domaine de fonctionnement est le proche infrarouge (entre 1 et 2.5µm). Cet
instrument permettra de combiner trois faisceaux et pourra donc fonctionner en mode
« clôture de phase ». La magnitude limite de fonctionnement devrait atteindre 20 (en bande
K) et la résolution spectrale 10000. Pour la base de 200m une résolution angulaire de 2.5 mas
peut être atteinte à 2 µm. Cet instrument spécialement conçu pour observer les enveloppes
stellaires et les jets de matière sera certainement un élément clé dans l’observation future des
étoiles Be (des programmes d’observation sont déjà retenus dans le cadre du temps garantie
d’AMBER). Sa capacité à fonctionner à très faible magnitude permettra d’envisager l’étude
de nombreux objets comme les Be des nuages de Magellan par exemple. Sa résolution
spectrale et son mode d’étalement des franges en fonction de la longueur d’onde (X-Lambda)
permettront une étude cinématique très fine des enveloppes. La bande spectrale d’utilisation
permettra entre autres l’observation des raies Pashen β et Brackett γ que l’on peut modéliser à
l’aide du code SIMECA que je vais vous présenter dans le chapitre suivant.
25
III Le Code SIMECA
1 Présentation
L’étude des étoiles Be ne peut se faire analytiquement tant les phénomènes présents sont
complexes et violents (donc souvent non linéaires). Il est donc nécessaire d’utiliser des
modèles numériques.
Depuis trente ans de nombreux modèles empiriques ont été développés (Poeckert et
Marlborough 1978 (33), Waters et al. 1986 (34)). Les paramètres physiques ont pu être
ajustés aux observations avec un certain succès mais sans pour autant intégrer l’ensemble des
phénomènes. Un pas important a été franchi avec le développement de modèles physiques
dans lesquels les distributions de densité, de température et les champs de vitesses sont
obtenus à partir de la résolution des équations régissant ces phénomènes et non pas
simplement de manière ad-hoc. De plus, la plupart des modèles empiriques se limitaient à
l’utilisation d’un seul type observables (un profil de raie, ou la distribution spectrale
d’énergie) pour contraindre les nombreux paramètres libres utilisés.
Il était nécessaire de réaliser un modèle permettant de reproduire des observables variés tout
en utilisant une approche plus physique. C’est l’objectif du code SIMECA (SIMulation
d’Etoiles Chaudes Actives).
Le point de départ a été la mise en place d’un modèle hydrodynamique de vent radiatif par
F.X Araùjo (35)(36). Ce modèle permet de calculer les distributions de densité, de
température et les vitesses radiales et azimutales dans l’enveloppe. Il sera développé dans la
deuxième par partie de ce chapitre.
La suite du travail à été réalisée par Philippe Stee lors de sa thèse et améliorée par Jamal
Bittar durant la sienne. L’objectif étant, à partir des distributions de densité, de température et
des champs de vitesses, d’obtenir des observables directement comparables aux différents
types de mesures photométriques, spectroscopiques et interférométriques.
Il a donc fallu dans un premier temps calculer l’équilibre statistique des niveaux d’énergie des
atomes d’hydrogène dans l’enveloppe. Ce travail est expliqué dans la troisième partie du
chapitre. Le transfert de rayonnement dans l’enveloppe et le calcul des différentes observables
sont détaillés dans les parties quatre et cinq; un exemple est présenté dans la sixième partie.
La dernière partie de ce chapitre est consacrée aux limitations de SIMECA qui résultent du
choix des phénomènes pris en compte, de la symétrie utilisée et des approximations
introduites. Elle présente aussi les améliorations effectuées dans le cadre de mon stage et celle
envisagées dans celui d’un travail de thèse possible.
26
2 Hydrodynamique
L’objectif de ce modèle hydrodynamique est l’obtention des distributions de densité, de
température et les champs de vitesse dans l’enveloppe circumstellaire.
Partons de l’équation de continuité :
∂ρ → r
+∇(ρv )=0
∂t
Le modèle est stationnaire et possède une symétrie par rapport à l’axe de rotation de l’étoile.
La circulation de matière entre les pôles et l’équateur est supposée nulle pour permettre
l’obtention d’une solution plus simple. On utilise les coordonnées sphériques avec l’axe de
rotation de l’étoile comme axe z. La vitesse est donc supposée être de la forme :
r
v = v r ( r ,θ ) rˆ + vΦ ( r ,θ ) Φˆ
L’équation de continuité peut donc s’intégrer directement sous la forme :
Φ (θ ) = r ²ρ vr
Où Φ est le flux de masse. La connaissance du champs de vitesse radial permettra de déduire
le champs de densité à partir de cette équation.
L’équation de conservation de l’énergie n’est pas introduite compte tenu du manque
d’information sur les processus de chauffage et de refroidissement dans l’enveloppe. On
suppose par contre que la température peut s’écrire sous la forme
T ( r ,θ ) = t1 ( θ ). t 2 ( r )
L’équation de conservation de la quantité de mouvement s’écrit :
r
r→ r
r r
→
ρ ∂v +(v .∇)v +∇ P+ F + f =0
 ∂t

f est la force de viscosité , F la force extérieure totale par unité de volume (gravité effective)
et P la pression du gaz déduite de l’équation d’état des gaz parfaits.
En projetant cette équation sur les trois axes en coordonnées sphériques on obtient :
v2
vr ∂vr − Φ + 1 ∂P + F =0
∂r r ρ ∂r ρ
−vΦ2 cotθ + 1 ∂P =0
ρ ∂θ
vr ∂vΦ + vr vΦ = f
∂r
r
Comme la force de viscosité est inconnue on applique une solution pour la vitesse azimutale
de la forme :
( )
GM ( 1− Γ ) 
vΦ ( r ,θ ) = χ 
 sin θ . R
R
r


1/ 2
27
β2
avec Γ= σ e L
4πGMc
G est la constante de la gravitation, M,R et L la masse, le rayon et la luminosité de l’étoile, χ
le rapport entre la vitesse de rotation de l’étoile et sa vitesse critique, Γ le rapport entre
l’accélération radiative due à la diffusion électronique et l’accélération gravitationnelle. σe est
la section efficace de diffusion électronique par unité de masse. β2 est le paramètre relié à la
viscosité (β2 =1 conservation du moment angulaire et β2 =-1 rotation solide ).
En combinant la composante suivant θ de l’équation de conservation de la quantité de
mouvement avec la forme choisie pour vΦ on obtient une contrainte sur la distribution de
température :
2β 2
T(r,θ)=t1(θ). R
r
()
Ce résultat ne doit pas être sous estimé : il relie la forme de la distribution de température à la
viscosité. Ainsi une enveloppe isotherme qui implique β2 = 0, ne peut physiquement pas
conserver le moment angulaire (β2 = 1 ) . On supposera par la suite que la température est
indépendante de θ ( t1=1).
Intéressons nous maintenant à la partie radiale de l’équation de conservation de la quantité de
mouvement. Une première remarque est l’absence de force de viscosité dans cette direction.
La force extérieure est la somme de trois termes. A l’accélération gravitationnelle qui attire la
matière vers le centre de l’étoile il faut soustraire la pression de radiation dans le continu
(diffusion des électrons). On utilise le rapport Γ introduit plus haut. Il faut aussi soustraire la
force radiative dans les raies que l’on note F’. On obtient donc :
F = GM ( 1− Γ ) − F '
r²
ρ
ρ
Trouver l’expression de F’ est une tache délicate tant le nombre de raies à prendre en compte
est important (plus de 100000). Il faudrait calculer l’équilibre statistique pour toutes les
espèces chimiques présentes dans le milieu. Ce problème trop complexe pour être résolu
brutalement peut être simplifié par l’utilisation de l’approximation de Sobolev qui sera
présentée dans la partie suivante. En considérant aussi le taux d’ionisation constant dans
l’enveloppe (variation de l’ordre de 5% sur 100 rayons stellaires) la force radiative peut se
mettre sous la forme :
(
F' = σ e L kt −α g r,vr, dvr
ρ 4πcr²
dr
)
avec t =
σ e ρvth
∂vr
∂r
(profondeur optique de Sobolev)
vth est la vitesse thermique des ions dans le milieu.
g est une fonction connue tenant compte de la dimension finie de l’étoile.
Les paramètres α et k, étant respectivement le nombre de raies optiquement minces, et le
nombre total de raies produisant le vent, doivent dépendre de la latitude stellaire pour prendre
en compte l’effet Von-Zeipel. Une variation de la force radiative en fonction de la latitude est
introduite dans ce modèle appelé bi-stabilité (37). On utilise donc un développement en
harmoniques sphériques au premier ordre :
α(θ)=α p +(α e +α p)sinθ
k(θ)=k p +(ke +k p)sinθ
Les indices e et p désignent les valeurs à l’équateur et au pôle .
28
L’introduction de toutes ces hypothèses permet d’obtenir l’équation gouvernant la vitesse
radiale dans l’enveloppe :
βα
r
α
2β
2β 2 −1
2β 2 +1 C
GM
(
1
−
Γ
)
vr − a² R  dvr +
1− χ²sin ²θ R
 =2 a² (1+ β) R
R + r²vr dvr g r,vr , dvr
+
 vr r  dr

