HISTOIRE DE L`ART

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FORMAT PME WAVRE
Section antiquariat : 1ère année
HISTOIRE DE L’ART
Fabrice Giot
Année 2009 – 2010
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Table des matières
Partie I : De la naissance de l'Univers à la naissance de l'Art
Chapitre 1 : Origine du monde
Chapitre 2 : Origine de la vie
Chapitre 3 : Origine de l'Homme
Chapitre 4 : L'art du Paléolithique
A. Peinture et gravure :
B. La sculpture :
C. Conclusion :
Chapitre 5 : L'art du Néolithique
A. L'habitat :
B. La Céramique :
C. Le culte et la sculpture :
D. La peinture :
Partie II : L'art des civilisations antiques méditerranéennes
Chapitre 1 : L'Asie Antérieure
A. Introduction :
B. Epoque sumérienne en Mésopotamie : -2800/-2400
C. Empire mésopotamien des Sémites d'Akkad : -2400/-2300
D. Epoque des Néo-sumériens en Mésopotamie : -2300/environ -2000
E. Les dynasties babyloniennes de Mésopotamie : environ -2000/-1200
F. L'art des Hittites en Anatolie : -2000/-1200
G. L'art des Phéniciens : -2000/-1200
H. L'art de l'empire assyrien : -1200/-600
I. La renaissance babylonienne en Mésopotamie : -600/-500
J. L'art de l'empire des Perses achéménides : -600/-300
Chapitre 2: L'Egypte
A. Introduction :
B. L'ancien empire (-2600 à -2200) :
C. Le Moyen-Empire (-2000 à -1800) :
D. Le Nouvel Empire (-1500 à -1000) :
Chapitre 3: La Grèce et le monde égéen
A. Introduction :
B. Le Néolithique égéen (-6000 à -2000) :
C. L'art crétois et l'art mycénien (-2000 à -1400/-1000) :
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D. L'art grec archaïque (-1000 à -500) :
E. L'art grec classique (-500 à -300) :
F. L'art grec hellénistique (-300 à - 30):
Chapitre 4 : Arts étrusque et romain
A. L'art étrusque :
B. L'art romain :
Chapitre 5 : L'antiquité européenne continentale
A. L'art celte :
B. Exemples d'art gallo-romain :
Partie III : L'art européen médiéval
Chapitre 1 : L’art paléochrétien
A. Avant 313 après J.-C. :
B. De 313 à la fin du Ve siècle :
Chapitre 2 : L'art byzantin
A. Introduction :
B. Les arts :
Chapitre 3 : L'art en Europe, de la fin de l'empire romain au IXe siècle
A. Introduction :
B. Apport artistique des Germains du Ve au VIIIe siècle :
C. Renaissance carolingienne (IXe siècle) :
Chapitre 4 : L'art roman (Xe-XIIe siècle)
A. Introduction :
B. Architecture :
B.1. Architecture religieuse
B. 2. Architecture civile
C. Sculpture :
C. 1. En général :
C. 2. Sculpture et orfèvrerie romanes en région mosane :
D. La peinture :
D.1. La miniature
D. 2. La peinture murale
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E. Le vitrail :
F. L’ornementation :
Chapitre 5 : L'art gothique (XIIe-XVIe siècle)
A. Introduction :
B. L’architecture :
B.1. Architecture religieuse
B. 2. Architecture civile
C. La sculpture
C. 1. Importance
C. 2. Evolution chronologique
C. 3. Orfèvrerie
D. La peinture :
D. 1. Au XIIIe siècle
D. 2. Au XIVe et XVe siècles
E. Les arts décoratifs :
E. 1. Le vitrail :
E. 2. La tapisserie (cf. le cours d’histoire de la tapisserie occidentale en 2e année)
E. 3. L’ornementation :
Partie IV : La Renaissance
Chapitre 1 : La peinture en Italie du XIIIe au XVe siècle
A. Le XIIIe s., le Trecento (XIVe s.) et le début du XVe s.
B. La peinture des deuxième et troisième tiers du XVe s.
Chapitre 2 : La sculpture en Italie du XIIIe au XVe siècle
A. La sculpture italienne du XIIIe siècle au Trecento (XIVe s.).
B. La sculpture à Florence au début du Quattrocento (XVe s.).
C. La sculpture à Florence aux 2e et 3e tiers du Quattrocento.
Chapitre 3 : L'architecture en Italie du XIIIe au XVe siècle
A. L'architecture à Florence au Trecento (XIVe s.).
B. L'architecture en Italie au Quattrocento (XVe s.).
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Partie V : La Haute Renaissance (1480-1527)
Chapitre 1: L'architecture.
Chapitre 2: La sculpture.
Chapitre 3: La peinture.
A. Rome :
B. Venise :
Partie VI : Le Maniérisme (1527-1614)
A. La peinture :
B. La sculpture :
C. L'architecture :
Partie VII : La Renaissance hors d’Italie
A. La France :
A.1. L'architecture :
A.2. La sculpture :
A.3. La peinture :
B. Les anciens Pays-Bas :
B.1. L'architecture :
B.2. La sculpture :
B.3. La peinture :
C. L'Allemagne :
C.1. Introduction :
C.2. La peinture :
D. L'Espagne :
D.1. Introduction :
D.2. L'architecture :
D.3. La sculpture :
D.4. La peinture :
Documentation
Bibliographie
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Partie I : De la naissance de l'Univers à la naissance de l'Art
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Chapitre 1 : Origine du monde
1. Système solaire issu d'un fragment d'un vaste nuage de gaz et de poussières.
2. Suite à de violentes explosions dans l'univers, ce nuage s'est effondré sous son propre poids.
3. Sous l'effet de cet effondrement et d'une gravitation giratoire, ce nuage s'est transformé en un disque
en rotation sur lui-même autour d'un centre plus dense et plus chaud.
4. Il y a - 4 milliards et 600 millions d'années, cet espace central du disque s'est condensé pour devenir le
Soleil.
5. Le Soleil captant toutes les énergies, le disque nuageux s'est refroidi et ses gaz se sont solidifiés en
petits grains de matière.
6. Ces petits grains sont rentrés en collision et se sont amalgamés pour former des petits planétoïdes de
quelques kilomètres de largeur.
7. Petit à petit, formation d'embryons de planètes d'environ 1000 km de diamètre.
8. Ensuite formation du système solaire actuel. Formation de la Terre, il y a 4 milliards et demi
d'années.
9. Prévisions: dans 5 milliards d'années, le Soleil va concentrer son énergie dans son centre et va grossir
énormément.
10. Dès que le noyau solaire dépassera 100 millions de degrés, le Soleil se transformera en une
gigantesque "boule de feu" cinquante fois plus grande que ses dimensions actuelles. La Terre sera une
fournaise et disparaîtra.
11. Une fois que cette boule de feu aura brûler toute son énergie atomique, elle fera exploser son
enveloppe gazeuse et se transformera en nuage.
12. Le noyau de ce nuage gazeux va se concentrer en une étoile chaude de la taille de la Terre, puis va
s'éteindre progressivement et mourir.
Chapitre 2 : Origine de la vie
1. Quand la Terre s'est formée, sa température était si élevée que l'ensemble des roches était en fusion.
2. Par refroidissement, les premières roches sont apparues. Dès que la température de l'atmosphère
descendit sous 100°, apparition de l'eau liquide.
3. L'atmosphère était alors chargée de vapeur d'eau et l'activité des volcans l'enrichissait de gaz
carbonique (C02), d'ammoniac, de méthane...
4. L'atmosphère était également traversée de décharges électriques puissantes (+/- éclairs orageux).
L'atmosphère ainsi condensée retomba sur Terre. Par réactions électriques, physique et chimique, ces
« gouttelettes d'atmosphère » contenaient des acides aminés, des substances protéiques, des sucres,
des acides gras et bien d'autres molécules essentielles à la vie.
5. Celle-ci apparut vers - 3 milliards et huit millions d'années, sous forme de bactéries microscopiques.
6. Vers - 3 milliards d'années, des algues bleues et microscopiques, grâce à la photosynthèse,
accentuèrent sérieusement la proportion d'oxygène dans l'atmosphère, permettant ainsi l'apparition
d'organismes de plus en plus complexes puis de la respiration.
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Chapitre 3 : Origine de l'Homme
1. Le Purgatorius, pro-simien (qui annonce les simiens), est un des premiers primates apparus vers - 65
millions d'années. Sa taille variait entre celle d'une souris et d'une taupe. Insectivore et végétarien.
Il sera aussi à l'origine de la famille des lémuriens (existent encore à Madagascar).
2. Vers - 40 millions d'années, refroidissement de tout l'hémisphère Nord de la Terre. C'est dans les
régions tropicales qu'il faut trouver les êtres qui feront la transition entre les pro-simiens et les simiens
(primates supérieurs parmi lesquels l'homme et les singes). Parmi ceux-ci, l'Egyptopithèque, apparu
vers -35 millions d'années. De la taille d'un chat, quadrupède (marche sur ses 4 pattes), arboricole
(vit dans les arbres).
3. Entre - 25 et - 15 millions d'années, l'évolution vers les grands primates continue avec notamment le
Proconsul, retrouvé en Afrique.
