du narrativisme - Tracés. Revue de Sciences humaines

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Raconte-moi une histoire.
Enjeux et perspectives (critiques)
du narrativisme
Johann Pet i tjean
Si l’on accepte, par convention, de s’en tenir au domaine
de l’expression littéraire, on définira sans difficulté le
récit comme la représentation d’un événement ou
d’une suite d’événements, réels ou fictifs, par le moyen
du langage, et plus particulièrement du langage écrit.
Cette définition positive (et courante) a le mérite de
l’évidence et de la simplicité, son principal inconvénient est peut-être, justement, de s’enfermer et de nous
enfermer dans l’évidence, de masquer à nos yeux ce qui
précisément, dans l’être même du récit, fait problème et
difficulté, en effaçant en quelque sorte les frontières de
son exercice, les conditions de son existence.
Gérard Genette, « Frontières du récit », Figures II
Les enfants adorent qu’on leur raconte des histoires. Comme le Petit Prince
de Saint-Exupéry, ils veulent qu’on leur dessine un mouton. Et il semble que
les élèves et les étudiants, quel que soit leur niveau de formation ou la matière
choisie, fonctionnent un peu de la même manière. N’enseigne-t-on pas dans
les centres de formation pédagogique français à ménager du temps pour le
récit, « support de leçon » (Jean et Jourdan, 2000) pour les petits, comme pour
les grands ? Mais revenons à notre mouton. L’aviateur décontenancé répond
à la requête du Petit Prince qu’il a surtout étudié la géographie, l’histoire, le
calcul et la grammaire : il ne sait pas dessiner ; mais qu’importe, insiste alors
l’enfant, tout ce qu’il veut, c’est qu’on lui dessine un mouton, pas un boa,
non, encore moins un éléphant, mais un mouton. Et l’aviateur de s’exécuter…
Le récit de Gérard Genette et le mouton de Saint-Exupéry produisent, l’un
par le dessin et l’autre par le biais du langage, des représentations possibles
de choses réelles ou fictives.
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Il est certains historiens et certains philosophes de l’histoire pour soutenir
que la mise en récit peut suffire à l’histoire comme le mouton de l’aviateur
suffit au Petit Prince, car, selon eux, lorsque l’on entreprend d’écrire l’histoire
de quelque chose, on ne fait jamais que raconter des histoires à propos de ce
quelque chose. Ce parti pris qui confère à la mise en récit la primauté dans
l’ordre des discours définit la position générale des narrativistes à l’égard du
statut de l’écriture dans les sciences sociales.
Comment peut-on être « narrativiste » ? La question peut sembler provocatrice, mais elle n’en est pas moins légitime. Pour dire les choses autrement,
comment peut-on raisonnablement ne mettre l’accent que sur la « mise en
récit » sans pour autant renoncer aux acquis de la critique historique (depuis
la critique positiviste jusqu’au « tournant critique » des Annales) ? La question
n’est pas tant de rendre compte ici de l’histoire de la critique depuis Fustel
de Coulanges jusqu’à aujourd’hui, mais plutôt d’en réexaminer les enjeux
épistémologiques à l’aune de la place relative accordée à la narration. Il
s’agira de partir des présupposés et des outils narrativistes au sens large afin
de voir dans quelle mesure le retour d’une réflexion sur l’usage de la raison
critique (comprise comme faculté, relative mais validante, de juger) permet
paradoxalement de donner au narrativisme toute sa légitimité intellectuelle,
scientifique et sociétale.
Le narrativisme est-il simplement a-critique ? Tout l’enjeu de la question
consistera effectivement à réévaluer la dimension critique du narrativisme
tout en en examinant les champs d’applications possibles. Réside-t-elle, cette
dimension critique, au niveau de l’étude des sources, de la construction de la
réflexion, au niveau des discours produits, dans le jugement personnel que
l’on se fait de ces derniers, ou dans la possibilité de les vérifier ? La mise en
récit agit-elle seulement dans la transmission des connaissances, ou est-elle
déjà présente comme une modalité de leur constitution ? Et à quelles fins
est-elle alors employée : pour décrire la société ? Pour la comprendre ? La
transformer ? Poser le problème de la dimension (a)critique du narrativisme
invite donc à interroger la mise en récit à la lumière des finalités et des destinataires de cette mise en récit.