 R
r²
r
r
r²
dr
dr
()
Où C =
()
()
() (
)(
)
ΓGMk
(σ evthΦ(θ))α
La résolution numérique de cette équation qui suit la méthode standard CAK (Castor Abott et
Klein) permet de déterminer la distribution de vitesse radiale dans l’enveloppe.
Le code SIMECA utilise les solutions exacte de cette équation au pôle, et des fonctions
analytiques extrapolées afin d’obtenir une solution en chaque point de l’enveloppe.
On peut donc obtenir grâce à cette méthode les distributions de vitesse (ses deux
composantes), de température et de densité dans l’enveloppe.
Il est donc nécessaire de connaître les conditions aux limites du problème :
- la vitesse terminales (à l’infini) au niveau du pole et de l’équateur notés
respectivement V∞ (pôle) et V∞(eq).
- Le flux de masse au pole et son rapport avec le flux de masse à l’équateur notés
respectivement Φpôle et C1.
- Les paramètres de l’étoile : rayon, masse, densité photosphérique(ρ0), vitesse de
rotation.
Deux paramètres libres m1 et m2 sont introduits pour rendre compte de la loi de variation entre
le pole et l’équateur pour la vitesse d’expansion et pour le flux de masse. Un paramètre fixe
γ=0.86 est déduit du modèle hydrodynamique. De plus le paramètre β2, lié à la viscosité, est
fixé à 0.25 (rotation Képlérienne).
On obtient finalement les équations suivantes qui régissent les distributions de densité, de
vitesses et de température dans l’enveloppe :
ρ(r,θ)=
Φ pôle
(Rr ) v (r,0)
2
r
vr (r,θ)=
( )
Φ pôle[1+(C1 −1)sin m1θ] 
Φ pôle[1+(C1 −1)sin m1 θ]  R∗
+ V∞(pôle)+(V∞(eq)−V∞(pole))sin m2 θ −
 1− r
ρ0
ρ0


 GM( 1 − Γ) 
v Φ (r, θr = χ 

R


()
T(r)= R
r
1/ 2
R
sin θ. 
 r 
γ
2 β2
2β 2
Le gradient de vitesse est aussi calculé en chaque point de l’enveloppe afin de pouvoir
résoudre l’équation d’équilibre statistique dans l’approximation de Sobolev.
29
3 Equilibre statistique
Afin d’obtenir des observables directement comparables aux mesures obtenues il convient de
résoudre le transfert de rayonnement dans l’enveloppe. Il est par conséquent indispensable de
connaître la population des niveaux de l’atome d’hydrogène en chaque point du milieu.
L’enveloppe n’étant pas en équilibre thermodynamique local, la luminosité de l’étoile est
trop importante et la densité trop faible pour permettre à cet équilibre de s’instaurer, il est
nécessaire de résoudre l’équation d’équilibre statistique.
Sobolev a montré à la fin des années cinquante que lorsqu’un milieu possède un gradient de
vitesse important l’équation d’équilibre statistique peut être grandement simplifiée et se
ramène à un système d’équations algébriques non-linéaire (38). En effet cette approximation
est possible car un photon émis dans l’enveloppe voit sa longueur d’onde modifiée par effet
Doppler durant son libre parcourt moyen et ne peut plus être réabsorbé par le milieu. Le seul
point délicat est le calcul de la probabilité d’échappement des photons en chaque point de
l’enveloppe.
Introduisons donc l’équation d’équilibre statistique dans l’approximation de Sobolev :
 i −1
 ∞
ni ∑ Aik β ki + Bic ρic = ∑nk Aki βik + ne2Ci(Te)
 k =1
 k =i +1
ni est le nombre d’atomes dans l’état i et ne le nombre d’électrons libres par unité de volume.
Bic, Aik, et Ci sont les coefficients d’absorption, d’émission spontané et de recombinaison.
ρic est la densité de rayonnement au delà de la ième série. Elle dépend du rayonnement de
l’étoile, de la distance entre la photosphère et le point considéré, et de l’absorption du milieu.
La probabilité d’échappement introduite par l’approximation de Sobolev est βki . Elle peut
être calculée par la formule suivante :
β ik = 1
4π
−1

0

β
ik
0 1− e
β
ik

∫ 






avec βik0 = 1 dv 1
2u ds αik
u est la vitesse thermique moyenne des atomes, dv/ds le gradient de vitesse le long de la ligne
de visée . αik est le coefficient d’absorption dans la raie considérée qui s’écrit :
hυik
αik = ni Bik 1−
c∆υik  g k ni 
gi nk
Le code SIMECA limite le nombre de niveaux de l’atome d’hydrogène à sept plus le continu.
La résolution du système d’équation est effectuée par itération jusqu’à convergence. Pour la
première itération on fixe les populations à l’ETL en utilisant les équations de MaxwellBoltzmann et de Saha. On recalcule n1 à partir des populations des autres niveaux et de
l’équation statistique, puis n2, … n7 et on réitère jusqu’à convergence des valeurs des ni . Si
les populations ne convergent pas, on utilise alors les valeurs à l’ETL.
30
4 Transfert de rayonnement
Le dernier travail restant à réaliser est le calcul des observables, c’est à dire l’obtention de la
distribution spectrale d’énergie, des profils de raies et des cartes de brillance dans les raies et
dans le continu. Pour se faire, il est nécessaire de résoudre l’équation de transfert de
rayonnement dans l’enveloppe circumstellaire. Cette équation est donnée par :
dI υ
= −κ υ I υ + ε υ
dz
Où κν et εν sont respectivement l’opacité et l’émissivité du milieu et où τ représente la
profondeur optique (dτ = κ.dz).
On se place dans un repère cartésien centré sur l’étoile avec l’axe Oz comme axe de rotation
de l’étoile. La forme générale de la solution de cette équation est :
+∞
Iυ ( x , y ) =
∫ κ υ dz '
+∞
∫ ε υ .e
z
dz
−∞
Supposons que le profil de raie soit rectangulaire, centré en ν0 et de largeur ∆ν0= ν0.u/c
(élargissement Doppler du à l’agitation thermique de vitesse moyenne u). La matière étant en
mouvement macroscopique un décalage Doppler intervient aussi. Le rayonnement reçu à la
fréquence ν0 ne peut provenir que de zones dont la vitesse par rapport à l’axe z est inférieure à
une vitesse provoquant un décalage Doppler supérieur à la largeur de la raie. Le gradient de
vitesse selon z étant monotone le rayonnement reçu à cette fréquence ne provient que d’une
zone comprise entre deux points z1 et z2 (proche car le gradient de vitesse est important).
Notons Vz la vitesse projetée dans la direction z . On obtient donc :
(z1 − z2)≈ u
∂Vz
∂z
En considérant κν et εν constant entre z1 et z2 on peut intégrer totalement l’équation sur Iν :
 −κ υ

Iυ (x, y)= ευ 1−e
κυ 

2u
∂vz
∂z





Si la raie est formée par la transition entre deux niveaux i et k alors :
υ=
Ek −Ei
,
h
ε ik = nk Aki hυik
4π∆υik
et
κik = ni Bik hυik 1− nk 
∆υik c  gk ni 
gi
et on obtient donc une expression de Iik(x,y) dans l’approximation de Sobolev :
2hν
I ik ( x, y ) =
c²
3
ik
−κυ