C'est encore un quadrupède arboricole, mais sans queue
(contrairement à d'autres simiens et aux lémuriens). On en a retrouvé également dans le nord de l'Inde
et en Europe.
4. Entre - 14 et - 8 millions d'années, en Hongrie, en Grèce, en Turquie, au sud de la Chine et au
Kenya, apparaît le Ramapithèque. Il vit en forêt mais s'aventure parfois dans la savane apparue en
zone tropicale suite à une diminution de l'humidité. Il mange des graines, des fruits et déjà peut-être
de la viande crue. Il brise sans doute des os d'animaux avec des pierres ramassées. Il est l'ancêtre des
grands singes.
5. Entre - 8 et - 6 millions jusque vers - 1 million d'années, en Afrique, l'Australopithèque se sépare
de la famille des grands singes (futurs gorilles, chimpanzés). C'est donc un hominidé, c'est-à-dire
qu'il préfigure la famille des hommes. Il devient bipède et il vit dans la savane créée par la séparation
des plateaux de l'est africain du reste du continent. Pour sa survie, il doit voir au-dessus des herbes et
des taillis mais aussi cueillir des fruits et être capable de se déplacer sur le sol (il n'y a plus d'arbre).
La position levée sur ses membres antérieurs a pour effet de libérer les membres antérieurs (qui
deviennent supérieurs) et de faciliter le développement manuel.
Au sein des Australopithèques, trois sous-familles vont apparaître:
- l'Afarensis (exemple: Lucy), chasseur et cueilleur omnivore, d'environ 1,20 m, d'une capacité
crânienne de 450 à 600 cm3, vit vers - 4 à - 3 millions d'années.
- l'Afarensis évolue vers l'Africanus, qui a vécu de - 3 à - 2 millions d'années. Il pèse 35 Kg pour
une taille de 1,30 à 1,40 m. Sa capacité crânienne varie de 450 à 700 cm3. Sa dentition est humaine,
son front est fuyant, sa face est marquée par des bourrelets orbitaux prononcés et il n'a pas de menton.
Il utilise des pierres ramassées en guise d'outils.
- le Robustus, autre évolution de l'Afarensis, vit de - 2 à - 1 millions d'années. Plus grand et plus
musclé que l'Africarius, ses mâchoires sont plus fortes et ses dents plus grandes. Il mesure 1,50 m
pour une moyenne de 44 Kg. Il est végétarien et n'utilise pas d'outils. Sa lignée va s'éteindre vers 1 million d'années.
6. L’Homo Abilis est un hominidé qui apparaît vers - 2 millions d'années. Il est le résultat d'une
évolution de l'Australopithèque Africanus. Sa mâchoire se réduit encore grâce à son alimentation
omnivore. Son cerveau continue à se développer (650 à 775 cm3) et sa station est plus droite. Son
visage s'aplatit encore, son palais s'élargit et s'approfondit, permettant ainsi une plus grande mobilité
de la langue (gamme de sons émis plus grande et plus diversifiée).
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Il utilise des outils (galets brisés volontairement) à bords tranchants. C'est un chasseur qui découpe sa
viande. Il vit en groupe de 20 à 30 individus et il partage sa nourriture. Il vit en campement dans des
petits abris circulaires en branchages et en peaux.
7. De - 1 million et demi à environ - 300.000/- 200.000 ans avant J.-C., l'Homo Erectus part à la
conquête du Monde. Sa posture est identique à la nôtre pour une taille de 1,60 m. Son front est encore
fuyant, ses arcades sourcilières prononcées et ses mâchoires développées. Son volume crânien augmente
pour atteindre près de 1000 cm3. Il est capable de recueillir et d'entretenir le feu, mais il ne le produit pas
encore.
Il fait parfois cuire ses aliments qui deviennent plus tendres. La taille de ses dents ira donc en
diminuant, d'où sa mâchoire progressivement moins volumineuse.
Le feu sera à la base d'une répartition des tâches et d'une première organisation de la vie en commun: la
collecte des combustibles, l'entretien du feu et la cuisine vont incomber aux femmes qui restent au
campement avec les enfants pendant que l'homme est à la chasse.
Ils campent à l'entrée des grottes et réservent des lieux consacrés à la boucherie ou à la taille du silex.
Cette taille est connue comme étant l'industrie du biface ou industrie acheuléenne. L'Homo Erectus
dégrossit une pierre en enlevant des éclats et la travaille sur ses deux faces. Cet outil est allongé avec une
extrémité pointue, des arrêtes tranchantes et l'autre extrémité arrondie. Parfois, il taillera quelques éclats.
Ses armes : massues, épieux, bâtons de jet et pièges à fosse. Le silex lui servira donc à l'équarrissage de la
viande et au travail du bois plutôt qu'au combat.
8. L'Homo Sapiens Neandertalensis ou Homme de Neandertal, de - 300.000 à -35.000 ans av. J.-C.,
est présent en Europe (en Belgique à Spy), au Moyen Orient, en Asie et en Afrique. Grâce aux banquises
et aux glaciers qui couvraient le nord du globe, il se déplace à pied d'Asie en Amérique et d'Europe en
Angleterre.
Son crâne est allongé, son front bas, ses arcades sourcilières saillantes, ses mâchoires proéminentes et ses
incisives fortes. Sa musculature est développée et il est trapu. Ses jambes sont courtes et son fémur
courbé, sa taille est petite (en moyenne 1,56 à 1,62 m). Il s'agit là d'une adaptation au froid qui régnait
alors en Europe notamment; la réduction de la longueur des membres a pour conséquence une limitation
de la perte de chaleur corporelle. Sa capacité crânienne variait de 1350 à 1450 cm3 (+/- comme l'homme
actuel) mais montait parfois à... 1700 cm3!
Il vivait peu longtemps ; 40 % mourraient entre 20 et 40 ans et seulement 5 % arrivaient à 50 ans, les
autres (55 %) mourraient plus tôt encore ! Le Neandertal enterrait les morts avec un rituel (dépôt de
fleurs dans la tombe, couverture du corps par de la poudre d'ocre rouge, parfois disposition de cornes
d'animaux autour de la dépouille). Il vénérait aussi l’ours des cavernes.
Il a des pratiques désintéressées : il rapporte au campement des curiosités naturelles (fossiles, cristaux),
grave des marques sur des fragments d'os et fabrique des pendeloques. Il pratiquait sans doute une forme
de langage simple articulé.
Le Neandertal est nomade comme ses prédécesseurs, mais il se déplace plus souvent qu'eux. Il mange de
la viande, des racines, des tubercules et des fruits sauvages, des jeunes pousses de plantes et des feuilles
diverses. Certains ont été cannibales!
Il produit le feu en frottant des silex l'un contre l'autre. Son industrie de la taille du silex est dite
moustérienne. Il contrôle la grandeur des éclats qu'il dégage et il utilise ces lames et non plus le noyau
seul, comme avant. Les lames ont le mérite d'être plus fines, plus légères et plus longues. Le Neandertal
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les retouche pour en faire des racloirs notamment, mais aussi des pointes de flèches et de lances qu'il
emmanche sur des baguettes de bois.
Son espèce s'éteint progressivement et sera remplacée par une autre, contemporaine et plus évoluée :
9. L'Homo Sapiens Sapiens ou le Cro-Magnon. Il constitue l'étape actuelle de l'évolution, c'est l'homme
moderne, autrement dit, nous.
Il apparaîtrait dès - 50.000/- 40.000 ans av. J.-C. (Paléolithique
supérieur). Il va coloniser à ces dates l'Europe de l'Est et l'Australie, puis vers - 35.000 ans l'Amérique
(par le Détroit de Béring gelé) et l'Europe (grâce au recul des neiges) et enfin les îles de l'Océanie.
Sa capacité crânienne est voisine de la nôtre (1400-1600 cm3), sa taille atteint 1,70 à 1,80 m, ses arcades
sourcilières ne sont plus proéminentes et son menton est bien marqué. Avec lui apparaissent aussi les
quatre races et leurs différents types (esquimaux, négroïdes, caucasiens, méditerranéens...). Il vit en
groupe dans des campements provisoires (il est toujours nomade) à l'abris d'un rocher ou dans des huttes
de type extrêmement varié. Cependant, ses abris sont toujours délimités à la base par une levée de terre,
des pierres ou des os. La charpente est construite avec des branchages ou des défenses de mammouths et
elle est recouverte le plus souvent de peaux d'animaux ou de paille et branchages. Son alimentation est
très diversifiée. Il s'habille avec des peaux cousues grâce à des aiguilles à chas en os. Il porte des colliers
et des pendeloques, il se peint le corps, il rit, il danse, il chante, il parle.
L'Homo Sapiens Sapiens améliore la taille du silex : pour la même quantité de pierre qu'avant, il fabrique
cent fois plus d'outils grâce à une taille très fine et précise. Ses armes évoluent donc : l'arc et ses flèches, le
javelot, la lance, la fronde, le harpon, l'hameçon... Il travaille aussi l'os, le bois de renne et l'ivoire de
mammouth.
Il produit le feu en tournant rapidement entre ses mains un bâton de bois tendre dans une encoche d'un
autre bâton, plus dur.
