Le management des connaissances
comme avantage compétitif
KM le management des connaissances nouvelle mode passagère ? Faut-il désormais
admettre que les connaissances sont une ressource stratégique que l’entreprise doit
impérativement gérer comme l’élément moteur de sa pérennité et de sa croissance ? Quels
sont les liens avec le management de la qualité ?
À
laube dune situation démo-
graphique inédite (nombre de
départs à la retraite supérieur à
celui des nouveaux travailleurs arrivant
sur le marché du travail), le management
des connaissances (KM) devient un
avantage compétitif évident.
Maîtriser et utiliser ses connaissances,
cest dabord le meilleur moyen de faire
des économies (formation, recrutement,
gain de temps à résoudre un problème
dont la solution a été
déjà utilisée, etc.), mais
cest surtout devancer
ses concurrents en ayant
les meilleures idées
le plus vite possible.
Sans perdre de temps
à retrouver un savoir
perdu, lentreprise est
à même de passer rapi-
dement de lidée à sa réalisation, tout en
assurant la meilleure qualité possible du
produit vendu ou du service rendu.
Deux étapes
Il nexiste pas de défini-
tion arrêtée du concept de
« management des connais-
sances » qui fasse lunanimité,
ni de méthode certifiée pour
sa mise en place. Le terme
en lui-même nest pas utilisé
par tous : le terme de mana-
gement des connaissances (knowledge
management) est le plus
répandu, mais certains
parleront plutôt de « ca-
pital intellectuel » ou
de « m émoire dentre-
prise ».
Ces différents termes
cependant renvoient à
une même notion : le
management des con-
naissances ne soccupe pas des informa-
tions « structurées » (comme les factures
ou les fichiers clients) mais des infor-
Management des connaissances
PAR BENJAMIN CHAMINADE
Le management des
connaissances (KM)
devient un avantage
compétitif évident
DOSSIER
ISO Management Systems – mars-avril 2004 27
© ISO Management Systems, www.iso.org/ims
DOSSIER
a
na
g
emen
t
s connaissances
g
des connaissances
mations « vivantes » qui circulent dans
lentreprise chaque jour (solution dun
problème récurrent, modèle type de let-
tre, inventaire des meilleures pratiques
de lentreprise, etc.).
Le rôle premier du management
des connaissances est de rénover les
méthodes de gestion et dexploitation
des connaissances, de passer des armoi-
res pleines de dossiers inexploités et
dinformation dormante en information
vivante et capitalisable.
Il sagit avant tout de détecter et
dexploiter le qualitatif des entreprises,
de sappuyer sur le capital intellectuel
et immatériel de lentreprise pour
constituer une mémoire dentreprise qui
évolue avec elle. En résumé, le mana-
gement des connaissances peut être
défini comme lutilisation systématique
et organisée des savoirs utilisés tous les
jours par lentreprise.
Pour atteindre cet objectif, deux
étapes sont nécessaires:
Première étape
La première étape consiste à col-
lecter et à structurer les informations
(explicites et implicites) diffusées par
lactivité quotidienne de lorganisation.
Il sagit ici de recueillir, trier et classer
lensemble des ressources documentai-
res, des expertises métiers, des projets,
des compétences individuelles, etc.
Jusqu’à très récemment, le seul
enjeu de cette action de conservation du
savoir était le transfert des compéten-
ces. Cependant, dans loptique actuelle
de gestion globale des connaissances,
cette approche savère insuffisante :
dabord car les entreprises se sont vite
retrouvées avec des inventaires incom-
plets ou inutilisables, ensuite parce que
la connaissance évoluant dans le temps,
les organisations sont incapables de
projeter le caractère dynamique de
leur base de connaissances sur leur
organisation et générer de nouvelles
compétences.
Seconde étape
Une seconde étape doit être mise
en place afin de différencier archivage
et management des connaissances : la
base de connaissances précédemment
établie doit être diffusée dans lentre-
prise afin de capitaliser les informations
recueillies. Les échanges entre salariés
sont ainsi favorisés, ce qui crée une
source privilégiée dinnovation et de
création de valeur.
Tableau 1 Corrélations
entre le managenent des
connaissances et les parties
prenantes de l’entreprise
Source : G. Balmisse, Gestion des connaissances, outils et applications du Knowledge Management, Vuibert, 2002
C’est surtout devancer
ses concurrents en ayant
les meilleures idées
le plus vite possible
Partie
prenante
Domaine
d’application
Bénéfices
Client Gestion de la
relation client
Meilleure connaissance des clients ;
Lancement de programmes marketing plus
efficaces ;
Amélioration du service client.