1
1 − e
g k ni
− 1 

g i nk
31
2u
∂vz
∂z






5 Calcul des observables
La distribution spectrale d’énergie de l’étoile est assimilée à un corps noir (fonction de
Planck). Pour l’enveloppe circumstellaire l’émission est issue des rayonnements libre-libre et
libre-lié. La somme de ces contributions donne la distribution spectrale d’énergie totale
(SED).
Pour le calcul des profils raies il faut déterminer les zones d’isovitesse dans la direction de
visée en projetant les vitesses radiale et azimutale sur l’axe de visée ( inclinaison i entre l’axe
de rotation et l’observateur). Ces zones correspondent à un décalage de fréquence dans la raie
lié à l’effet Doppler. En intégrant sur chaque zone l’intensité du rayonnement on obtient le
profil de raie de l’enveloppe. On normalise le profil par la valeur du continu obtenu lors du
calcul du flux.
Le calcul des cartes dans une raie est très proche de celui du profil de raie. On détermine la
zone d’isovitesse dans la direction de la ligne de visée . La bande passante correspond via
l’effet Doppler à la largeur de la zone étudiée. L’intégration de l’intensité ne se fait par contre
que suivant l’axe de visée (Oz). On obtient ainsi la valeur de l’intensité du rayonnement pour
chaque position dans le plan du ciel (x,y).
Pour les cartes dans le continu le calcul s’effectue de la même façon mais en utilisant comme
expression pour l’intensité en chaque point de l’enveloppe les rayonnements libre-libre et
libre-lié. L’opacité est ici calculée en tenant compte de l’émission libre-libre et de la diffusion
électronique. Les processus lié-libre ne sont pas pris en compte dans le modèle.
6 Exemple : Application du code SIMECA à γ Cas
Le profil des raies Hα( transition entre les niveaux 2 et 3), Hβ ( 2 et 4) et Brackett γ (4 et 7)
obtenus pour γ Cas sont présentés dans la figure 19
Figure 19 : profils des raies Hα, Hβ, et Brackett γ simulées avec SIMECA pour l’étoile γ Cas
La figure 20 présente la courbe de densité spectrale d’énergie obtenue par ce modèle en
séparant contribution de l’étoile de celle de l’enveloppe.
32
Figure 20 : densité spectrale d’énergie simulée avec SIMECA pour γ Cas
Les cartes de brillance dans les trois raies citées plus hauts et dans le continu voisin sont
représentées dans la figure 21.
Figure 21 : Cartes de brillance et visibilités correspondantes dans les raies et dans le continu voisin simulées
avec SIMECA pour γ Cas
On peut, à partir de ces cartes, obtenir les courbes de visibilité en fonction de la longueur de la
base ou de son orientation et les comparer aux courbes expérimentales. On utilise pour cela
des routines PV-WAVE calculant les TF des objets et effectuant des coupes radiales ou
polaires. Le logiciel ASPRO actuellement en développement peut aussi être utilisé. J’ai
d’ailleurs permis, en relation avec Gilles Duvert de l’observatoire de Grenoble, de débuguer la
partie « home made model » d’ASPRO (39).
La figure 22 montre une étude à très faible bande passante effectuée sur une raie. Une étude
différentielle peut ainsi être effectuée en calculant, à partir de ces cartes, la visibilité et la
phase des franges en fonction de la longueur d’onde dans la raie figure 23.
Figure 22 : Cartes de brillance à bande spectrale faible simulée avec SIMECA pour γ Cas
Figure 23 : Visibilité et phases correspondant aux cartes de la figure 18 (superposé aux valeurs réelles)
33
7 Intérêts et limitations du modèle
Le code SIMECA a permis la modélisation de plusieurs étoiles Be avec succès, la plus connue
étant γ Cas, étoile pour laquelle le code avait été développé à l’origine.
Outre l’aspect direct de modélisation d’une étoile, des études sur la variation des observables
en fonction des différents paramètres physiques et libres ont été effectuées et permettent
d’interpréter les observations d’étoiles Be plus rapidement et plus efficacement.
SIMECA a aussi été utile pour contraindre quantitativement les différents paramètres
fondamentaux de l’étoile et de son enveloppe ( vitesse terminale, vitesse de rotation, densité à
la base de la photosphère, masse de l’étoile, masse du disque …)
Comme tout modèle, SIMECA possède des limitations. Elles sont principalement dues à la
stationnarité et à la symétrie du modèle. En effet les Be étant variables dans le temps sur des
échelles allant de la minute à plusieurs décennies, il est évident qu’un certain nombre de
problèmes ne peuvent être abordés directement par SIMECA. Il est évident aussi que la
symétrie axiale du modèle hydrodynamique ne peut permettre de rendre compte de la richesse
des phénomènes présents dans l’enveloppe.
Néanmoins il à été possible d’utiliser SIMECA dans la modélisation du mouvement de
précession d’une onde de densité dans l’enveloppe de γ Cas en considérant que le modèle
décrit l’étoile à un instant t (25) . L’évolution temporelle est alors donnée par une succession
de modèles stationnaires à condition que les temps caractéristiques considérés restent
compatibles. Un positionnement de la surdensité a pu être effectué en comparant les
observations et les courbes théoriques obtenues avec le modèle.
J’étudie actuellement la variation des observables lors de la dissipation du disque ( voir
chapitre V ) et le rajout dans le code hydrodynamique de certaines conditions me permet
d’étudier ce phénomène qui n’est pourtant par stationnaire.
Pour pousser plus loin les études de non stationnarité et de non homogénéité du disque il
faudra développer un nouveau modèle hydrodynamique dépendant du temps et sans symétrie
axiale.
Une autre limitation du code SIMECA actuel est la prise en compte uniquement des raies Hα,
Hβ et Brackett γ . J’ai rajouté la raie Pashen β et je travail actuellement avec un ingénieur
informaticien sur une version qui permettrait de calculer les raies pour toutes les transitions
entre les niveaux d’énergie 1 à 7 de l’atome d’hydrogène car de nombreuses raies (Pashen
α,β,γ, Hδ …) peuvent être étudiées avec les instruments actuels (AMBER) .
La limitation du nombre de niveaux pose aussi des problèmes lorsqu’on étudie l’émission à
grandes longueur d’onde provenant de transitions non prises en compte. Ce point sera abordé
dans la partie IV.2.2
La dernière limitation majeure du code vient de l’approximation de Sobolev : loin de l’étoile
les gradients de vitesse deviennent faibles et cette approximation ne devrait donc plus être
utilisée.
34
IV Modélisation de l’étoile α Ara
Un des aspects importants de mon stage a été la modélisation de l’enveloppe de l’étoile α Ara
avec pour objectif la publication d’un article sur cet objet.
Cette étoile a été observée pendant deux nuits durant la période de test (Science
Demonstration Time) de l’instrument MIDI, et, à l’origine, mon travail de modélisation devait
utiliser essentiellement ces données. Mais d’autres types de données, principalement
spectroscopiques, ont été nécessaires pour pouvoir ajuster les paramètres de SIMECA.
Ce chapitre présente les observations utilisées, les modifications effectuées dans le code
SIMECA, la méthode d’ajustement des paramètres utilisée, les résultats obtenus et le modèle
déduit pour cette étoile.
Mais commençons par présenter cette étoile.
α Ara est l’étoile la plus brillante de la constellation Ara, visible dans l’hémisphère Sud. Sa
magnitude atteint 2.8 dans le visible (bande V) et 3.8 en bande K(40). Sa classe spectrale est
B3Vne (B2 pour certains auteurs), elle se classe donc parmi les étoiles de la séquence
principale. Sa température effective avoisine les 18000K, son rayon et sa masse déduits de
relations photométriques sont respectivement 4.8 rayons solaires et 9.6 masses solaires (41).
Le Vsin i mesuré varie selon les auteurs entre 220 km/s et 300 km/s.
Figure 24 : Location de l’étoile α Ara
35
1 Observations
1.1 (Chili)
L’observation d’α Ara a été conduite durant les nuits du 16 et 17 juin 2003 en utilisant deux
des télescopes principaux du VLTI . La base choisie a été UT1-UT3 .
Lors de la nuit du 16 juin la base projetée sur le plan du ciel avait une longueur de 102 mètres
et une inclinaison par rapport au nord de 7 degrés. Le 17 juin la projection donnait une base
de 79 mètres et une orientation de 55 degrés
Les données ont été réduites par Olivier Chesneau actuellement en « Post-Doc » au Max
Planck Institute. Des courbes de visibilité en fonction de la longueur d’onde (8µm<λ<13.5µm)
et la densité spectrale d’énergie (SED) dans la même bande spectrale ont été obtenues.
La figure 25 présente les deux courbes de visibilité obtenues respectivement pour le 16 et le
17 juin 2003.