Il pratique un culte proche de celui du Neandertal, mais surtout, il invente l'Art...
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Chapitre 4 : L'art du Paléolithique
Cet art se divise en plusieurs techniques:
-
la peinture sur parois, dite rupestre ou pariétale
la gravure sur bois de renne, os, pierre et argile.
la sculpture (de petite taille) en bois de renne, pierre, argile, ivoire de mammouth.
N.B.: les arts préhistoriques ne se limitaient probablement pas à cela, mais devaient comprendre la danse,
le chant, la musique, la peinture sur corps, le bijou...
Pour rappel, il est intéressant de constater que l'apparition de l'art se produit simultanément à la notion
de rites, funéraires notamment, c'est-à-dire lors de la "prise de conscience" ou de l'invention par le
Cro-Magnon d'une idée de puissance d'un au-delà qui le dépasse.
A. Peinture et gravure :
- Thèmes et signification :
Essentiellement des peintures d'animaux (chevaux et bisons surtout, ensuite bouquetins, cervidés, aurochs,
taureaux, mammouths et plus rarement rennes et éléphants). Dans certaines grottes, rhinocéros, lions,
félins, ours, hiboux. Très peu de figuration humaine. Aucun objet représenté.
Présence de signes abstraits dont la signification reste inconnue.
Ces peintures, d'après leur position dans des endroits difficiles d'accès, devaient être réservées à quelques
initiés à des moments précis. On suppose donc qu'elles étaient utiles à certains cultes exceptionnels en
rapport avec la chasse ou le passage de l'adolescence au monde adulte. Peut-être s'y déroulait-il aussi des
cultes, celui de l'ours (des cavernes) notamment : intérieur de la grotte Chauvet.
- Composition et perspectives des peintures rupestres :
Souvent faites à des hauteurs accessibles mais aussi parfois très hautes (d'où besoin d'échelles,
d'échafaudages, de troncs appuyés contre la paroi) ou très basses. Apparemment pas de règle de
composition cohérentes : images étendues ou semblant "mal placées" (couloir sinueux) d'où impossible
pour le regard d'embrasser toute la scène. Toutefois, il peut s'agir d'une volonté de l'artiste, correspondant
à des rites précis (initiatiques notamment pour le passage du monde de l'enfance au monde adulte). En
effet, il semble que dans certaines grottes, les figures simples de l'entrée se compliquent plus on s'enfonce
vers le fond. L'observation des peuples primitifs actuels montre également que la vision des choses peut
être différente d'une civilisation à une autre. Ainsi, nous concevons la profondeur selon des axes de
coordonnées horizontales et verticales (surtout depuis l'Antiquité, puis la Renaissance) alors que l'on
constate que la superposition constitue chez le Cro-Magnon une manière fréquente et voulue de
représenter des choses spatialement (peinture de mammouths et de bisons de la grotte de Font-deGaume).
On remarque également que les artistes multiplient les traits, les contours des animaux pour indiquer
qu'ils sont plusieurs. Parfois, ces "multiplications" frôlent le signe ou le symbole comme le troupeau de
rennes gravé sur os de la grotte de Teyjat en France où seul le premier et le dernier animal du troupeau
sont représentés alors qu'entre eux, l'artiste n'a gravé que les pattes et les bois.
Autre exemple : les trois lions et les rhinocéros de la grotte Chauvet à Vallon Pont-d'Arc.
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Enfin, l'artiste n'hésite pas à se servir tant des reliefs de la paroi que de ceux des os ou des pierres sur
lesquels sont peints et gravés les figures pour composer ou accentuer les œuvres : Chevaux tachetés de la
grotte de Pech-Merle dans le Lot et le Cheval à la renverse de Lascaux. A Lascaux toujours, les
artistes ont intégré l'entrée d'un tunnel à leur peinture en adoptant les contours de cette entrée.
- Proportions:
Elles ne semblent pas respectées dans une vision d'ensemble. Ainsi, deux animaux se côtoyant ne sont pas
toujours représentés avec la même échelle. On suppose que des animaux pouvaient être représentés
isolément mais aussi que cette vision sans rapport de proportion était naturelle chez l'Homo Sapiens
Sapiens. Exemple : Scène de taureaux et chevaux de Lascaux.
- Volume :
Pas de notion de paysages, de cadre spatial. Existe plusieurs solutions pour montrer le volume. Exemple:
rabattre sur le même plan les cornes d'un animal vu de profil, ou ses pattes (perspective dite "brisée" ou
rabattement). Ainsi, les pattes sont croisées pour les montrer toute les quatre (Gravure d'un bouquetin
gravé à Ebbou en Ardèche). Par contre, dans certain exemple, l'artiste est parvenu à reproduire une idée
de la perspective (gravure d'un cheval d'un bâton percé de la grotte de Teyjat, femme couchée de la
grotte de la Madeleine, sculpture d'un bison tournant la tête de la Madeleine au Musée de SaintGermain-en-Laye). Dans ce dernier cas, la corne située à l'arrière est uniquement gravée alors que celle
du premier plan est en relief. Remarquons que ces systèmes ont cohabité et qu'ils ne peuvent alors pas être
considérés comme jalon chronologique.
Pour indiquer le volume, l'artiste varie aussi ses techniques; il peut pratiquer l’estompage du trait
(Chevaux et lions de la grotte Chauvet ou Bison magdalénien de la grotte de Niaux), un estompage
plus grand, sorte de dégradé, à l’intérieur d’une figure (Aurochs et rhinocéros du panneau des chevaux
de la grotte Chauvet), cette même technique combinée à des traits de rehaut (Bison d’Altamira) ou
encore de plusieurs couleurs (Taureau à Lascaux) ou le contraste de zones peintes et non-peintes
(Cheval « chinois » de Lascaux).
- Réalisme ?
L'artiste paléolithique ne représente pas uniquement ce qu'il voit mais aussi ce qu'il sait. Ainsi, un
mammouth de la grotte de Pindal porte un cœur rouge. On parle de style "radiographique". Il représente
aussi parfois les détails (Pelages d'un guépard et d'une hyène (?) et moustaches de lions dans la grotte
Chauvet). Par contre, dans certain cas, il semble se détacher de la réalité (Chevaux tachetés de PechMerle, forme de bison dans la grotte Chauvet) II faut aussi remarquer que l'artiste utilise la
simplification ou la stylisation pour exprimer et accentuer le mouvement et la force de l'animal, ce qui
semble être un des buts de son travail.
- Représentation humaine ?
Très rares en peinture, plus fréquentes en gravure. Un des rares exemples, la scène de « l'homme mort »
à Lascaux. Semble être en rapport avec le bison blessé et éventré ainsi qu'avec l'oiseau. Signification
inconnue: scène d'accident de chasse ? L’homme est schématisé, le sexe marqué et porte une sorte de
« bec » sur le visage. Masque ? Sorcier ? Démon?
Autres représentations étranges, celle du « Sorcier masqué » de la grotte des Trois-Frères en France,
animal mi-homme, mi-bison avec un arc. Dans la même grotte, autre représentation d'une Créature
fabuleuse mi-homme, mi-cerf. Nombreuses représentations de femmes par contre, mais presque
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toujours stylisées: importance des seins et plus encore des fesses et du bassin; exemples à Pech-Merle, La
Roche-en-Linde, Hohlenstein, Beiouk-Dasch (Azerbaïdjan). Parfois, la femme se résumait à une
simple représentation de son sexe: gravures de La Ferrassie et Abri Cellier (Dordogne).
- Technique:
L'artiste du Paléolithique ne semble pas préparer la surface pariétale sur laquelle il va peindre et graver ses
sujets. Néanmoins, on constate que certains d'entre eux ont gratté, sommairement d'ailleurs, des peintures
pour en faire de nouvelles par-dessus. Il n'y a pas non plus de dessin préparatoire à la peinture.
Lorsqu'elle est combinée à de la gravure, celle-ci joue un rôle aussi important que la peinture et sert plus
d'accentuation de certains traits peints que de préparation.
Les pigments étaient de nature minérale: le noir (charbon de bois et oxyde de manganèse), l'ocre et les
bruns (terre), le rouge (hématite), le jaune (limonite) et le blanc (kaolin). Ces pigments étaient utilisés tels
quels ou réduits en poudre et dilués avec de l'eau ou de la graisse animale. Parfois, la préparation était
chauffée pour obtenir un coloris plus intense. Les outils: pinceaux en crin de cheval, baguettes taillées et
écrasées, brosses en touffes de poils, tampons en fibres végétales ou fourrure, spatules en os et en bois,
poinçons en silex...
Pour s'éclairer, les peintres disposaient de petites lampes à graisse et de torches.
B. La sculpture :
Vers -27.000 av. J.-C. sont sculptées les premières vénus, statuettes de femmes aux rondeurs accentuées.
Elles partagent partout un style et un mode de fabrication communs : hautes d'une dizaine de centimètres,
elles sont dotées de seins et de ventres énormes et d'un visage généralement sans traits. Ils s'agit sans
doute de symboles de fertilité, d'idoles de la fécondité (Vénus de Laussel, Vénus de Willendorf... ).