Pourquoi revenir aujourd’hui sur un chantier épistémologique qui ne
devrait pas être loin de fêter ses 30 ans s’il était possible d’en dater l’ouverture
avec exactitude ? Il nous a semblé que l’accueil sans réserve fait cette année
en France au dernier ouvrage de Natalie Z. Davies – historienne américaine de la culture dont la démarche, mêlant d’une certaine manière histoire
et fiction, était pourtant loin d’aller de soi –, légitimait le fait de rouvrir
certains dossiers. Et puisque, bien souvent, les débats les plus intéressants sont
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justement ceux qui ne font plus débat et que l’épistémologie est fille de son
temps, il nous a semblé intéressant de questionner certaines des apories
narrativistes à la lumière d’une discipline récemment consacrée, à défaut
d’être réellement récente : le storytelling.
Du narrativisme au storytelling : histoire(s), narration, récits
Dire que les sciences sociales en général, et l’histoire en particulier, connaissent aujourd’hui quelques réticences à se tourner vers le littéraire relève
de l’euphémisme. Subjectivisme, linguistic turn et narrativisme sont, au
sein de la communauté scientifique française, des mots honnis que l’on ne
prononce que du bout des lèvres, en off des séminaires, des tables rondes
et des articles dits « de référence », et de manière hostile le plus souvent. Le
refus de ces approches nouvelles est une conséquence directe du rejet du
« postmodernisme », toujours convoqué par certains comme repoussoir, mais
trop rarement défini. Le tournant linguistique par exemple a été compris
comme un improbable « reflux de l’épistémologie sur le langage » (Certeau,
1972), et appréhendé de ce fait moins comme une révolution scientifique
que comme un coup éditorial réalisé par des historiens en quête de visibilité
et de reconnaissance, voire comme un « renoncement »1 pur et simple.
Scientificité du récit
La possibilité de voir les sciences sociales prendre le tournant du narrativisme repose sur une question essentielle : raconter quelque chose suffit-il à
expliquer cette chose (Kreiswirth, 1995) ? En effet, est-il certain que l’on crée
réellement les conditions de la compréhension par autrui d’un événement,
d’un phénomène et/ou d’une situation par le simple fait de les mettre en
récit ?
Tout type de narration se repère, selon Hayden White, par l’usage de
ces quatre « tropes » que sont la métonymie, la métaphore, la synecdoque et
l’ironie (White, 1975 ; 1978, p. 81), ce qui invite par conséquent à ramener
l’histoire sur le plan du narratif en la reconnaissant pleinement comme un
1
L’expression est de Simona Cerutti (1995, p. 230). Elle est, nous semble-t-il, symptomatique
de la réception française, voire européenne, de ce moment épistémologique singulier. Nous
nous permettons de signaler ici notre modeste synthèse des débats : Johann Petitjean, « Le
tournant linguistique en histoire : panorama d’une controverse », http://eco.ens-lsh.fr/sociales/­
histoire_linguistique.pdf, 2003.
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récit, voire comme un simple « artefact littéraire » (White, 1978)2. Le mérite
d’une telle réduction, qui n’est pas sans lien avec la révolution épistémologique amorcée outre-atlantique par le linguistic turn, contribue donc à
considérer l’histoire comme un processus d’écriture.
Il est dès lors légitime de suivre Paul Veyne dans sa définition de l’histoire
comme « récit d’événements » (Veyne, 1971, p. 14). Et l’auteur de préciser sa
pensée en affirmant que l’écriture de l’histoire n’est pas mimétique, qu’elle
ne relève nullement de l’imitation du passé : elle est un « roman vrai ». Selon
Ricœur, qui se ressaisit des apports conceptuels de Veyne, l’histoire est une
écriture qui n’est pas déliée du réel. Il ne saurait s’agir seulement d’une pure
combinaison de signes puisque ce que l’on vise, c’est justement le réel et
la connaissance possible d’un réel, passé dans le cas de l’histoire, que l’on
peut décrire, expliquer et comprendre. Raconter, c’est déjà expliquer, nous
enseigne Ricœur : « Expliquer pourquoi quelque chose est arrivé et décrire
ce qui est arrivé coïncident. Un récit qui échoue à expliquer est moins qu’un
récit ; un récit qui explique est un récit pur et simple » (Ricœur, 1983, p. 264).
La possibilité d’expliquer ce qu’on raconte par le simple fait de le raconter
se présente ainsi comme le premier étage de la critique historique. On
peut également inférer de ce qui précède qu’« expliquer plus, c’est raconter
mieux » (Veyne, 1971, p. 132), et conclure sur ce point en montrant que le
récit et l’explication sont loin d’être antinomiques, car ils sont deux des
éléments essentiels de la définition de l’« intrigue » chez Ricœur. Cette mise
en intrigue de la description historique a en outre ceci de précieux qu’elle
facilite la transmission et la compréhension des discours, et rendrait ainsi
possible l’enseignement de la discipline, tout en préparant de la sorte son
éventuelle implication dans le champ de la critique et de la transformation
de la société.
