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toile de fond
l'ombre des vallées pousse un battement de lave
qui dépouille nos crânes
la ville tisse autour du fleuve
tresse emportée par ses courants
les avenues que des cœurs éventrés déportent
les membres chevelus
les arbres déracinent les chemins
la chevauchée des bogues
ou l'imposture du limon
dans la foulée d'un vent qui enivre l'automne
dans l'ironie des rues le sort brasse une bise
où nous croisons les regards déçus des chemins
les écrits retardés des palissades
le velouté des corridors
de la chaux
et des murs giclent les visages
marbres maculés d'ongles
̶ j'étouffe en délivrant mon corps du lierre…
Pascal Leclercq
Nouvelle poésie en pays de Liège
Anthologie
l'arbre à paroles, 1998
chez Julie l'épicière
une pomme de charme m'apostrophe
"dis-moi, l'ami, comment me trouves-tu ?"
"fort à mon goût, ma foi
tu es belle à croquer,
ta robe titille mes papilles
tes hanches rondes me font saliver
je craque, je t'achète, c'est dit !"
mais lorsque je m'apprête à la payer
Julie glisse à mon oreille ces mots:
"mets cette pomme en poche
et range ta monnaie
je me contente d'un baiser volé"
Pascal Leclercq
Des garous et des loups
le farfadet bleu, l'idée bleue, 2004
caresserai la mousse des rivières
la masse échaudée sur les quais
craint l'eau froide
sang bordé de galets
les bras ballants, bêlants dans les bulbes bleutés
j'entendrai ma masse et mes clous
j'attendrai la forêt
Pascal Leclercq
Nouvelle poésie en pays de Liège
Anthologie
l'arbre à paroles, 1998
mon garou un minuit d'août
me dit l'ami je pars, c'est décidé
je livre ma vie au hasard
puis le baluchon sur l'épaule
il s'élance, passe la porte
et la referme sur mes larmes
ainsi sont mes amis: des courants d'air
— mais qu'y faire?
peut-on retenir un garou
lorsqu'il a vu passer un loup ?
Pascal Leclercq
Des garous et des loups
le farfadet bleu, l'idée bleue, 2004
en travers de l'opaque obésité de la matière
le mystère est encore effilé qui englue
et ma main et mes traits d'encre
— le silence répercute en moi
ses derniers souvenirs —
c'est pourquoi je vous veille
abasourdi et les yeux pleins de dieux
Pascal Leclercq
Nouvelle poésie en pays de Liège
l'arbre à paroles, 1998
j'ai trop de choses à dire
mais sur quel support et à quel propos
je ne sais par où commencer j'ai trop de choses
à dire et trop souvent ça commence
comme ça : je suis
un enfant comme un autre enfant qui mange
un enfant comme un autre enfant qui grandit
un enfant comme un autre
et trop souvent ça commence
comme ça : mais
sur l'enfant que je suis je n'ai rien à dire
et sur le comment je commence
et sur le pourquoi je finis trop souvent
comme un enfant comme un autre
© Pascal Leclercq