A côté de ces statuettes traditionnelles aux formes bien reconnaissables, on en connaît quelques unes où
c'est le visage seul qui semble avoir été le sujets des préoccupation de l'artiste (Dame de Brassempouv de
-22.000 ans et Dame de Dolni Vêstovice en Moravie). Par contre, avec semble-t-il le temps (?), la figure
de la Vénus se stylise de plus en plus au point de devenir "géométrique" et pratiquement méconnaissable.
À côté des représentations féminines, on a retrouvé quelques sculptures d'animaux. Une des plus rares est
sans doute celle des Bisons de la grotte du Tuc-d'Audebert en Ariège en argile crue. La plupart des
autres, comme le Cheval sautant de Montastruc et le Bison de La Madeleine étaient des parties
sculptées d'armes de propulsion en bois de renne (propulseur). Il existe néanmoins quelques petites
statuettes d'animaux (chevaux, félins, mammouths).
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C. Conclusion:
André LEROY-GOURHAN, un des plus éminents chercheurs en matière d'art préhistorique, a défini un
tableau chronologique et stylistique de l'évolution de l'art préhistorique. Toujours d'actualité, il semble
néanmoins qu'il faille, au gré des découvertes récentes, les nuancer. Ce travail est toujours en cours.
Tableau chronologique des périodes et styles du Paléolithique supérieur d’après A. Leroy-Gourhan.
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Chapitre 5 : L'art du Néolithique
Le Néolithique, souvent appelle Révolution néolithique, marque la fin de l'ère préhistorique et le début de
l'ère historique. Il commence de -8000 à -3000 av. J.-C. selon les régions et se termine avec l'apparition
de l'écriture fixée vers -3000 av. J.-C.
Cette révolution consiste en la sédentarisation de l'homme. Jusqu'à présent, il était chasseur, cueilleur et
pêcheur et il se déplaçait au rythme des troupeaux et des saisons sur des vastes territoires en établissant
des campements temporaires. Vers -8000, certains de ces Cro-Magnons vont découvrir entre le Tibre et
l'Euphrate, en Mésopotamie (+/- Irak actuel), qu'il était possible de reproduire des espèces végétales (le
blé, les pois...) artificiellement en les semant et qu'ils pouvaient aussi domestiquer des animaux sauvages
en les enfermant dans des enclos et en les nourrissant. De l'aurochs ils feront le bœuf, du mouflon le
mouton, du sanglier le porc...
Pourquoi cette Révolution néolithique s'est-elle passée d'abord en Mésopotamie et n'est-elle née que là ?
La Mésopotamie fournissait tout ce qu'il fallait pour créer ou découvrir ce nouveau mode de vie: le climat
était chaud, le Tibre et l'Euphrate amenaient l'eau et leurs crues annuelles les alluvions fertilisants, les
animaux et les végétaux y étaient nombreux. Au stade des recherches actuelles, on sait qu'un deuxième
centre de néolithisation apparu en Amérique centrale vers -3000 av. J.-C. serait à l'origine des hautes
cultures précolombiennes à venir (les Olmèques, Mayas, Toltèques...) et qu’un troisième est à l’origine de
la civilisation chinoise.
Par contre, c'est à partir de la Mésopotamie que le Néolithique va s'étendre en Europe, en Afrique (à
commencer par l'Egypte avec le Nil qui fournissait des ressources proches de Mésopotamie) et en Inde,
puis plus tard en Océanie.
Le Néolithique va donc marquer la naissance des premiers villages, puis des premières villes ainsi que des
premières sociétés modernes complexes avec le(s) chef(s), l'armée, les "prêtres", les ouvriers, les artisans
et les artistes, les commerçants... A partir de ce moment là naissent également les cultures propres à
certains peuples et à certaines régions (>< à la culture universelle paléolithique).
Notons que c'est durant cette période que commence l'utilisation des métaux (or, bronze, puis fer) que
nous verrons dans le cadre des grandes civilisations antiques.
A. L'habitat:
Divers types selon les régions et le degré de civilisations, ainsi que les matériaux locaux. Néanmoins, il
est à présent fait pour durer plus longtemps qu'une hutte ou qu'une tente. Présence de défenses dans les
premiers villages car qui dit propriété, dit richesse et biens, donc convoitise et combats...
Exemples:
- Maison circulaire de Palestine et de Chypre (-8000 à -4000): huit mètres de diamètre,
fondations de 1 m de profondeur, briques crues et plâtre puis pierre, sol pavé.
- Maison d'Hassuna en Mésopotamie (-6500 à -4000): plan rectangulaire, véritable ferme
avec mur en briques crues, toit de chaume, étables, grenier à foin, silo à grains.
- Maison « à fond de cabanes » européenne: plan irrégulier, ossature en bois, murs en bois
tressé (clayonnage) et toit en chaume, fosses à foyer et à provisions à l'intérieur.
- Maison danubienne européenne: même type mais plan régulier, ossature en poteaux de
bois, mur en argile, toit de chaume ou branchage, murs de division intérieure, parfois étage
sous le toit
14
-
Village danubien: Protection par une palissade parfois doublée et des fossés, entrée en
chicane, quatre maisons, enclos pour animaux et culture à l'intérieur et à l'extérieur.
Village fortifié de Dimini en Grèce (-5000 à -3000 av. J.-C).
B. La Céramique:
Apparition de cet art au Néolithique. Objets essentiellement utilitaires (conservation et rangement des
aliments) néanmoins décorés. Nouveau: apparition d'une attention esthétique autre que pour les
objets liés aux cultes ou à la religion (>< Paléolithique). Comme pour l'habitat on distingue plusieurs
styles, avec toutefois un intérêt certain pour le motif décoratif abstrait, géométrique ou stylisé. Façonnée à
la main ou moulée dans des formes en bois.
En Europe, grande époque du style rubané, vase et pot décoré par des motifs linéaires incisés, souples
ou plus géométriques, faits par les doigts, des coquillages ou divers outils... puis ajout de détails
piquetés.
En Mésopotamie, aux motifs incisés va succéder des motifs peints géométriques irréguliers puis de
représentations géométrisées d'animaux de différentes qualités. On parie du style de l'époque de
Samarra et de l'époque d'Obeid (-6000 à -4500 av. J.-C.).
Il existe aussi un peu partout des petites figurations de récipients zoomorphes ou anthropomorphes en
terre cuite peinte servant à agrémenter la vie quotidienne et peut-être aussi au culte: Bélier et Femme
assise du Néguev en Arabie (-3000).
C. Le culte et la sculpture :
La plupart des civilisations néolithiques vont continuer à enterrer les morts dans la position fœtale.
Toutefois, en Mésopotamie, il n'existe pas vraiment de tombes ou nécropoles avec monuments: les corps,
parfois exposés aux prédateurs, sont enterrés sous la maison familiale, et leur crâne est parfois même
exposé dans la maison !!! On parle de culte des crânes. Exemple: Crâne de Jéricho (vers -6000 av. J.C.): crâne retravaillé, « recomposé », sorte de masque du défunt.
Existence aussi de petites statues d'idoles féminines proches des venus paléolithiques. Les seins et le
bassin sont encore accentués mais les types varient. La Déesse de la fertilité de Munhata (Palestine, vers
-5000, argile) sert son ventre rebondi sous les seins, la Déesse-mère de Catal Höyük (Turquie, vers 5000/-4000) accouche d'un enfant tandis qu'une Déesse de Chypre (1000/-2000, terre cuite) allaite son
enfant. Elles représentent les cycles de la vie et devaient probablement être liées à la fertilité du sol.
En Europe, le Néolithique va voir s'épanouir la Culture des mégalithes, menhirs ou dolmens, qui
pouvaient servir ou de monuments funéraires ou de monuments de culte. Ils étaient alors disposés en
fonction des cycles du soleil. Exemple le plus célèbre: l'ensemble de Stonehenge en Angleterre (-4000
av. J.-C-). Au Portugal, tombe mégalithique de Anto do Silval.
D. La peinture:
II semble que les murs de certaines maisons de Mésopotamie aient été ornées de peintures, toutefois il n'en
reste pas assez de vestiges pour en parier. Par contre, nous conservons les très belles peintures rupestres
du Plateau du Tassili en Algérie (-2000/-3000 ans av. J.-C.). Très lumineuses, elles représentent des
scènes de la vie quotidienne des pasteurs qui peuplaient alors le Sahara qui était fertile.
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____________________________________________________
Partie II : L'art des civilisations antiques méditerranéennes
Chapitre 1 : L'Asie Antérieure
A. Introduction:
- Cadre géographique de l'Asie antérieure (Proche-Orient) diversifié.
Trois régions capitales étudiées:
. la Mésopotamie:
actuellement, l'Irak et le nord-est de la Syrie
au nord, la Turquie et l'Arménie
au sud, le Golfe persique
à l'ouest, l'Anatolie (Turquie) et la Phénicie
à l'est, la Perse (Iran)
au centre, l'Euphrate et le Tigre
. l'Anatolie: actuelle Turquie orientale
. la Phénicie:
les côtes méditerranéennes orientales: Syrie,
Liban, Israël, Territoires palestiniens et
Jordanie.
Lien géographique entre les trois: le croissant fertile.