Raconter et transmettre : de la pédagogie à l’action
Nous ne retenons que bien peu de choses ; nous ne mémorisons qu’une
partie infime de tout ce que nous pouvons voir, lire, sentir ou entendre.
La mémoire des choses ne tend pas vers l’infini, mais plutôt vers zéro ; et
c’est justement pour inverser cette tendance que l’on peut se permettre de
2
« Nor is it to say that literary theorists have never studied the structure of historical narratives.
But in general there has been a reluctance to consider historical narratives as what they most
manifestly are: verbal fictions, the contents of which are as much invented as found and the
forms of which have more in common with their counterparts in literature than they have with
those in the sciences » (White, 1978, p. 82).
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raconter­ des histoires. La narration serait alors le moyen le plus simple,
le plus efficace et le plus pertinent de décrire et de faire comprendre les
éléments à enseigner. Le récit serait ainsi au cœur même de la pédagogie, au
cœur d’une pédagogie qui reposerait avant toute chose sur la qualité et le
statut des exemples choisis.
Néanmoins, aucun récit historique n’invente à proprement parler les
faits passés qu’il énonce, même s’il est vrai qu’en les énonçant, il contribue
à les reconstruire à partir des traces qu’ils ont laissées et à leur donner ainsi
une logique, généralement causale, qui permet à la fois de les énoncer, de
les comprendre et enfin de les rendre comparables. Une telle démarche est
à la fois scientifique et créative, narrative et critique. Cette redescription du
passé à partir des traces qui ont été laissées peut être considérée comme un
act of meaning, comme un acte de signification provisoire, dont l’élaboration constante est réalisée autant de manière individuelle que collective.
Il ne s’agit donc ni de revivre le passé, ni d’en tirer une quelconque leçon,
mais plutôt de le comprendre en en écrivant l’histoire, et cela passe nécessairement par l’enseignement des résultats obtenus. Nous nous trouvons
là face au second niveau de la critique, niveau que le récit certes prépare,
mais de manière plus ou moins périphérique cette fois. La compréhension
critique du passé se déploie en conséquence comme une réponse possible
des historiens aux attentes de la communauté (Rancière, 1994) en matière
de mémoire et d’identité collectives dont ils contribuent à apprivoiser les
significations (Hinchman, 1994)3, et ce quel que soit le type d’identité auquel
on se réfère : l’enfance, l’université, la nation, le genre, la confession ou la
race. Les histoires que l’on raconte ont donc une certaine opérativité, et leur
compréhension peut alors devenir un utile instrument de critique sociale.
C’est le cas par exemple de l’usage du narrativisme dans le domaine
juridique par les tenants de la Critical Race Theory (CRT), ces juristes identitaristes américains dont les présupposés perspectivistes et subjectivistes ne
sont pas sans enseignements pour ce qui nous intéresse ici4. La CRT marque
une rupture radicale, pour ne pas dire un tournant, au sein des techniques
3
4
Les auteurs considèrent que « le narratif » permet d’unifier la connaissance et de contribuer
à définir la communauté sans pour autant y subsumer l’identité singulière des individus qui
la composent. Les histoires racontées contruisent à la fois du sens et du capital social, elles
fournissent à la communauté les moyens de sa cohésion, et rendent ainsi possible toute forme
d’action commune : « In the section on community, the authors included try to display both
the power of narrative to generate a sense of common identity and its potential as a critical,
emancipatory instrument » (Hinchman, 1994, p. xxiii).
Ce paragraphe doit beaucoup au détail et à la précision des analyses d’épistémologie des sciences
juridiques de Jean-François Gaudreault-Desbiens (2000, 2001).
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juridiques, car elle consiste à substituer des approches textuelles littéraires,
voire purement fictionnelles5, aux habituelles démarches descriptives et
argumentatives.­En effet, les Race-Crits scénarisent énormément leurs propos
et ont pour objectif didactique avoué de construire une nouvelle narrative
jurisprudence afin de mobiliser les minorités raciales concernées. Il s’agit de
raconter des expériences, de présenter des témoignages saisissants et d’offrir
des récits de vie plus édifiants les uns que les autres en ayant recours à des
formes et des genres littéraires comme l’autobiographie, le conte ou la parabole. Ces techniques sont utilisées dans le but de rendre le droit accessible au
plus grand nombre, afin qu’il ne soit plus seulement l’arme des dominants,
mais aussi un outil de transformation sociale par et pour les minorités.
La perspective critique de la CRT est indiscutable, mais encore faut-il
comprendre à quel niveau elle se situe vraiment. Les Race-Crits mettent en
effet l’oppression en récit afin de susciter chez leurs destinataires des sentiments tels que l’empathie, la conscience de soi et des injustices, la colère,
et non la compréhension des phénomènes qui ont provoqué ces émotions.