Figure 25 : Visibilités en fonction de la longueur d’onde obtenues le 16 et 17 juin 2003 avec le VLTI (base
UT1-UT3)
Le milieu circumstellaire de notre étoile étant supposé de forme ellipsoïdale, il est
indispensable de déterminer l’orientation des bases d’observation par rapport aux axes
propres de l’enveloppe. Un moyen de déterminer la position de son demi-grand axe dans le
plan du ciel est l’utilisation de la polarisation. En effet l’excès de polarisation des étoiles Be
qui est du comme nous l’avons vu précédemment à l’aplatissement de l’enveloppe est orienté
à 70 degrés du demi grand axe si l’enveloppe est suffisamment dense (42) .
L’angle de polarisation d’α Ara est de 172 degrés . Le demi grand axe de l’enveloppe doit
donc être incliné de 102 degrés par rapport au nord. Les bases projetées utilisées lors des nuits
du 16 et 17 juin ont donc dans le système d’axe propre de l’ellipse une orientation respective
de 47 et 96 degrés ( par rapport au demi grand axe). La figure 26 illustre la géométrie du
système.
N
E
P
17 juin
16 juin
Figure 26 : Orientation des bases projetées dans le plan de l’enveloppe d’ α Ara
36
La densité spectrale d’énergie dans la bande 8-13.5µm a été aussi mesurée lors des deux nuits
d’observation et une moyenne est présentée figure 27.
Figure 27 : Densité spectrale d’énergie mesurée les 16 et 17 juin 2003 par le VLTI pour l’étoile α Ara
1.2 ISO ( Infrared Space Observatory)
Une première vérification de la pertinence des observations MIDI peut être effectuée en
comparant la densité spectrale d’énergie enregistré avec le VLTI en juin 2003 avec celle
obtenue par le satellite ISO en 2001.
Des précautions doivent être prises pour effectuer cette comparaison car les étoiles Be sont
connues pour leur variabilité. Les variations de flux peuvent atteindre plusieurs pourcents et il
ne s’agit ici que de vérifier que le flux enregistré par MIDI est compatible avec celui mesuré
par ISO. La figure 28 illustre cette comparaison.
Figure 28 : Densité spectrale d’énergie mesurée par ISO (traits plein), et par MIDI (pointillés et barre d’erreurs)
De plus la bande spectrale du satellite ISO couvrant aussi le proche infrarouge ces mesures
nous permettront d’ajuster plus précisément les courbes de flux théorique obtenues avec
SIMECA .
37
1.3 Observatorio do Pico dos Dias (Brésil)
En août 2003 des spectres d’α Ara ont été réalisés au Brésil par A Domiciano de Souza Jr lors
de sa thèse. Une raie en émission à été détectée dans le spectre correspondant à la bande J2
(12283-12937 Å). Il est présenté figure 29.
Figure 29 : Spectre de l’étoile α Ara en bande J2 (partiellement réduit)
Nous avons identifié cette raie comme étant Paschen β (transition entre les niveaux 5 et 3 de
l’atome d’hydrogène). La réduction des données a été effectuée au LUAN par Slobodan
Jankov (figure 30).
Figure 30 : Raie Paschen β moyennée extraites des spectres de l’étoile α Ara en bande J2
38
1.4 La Silla (Chili)
L’utilisation d’un seul profil de raie dans notre modélisation ne permet pas de contraindre
simultanément tous les paramètres de l’étoile et de son enveloppe. Nous avons donc choisi
d’utiliser des profils Hα et Hβ obtenus à l’observatoire européen de La Silla au Chili. Ces
observations ont été réalisées à l’aide du spectrographe FEROS par Thomas Rivinius en avril
1999. Les profils obtenus sont présentés figure 31 .
Figure 31 : Raies Hα et Hβ obtenues à La Silla par Thomas Rivinius en avril 1999
Là encore, l’utilisation de ces raies pose, comme pour les données ISO, un problème de non
simultanéité. J’ai donc réalisé une recherche d’anciennes mesures de profils Hα afin d’étudier
la variation de la largeur équivalente de la raie Hα en fonction du temps (43)(44). J’ai ensuite
essayé de déterminer une période à ces variations (figure 32). Sept ans et demi me semblait
être une période adéquate car elle était du même ordre de grandeur que les périodes
observées pour ce type de variabilité. Malheureusement l’ajout dans mon graphique de la
largeur équivalente mesurée à partir du profil de Rivinius (26 Å)et en contradiction avec mes
prédictions (32 Å). Finalement, ces variations ne sont peut être pas périodiques mais pseudopériodiques avec échelle de temps caractéristique variant de 5 à 10 ans. Le manque de points
de mesure peut aussi cacher une période très courte de quelques mois pour ces variations.
Dans tous les cas une chose est certaine : les profils de Rivinius et le profil Paschen β ne
peuvent être ajusté simultanément dans la même simulation car ils ne reflètent certainement
pas les mêmes conditions physiques au sein de l’environnement circumstellaire d’α Ara. Je
reviendrait sur ce point dans mon paragraphe sur l’ajustement des données.
Figure 32 : Variations de la largeur équivalente du profil H . Ajustement d’une courbe de période 7.5 ans
En rouge point de mesure à partir du profil de Rivinius .
39
2 Problématique autour de l’ajustement des paramètres physiques
Ce chapitre à pour but de présenter mes réflexions sur l’approche de la modélisation d’α Ara,
les modifications nécessaires à apporter au code SIMECA dans ce but, ainsi que les méthodes
utilisées pour arriver à mes fins.
2.1 Non simultanéité des mesures
L’environnement circumstellaire d’α Ara étant variable comme nous l’avons vu dans la partie
précédente, il n’est pas physiquement acceptable d’utiliser toutes les observations dans une
seule simulation, représentant le système à un instant donné puisque le modèle est
stationnaire, sans ce soucier de la date à laquelle elles ont été effectuées. Si on suppose que la
pseudo-période de ces variations est de l’ordre de 5 à 10 ans, les mesures peuvent être
rassemblées en deux groupes bien distincts : celles d’avril 1999 avec les profils Hα et Hβ de
Thomas Rivinius, et celle de l’été 2003 avec le profil Paschen β d’Armando Domiciano et les
observations interférométriques MIDI. La comparaison entre les densités spectrales d’énergie
issue d’observations ISO (2001) et du VLTI (2003) ne montrant pas de variations notables, la
SED observée, considérée comme constante, sera utilisée pour comparaison dans toutes les
simulations.
L’enveloppe sera, en premier lieu, modélisée à partir des profils Hα et Hβ de 1999.
L’utilisation de deux profils contraint d’avantage le modèle que l’utilisation d’une raie et de
courbes de visibilité (surtout lorsque l’enveloppe n’est pas résolue).
A partir du meilleur ajustement de ces raies, et en admettant que la plupart des paramètres
physiques ne peuvent pas varier significativement (rayon de l’étoile, température effective…),
il restera à ajuster le profil Paschen β en considérant différentes hypothèses pour la variabilité
entre 1999 et 2003 ( densité, vitesse des vents, rayon externe de l’enveloppe …). Le dernier
point consistera à vérifier que la visibilité obtenue dans ces différents cas est bien en accord
avec les observations MIDI .
Dans tous ces modèles, la densité spectrale d’énergie doit bien évidemment rester en accord
avec les différentes observations.
2.2 Utilisation de SIMECA avec des données MIDI
Le code SIMECA a été développé à l’origine pour modéliser des étoiles Be à partir
d’observations dans le visible. Les raies utilisées étaient Hα et Hβ, et les données
interférométriques provenaient du GI2T. Son utilisation a été ensuite étendue au proche
infrarouge par Jamal Bittar pendant sa thèse ( rajout d’un septième niveau à l’atome
d’hydrogène pour calculer la raie Brackett) afin d’interpréter des mesures en bande J et K du
Keck Telescope. Le code SIMECA n’a jamais été utilisé pour l’interprétation de données
provenant d’instruments fonctionnant comme MIDI dans l’infrarouge moyen (8-13.5µm).
En comparant les densités spectrales d’énergie obtenues avec MIDI et ISO aux courbes
simulées par SIMECA il s’est avéré que le code surestimait l’excès infrarouge (figure 33a)
Pour résoudre ce problème il m’a fallu étudier plus en détail le calcul des densités spectrales
d’énergie dans SIMECA. On calcule le flux émis par l’étoile en la modélisant par un corps
noir. Le flux émis par l’enveloppe provient du rayonnement libre-libre et du rayonnement
libre-lié. On utilisait pour ce dernier un atome à 7 niveaux. L’énergie d’ionisation à partir du
septième niveau étant de 0.28eV, cela correspond à une longueur d’onde émission maximale
de 4.4µm. Le problème est donc qu’au delà de cette longueur d’onde, le code ne peut estimer
correctement l’émission libre-lié de l’enveloppe : soit il surestime l’émission en rendant
possible l’émission de photons à partir du septième niveau, soit il la sous estime en interdisant