- Cadre historique:
Nombreux mouvements de peuples différents (invasions, exodes, exils), d'où quasiment jamais d'unité
politique. Néanmoins, possibilité de trouver un fond culturel commun.
Trois ethnies:
. les Asianiques: Sumériens
. les Sémites: Akkadiens, Assyriens, Araméens, Phéniciens, Hébreux.
. les Indo-Européens : Hittites et Perses achéménides.
- Cadre chronologique:
Au Néolithique (-9000 à -2800). Invention de l'écriture: pour la comptabilité des offrandes-impôts aux
temples. D’abord, des pictogrammes (un signe représente un mot), puis idéogrammes (on regroupe des
signes pour exprimer un autre mot: signe bouche + signe eau = boire) et enfin écriture phonétique (un
signe représente un son: système du rébus). Usage du cunéiforme. L'écriture alphabétique sera
inventée par les Phéniciens vers -1200.
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B. Epoque sumérienne en Mésopotamie: -2800/-2400
Extension des Sumériens dans toute la Mésopotamie. Richesse, naissance des villes (cités-états d'Eridu,
d'Ur, d'Uruk, de Lagash, de Nippur...), gouvernement central (roi-prêtre) et haute administration (usage de
l'écriture). Fin de la céramique décorée (Samarra, Obeid).
- Architecture:
Sanctuaire de l'E-Anna à Uruk : dédié à la déesse Innana ; vaste complexe à la fois religieux,
administratif et royal. Proximité du plan entre tous les édifices: présence de cours avec enceintes autour
desquelles s'articulent des petites salles et qui débouchent sur de plus vastes espaces réservés au culte.
Façade à redents (décrochement), fondations en pierre calcaire et élévation en briques crues. Décors des
murs et colonnes en mosaïques de cônes en terre cuite. Le temple blanc du dieu Anu à Uruk : de plan
rectangulaire, à redents et surélevé sur une "colline" artificielle (ancêtre de la future ziggurat). Ce type du
temple se confirma avec le temple de Khafadjé à Obeid, situé au centre d'une double enceinte à cours,
sur une terrasse.
Palais de Kish: fonction politique et religieuse du roi. Plan « labyrinthe » très compliqué proche de celui
des temples. Cour intérieure et salle hypostyle (à colonnes). Briques crues et cuites.
- Sculpture:
Adorant barbu d'Uruk: en pierre, yeux incrustés. Expression de spiritualité, geste de prière.
Adorants d'Eshnunna (Tell Asmar): même fonction de prière mais style dit géométrique, grands yeux
incrustés (signe d'intelligence et de foi), kaunakês (jupe) traditionnel en laine, geste de prière éternelle.
Avec Ibih-II intendant de la cité de Mari (albâtre, 52,5 cm) et l'adorant du temple de Ninni-Zaza
(albâtre), apparaît le type courant de l'adorant, avec le torse nu, le crâne rasé, le kaunakês et les mains
jointes. Ici, le réalisme est accentué, les proportions meilleures, le détail plus soigné et surtout apparaît
une personnification du sujet.
- Relief:
La Stèle des vautours (calcaire. 1,80 x 1,30 m, Louvre), relief historique témoignant de la victoire du
roi Eannatum de Lagash sur la ville de Urnma, présente sur deux faces le roi casqué et son année.
Composition en registres superposés, multiplication et superposition du même soldat pour montrer leur
nombre. Plus ancien texte historique mésopotamien.
- Arts décoratifs:
Très nombreux, finesse de l'exécution, richesse des matériaux.
Orfèvrerie et bijouterie retrouvée dans la nécropole royale d'Ur: travail de découpe de feuille d'or, de
ciselage, de repoussé, de granulation, de filigrane. Adjonction de lapis-lazuli (pierre semi-précieuse
bleue).
Marqueterie d'ivoire, de calcaire, de coquillage, de lapis-lazuli pour une table de jeu et ses pions. Avec
l'Etendard d'Ur (48 x 20 cm British Museum), le travail de marqueterie s'enrichit. Il s'agit d'un diptyque
composé de deux panneaux à registres (un pour la guerre, l'autre pour la paix), racontant l'expédition
guerrière d'un roi sumérien. Pièces de lapis-lazuli, de cornaline et de coquille collées avec du bitume sur
du bois.
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C. Empire mésopotamien des Sémites d'Akkad: -2400/-2300
Conquête et unification des cités-états de Sumer par les Sémites. Continuité de l'art sumérien avec une
nouvelle sensibilité, l'idéologie impériale et l'accentuation d'un type physique différent.
Peu de
constructions. En sculpture, le portrait en bronze de Sargon (N.B.: sauvé des eaux): type barbu et
bonnet royal, perfection technique et grande noblesse. En relief, la Stèle de Nâram-Sîn représente sans
registre une scène unique avec, c'est nouveau, des notations de paysages (montagne, arbres). Le roi
d'Akkad (ou Agadé), divinisé par sa coiffe à cornes, célèbre sa victoire sur les montagnards de l'Elam
(nord-est du Golfe persique) en écrasant ses ennemis et en contemplant le dieu soleil.
D. Epoque des Néo-sumériens en Mésopotamie: -2300/environ -2000
Invasion de l'empire d'Akkad par les Guti du Zagros (Iran), retour aux cités-états de Sumer.
- Architecture:
Sanctuaire cultuel du dieu-lune Nanna à Ur, Reprise et développement du type architectural sumérien
(plan-labyrinthe, cours intérieures, enceintes, murs à redents) mais apparition de la ziggurat, édifice
monumental à étages surmonté d'un temple avec escaliers (sorte de pyramide). Fonction : atteindre le
divin ? Couche de l'union du dieu et des prêtresses? Observatoire des astres? Briques cuites liées avec du
bitume. A côté, palais, entrepôts, temple funéraire et tombeaux royaux.
- Sculpture:
Belle collection de statues du prince Gudéa de la cité de Lagash (diorite, de 45 cm à +/- 1 m): rondeur
et visage proche de l'art sumérien mais perfection technique, noblesse et coiffe royale akkadienne.
Sentiment de dévotion, de sérénité intérieure sumérienne accentuée car Gudéa était un grand mystique qui
consacra les richesses de sa cité à bâtir des temples. Fusion entre l'idéologie princière et religieuse.
- Relief:
Stèle d'Ur-Nammu. Scène de libation, de défilés d'offrandes. Retour aux registres sur fond unis, mais
divinités, types et costumes akkadiens. Esprit de synthèse.
E. Les dynasties babyloniennes de Mésopotamie: environ -2000/-1200
La Mésopotamie sumérienne est envahie par des Amorites (tribus sémitiques) mais, après une période de
cités indépendantes, le pouvoir de la cité de Babylone (avec le roi Hammourabi) s’étend sur tout le
territoire.
- Architecture:
Dans la tradition sumérienne, avec néanmoins un progrès dans le confort et le décor, ainsi qu'une
multiplication des dimensions. Le palais de Mari: plan de plus en plus complexe, multiplication des
appartements et des salles autour de gigantesques cours intérieures, présence de bains, de salles
hypostyles, de salles de réception, de salles d'audience, de zone sacrée, d'entrepôts, de salles
administratives...
Décor de peinture murale (nouveau): Scène de sacrifice (défilés d'hommes et
d'animaux), dessins précis, couleurs simples.
Scène de l'Investiture: division en panneaux
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rectangulaires, indication d'arbres, d'animaux, déesses aux eaux jaillissantes (// Gudéa), roi Zimri-Lim
devant déesse Ishtar. Animation et fantaisie.
Sculpture :
Déesse aux eaux jaillissantes de Mari (calcaire, 1,49 m) : déesse de l'eau bienfaisante et fertilisante,
système de tuyaux internes pour faire couler l'eau du vase, belle qualité, finesse du visage, sourire. Rappel
des statues de Gudea par la masse et l'attitude. Chapeau à cornes typique des divinités depuis l'époque
néo-sumérienne.
Statue du roi Ishtup Illum: portrait d'un homme âgé, humain mais bonnet, yeux et modelé proche des
statues de Gudéa et attitude semblable aux adorants sumériens. Continue la tradition néo-sumérienne.
- Relief:
Stèle du code d'Hammourabi (basalte, 2,25 m) : inscription de 282 lois avec scène conventionnelle et
traditionnelle du roi devant le dieu de la justice Shamash. Tradition néo-sumérienne continuée.
F. L'art des Hittites en Anatolie : -2000/-1200
Les Hittites sont des Indo-Européens qui envahissent le nord de l'Anatolie et y développent un empire un
peu différent de la Mésopotamie. Ils vont étendre leur pouvoir jusque dans le nord de la Mésopotamie et le
nord de la Phénicie. Peuple de guerriers venus d'au-delà des Balkans. Seront des grands commerçants.
- Architecture et sculpture monumentale:
Fondation de villes-citadelles telles Alica Hüyük. Remparts puissants en pierre énorme (appareil
cyclopéen), tours, portes monumentales, voûtes à encorbellement. Urbanisme diffèrent de Babylone,
plan non organisé, cour à portiques et colonnes en bois. Sphinx (d'influence égyptienne) et lions
gardiens des portes des villes (influence sur les Assyriens): art puissant, traitement des surfaces par gros
plans, relief accusé, art massif (Sphinx de Aliça Hüyük et lions de Hattus).