Cette théorie pratique du discours juridique est donc une stratégie relevant essentiellement d’un « émotionnalisme subjectiviste qui n’ajoute rien
à la réflexion (externe) sur le droit ni à la réflexion (interne) dans le droit »
(Gaudreault-Desbiens, 2001, p. 610). Du point de vue scientifique, elle
peut paradoxalement mais légitimement être considérée comme a-critique.
Et nous touchons-là aux limites mêmes du subjectivisme, car l’anecdote,
puisque c’est bien de cela qu’il s’agit ici, demeure par définition individuelle
et incomparable. Avec elle, nous sortons du champ de la science pour entrer
de plain-pied dans le domaine des opinions, du dogme et de la croyance ;
cette jurisprudence narrative affaiblissant in fine la portée réelle de la mise en
récit comme technique de mobilisation. Il est dès lors nécessaire de revenir
sur la dimension critique du récit afin de sauver la narration en lui évitant
de n’être plus qu’un instrument, un prétexte, voire un exercice de style.
Le storytelling est-il a-critique ?
Pourquoi donc raconter des histoires ? Pourquoi privilégier, en histoire
comme ailleurs, ce « format discursif » plutôt qu’un autre ? On est en droit
de déduire de ce qui précède que les enjeux posés par un possible tournant
5
Nous pensons que cette proximité, pour ne pas dire cette porosité, des champs de l’analyse
littéraire et de la fiction n’est pas sans lien avec les méthodes d’enseignement ayant cours aux
États-Unis et au Canada ; nous pensons notamment ici à l’influence que peuvent avoir à terme
les ateliers de création littéraire sur les anciens étudiants, et ce quelles qu’aient été leur orientation et leur fortune professionnelle.
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narrativiste touchent moins à la constitution du savoir en tant que tel qu’à
la transmission et à la manipulation de ce savoir. Mais alors, dans quelle
mesure des procédures narratives peuvent-elles ne pas influer sur le contenu
même des savoirs à transmettre ?
Une pratique de management, le storytelling, a vu le jour lors de la
campagne électorale de Ronald Reagan en 1981, lorsque l’acteur qui va
devenir le quarantième président des états-Unis décide d’innover en matière
de communication et de substituer les stories – les histoires, mieux : les anecdotes – au fastidieux détail statistique des bilans et aux rigidités formelles des
argumentations. Mieux vaut, en politique comme ailleurs, avoir toujours une
bonne histoire à raconter ! Les spin doctors des présidents successifs, démocrates comme républicains, ont ensuite pris le relai, contribuant à scénariser
à l’extrême les discours politiques de leurs leaders en adoptant une vision
littéraire, pour ne pas dire romanesque de la politique, de l’Amérique et de
son histoire. La fréquence de l’emploi du mot « story » dans les discours du
président George W. Bush qui – doit-on le rappeler – a été formé dans une
business school, est alors révélatrice, selon Christian Salomon, d’une véritable
« révolution culturelle » substituant la success story au bilan économique et le
récit de vie à l’analyse critique des situations, accordant ainsi à l’empathie
une valeur et un statut tout à fait inédits (Salomon, 2006, p. 19).
Et la « fièvre » narrativiste de monter (Polletta, 2006)… Le storytelling
est devenu aujourd’hui une pratique courante qu’emploient aussi bien
des managers, des journalistes, des thérapeutes… Il s’agit à proprement
parler d’une discipline, avec ses centres d’études, sa presse spécialisée et son
festival, et la manne éditoriale partagée par l’International Storytelling de
Jonesborough, Tennessee et le National Storytelling Network est tout à fait
considérable. Aussi sophistiquée soit-elle, cette discipline part d’une idée
simple : une bonne histoire bien racontée est plus efficace que des colonnes
de chiffres. Il n’est pas de notre ressort de discuter ici de la valeur cognitive
réelle de la narration dans la construction-transmission des savoirs6, mais
plutôt de s’interroger sur la place accordée ou non à la critique au sein de
la narration :
Dans un contexte de surinformation, de « harcèlement textuel », la capacité de
sélection des individus est constamment sollicitée. Selon Nahum Gershon, chercheur chez Mitre, « le cerveau humain a une capacité prodigieuse de synthèse
6
Sur ce sujet aussi passionnant que complexe, nous renvoyons à l’article de Wiktor Stoczowski,
dont le concept de « raison narrative » a notamment le mérite de nous faire comprendre
comment et pourquoi les sciences sociales et les sciences cognitives ont tout à gagner à croiser
leurs problèmes épistémologiques respectifs (Stoczowski, 2001).