toute émission.
40
Il a donc était nécessaire de rajouter des niveaux à l’atome d’hydrogène pour le calcul de
l’émission continue. J’ai donc tenu compte de l’énergie d’ionisation jusqu’au douzième
niveau (0.094eV) ce qui correspond à une longueur d’onde d’émission d’environ 13µm. Avec
ce changement il est désormais possible d’ajuster de manière plus convaincante la densité
spectrale d’énergie provenant de MIDI (figure 33b). Il reste néanmoins à tenir compte du
rayon de l‘étoile et de sa distance afin de convertir la SED issue de SIMECA dans les mêmes
unités que les mesures de MIDI. Ce sera le sujet d’un des paragraphes de la partie « 3.
Résultats » de ce chapitre.
Figure 33 : Ajustement de la densité spectrale d’énergie. Surestimation de excès infrarouge en a) et meilleur
estimation en b). la courbe en tirets représente le flux de l’étoile sans enveloppe.
41
2.3 Intensité relative des raies
Un des problèmes majeur que j’ai rencontré dans ce travail de modélisation a été la difficulté
à ajuster conjointement les profils des raies Hα et Hβ. Le code originel semblait incapable de
simuler la différence d’intensité observée entre ces deux raies. Puisque les deux raies avait été
enregistrées simultanément avec le même instrument il devait y avoir dans le code une erreur,
ou une approximation interdisant de telles différences. Il est vrai que le rapport entre
l’intensité maximale des deux raies est très important et que SIMECA n’a jamais été utilisé
dans de telles circonstances.
L’erreur devait provenir du peuplement des niveaux car c’est lui qui détermine l’émission
dans une raie. La forme de la raie n’étant pas en cause, la cinématique de l’enveloppe ne
pouvait être l’origine du problème.
Les populations des niveaux sont, calculées par méthode itérative en utilisant l’équation
d’équilibre statistique. Or une des conditions d’arrêt introduite pour prévenir des divergence
sur les populations proche de l’étoile ( jusqu’à 2 rayons stellaires) posait des problèmes loin
de l’étoile. Les populations calculées n’étaient pas physiquement acceptables et l’émission à
ces distances était surestimée.
Cette modification effectuée le problème de rapport d’intensité entre Hα et Hβ était presque
résolu. Il était néanmoins encore impossible d’obtenir une aussi grande différence d’intensité.
En étudiant l’émission dans les raies en fonction de la distance à l’étoile, j’ai trouvé la
solution à ce problème. Pour la raie Hβ, l’émission à une distance de 40 rayons stellaires
(limite actuelle de SIMECA) était quasiment nulle, du moins négligeable devant le reste de
l’émission. Il n’en était pas de même pour Hα. En effet, à cette distance, l’émission y était
encore suffisante pour avoir une incidence mesurable sur l’émission globale de la raie. Il
résultait de cette limite une sous-estimation de l’intensité de la raie Hα par rapport à la raie
Hβ, d’où l’impossibilité d’ajuster les profils simultanément. En étendant la zone de calcul à
100 rayons stellaires ce problème fut résolu. La contrainte apportée par cette modification est
le doublement du temps de calcul de chaque modèle.
2.4 La raie Paschen β
Avant de revenir à des aspects purement physiques il me faut présenter une autre modification
que j’ai dû apporter au code pour mener à bien cette étude : la réalisation d’une routine
permettant de modéliser de la raie Paschen β.
En effet, jusqu’à présent, le code SIMECA ne permettait que de modéliser les raies Hα
(transition entre les niveaux 4 et 3 de l’atome d’hydrogène), Hβ(4 et 2) et Brγ ( 7 et 4).
J’ai donc dû, en suivant les procédures déjà existantes pour les autres raies, développer une
routine pour simuler l’émission d’une transition entre les niveaux 5 et 3.
42
3. Résultats
3.1 Ajustement de la densité spectrale d’énergie
La densité spectrale d’énergie d’une étoile Be est composée de deux contributions principales.
L’étoile émet un rayonnement de type corps noir dont la température est appelée température
effective. L’émission de l’enveloppe suivant les différents mécanismes explicités plus hauts
est responsable de l’excès infrarouge et domine donc aux grandes longueurs d’onde. Pour des
valeurs de λ inférieures à quelques microns ( 3-4µm) le flux provenant de l’étoile domine
largement de telle sorte que la densité spectrale d’énergie ne dépend plus que des paramètres
physiques de l’étoile. Ces paramètres sont la température effective, le rayon de l’étoile ainsi
que la distance séparant l’étoile de l’observateur qui détermine le flux mesuré.
La densité spectrale d’énergie reçue sur Terre pour les longueurs d’ondes où l’étoile domine
le spectre est donc :
R *2 T eff4
fλ ∝
d2
Ces trois paramètres sont connus pour α Ara . L’étoile est de type B3Vne sa température
effective vaut 18000K, son rayon 4.8 Ro et la distance mesurée par le satellite Hipparcos est
de 74 parsecs. Comme le montre la figure 34, avec de tels paramètres, la courbe de densité
spectrale simulée par SIMECA ne se superpose pas aux observations ISO. Le flux observé est
deux fois plus faible que le flux théorique.
Après vérifications du code pour découvrir d’éventuelles erreurs, j’ai dû me résoudre à
l’évidence : l’erreur provenait d’un des trois paramètres cités plus haut.
Considérons chaque paramètre séparément.
Si l’erreur provient de la mesure de la température effective, sa valeur réelle doit être
d’environ 15000 K. Une erreur de 3000K sur ce type de mesure paraît peu probable. D’autant
plus que si erreur il y a, ce serait plutôt dans le sans inverse car certains auteurs donne à α Ara
une température effective de 20000K.
Examinons le cas d’une mauvaise mesure du rayon, plus probable au premier abord puisque
le rayon est calculé par des relations spectro-photométriques. Le rayon de l’étoile devrait être
de 3.3 rayons stellaires. Cette hypothèse à elle aussi était écartée car elle est peu
vraisemblable compte tenu de la classe spectrale de cette étoile.
Reste enfin le cas d’une mauvaise détermination de la distance de l’étoile. La distance d’ α
Ara serait alors de 105 parsecs et non pas 74 . Hipparcos peut commettre des erreurs de cet
ordre de grandeur sur la mesure des parallaxes de certaines étoiles. C’est le cas pour γ Vel
(45) et plus récemment pour l’amas des pléiades (46). La multiplicité des étoiles est la cause
principale de ce type d’erreur et nous verrons que des indices de binarité ont été découvert
pour α Ara. Enfin, un article récent (41) place l’étoile à 122 parsecs à partir des relations
d’indices de couleurs et de flux. Ces calculs semblent, d’après Thomas Rivinius, contenir
quelques erreurs et une distance d’une centaine de parsecs semble plus raisonnable.
Comme on peut le voir sur la figure 34 la SED d’α Ara est mieux ajustée aux courtes
longueurs d’ondes (quand l’étoile domine) si la distance est de 105 parsecs. Après correction
de la surestimation de l’excès infrarouge par SIMECA (cf 2.2) l’accord entre la SED
observée par MIDI et ISO et celle simulée est bien meilleur ( figure 33b) à cette distance.
43
Figure 34 : Densité spectrale d’énergie d’α Ara : mesurée par ISO et MIDI en trait plein, avec les paramètres
physiques de départ en pointillés ( 18000K,4.8Ro et 74pc), avec l’étoile à 105 pc en tirets.
3.2 Ajustement des profils de raies Hα
α et Hβ
β
400 modèles ont été nécessaires à l’ajustement des profils Hα et Hβ. Pour déterminer les
valeurs des paramètres inconnus, j’ai utilisé des valeurs dites «standards» pour ces quantités
dans mes premières simulations. Ma tâche principale a été de comprendre l’action de chaque
paramètre sur la morphologie des profils.
Deux groupes de paramètres se dégagent de ce travail : ceux qui contrôlent la quantité
d’énergie émise dans la raie et ceux qui agissent sur la répartition de cette énergie au
différentes longueurs d’onde dans la raie.
Les premiers sont liés au transfert de rayonnement dans l’enveloppe. Ce sont principalement
la densité photosphérique, le flux de masse au pôle et le rapport entre ce dernier et le flux à
l’équateur (C1). La densité joue aussi un rôle important dans le rapport entre les intensités des
différentes raie, mais c’est la taille de l’enveloppe qui est prédominante dans celui-ci .
Le second groupe est formé des paramètres cinématiques de l’enveloppe et de l’étoile. Leurs
actions sur la morphologie des profils sont dues à l’effet Doppler qui décale la longueur
d’onde d’émission d’une zone dans l’enveloppe en fonction de sa vitesse par rapport à
l’observateur. L’écartement des deux pics est contrôlé principalement par la vitesse de