G. L'art des Phéniciens: -2000/-1200
La Phénicie par sa position côtière fut une terre de commerce en relation tant avec la Mésopotamie
babylonienne, les Hittites, les Crétois, les Mycéniens que les Egyptiens. Elle connaîtra le retour des
Hébreux d'Egypte avec Moïse (vers -1200) et à la même époque l'installation des Philistins (Palestiniens)
dans la "plaine de Gaza".
L'art phénicien va donc être profondément marqué par les apports extérieurs.
- Sculpture et arts décoratifs:
Tendance égyptisante :
Statuettes votives de Byblos: troupe de personnages (une armée?) enfermée dans une jarre comme
offrande au temple de Byblos. Allure égyptisante.
Statue du dieu Baal de l'orage et la pluie: rappel l'art égyptien.
Portrait de Bethsabée (maîtresse hittite du roi hébreu David): petite tête en ivoire proche des portraits
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égyptiens.
Plaque gravée sur ivoire (détail): cortège apportant au roi hébreu un tribut et ses captifs: conventions
égyptiennes de représentation des personnages, sphinx du trône égyptisant.
Tendance crétoise :
Déesse dansant entre deux bouquetins, fin du XVIIIe siècle av. J.-C., Louvre : couvercle de pyxide
(petite boîte) en ivoire. Accent mis sur le mouvement, la féminité, la coquetterie et la beauté du
personnage.
Tendance mésopotamienne :
Porteur de chèvre en offrande: statuette en or d'un pasteur hébreu, visage, corps et allure rappelant l'art
babylonien et néo-sumérien.
N.B.: Important de savoir que les œuvres représentant des Hébreux ne sont pas de la main d'artistes
juifs puisque leur dieu avait interdit à ceux-ci de représenter des hommes.
Exemple d'œuvre typiquement hébraïque: brûleur d'encens en terre cuite, les serpents évoquent le bâton
de Moïse par lequel il appelait les plaies sur l'Egypte et le symbole du péché pour Adam et Eve.
H. L'art de l'empire assyrien: -1200/-600
Les Assyriens, comme les Akkadiens, sont un peuple sémite fixé dans le haut Tigre, autour de Ninive
(Nimroud) A partir de -1200, ils vont étendre leur pouvoir sur toute l'Asie antérieure: l’Anatolie
hittite, la Mésopotamie babylonienne, la Phénicie et le royaume des Hébreux, l'Elam iranien et l'Egypte.
- Architecture:
Peu d'innovations par rapport aux Néo-sumériens et aux Babyloniens, si ce n'est le gigantisme encore
accentué ainsi qu'une recherche décorative nouvelle et l'apport des Indo-européens hittites d'Anatolie:
Vue des remparts d'Assur et reconstitution de Nimroud: haute ziggurat et remparts à redents
(traditionnel), nombreuses colonnades (comme chez les Hittites), statues de monstres androcéphales ailés
(influence hittite), décor des murs en briques émaillées, peintes et cuites et soubassements avec frises
d'albâtre peintes (nouveau).
- Sculpture et relief:
Art de la sculpture très pauvre et peu important pour les Assyriens.
Taureaux androcéphales (à tête humaine) ailés de Khorsabad: monstres gardiens des portes des palais
et des temples (= orthostates), énormes, colossaux, impressionnants, visages (barbe à bouclettes et
chapeaux à cornes) akkadiens ou néo-sumériens, cinq pattes (hittite).
Par contre, grand développement du bas-relief:
Assurbanipal chassant le lion (albâtre, Ninive, British Muséum): réalisme des attitudes, rendu
musculaire, diversité des attitudes, l'artiste cherche à représenter la puissance ou la souffrance des
animaux.
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Assurbanipal sur le char de la victoire (Louvre): relief peu accentué mais soin de détail extrême,
véritable ciselure.
Banquet d'Assurbanipal et de la reine sous la treille (British Museum): différent des deux autres, car
ici représentation d'un jardin, avec des arbres et des oiseaux. Tête de l'ennemi d'Elam suspendue à un
arbre.
Assaut d'une cité par l'armée d'Assurnazirpal (British Museum): attention pour la description de
petits groupes d'hommes, plus que pour une vue d'ensemble. Notation spatiale.
Génie bâtisseur (Musée de Bagdad): fait le geste de protection traditionnel et courant en levant une
pomme de cèdre et en portant la situle (seau) en bronze.
I. La renaissance babylonienne en Mésopotamie: -600/-500
Résistance de Babylone à l'invasion assyrienne et renaissance de l'art babylonien entre -600 et -500
environ après une période de sommeil sans conséquence négative sur les arts. Au contraire, l'art néobabylonien va intégrer des influences assyriennes.
- Architecture et sculpture architectonique:
Après la période assyrienne, renaissance de la ville de Babylone de part et d'autre de l'Euphrate. Ville
fortifiée (double enceinte en brique) à plan orthogonal et portes monumentales voûtées (Porte d'Ishtar).
Vastes zones de palais typiques, mais encore plus grands (5 cours, jardins suspendus sur salles voûtées entrepôts) et mieux organisés. Complexe cultuel de Marduk avec sa ziggurat de 7 étages et le temple
d’Ishtar.
Ziggurat, salle du trône et porte d’Ishtar décorées avec un revêtement en brique émaillées bleues et des
briques moulées peintes : lions, griffons, taureaux, frise de palmettes et lotus, colonnes à chapiteaux en
volutes. Technique apportée par les Assyriens.
Lions gardiens du temple de Mari: style figé, tendu, monumental, puissant, crinière et pelage stylisés et
détaillés. Cinq pattes pour être vu de profil et de face. Influence assyrienne elle-même reprise aux
Hittites d'Anatolie.
J. L'art de l'empire des Perses achéménides: -600/-300
Les Perses, Indo-européens installés dans l'Elam iranien (les côtes nord-est du Golfe persique), se lancent
à la conquête de la Mésopotamie assyrienne et du reste de l'Iran jusqu'à l'Indus, puis de la Phénicie et de
l'Egypte ainsi que de l'Anatolie et même d'une partie de la Grèce !
- Architecture:
Synthèse de différents éléments: les palais autour de cours (Néo-sumérien et néo-babylonien puis
assyrien), les salles hypostyles (babylonien) qui prennent ici des grandes proportions et une grande
importance (= l'apadana), les portiques à colonnes (hittite puis assyrien), décor de briques moulées et
peintes (assyrien et néo-babylonien), décor de bas-reliefs (assyrien), présence de corniches à gorge
(égyptien), de colonnes à fût cannelé (grec), de chapiteaux composites et blocs-impostes en forme
d'animaux opposés (nouveau).
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Complexe palatial de Persépolis:
Conception nouvelle, bâtiments sur terrasse artificielle (500 x 300 m) avec escaliers d'accès ornés de basreliefs, Apadana, salle du trône, du conseil, des banquets, trésorerie.
Colonnes, soubassements, encadrements des portes et fenêtres, escaliers d'accès en pierre mais murs en
briques crues, poutres et plafonds en bois de cèdre,
Plus de temple, ni de ziggurat car le culte se faisait en plein air autour d'un feu sacré (culte indoeuropéen).
- Sculpture architectonique:
Chapiteaux du Palais de Darius Ier (calcaire gris): lions, taureaux ou griffons opposés. Modelé habile
et souple. Soin du détail.
Reliefs de processions et cortèges à Persépolis: défilé rythmé de personnages stéréotypés, parfois
séparés par un arbre rehaussé de peinture, qui viennent rendre hommage au roi. Nouvelle manière
(souplesse, amplitude) de travailler le draperies (influence grecque).
Mais tradition « asiatique »
conservée.
- Brique émaillée:
Archers (2 m) et griffons (2,52 m) du Palais de Darius Ier à Suse (Louvre): coloration intense,
perfection de la technique, draperies grecques, grande qualité.
- Sculpture:
Grande statuaire très rare, quelques exemplaires de sculpture luxueux s'apparentant plus au bijoux : Tête
d'un prince achéménide en lapis-lazuli au visage néo-sumérien/babylonien  conservation de 2000 ans
d'héritage).
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Chapitre 2: L'Egypte
A. Introduction :
- cadre géographique: Longue bande de terre d'une vingtaine de kilomètres de largeur de part et d'autre
du Nil. "Vallée fertile", comme en Mésopotamie propre à l'installation des
hommes au Néolithique (-4500/-3000 avant J.-C.). Haute Egypte, d'Assouan à
Memphis (symbolisée par le lys), et Basse-Egypte dans le delta du Nil au nord
(symbole du papyrus).
Limitée à l'ouest par le désert de Libye, au sud par la Nubie (Soudan actuellement)
et à l'est par le désert du Sinaï et la Mer rouge.
- cadre chronologique: .-4500/-3000
.-3000/-2600
Néolithique.
Epoque thinite : unification et création de l'empire.
Premiers Pharaons (dynasties I et II) et apparition de l'écriture.
.-2600/-2200
Ancien Empire (dynasties III à VI). Capitale: Memphis.
.-2200/-2000
Première période intermédiaire (dyn. VII à X). Troubles.