Collaborateur Gestion des RH Mise en place de plans de formation mieux
adaptés ;
Meilleure diffusion des compétences dans
l’entreprise ;
Constitution de groupes de travail
performants.
Marché Conception et
développement
de produits
Réduction des cycles de développement ;
Amélioration du travail d’équipe ;
Produits mieux adaptés aux attentes des
clients.
Économie Planification de
l’activité
Connaissance approfondie des tendances et
des cycles ;
Meilleure gestion des crises ;
Analyse plus fine de la concurrence.
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DOSSIER
Management
des connaissances
Un tel processus se base sur len-
vironnement de lentreprise (il doit
faciliter le partage et le transfert des
connaissances), les échanges en groupe
de travail (il permet de transformer
linformation en innovation), lap-
prentissage (il permet de diffuser les
connaissances et dempêcher quelles ne
soient détenues par une personne uni-
que) et les réseaux entre salariés. Finale-
ment, le management des connaissances
nourrit l’évolution des connaissances de
lentreprise.
Management des connaissances et
qualité
La mémoire « vivante » de lentre-
prise « apprenante » ainsi constituée,
l’évolution de ses connaissances et
de son savoir-faire est facilitée et de
nouvelles perspectives stratégiques
peuvent être mises à jour. Le mana-
gement des connaissances permet
donc daméliorer de façon continue la
performance de lentreprise au même
titre quun système de qualité. Et,
comme la qualité, le management des
connaissances constitue davantage une
démarche quun ensemble doutils uti-
lisés les uns après les autres ; elle vise
à mieux appréhender et comprendre
les connaissances, les informations et
les savoir-faire qui circulent au sein de
lorganisation.
Le management des connaissances
nest pas un module parmi dautres à
envisager optionnellement lors de la
mise en œuvre dun système de manage-
ment. En répertoriant les connaissances
afin de susciter des échanges entre
les salariés, ce processus participe à
lentretien du système de management
et à lamélioration permanente de son
efficacité :
Amélioration de la motivation
Le management des connaissances
est un moyen de libérer les freins
individuels associés au partage des
connaissances et du savoir-faire au sein
des organisations. Il nest pas rare de
rencontrer des salariés considérant que
« la connaissance, cest le pouvoir » et
pouvant être inquiets sur leur éventuel
remplacement. Rassurer ses équipes sur
lutilisation de leurs connaissances en
expliquant quil sagit daméliorer le
fonctionnement de lorganisation per-
met (grâce à cette marque de confiance)
de renforcer la motivation.
Amélioration de la productivité
En termes dobjectifs, le management
des connaissances concourt à dynamiser
lorganisation pour laider à atteindre
un nouveau seuil en
termes de producti-
vité et de qualité.
Améliorer
la vision de
lenvironnement
de son organisa-
tion
Le management
des connaissances
permet dobtenir
une meilleure vi-
sion de lentreprise
en tant quorgani-
sation ainsi quune
meilleure connais-
sance de son con-
texte : ses clients,
ses collaborateurs, son marché, bref
toutes les parties prenantes de lentre-
prise. Chacune de ces entités est liée à
un domaine dapplication particulier de
lentreprise utilisé dans le management
des connaissances. Que ce soit la ges-
tion commerciale de la relation client,
la gestion des ressources humaines, la
conception de nouveaux produits ou
la planification prévisionnelle de lac-
tivité.
Ces différents avantages sont résu-
més dans le tableau 1.
La situation dans les entreprises
françaises
Les pratiques de management des con-
naissances dans les entreprises françaises
montrent de grands écarts de pertinence
et de maturité. Certaines entreprises con-
fondent mise en ligne de documents avec
management des connaissances, dautres
adoptent une démarche trop théorique et
échouent à impliquer tous les acteurs de
lentreprise.
La mise en place dun management
des connaissances est une course dobs-
tacles et les chemins menant à l’échec
sont faciles à suivre. On peut citer par
exemple quelques écueils fréquemment
rencontrés :
Le manque de savoir-faire
Pour manager les connaissances,
il faut savoir faire ! L’éclectisme des
domaines à traiter (informatique, res-
sources humaines, organisation, négo-
Benjamin Chaminade
est un expert français
en poste en Australie
dans les domaines de
la fidélisation des
salariés et de la gestion
des compétences et des
connaissances.