rotation de l’étoile, ainsi que l’inclinaison et la vitesse d’expansion à l’équateur. L’inclinaison
agit aussi en partie sur la pente des ailes de la raie et sur la profondeur de l’absorption
centrale. Ces deux dernières caractéristiques sont aussi influencées par la vitesse d’expansion
au pôle et la puissance de la loi de variation de celle-ci entre le pôle et l’équateur.
Après quelques centaines de modèles j’ai enfin pu obtenir un ajustement satisfaisant, mais il
était important de calculer les incertitudes sur chaque paramètre. De nombreux autres
modèles ont donc été nécessaires.
Un problème est alors apparu. La densité photosphérique et le paramètre C1 semblent être liés
de telle sorte que la quantité ρphot.C1 est le véritable paramètre libre. En effet, faire varier ces
quantités sans faire varier leur produit ne modifie quasiment pas les observables créées par
44
SIMECA. Il en résulte un problème de détermination des valeurs de chacun des deux
paramètres. Il faudrait mesurer l’un des deux de manière indépendante. Le paramètre C1
représentant le rapport entre le flux de masse au pôle et celui à l’équateur pourrait être obtenu
à partir des mesures de perte de masse effectuées à partir des raies UV issue essentiellement
des régions polaires, et avec l’excès infrarouge d’origine équatoriale. Ne connaissant pas ces
valeur pour α Ara, j’ai utilisé une valeur de 30 pour C1, valeur «standard» si on considère que
les mesures de ce rapport varient généralement entre 10 et 100.
Le tableau ci dessous présente les paramètres du meilleur ajustement avec leur incertitudes
respectives. Les profils obtenus sont représentés figure 35.
Paramètres de SIMECA
Rayon stellaire
Teff
Densité photosphérique
Vitesse à la base de la photosphère
Vitesse de rotation de l’étoile
Flux de masse au pôle
Exposant de la loi des vitesse : m1
Exposant de la loi de flux : m2
Rapport des flux de masse : C1
Vitesse d’expansion au pôle
Vitesse d’expansion à l’équateur
Inclinaison
Valeur
4.8 Ro
18000K
1,2 10-12 g/cm3
0,07 km/s
300 km/s
1,7.10-9 Mo/an
0,3
0,45
30
2000 km/s
170 km/s
45°
Incertitude
0.2
1000
Lié à C1
0.01
20
0,5.10-9
0,1
0,05
Lié à ρphot
500
20
5
Figure 35 : Meilleur ajustement avec SIMECA des profils Hα et Hβ Les observations sont en traits plein, les
simulations en pointillés
45
3.3 Ajustements du profil Paschen β
Le profil Paschen β obtenu à partir de l’ajustement des profils Hα et Hβ d’avril 1999 est
représenté figure 36. Puisque ce profil ne se superpose pas avec le profil observé en août
2003 certains paramètres de l’étoile ont dû varier entre ces deux dates.
Observons les deux profils et rappelons nous de la discussion à propos de l’effet de chaque
paramètre sur la morphologie des profils de raie. Ici les deux profils ont une forme similaire
mis à part une différence d’intensité globale. Les paramètres cinématiques de l’enveloppe ne
doivent donc pas avoir évolué. En essayant de minimiser les variations des paramètres
physiques du modèle pour obtenir un ajustement satisfaisant deux possibilités s’offrent à
nous : une variation de la densité de l’enveloppe (variation de la densité photosphérique) ou
une diminution de la taille globale de l’enveloppe (en modifiant le code pour tronquer
l’enveloppe). Ces deux hypothèses font l’objet des deux sous-parties de ce paragraphe.
Figure 36 : Profil Paschen β obtenu à partir de l’ajustement des profil Hα et Hβ en pointillés et profil observé
en trait plein.
3.3.1 Variation de densité
La densité dans l’enveloppe est proportionnelle à la densité photosphérique de l’étoile. C’est
donc ce paramètre qui sera variable dans cette simulation. La valeur ajustant au mieux les
profils Hα et Hβ était :
ρphot = 1,2 10-12 g/cm3
Le meilleur ajustement du profil Paschen β à partir d’une variation de la densité de
l’enveloppe est présenté figure 37. On utilise alors comme valeur de la densité
photosphérique :
ρphot = 0,98 10-12 g/cm3
Si on modélise donc la variation des profils de raie entre 1999 et 2003 par une modification
de la densité de l’enveloppe il faut donc que cette quantité diminue d’environ 25%.
46
Figure 37 : Meilleur ajustement du profil Paschen β en diminuant la densité photosphérique et profils Hα et Hβ
correspondants.
3.3.2 Variation de la taille de l’enveloppe
L’autre hypothèse envisagée pour expliquer la variation des profils de raie est la diminution
de la taille de l’enveloppe. Le code SIMECA ne contrôle pas directement ce paramètre (à part
la limitation liée à la taille de la grille de calcul). J’ai donc du modifier le code pour tronquer
l’enveloppe à une distance donnée. Je reviendrais sur se problème dans le chapitre suivant.
Calculons pour l’instant la diminution du disque correspondant à l’ajustement du profil
Paschen β.
Le meilleur ajustement est présenté figure 38. L’extension maximale de l’enveloppe
correspondant à cette simulation est 82.3 R*.
L’ajustement des profils Hα et Hβ effectué précédemment correspondait à une extension de
100 R* ,limite de la zone calculée par SIMECA, il résulte une diminution de l’extension de
l’enveloppe d’environ 18 %
Figure 38 : Meilleur ajustement du profil Paschen β en diminuant l’extension de l’enveloppe et profils Hα et
Hβ correspondants.
47
3.4 Ajustement des courbes de visibilité
Il reste maintenant à vérifier l’ajustement des courbes de visibilité. La figure 39 montre
clairement que les visibilités calculées avec le meilleur ajustement des profils et de la SED
sont en net désaccord avec les observations. Alors que le modèle prédit pour une distance de
105 pc une enveloppe partiellement résolue (V≈0.6 à 8 µm) , les mesures issues des
observations MIDI montrent une enveloppe quasiment non résolue (V≈0.9 à 8µm).
Notons qu’il m’a été impossible d’obtenir avec SIMECA une enveloppe non résolue pour
cette distance avec une raie Paschen β nettement en émission.
Figure 39 : Comparaison des visibilités obtenues avec le meilleur ajustement des profils de raies et de la SED
(en pointillés) , et les observations MIDI(trait plein et barres d’erreur)
L’erreur ne peut plus venir d’une mauvaise estimation de la distance car placer l’étoile plus
loin impliquerait un mauvais ajustement de la densité spectrale d’énergie. L’enveloppe réelle
autour d’α Ara doit certainement être plus petite que celle calculée par SIMECA. En
réduisant l’extension de l’enveloppe de façon homothétique on obtient un rayon maximal de
l’enveloppe de l’ordre de 22R* qui permet d’ajuster au mieux les visibilités mesurées (figure
40). La cinématique et la morphologie générale du milieu circumstellaire ne doit pourtant pas
être très différente de celle calculée dans le code. Seule la densité doit être sensiblement
supérieure à celle de nos modèle pour que le flux de l’enveloppe reste inchangé alors que
l’extension de celle-ci a diminué. Une valeur 10 à 20 fois plus grande pour ce paramètre est à
envisager.
Figure 40 : Ajustement des visibilités après réduction de la taille de l’enveloppe d’un facteur 4.5
48
La meilleur explication possible à cette hypothèse de troncature de l’enveloppe est d’invoquer
la binarité d’α Ara . Dans le cas d’un système binaire, l’enveloppe de l’étoile Be est perturbée
par son compagnon. Si les étoiles sont suffisamment proches, l’extension de l’enveloppe
circumstellaire peut être limitée par l’effet gravitationnel du compagnon (47). Or, si la binarité
d’α Ara ne peut être démontrée clairement avec les mesures actuelles, de nombreux indices
nous guident vers cette explication. La figure 41 présente des variations du profil Hβ pouvant
être attribuées à la binarité d’α Ara.
Figure 41 : Variation du rapport V/R et de la vitesse radiale de la dépression centrale du profil Hβ (Thomas
Rivinius)
Une période de 70 jours peut être déduite de ces mesures, soit un rayon de 32 R*, en
supposant l’orbite du système binaire comme circulaire et en utilisant M= 10 Mo et R=4.8 Ro
pour α Ara. Ce rayon est du même ordre de grandeur que la taille de l’enveloppe estimée par
notre simulation (≈25 R*).
Pour déterminer sans ambiguïté l’extension de l’enveloppe des observations
interférométriques dans le proche infrarouge doivent être envisagées. La figure 42 montre
comment la diminution de l’extension de l’enveloppe agit sur l’estimation de la visibilité dans
les raies. Pour mesurer l’extension de l’enveloppe une base de longueur comprise entre 10 et
30 mètres semble optimum pour l’observation dans le raies Hα et Hβ, pour les raies du
proche infrarouge accessibles par AMBER des bases comprises entre 20 et 100 mètres