.-2000/-1800
Moyen Empire (dyn. XI et XII). Capitale à Thèbes puis Lisht.
.-1800/-1500
Deuxième période intermédiaire. Invasion par les Hyksos, peuple
oriental sémite venu de Mésopotamie. Arrivée des Hébreux
depuis la Phénicie. Dynasties étrangères XIII à XVII.
Nouvel Empire (dyn. XVIII à XX). Capitale: Thèbes (sauf
pendant la période amarnienne, à Tell El Amarna entre -1360et 1340). Conquête égyptienne de la Palestine et de la Phénicie,
raids égyptiens en Anatolie du Sud et en Mésopotamie.
Troisième période intermédiaire. XXIe et XXIVe dynasties, mais
division du pays et suprématie assyrienne.
Domination perse de l'Egypte. Dynasties étrangères XXV à
XXX.
Epoque grecque hellénistique et dynastie des Ptolémée
(Cléopâtre par exemple).
Epoque romaine.
Epoque byzantine.
Epoque musulmane.
.-1500/-1000
.-1000/ -600
.-600 / -300
.-300 / -30
.-30 / 395
. 395 / 630
. vers 630
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B. L'ancien empire (-2600 à -2200):
- architecture
II ne reste que les bâtiments funéraires et religieux car ils étaient les seuls construits en pierre. Les
bâtiments civils (palais, maisons privées...) étaient bâtis en briques crues et n'ont donc pas résistés au
temps. C'est à l'Ancien Empire que les bâtiments en pierre apparaissent. Le plus célèbre est le complexe
funéraire de Djéser (Djoser) à Saqqara (IIIème dyn.) construit par l'architecte IMHOTEP .
Large enceinte rectangulaire en "façade de palais" à redans (comme en Mésopotamie) entourant une
pyramide à degrés de 6 étages couvrant le tombeau du pharaon (>< ziggurat qui n'était pas un tombeau).
Au pied de la pyramide, le serdab, local entièrement clos abritant la statue de Djéser qui n'était visible
qu'au travers de deux petites ouvertures qui servaient en vérité au pharaon pour voir de l'intérieur vers
l'extérieur. Architecture factice, décorative et symbolique mais pas fonctionnelle ou "habitable" car
pleine. Beaucoup de détails reproduisent en pierre les architectures de bois et de roseaux des périodes
précédentes. Ainsi, des fausses-portes imitent les anciennes portes en roseaux. Elles symbolisent le
passage du monde des vivants au monde des morts. La cour du hed-sed, servait à des rites de revigoration
du pharaon.
A partir de la IVème dynastie, le complexe funéraire va être remplacé par la pyramide accompagnée d'un
temple bas pour l'accueil et d'un temple haut (proche de la pyramide) reliés par une allée sacrée, le
dromos. L'ensemble de Giza (Giseh), comprend plusieurs pyramides dont les plus célèbres sont celles de
Chéops, Chéphren et Mycérinus (Mykérinos). La chambre funéraire n'est plus sous la pyramide mais dans
la masse de pierre. La pyramide de Chéops, la plus grande, se compose de 2.300.000 blocs de pierre (15
tonnes!) amenés par des esclaves et des ouvriers et comprend trois caveaux superposés reliés par des
voûtes à encorbellement. Toutes trois étaient recouvertes par un revêtement de calcaire de qualité (presque
entièrement disparu).
Le temple bas de Chéphren est le seul bien conservé. Il devait servir aux rites des funérailles. Il n'est pas
décoré.
Le Sphinx (72 m de long, 20 m de haut) a été sculpté dans un rocher naturel. Lion couché à tête humaine,
coiffée de la coiffure royale (le némès), du cobra (ureus) sur le front et de la barbe postiche. Il s'agirait de
Chéphren. Fonction: gardien des lieux sacrés (un peu comme chez les Babyloniens, les Hittites, les
Assyriens).
Pour élever ces pyramides, on devait sans doute monter une rampe (hélicoïdale?) en terre au fur et à
mesure de l'élévation. On y tirait les pierres sur des rondins de bois et de l'argile mouillée. Puis, on la
démontait à partir du haut et on évacuait la terre.
A côtés des pyramides, il existait aussi des mastabas (en arabe, banc, banquette). C'était des sépultures
privées pour les hauts dignitaires et les aristocrates construites autour des pyramides royales.
Comme la plupart des « bâtiments » funéraires et cultuels égyptiens (cf. Complexe de Djéser), il s'agit de
monuments pleins, dans lesquels un couloir menait à un puits au fond duquel était la dépouille funéraire.
Plan rectangulaire, parois à fruit (inclinées), plus étroites vers le haut. Décor de fausses-portes devant
lesquelles on déposait les offrandes. Ces mastabas étaient groupés en nécropoles ordonnées, sorte de
villages funéraires (comme plus tard chez les Etrusques et les Romains).
- le relief:
Apparition des conventions typiques qui resteront tout au long de l'art égyptien: tête de profil et oeil de
face, épaule de face, torse de trois quart avec représentation du nombril, fesses, jambes et pieds de profil
(deux fois le même pied).
25
Ils représentaient principalement des scènes de culte funéraires et de la vie quotidienne (pour rappeler au
défunt sa vie et assurer un bon passage vers la mort). Ils étaient donc conservés pour la plupart dans les
mastabas et leur qualité dépendait du niveau de richesse de la famille du mort. Reliefs du mastaba de
Mererurka et de celui de Neferirtenef (remonté au Cinquantenaire).
- la sculpture:
Peinte souvent (ainsi que les reliefs): peau claire pour les femmes, brunes pour les hommes. Pied gauche
en avant pour les hommes (influence sur les kouroï grecs archaïques). Frontalité: de face, symétrique.
Corps fermé, inscrit dans le bloc. Pas de mouvement ou alors retenu.
Djéser (calcaire, 1,40 m, Le Caire). Statue du serdab. Force, stabilité, puissance, "sauvage". Portrait
individualisé mais pas réel, légèrement idéalisé  réalisme psychologique.
Chéphren (diorite, 1,68 m, Le Caire). Même sentiment que Djéser, mais plus serein, plus fin, moins
sauvage et corps mieux perçu. Perfection.
Triade de Mycérinus (schiste, 80 cm, Le Caire): finesse du visage, corps estompé, positions typiques,
dépendance au bloc; plus du très haut-relief que de la sculpture en ronde-bosse, positions raides et
retenues pour les femmes, expression froide, décidée pour le roi.
Pépi II sur les genoux de sa mère (albâtre, 39 cm, Brooklyn): ambiguïté, pas très maternelle. Enfant
représenté comme un adulte de plus petite taille. Conception indépendante l'une de l'autre, axes
perpendiculaires, bras de la reine Ankhnesmeryrê détaché du trône (progrès).
Pepi Ier à genoux (schiste, 15 cm, Brooklyn): statuette d'offrande de vases de libations, individualisé,
visage étiré vers les tempes, strabisme, aspect plus proche de Pépi II et sa Mère que de Djoser et
Chéphren, moins beaux traits du visage, peu noble, peu imposant.
Scribe accroupi (calcaire peint, 53 cm, Londres): frontal, mais réalisme du torse. Impression plus
intelligente que les Pépi, aisance corporelle, réalisme mieux atteint.
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C. Le Moyen-Empire (-2000 à -1800):
Cet empire va succéder à une période de trouble qui marquera la Première période intermédiaire, pendant
laquelle l'Egypte va être divisée entre des pouvoirs locaux rivaux: appauvrissement du pays, arts négligés,
pillages, destructions. Puis, réunification par le prince de Thèbes, Nebethrê Mentouhotep et rétablissement
de l'ordre.
- architecture:
Peu connue car en calcaire, matière réutilisée plus tard (par les romains notamment) tout comme le
revêtement des pyramides de Gizah. Le temple de Mentouhotep II à Deir el Bahari nous montre un
nouveau type: la pyramide-tombeau est juchée sur une terrasse à deux étages bordés de colonnes. Un
dromos à ciel ouvert de plus d'un kilomètre reliait les bâtiments d'accueil à une première cour, de celle-ci
s'élevait une rampe vers la première terrasse. Derrière, une seconde cour suit et conduit à une salle
hypostyle (à colonnes) précédant un saint des saints qui abritait la statue du roi. Architecture de transition
entre l'Ancien Empire (la pyramide) et le temple funéraire du Nouvel Empire.
- sculpture:
Au début, proche de « insensibilité » de l'Ancien Empire, du hiératisme et de la droiture de Chéphren ou
de Djéser et de la lourdeur et d'une sensation de naïveté un peu maladroite des Pépi. Mentouhotep II
(grès peint, 1,83 m, Le Caire): figé, paralysé, regard fixe, sobriété rudimentaire, pesanteur. Jambes et
pieds énormes. Grosses lèvres, grands yeux, sourcils horizontaux en relief, manque de grâce.