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multisensorielle de l’information quand celle-ci lui est présentée sous une forme
narrative ». Selon M. Bran Ferren, président d’Applied Minds Inc. : « Chaque fois
que l’on a introduit une nouvelle technologie dans le storytelling, cela a changé
le monde. Il suffit de penser à l’imprimerie, au télégraphe et au téléphone, à
la presse, à la radio, à la télévision, et tout récemment à Internet. » (Salomon,
2006, p. 19)
à vrai dire, rien de neuf ici puisque les sermons du Moyen âge, les vies de
saints, les exempla et les procédés mnémotechniques partaient déjà de la
volonté empirique de mémoriser et de réutiliser les choses en contexte afin
d’endiguer le trop plein d’informations. La spécificité du storytelling tient
plutôt à l’artificialisation et à l’automatisation de ces activités narratives, au
moyen notamment du concept de « narrative intelligence », qui ouvre la voie
à l’élaboration de bases de données regroupant histoires et storylines­au sein
de divers collecticiels7. Grâce à l’outil informatique, ceux-ci contribuent à
élaborer les règles d’une interprétation collective des récits. Reposant principalement sur la croyance en une communauté de sens et de pratique,
l’« intercompréhension du récit » (Soulier, 2006, p. 299) se présente comme
l’enjeu principal du storytelling et, pourrait-on dire, du narrativisme en
­général8.
La notion de récit gagne finalement à être reconsidérée comme une
technique de communication. L’enjeu, dès lors, ne porte plus sur la validité
critique du propos, mais plutôt sur sa capacité intrinsèque, et pour tout dire
pragmatique, à susciter de l’adhésion. Mais ce narrativisme radical ne sousestime-t-il pas en revanche notre capacité à comprendre les phénomènes
7
8
Il s’agit notamment du collecticiel Sum’itUp, élaboré comme « support à l’interprétation coopérative dans le champ du TCAO (travail coopératif assisté par ordinateur, ou CSCW) » (Soulier,
2006, p. 294). Néanmoins, il est nécessaire d’indexer en amont de l’interprétation assistée les
différents types de textes narratifs afin de les identifier. Ce travail de modélisation de la narration
a pour outil le logiciel OntoStoria où sont définies quatre classes d’analyse : le genre, le thème,
l’intrigue et le personnage. L’identification de la narrativité des textes peut également passer
par le prisme des « attracteurs de la notion de récit » qui, au nombre de trois – si l’on suit les
modèles de Thierry Boudès –, consistent à distinguer le récit témoignage du récit de fiction
et du récit d’influence, c’est-à-dire de la propagande (Soulier, 2006, p. 67-73). On le voit, les
ressources informatiques mobilisées par le storytelling n’affranchissent pas complètement les
chercheurs d’un travail d’interprétation des textes.
Une place à part doit être réservée ici au logiciel HyperStoria (Soulier, 2006, p. 198-200), qui
« permet de modéliser différents aspects de l’histoire racontée de l’activité d’un expert confronté
à une situation équivoque et/ou problématique, telle que celui-ci la perçoit. Cela se traduit
par un compte-rendu d’événements qui prend la forme d’un récit individuel. Nous appelons
intercompréhension le dialogue mené autour de ce récit afin de l’interpréter ». Cet outil, ainsi
que ceux évoqués dans la note précédente, sont pour l’essentiel le fruit du travail de thèse réalisé
par Eddie Soulier lors de son doctorat d’informatique (Soulier, 2004).
192
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de manière diachronique et, partant, à les déconstruire et à les comparer,
c’est-à-dire à fonder un savoir en raison (Stawson, 2004) ?
Réalité, critiques et vérité
Le « tournant critique » des Annales et le principe de réalité
André Burguière, lors du premier « tournant critique » des Annales, a
rejeté la narrativité aux marges de l’histoire afin de sauver, semblait-il, la
discipline de la crise qui couvait à mesure que les auteurs remettaient en
cause la capacité des historiens à produire une compréhension objective
du passé (Burguière, 1990)9. Il s’agissait alors pour ceux-là de réaffirmer le
rôle de la démonstration et de l’interprétation dans la compréhension des
phénomènes et des événements passés dans le but avoué de sortir l’histoire,
et la conscience historienne, de la « crise » (Noiriel, 1996). Le danger en effet
était double et prenait la discipline en tenaille. D’une part, on jugea inacceptables les propositions de Lawrence Stone, qui considérait comme salutaire
le retour de la description afin d’en finir une fois pour toutes avec les vieux
rêves de l’histoire scientifique qui auraient été pérennisés malgré les Annales
et le rejet du positivisme, en raison de l’étonnante survie des déterminismes
économiques et démographiques dans l’historiographie postmarxiste (Stone,
1979). D’autre part, la méfiance était également de mise, quoique pour
des raisons différentes, à l’égard d’un Marcel Gauchet professant le retour
de l’individuel et du politique au sein d’une histoire qui serait descriptive
et symbolique (Gauchet, 1988)10. La particularité de premier « tournant
critique » des Annales tient en réalité au fait qu’il s’est de facto opposé à tous
les autres, car là où le « tournant linguistique », par exemple, appelait de
tous ses vœux l’ouverture du champ historique à d’autres méthodes, celuilà partait au contraire de la volonté de réassurer en interne l’identité de la
discipline et les repères de ses auteurs.