semblent plus adaptées. L’orientation de ces bases est peu sensible, même s’il faut éviter les
bases dans une direction trop proche du demi-petit axe de l’enveloppe (P.A.≈ 12°).
Figure 42 : Visibilités dans les raies Hα, Hβ, Pβ et Brγ simulées par SIMECA dans le cas du modèle ajustant le
profil Paschen β (à droite) et dans le cas d’une enveloppe plus petite en accord avec les visibilités mesurées par
MIDI (à gauche)
49
4. Un modèle pour α Ara
Finalement mon travail de modélisation d’α Ara à permis d’arriver aux conclusions
suivantes :
α Ara est une étoile chaude de température 18000K encore sur la séquence principale, son
rayon est de 4.8Ro et sa masse d’environ 10 Mo. La vitesse de rotation de cette étoile est
relativement importante ( 300 km/s) et représente environ 60 % de sa vitesse critique. Cette
étoile est observée depuis la Terre sous un angle de 45°.
L’enveloppe circumstellaire est quasiment sphérique (e ≈ 1), et son angle d’ouverture est
d’environ 160°. La vitesse terminale du vent radiatif, très importante aux pôles ( 2000km/s),
est donc limitée à une zone assez réduite spatialement confinée le long de l’axe de rotation. A
l’équateur la vitesse d’expansion avoisine les 170km/s. La densité de l’enveloppe est
relativement importante et si on suppose que le rapport entre le flux de masse au pole et à
l’équateur est voisin de 30 la densité à la base de la photosphère devrait avoisiner les 10-11
g.cm-3. L’extension de l’enveloppe est limitée à une vingtaine de rayon stellaire par la
présence d’un compagnon de faible masse (<2 Mo) dont le rayon de l’orbite avoisine les 32R*
(en supposant l’orbite circulaire, ce qui est certainement le cas à cette distance de l’étoile).
Deux variabilités de périodes différentes ont été observées.
La première liée à la binarité a une période d’environ 70 jours. Elle s’observe principalement
à travers de légères variations morphologiques des profils de raies.
La seconde semble ne pas être réellement périodique mais possède une échelle de temps
caractéristique de l’ordre de 5 à 10 ans et s’observe essentiellement à travers des variations
d’intensité de la raie Hα. Nous avons pris en compte ce phénomène en supposant une
diminution de densité dans l’enveloppe ( 25% entre 1999 et 2003) ou une diminution de la
taille de l’enveloppe (18%). Plusieurs explications physiques peuvent être avancées, les plus
vraisemblables étant un cycle de variation de l’intensité de l’étoile qui modifierait la pression
radiative ou un effet gravitationnel du au compagnon.
Vitesse d’expansion
Terminale au pôle:
2000 km/s
Vitesse de rotation :
300 km/s
Variation entre 1999 et 2003:
18% du rayon
ou 25 % de la densité
Forte densité :
10-11 g/cm3
Binarité :
Période 70 jours
Compagnon inconnu (<2 Mo)
Vitesse d’expansion
terminale à l’équateur :
170 km/s
Angle
d’ouverture :
>160° ( e≈1)
?
5 Ro
10 Mo
18000K
22 R*
Figure 43 : Notre modèle de l’étoile α Ara
50
10 R*
V Etude sur la dissipation de l’enveloppe des étoiles Be
La lecture d’un article sur l’évolution des disques circumstellaires des Be (25) m’a permis
d’ouvrir un nouvel axe dans mes recherches sur la dissipation des enveloppes.
Cette étude porte sur la modification des observables (SED, profils et visibilités) suivant les
différents scenarii envisagés.
L’étude de la dissipation des disques permettra peut être de comprendre l’évolution des
profils de raies de certaines étoile Be . En particulier une de mes tâches est d’appliquer cette
méthode aux étoiles 66 Oph et κ Dra dont les profils de raies varient actuellement avec des
échelles de temps de l’ordre de quelques années (48) (49) .
Ce travail fera certainement l’objet d’un nouvel article qui n’est actuellement qu’à l’état de
réflexion.
1 Les différents Scenarii de dissipation
Nous limiterons cette étude aux scenarii de dissipation axisymétriques. Comme le montre la
figure 44, l’enveloppe peut se dissiper par l’extérieure (diminution du disque) ou par
l’intérieur ( formation d’une cavité)
Dissipation du disque par l’intérieur
Dissipation du disque par l’extérieur
Figure 44 : Schéma des deux scénarii de dissipation des enveloppes étudiés. Les zones en dissipation sont
représentées en bleu.
Avant de commencer l’étude de ces deux types de dissipation commençons par émettre
quelques hypothèses sur leur origine physique.
Dans le cas d’une dissipation de l’enveloppe par l’intérieur l’hypothèse la plus probable est la
destruction de l’enveloppe par une pression radiative trop importante. La vitesse des vents
stellaires augmentent dans les zones proches de l’étoile ce qui provoque une diminution de la
densité du gaz circumstellaire .
Dans le cas d’une diminution du rayon de l’enveloppe et donc d’une destruction de celle-ci
par l’extérieure plusieurs hypothèses peuvent être formulées. La plus simple d’entre elles est
la dilution de la matière dans le milieu interstellaire par échappement du gaz qui atteint la
vitesse de libération. Les autres hypothèses nécessitent un élément perturbateur pour
permettre la troncature de l’enveloppe. C’est le cas, déjà évoqué dans le chapitre précédent,
d’un système binaire. Si l’orbite du compagnon est très excentrique, les effets de marée de ce
dernier sur l’étoile Be et son enveloppe vont varier substantiellement au cours du temps. Il en
résultera une variation périodique de la taille de l’enveloppe.
51
2 Modifications du code SIMECA
Le code SIMECA, dont le modèle hydrodynamique est stationnaire, peut sembler, à priori,
mal adapté pour simuler des phénomènes variables au cours du temps. Comme je l’ai déjà
expliqué dans la partie III.7 si les échelles de temps caractéristiques sont grandes devant les
temps thermodynamiques et hydrodynamiques on peut considérer une succession de modèles
stationnaires.
J’ai donc modifié le code afin de créer un « vide » dans la distribution de densité, soit pour
des distances inférieures à une valeur donnée (cas de la cavité), soit pour des distances
supérieures (cas de la diminution du disque par le bord externe). Cette méthode est une
première approche du phénomène de dissipation de l’enveloppe et devrait permettre d’étudier
un certain nombre d’aspects intéressants en particulier sur la variation des différents
observables produits par SIMECA. L’étape suivante de l’étude de ce phénomène passera
inévitablement par la réalisation d’un code hydrodynamique non stationnaire.
3 Premiers résultats
Cette étude n’étant pas terminé je ne peut présenter ici que des résultats préliminaires.
3.1 Réflexion sur l’évolution envisagée des observables
Essayons de prévoir les résultats de cette étude en raisonnant sur des cas simples.
Ce qui est certain, c’est la diminution de l’excès infrarouge dans les deux cas de figures. La
distinction de ces deux scenarii en utilisant la distribution spectrale d’énergie de l’étoile
considérée devrait être quasiment impossible car comme j’ai pu le remarquer dans mon travail
de modélisation de l’étoile α Ara, la SED est peu sensible aux changements morphologiques
de l’enveloppe.
Etudions maintenant les modifications probables des profils de raies.
L’intensité globale de la raie provient du rapport entre l’énergie émise dans la raie et l’énergie
émise dans le continu à la fréquence de cette raie. Comme nous l’avons vu dans la partie I.3.3
la zone d’émission du continu est plus petite que celle à l’origine de la raie. En dissipant
l’enveloppe par l’intérieur le premier effet devrait donc être un accroissement du rapport entre
l’émission dans la raie et celle dans le continu et donc une augmentation de l’intensité de la
raie. Au delà d’une certaine distance (qui dépend des zones d’émission de la raie et du
continu) les profils de raie doivent diminuer de nouveau car l’émission du continu est alors
dominée par l’étoile. Dans une dissipation par l’extérieur ce phénomène ne devrait pas avoir
lieu, et le profil de raie devrait simplement diminuer avec la réduction de la taille de
l’enveloppe.
Un autre facteur qui pourrait permettre une différentiation des deux scenarii provient de la
cinématique de l’enveloppe. Si on considère que la vitesse de rotation domine l’enveloppe
dans sa partie dense et que cette vitesse diminue lorsqu’on s’éloigne de l’étoile centrale, alors
les modifications morphologiques des raies ne devrait pas être les mêmes dans les deux cas.
Les ailes des raies proviennent du gaz dont l’émission subit un fort décalage Doppler, donc
des régions proches de l’étoile. La diminution de l’enveloppe par l’extérieur ne provoquera
pas de diminution des ailes des raies mais seulement une diminution de la partie centrale. Par