Responsable de la
branche développement
et optimisation des
ressources humaines de
France conseil, il inter-
vient dans le diagnostic
des organisations et de
leur capital humain, en
France et à l’étranger.
Auteur de deux
ouvrages édités par
l’AFNOR(www.afnor.fr),
il participe également
aux travaux de nor-
malisation de gestion ès
compétences à l’AFNOR.
France Conseil
Tél. + 33 1 64 75 49 51
E-mail contact@franceconseil.com
L’auteur
ISO Management Systems – mars-avril 2004 29
© ISO Management Systems, www.iso.org/ims
DOSSIER
ciation, etc.) est la première difficulté
de la démarche.
Confondre accumulation et capitali-
sation
Il ne sagit pas seulement daccumu-
ler les connaissances à un instant donné
et de les laisser tel quel ; il faut aussi et
surtout les partager et les faire évoluer.
Il est primordial de faire vivre le système
en lenrichissant au fur et à mesure.
Négliger la réutilisation des connais-
sances
Rien ne sert dinventorier les expé-
riences passées sil nexiste pas de sys-
tème permettant de gérer efficacement
la réutilisation des connaissances (par
exemple pour l’élaboration de nouveaux
produits).
Privilégier les technologies par rap-
port aux échanges entre individus
Les échanges hu-
mains sont primor-
diaux pour la créa-
tion de nouvelles
connaissances. Il nest
pas question de subs-
tituer les technologies
au contact physique
de lentretien et des
échanges dun groupe
de travail.
Capitaliser les connaissances inutiles
À vouloir trop bien faire, on se
noie vite dans le détail. Pourtant, il
est parfaitement inutile darchiver
une connaissance qui ne sert à rien,
si ce nest pour remplir des armoires
ou pour saturer des disques durs. La
capitalisation doit rester lutilisation
de connaissance pour agir, et non pour
accumuler. Nombre de systèmes de ges-
tion des connaissances ont échoué ces
dernières années, faute davoir oublié
ce principe essentiel.
Confondre gestion des compétences
et gestion des connaissances
La compétence est une combinaison
de plusieurs facteurs relatifs aux hom-
mes (aptitudes, traits de personnalité,
centres dintérêts, etc.). Le manage-
ment des connaissances est plus vaste
encore car il prend en compte len-
semble des documents, des solutions
apportées à un problème récurrent,
des petits secrets, etc. Tout ce qui est
utilisé par les personnes pour agir avec
compétence.
En conclusion
Le management des connaissances
nest pas un effet de mode passager.
Si ce concept arrive aujourdhui sur le
devant de la scène, cest que le besoin
de gérer au mieux les connaissances de
lentreprise sappuie désormais sur les
développements récents des techniques
informatiques documentaires.
En France comme
dans tous les pays
industrialisés, le savoir
est en passe de devenir
une arme concurren-
tielle plus efficace
que la maîtrise des
ressources naturelles,
le travail ou le capital.
Moteur de la pérennité
et de la croissance des
entreprises, la connais-
sance est une ressource stratégique quil
est devenu impératif de gérer.
Est-ce que 2004 verra les cultures
dentreprises évoluer et les dirigeants
convaincre leurs salariés que le partage
du savoir signifie créativité et innova-
tion, et non pas pouvoir et sécurité ? Nos
dirigeants seront-ils eux-mêmes prêts
à perdre un peu de pouvoir et laisser
les informations et les idées circuler
librement ?
La capitalisation doit
rester lutilisation de
connaissance pour agir,
et non pour accumuler
Benjamin Chaminade
a écrit deux ouvrages
publiés par l’AFNOR,
Association française
de normalisation.
Guide de l’employeur
de férence
éditions AFNOR, 284
pages, ISBN 2-12-
494156-9.
Identifiez et fidélisez
vos salariés de talent
éditions AFNOR,
232 pages,
ISBN 2-12-465077-7.
AFNOR, 11 avenue Francis
de Pressensé, 93571
Saint-Denis La Plaine Cedex,
France.
Tél. + 33 1 41 62 80 00.
Fax + 33 1 49 17 90 00.
Web www.afnor.fr
Les livres de
l’auteur
Management
des connaissances
30 ISO Management Systems – mars-avril 2004
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