Le rejet de la narrativité est la conséquence de cette peur, consciente ou
non selon les cas, de voir la scientificité du discours historien se dissoudre dans
la fiction et la matière ne devenir alors qu’un sous-genre littéraire (Robin,
9
Pour une vision d’ensemble sur le « tournant critique » et, plus spécifiquement, pour la distinction opératoire entre un premier et un second moment épistémologiques au sein de ce tournant,
voir Delacroix, 1995, 2000.
10 Les positions adoptées sur ce point par Marcel Gauchet ne sont pas sans lien avec le travail
fondateur de Pierre Nora sur les « lieux de mémoire ».
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1995). Afin de combattre le « radicalisme autoréférentiel et antiréaliste » des
narrativistes (Delacroix, 2000, p. 7), les zélateurs du « tournant critique »
rappellent, contre la toute-puissance présumée du récit, l’importance du
« principe de réalité » comme condition de possibilité de la critique scientifique et comme instance de validation des discours tenus (Fabiani, 1992).
Sans ce « réalisme fonctionnel », point de critique possible ; et sans la critique,
nulle validation par les scientifiques. On le voit, la notion de « validité » a su
avantageusement remplacer celle de « vérité » chère aux positivistes en consistant à faire se rejoindre, par l’exercice de la critique, d’une part, la réalité
empirique de l’expérience, et d’autre part la rationalité méthodologique de
celui qui, justement, fait l’expérience, afin notamment de ne pas revenir à la
vision « naïve » de la vérité comme simple correspondance de ce qui est dit
avec ce qui est, indépendamment de la rationalité qui rend le fait « acceptable » (Putnam, 1984 [1981], p. 7-8). Cette pratique rationnelle de la critique
peut être définie comme un usage de la faculté de juger ensemble la réalité
des phénomènes et la cohérence des énoncés élaborés sur ces phénomènes.
Elle serait ainsi à la racine de la possibilité de contrôler professionnellement
les discours, c’est-à-dire de juger en raison et de manière non dogmatique
les erreurs commises, et ainsi d’empêcher les « assassins de la mémoire »
de sévir11. Reposant selon Roger Chartier sur la dépendance de l’historien
vis-à-vis de l’archive, ainsi que sur son contrôle par ses pairs et, dans une
certaine mesure, par le public, et enfin sur l’usage de règles et de techniques
scientifiques propres à l’exercice professionnel du « métier d’historien », la
critique est bien la condition sine qua non accomplissant l’histoire comme
« récit véridique » (Chartier, 1987 ; 1994). Son exercice est fils du réalisme et
de la rationalité ; mieux : il est déontologique.
Contre cette dissolution de statut de connaissance de l’histoire, souvent tenue
aux États-Unis pour une figure du postmodernisme, il faut soutenir avec force
que l’histoire est commandée par une intention et un principe de vérité, que
le passé qu’elle se donne comme objet est une réalité extérieure au discours,
et que sa connaissance peut être contrôlée… Le rappel est plus qu’utile en un
temps où les fortes tentations de l’histoire identitaire risquent de brouiller toute
distinction entre un savoir contrôlé, universellement acceptable, et les reconstructions mythiques qui viennent conforter mémoires et aspirations particulières.
(Chartier, 2006, p. 956)
11 C’est en substance ce pour quoi plaide Pierre Vidal-Nacquet dans ses études sur le révisionnisme,
la réalité des phénomènes passés et la validité des énoncés étant ce qui fait la différence entre les
textes de Robert Faurisson et le métier d’historien ; ce qui, in fine, empêche de dire « n’importe
quoi » (Vidal-Nacquet, 1987).