contre la création d’un vide proche de l’étoile affectera toute la raie, ailes comprises. Etudier
le rapport entre l’intensité des ailes et celle de la zone centrale pourrait permettre de
discriminer les deux scenarii.
Abordons maintenant l’aspect interférométrique du problème.
52
Etudions le cas de courbes de visibilité en fonction de la longueur de la base projetée dans une
bande spectrale donnée ( raie ou continu). Considérons que l’interféromètre utilisé résolve en
partie l’enveloppe circumstellaire à cette longueur d’onde. On peut séparer le flux émis dans
cette bande spectrale en deux contributions : l’une résolue provenant de la partie externe de
l’enveloppe, et l’autre provenant du flux de l’étoile et de celui de la partie interne de
l’enveloppe qui n’est pas résolue par l’interféromètre. On peut écrire d’une manière générale
la valeur de la visibilité comme le rapport entre flux non-résolu et le flux total. La formule
V F + V e Fe
exacte est :
V = * *
F* + Fe
Si le diamètre de l’enveloppe diminue, la partie résolue du flux diminuera et la visibilité
devrait augmenter. L’objet sera moins résolu. Si le diamètre de l’enveloppe reste constant
mais que la matière proche de l’étoile se dissipe alors, tant que le bord interne de l’enveloppe
ne dépasse pas le pouvoir de résolution de l’interféromètre, la part relative de la matière
résolue devrait augmenter et donc la visibilité devrait diminuer. La résolution de l’objet
augmentera alors jusqu’à une certaine limite, fixée par le rapport de flux entre l’émission de la
matière circumstellaire résolue et celle de l’étoile, avant de diminuer comme dans le cas de la
dissipation par l’extérieur.
L’interférométrie couplée à la haute résolution spectrale semble être parfaitement adaptée à ce
genre d’étude. L’instrument AMBER devrait donc très prochainement nous permettre de
franchir un cap important dan l’étude de l’environnement circumstellaire de ce type d’objet.
3.2 Modifications des observables
Les résultats de mes premières simulations sont présentés figure 45, 46 et 47. Sept modèles
ont étés nécessaires pour réaliser ce travail : un disque plein, trois disques tronqués
respectivement de 10% , 25% et 50% du rayon , et trois «cavités» à 10% , 25% et 50%.
Les courbes en traits pleins correspondent au disque plein, les pointillés à 10%, les tirets à
25% et les tirets-pointillés à 50%.
Comme nous l’avions prévu, la différentiation des deux phénomènes à partir des courbes de
SED est quasiment impossible ( figure 45).
Figure 45 : Courbes de densité spectrale d’énergie : Dissipation de l’enveloppe par l’extérieur (à gauche) et par
l’intérieur (à droite)
L’utilisation des profils de raies semble plus délicate que prévue (figure 46). Certes il y a des
différences notables dans la variation d’intensité des profils de raies dans les deux scénarii,
légère augmentation dans le cas de la formation d’un anneau, mais les différences
morphologiques envisagées dans la partie précédente ne sont pas discernables. Le problème
majeur de cette simulation étant l’absence de prise en compte des modifications cinématiques
au sein de l’enveloppe ( les modifications sont ici purement morphologiques) une étude plus
avancée (avec un modèle hydrodynamique non stationnaire) pourrait donner des résultats
notablement différents.
Les raies Hα, Hβ et Pβ ont aussi été simulées et les résultats sont similaires à ceux de Brγ.
53
Figure 46 : Profils de raie Brackett γ : Dissipation de l’enveloppe par l’extérieur (à gauche) et par l’intérieur (à
droite)
L’étude de la modification des courbes de visibilité est beaucoup plus concluante. Les
variations de la visibilité dans la raie Brγ sont présentées figure 47, celles du continu à 8 µm
figure 48. Dans le cas de la diminution du rayon de l’enveloppe, celle-ci se trouve de moins
en moins résolue. Dans le cas de la formation d’une cavité, l’enveloppe est de plus en plus
résolue, que se soit dans les raies (plus important avec les raies infrarouge) , ou dans le
continu (moyen infrarouge).
Il reste néanmoins un problème : Comment différencier le scénario de formation d’une cavité
de celui de l’augmentation de la taille de l’enveloppe ?
J’envisage plusieurs solutions à ce problème : utiliser la variation de la SED ( nécessité d’une
mesure très précise) ou des indices de couleur, ainsi que celle des profils de raies, ou utiliser
de nombreuses longueurs de base pour obtenir une courbe de visibilité suffisamment précise
pour différentier les deux phénomènes. C’est tout l’importance des études multi-techniques :
spectroscopie, photométrie et interférométrie.
Figure 47 : Visibilité dans raie Brackett γ : Dissipation de l’enveloppe par l’extérieur (à gauche) et par
l’intérieur (à droite)
Figure 48 : Visibilité dans le continu à 8µm : Dissipation de l’enveloppe par l’extérieur (à gauche) et par
l’intérieur (à droite)
L’utilisation du VLTI et de ses deux instruments AMBER et MIDI fonctionnant
respectivement dans le proche et le moyen infrarouge devrait donc permettre d’étudier
précisément ces deux scénarii.
54
Conclusion
L’étude du phénomène, Be et en particulier la compréhension du code SIMECA, m’a permis
d’appliquer les connaissances obtenues lors des enseignements théoriques du DEA ( et des
années précédentes). J’ai ainsi pu, par exemple, aborder les problèmes de transfert de
rayonnement dans une enveloppe de gaz (à l’ETL et hors ETL), revoir les équations de bases
de l’hydrodynamique et une de leurs applications. La recherche des origines probables de la
formation des enveloppes m’a permis d’aborder des aspects encore plus divers comme les
pulsations stellaires , le magnétisme ou la binarité.
Je me suis aussi intéressé aux principes des différentes techniques d’observation (photométrie,
spectroscopie, polarimétrie, interférométrie) ainsi qu’aux instruments modernes s’y
rattachant, en particulier le mode interférométrique du VLTI et ces deux instruments MIDI et
AMBER. J’ai également participé à une présentation du logiciel de réduction des données de
MIDI développé à l’observatoire de Paris/Meudon .
J’ai montré tout l’intérêt du VLTI dans le cadre de la compréhension globale du phénomène
Be, mais aussi les limites de cette technique avec la modélisation α Ara. Ce travail a aussi mis
en avant l’importance des observations multitechniques sur de longues périodes.
L’utilisation du code SIMECA, qui tourne uniquement sur des machines UNIX, m’a aussi fait
connaître ce type d’ordinateur au fonctionnement radicalement différent des PC tournant sous
Windows. Je peut aussi mentionner la programmation en FORTRAN, en PV-WAVE et en
IDL que j’ai abordé ainsi que l’utilisation du logiciel de préparation des observations
interférométriques ASPRO que j’ai testé et débugué en collaboration avec G. Duvert (Obs de
Grenoble).
Ce stage m’a aussi permis de comprendre le fonctionnement administratif de la recherche en
astrophysique. J’ai également participé à la rédaction d’un « proposal » ou demande
d’observation pour le VLTI avec un programme d’étude des étoiles B[e]. La participation aux
réunions de l’équipe « physique stellaire et interférométrie» du département GEMINI a été
aussi une tâche enrichissante : répartition du budget, préparation de séminaires et surtout
élargissement de mes connaissances avec des exposés d’autres étudiants de l’équipe sur les
étoiles S et sur les Céphéides.
Mais revenons à mes travaux personnels.
Mon travail de modélisation d’ α Ara a permis la rédaction d’un article sur la première
observation interférométrique de cette étoile en collaboration avec de nombreux chercheurs.
L’article vient d’être soumis à A&A. Il est présenté conjointement à ce rapport.
L’étude de la dissipation des disques que j’ai initié concernera un autre article qui n’est encore
qu’à l’état de projet.
Je travaille actuellement sur une nouvelle version de SIMECA avec un ingénieur
informaticien. Cette nouvelle version plus modulaire qui remplacera les différentes
procédures pour les raies par une procédure unique est actuellement en cours de débugage .
Enfin mon directeur de stage, Philippe Stee, m’a proposé de continuer mon travail de
modélisation et de compréhension du phénomène Be en thèse car de nombreuses observations
provenant de MIDI et d’AMBER vont bientôt être disponibles et nécessiterons de nouveaux
développement du code SIMECA pour leur interprétation.
55
Bibliographie
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circumstellaire des étoiles B actives : modélisation et observations à haute résolution
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