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Léon l’Africain, un objet de connaissance singulier
Le « principe de réalité » n’empêche pourtant pas d’écrire des récits histo­
riques avec des points d’interrogation, et le travail de Natalie Z. Davies
sur Léon l’Africain est là pour le prouver (Davies, 2007). L’honnêteté, et le
talent bien sûr de l’historienne, contribuent à reconfigurer en contexte la
figure principale de ce (beau) livre interrogatif, mais qui reste définitivement
un livre d’histoire. La méthode utilisée par Nathalie Davies la distingue­
notamment du romancier Amin Maalouf car l’histoire est un « roman vrai »,
et non un roman. La réalité de Hassan al-Wazzân/Léon l’Africain ne change
pourtant pas sous l’une ou l’autre plume, mais, dans le roman, c’est son individualité qui prime tandis que de l’autre côté, c’est la question de sa singularité qui intéresse l’auteur, une singularité interrogée face aux possibilités
interprétatives conférées par l’analyse critique des différentes configurations
historiques qui rendent intelligibles ensemble le contexte et le personnage.
On pourrait gloser à souhait sur cette quasi-transparence du sujet au contexte
historique et ne voir ici qu’un retour pur et simple à la biographie historique,
mais ce serait se méprendre sur le travail de l’auteur. Premièrement, là où
l’individuel servait auparavant à la compréhension d’un comportement ou
d’un état collectif qu’il représentait, le singulier, ainsi que ses manques, sont
en revanche définis à partir de ce que l’on sait d’un contexte qui sert de
support critique pour la description et la compréhension de l’objet. Secondement, ce qui fait la différence entre les deux livres, c’est la dimension de
connaissance de l’objet « Léon l’Africain » qui existe dans celui de Natalie
Davies. Léon l’Africain pourrait-être le « roman vrai » tel que Paul Veyne l’a
décrit, c’est-à-dire une œuvre documentée, avec un appareil critique, avec
des règles et des outils propres à la discipline, et, même si les questions posées
restent souvent sans réponse, il s’agit bien là d’une histoire incompressible.
On retrouve chez Natalie Davies un des enseignements majeurs des
narrativistes, à savoir que si l’histoire n’est ni purement poétique ni simplement fictive, elle l’est toutefois en partie, en vertu des ressources rhétoriques
de la discipline, d’une part, et de la faculté de séduire et de l’« imagination figurative » (White, 1978, p. 101-120)12 de l’historien(ne), d’autre part.
12 White reconnaît à l’écriture historienne une part d’« artistis component » (White, 1978, p. 107)
qui relève de l’imagination de son auteur (le terme prenant ici tout son sens), ainsi qu’une
autre, rhétorique cette fois, et qui est quant à elle déterminée par le « niveau figuratif » (ibid.,
p. 116) du discours, autrement dit par sa narrativité. Cette part d’artistique est une forme de
liberté qui, d’après l’auteur, expliquerait qu’il existe, en histoire comme en littérature, des
œuvres « classiques » (ibid., p. 118). Une telle thèse, malgré la volonté évidente de la part de
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Séduire le public est une envie légitime, certes, mais à une condition toutefois : que l’histoire s’écrive là aussi « au bord de la falaise », pour reprendre
une image consacrée (Chartier, 1998), c’est-à-dire que nul ne transige sur
le principe critique de réalité, afin que soit encore maintenu ce qui fait la
différence entre le récit historique et la fable.
L’histoire est un métarécit
La narration fait donc définitivement partie de l’histoire, et la mise en récit
s’utilise comme un mode de restitution qui ne doit pas prendre le pas sur les
autres aspects du travail de l’historien que sont la lecture, l’analyse et le recoupement des sources, l’élaboration de concepts et d’un métadiscours permettant de vérifier le propos, la rétrodiction des modèles quantitatifs13, etc.
« L’histoire, concluait Veyne, n’est donc pas une science ; elle n’en a point la
rigueur, mais cette rigueur se place à l’étage de la critique. » La critique historique, dans la multiplicité de ses formes et de ses postulats méthodo­lo­giques,
fait la différence : elle est le principe heuristique qui permet de recourir de
manière pédagogique, et séductrice, à la narration.
L’écriture de l’histoire peut par ailleurs être comprise comme une médiation entre le passé, l’histoire des historiens et les « horizons d’attente » de leurs
différents interlocuteurs (Koselleck, 1990)14. Et cette médiation repose en
effet sur un acte de langage qui permet de communiquer à autrui la réalité
des événements passés sans que celle-ci y soit pour autant réductible en total’auteur de souligner la compétence littéraire des historiens, nous semble toutefois achopper
sur la question de la valeur de la vérité en histoire. La vérité, d’une certaine manière, comporte
également une part de séduction. On pourrait même ajouter qu’en réalité, l’écriture de l’histoire
n’a pas forcément besoin de séduire pour être séduisante puisque son potentiel de séduction
peut se trouver ailleurs que dans « l’imagination figurative » de l’auteur. Reconnaître cela permet
en dernier ressort de relativiser la notion de « classique » ou de « grande œuvre » en histoire.
Pour reprendre l’exemple de Natalie Z. Davies, si l’historienne nous séduit par l’agilité de sa
plume, n’est-ce pas parce qu’au préalable, nous avons été saisis par la justesse de son propos,
l’honnêteté de son discours ? Nous ne nions pas la réalité de l’« artistic component » de White,
nous considérons seulement que ses attributs, comme l’imagination, sont pour ainsi dire des
suppléments d’âmes conférés au texte de l’historien.
13 On entend généralement par ce terme de « rétrodiction » la part du travail de l’historien « fondée
sur une “mise en série” des cas semblables et sur la probabilité des différentes causes » (Veyne,
1971, p. 24, note 1) qui est considérée, notamment par les tenants de l’histoire sérielle, comme
ce qui permet d’ériger la trace du passé en fait historique.
14 Suscitée par l’histoire, cette attente est « à la fois liée à l’individu et interindividuelle ». Elle
n’est pas déterminée mais « s’accomplit dans le présent et est un futur actualisé, elle tend à
ce-qui-n’est-pas-encore, à ce-qui-n’est-pas-du-champ-de-l’expérience, à ce-qui-n’est-encorequ’aménageable. L’espoir et la crainte, le souhait et la volonté, le souci mais aussi l’analyse
rationnelle, la contemplation réceptive ou la curiosité – tout cela entre dans sa composition et
constitue l’attente » (Koselleck, 1990, p. 311).
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lité, car elle préexiste il est vrai à l’expérience que l’on peut en tirer au moyen
du langage15. La narration, en ce sens, est à comprendre comme un acte
de langage (parmi d’autres) qui contribue à faire de l’histoire une expérience
des événements passés. La mise en récit permet donc de bâtir une surface
de rencontre et d’échange, pour tout dire une situation de communication,
entre l’historien et ses interlocuteurs directs (lectorat, étudiants) ou indirects
(institutions, société). Néanmoins, l’écriture et l’enseignement de l’histoire
ne se situent pas uniquement au niveau du simple récit car celui-ci, à lui
seul, ne saurait rendre compte de l’ensemble de l’expérience réalisée et de
toutes les significations qui lui sont attachées (Hartog, 2003). Il est donc du
ressort de l’historien d’accompagner la mise en récit des événements historiques d’un métadiscours par lequel la narration prend sens afin de donner
avec elle les conditions de possibilité d’une expérience libre, individuelle et
collective de l’histoire.
Pour revenir à notre image initiale, disons que l’historien peut être un
aviateur, dans la mesure où 1) le mouton est effectivement dessiné, 2) ce
mouton dessiné est bien un mouton, c’est-à-dire qu’il renvoie à une réalité
mouton possible, même imparfaite ou incomplète, même avec des erreurs,
3) le dessin est accompagné d’un discours sur l’acte permettant d’en
comprendre les intentions et la méthode, 4) ce paratexte critique (notes de
bas de page, bibliographie, index…) est une invitation à la vérification, que
celle-ci soit menée par le Petit Prince lui-même, par le lecteur ou par un autre
aviateur possible. C’est à ce prix, et à ce prix seulement, que le produit final
pourra avoir une quelconque valeur scientifique et esthétique sans que l’un
des deux aspects ne prenne finalement le pas sur l’autre.
Le narrativisme est donc parfaitement légitime, à condition toutefois
de ne pas exclure la critique, à condition de pouvoir à tout moment valider
ou invalider l’histoire qui a été racontée. Arrivés à ce point, nous pouvons
conclure en affirmant que si l’historien ne saurait être complètement l’aviateur
de Saint-Exupéry – mais en a-t-il seulement les moyens ? –, il lui arrivera
15
« Les événements historiques n’existent pas sans les actes de langage, et les expériences que l’on
en tire ne peuvent se transmettre sans l’aide du langage. Mais ni les événements ni les expériences
acquises ne se réduisent à leur articulation au moyen du langage. Car tout événement comporte
aussi de nombreux éléments qui n’ont rien à voir avec le langage, et il est des couches d’expériences qui se dérobent à toute attestation par le langage. Certes, pour être efficaces, la plupart
des éléments constitutifs des événements qui échappent au langage, les choses naturelles et
matérielles, les institutions et les comportements, n’échappent pas au recours, à l’intermédiaire
du langage. Mais ils ne s’y confondent pas entièrement. La structure de l’action antérieure
au langage et la communication par le langage, grâce à laquelle les événements existent, sont
imbriquées l’une dans l’autre sans jamais se recouvrir totalement » (Koselleck, 1990, p. 263).
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parfois de lui emprunter son blouson et ses histoires. Que les enfants soient
rassurés : nous continuerons à leur dessiner des moutons ! Mais avec discernement, et en relation avec notre faculté de connaître et de juger.
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