Puis progrès et changement. Humanisme, réalisme accentué, tout est montré. Sésostris Ier (calcaire, 1,96
m, Le Caire): visage charnu, sourire, anatomie naturelle et musculaire. Avec Sésostris III, yeux
globuleux, nez saillant, pommettes hautes, commissure des lèvres tombantes. Triste, morose, fatigué,
amère, homme au crépuscule de sa vie. Très différent de l'Ancien Empire, plus humain, moins ridicule
que les Pépi, plus réalistes que Chéphren et Djoser. Ce n'est plus un dieu tout puissant soustrait à la
vieillesse, mais un homme (conséquence sans doute de la Première période intermédiaire).
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D. Le Nouvel Empire (-1500 à -1000):
La Seconde période intermédiaire voit le delta du Nil envahi par des Sémites de Mésopotamie, les
Hyksos, tandis que le sud du pays (Nubie) passe sous contrôle purement africain: le royaume de Koush.
Un peu avant -1500, le roi égyptien Amosis chasse les Hyksos et reprend la Nubie. C'est le début du
Nouvel Empire.
- architecture:
Grande période des temples pour entretenir de bons rapports avec les dieux dont absolument tout
dépendait. L'initiative de la construction de ces temples était toujours royale. Richesse et variété de
l'architecture. Importance de l'inspiration de la nature.
Eléments du temple classique = progression: façade à pylônes et obélisques, salle hypostyle, salle
d'offrande et saint des saints avec le naos (logette contenant la statue).
Temple funéraire de la reine-pharaon Hatshepsout à Deir el Bahari (vers -1500): architecte
SENENMOUT, amant de la reine-pharaon. Contre une montagne rocheuse. Terrasses étagées à colonnes
(portiques) et rampe d'accès, chapelles d'Hathor et Anubis, d'Hatshepsout elle-même et de Thoutmosis Ier.
Sanctuaires d'Anubis et d'Athor creusés dans le rocher. Nombreux reliefs sur les murs et les supports. A
l'origine, plantations et bassins. Allée de sphinx.
Sanctuaire de Karnak (Thèbes): composition; enceinte, temple d'Amon, lac sacré, voies
processionnelles avec portes monumentales (pylônes), temples et chapelles annexes.
-sous Thoutmosis Ier: esplanade devant le temple, double pylône et salle hypostyle. Le pylône séparait le
monde divin du terrestre et servait de défense. C'était l'emblème de là puissance des dieux et des
pharaons. En général, ces pylônes étaient illustrés de représentation en relief de la destruction des
ennemis de l'empire.
-sous Hatshepsout: chambres d'offrandes dans la cour, obélisques en granit (symbole du rayon de soleil)
-sous Thoutmosis III: annexes derrière le temple: salle des fêtes (plan basilical), magasins, chapelles à
colonnes, 6ème pylône.
-sous Ramsès 1 et II: constructions devant le temple: pylônes, salle hypostyle de 134 colonnes et deux
niveaux à fenêtres (claustras en pierre).
-à la 22ème dynastie: dromos de 120 sphinx à corps de lion et tête de bélier entre le Nil et le temple.
Temples de Ramsès II et de Nefertari à Abou Simbel (Nubie): creusés dans le rocher.
-Ramsès II: façade en pylône à colosses royaux trônant. Dédié en plus de Ramsès II à Rê, Amon et Ptah
(jeu de mot, ils forment le nom R(êHA)m(on)-P(tah) ("p" prononcé "s") = RaMSeS). Entre ses jambes, sa
mère, son épouse préférée Néfertari et ses enfants. Intérieur: salle hypostyle et salles latérales, chapelle
saint des saints avec les quatre statues au fond éclairées par le soleil aux équinoxes du 21 mars et du 23
septembre.
-Néfertari: façade décorée de colosses de Ramsès et de la reine debout. Salle à piliers hathoriques.
Sauvetage par l'UNESCO.
Vallée des Rois et Vallée des Reines: au Nouvel Empire, on ne construit plus de pyramide et les
pharaons séparent leur tombeau du temple. Ils choisissent de se faire enterrer dans les tombeaux rupestres
creusés dans la roche. Rive gauche de Thèbes. Ces tombeaux comprenaient une suite de salles le plus
souvent à piliers, des couloirs descendants et des escaliers aboutissant à la chambre funéraire. Les piliers
et les parois étaient décorés de reliefs et de peintures, exemples: Tombes de Thoutmosis III,
d'Amenhotep II et de Ramsès III. Plus on avance dans le temps, plus le plan est rectiligne et organisé.
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- sculpture:
Hatshepsout (calcaire, 1,95 m, New York): Fille de Touthmôsis Ier, épouse de Touthmôsis II son demifrère, et régente de son beau-fils et neveu Touthmôsis III, fils de Touthmôsis II et de la reine Isis !!! Elle
usurpe le pouvoir et se fait appeler et représenter en pharaon. Elle porte les attributs masculins royaux telle
la barbe postiche. Visage très fin, félin, triangulaire, économie de détails futiles, sourire léger, perfection
du détail.
Touthmôsis III (schiste, 2 m, Le Caire): Juvénile, serein, idéal, même type qu’Hatshepsout. Style pur.
Amenhotep III (granit noir, 33 cm, Louvre, quartzite, 22 cm, British Museum): mêmes caractères.
- relief:
Relief du Portique de Pount au temple d'Hatshepsout: représentation d'une expédition de la
"pharaone" au pays de Pount (Nubie); la reine de Pount représentée obèse, telle quelle, avec toutes les
caractéristiques propres à son peuple.
Observation et intérêt pour le réalisme.
Sorte de relief
"journalistique"!
Les différents peuples conquis, temple d'Abou Simbel: même type que le précédent, attention aux
caractéristiques des autres peuples,
Peu après son avènement vers -1360, Amenophis (ou Amenhotep) IV, qui régnera 17 ans, élimine les
dieux traditionnels au profit du seul Aton (globe solaire), dieu jamais représenté de façon
anthropomorphe. Il détruit en tout lieu toutes les images qu'il peut et le plus possible de noms de dieux. Il
prend le nom d'Akhenaton et choisit une nouvelle capitale, Akhetaton, aujourd'hui Tell el Amarna. II
tente de libérer l'art des conventions et de l'idéalisation en se rapprochant de la réalité physique (plis de la
peau, du cou...) et en suscitant une esthétique de la déformation et de l'exagération des formes et les traits.
Colosse d'Akhenaton (calcaire, 4 m, Le Caire, grès, 1,53 m): visage allongé, menton haut et rond, yeux
en amande, lèvres épaisses, ventre ballonné et cuisses larges.
Tête de princesse amarnienne (quartzite jaune, 21 cm, Le Caire): oreilles percées, crâne extrêmement
allongé vers l'arrière, sensualité, élégance.
Relief de la famille royale (calcaire, 32 cm, Berlin): scène de famille, tendresse des parents, physique
amarnien (long cou, ventre ballonné...), soleil Aton à petites mains au bout des rayons, (autre relief tel la
scène d'offrande).
Tête de la reine Tiÿ : vieillesse extrêmement et outrageusement marquée.
Tête de Nefertiti, épouse d'Akhenaton (calcaire peint, 50 cm, Berlin): trouvée dans l'atelier de
THOUTMOSE. Polychromie. Beauté sensuelle extrême.
Torse de femme (Nefertiti?) (quartzite, 29 cm, Paris): tissu drapé moulant le corps fluide au ventre
rebondi et aux grosses cuisses, mais sans "caricature".
Portrait de Toutankhamon (calcaire peint, 20 cm, Le Caire): reste quelques caractéristiques
amarniennes, mais retour à plus de calme et aux conventions.
En effet à la mort d'Akhenaton, retour au culte d'Amon et à la tradition ancestrale. Apparaît ensuite un
renouvellement du style en même temps que ce retour à la tradition, c'est l'art ramesside (des Ramsès).
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Princesse Méritamon (calcaire peint, 73 cm, Le Caire): perruque très détaillée, beaucoup de bijoux,
double ureus et couronne. Elle tient un sistre (instrument de musique) et porte des boucles d'oreille.
Richesse développée et mise en avant.
Princesse (XVIIIe dynastie): Toujours mode plus riche (lourde et longue perruque). Présence d’un
souvenir amarnien avec les sillons sur le coup.
Ramsès II (Granit noir, 1,94 m, Turin): majestueux, reconnaissable, sourire dans la lignée
d'Hatshepsout, idéal de la jeunesse, retour à la tradition du début du Nouvel Empire.
- la peinture:
Art déjà connu auparavant mais jamais autant développé qu'à cette période thébaine du Nouvel Empire
(tombes royales ou privées). La peinture égyptienne, comme le relief, ne représente jamais les objets tels
qu'ils sont mais comme on sait qu'ils sont. Il n'y a pas de perspective mais des rabattements sur un même
plan, pas de volume, une insertion spatiale stylisée, l'usage du cerne et le respect des conventions
(profils...).
Exemples:
Tombe de Sennefer, de Ouser et de Tekhmirê à Thèbes. On donne aux choses et aux objets figurés son
aspect le plus vrai, celui qui montre le plus de caractéristiques reconnaissables.
Tombe de Ipouy, de Sennedjem, de Ouserhat. Epoque ramesside: minceur des bras, souplesse des
poignets, commissures des lèvres, sillons sur le cou, nez fin et busqué, longs doigts, accumulation de
bijoux, de détails. Même carnation pour les hommes et les femmes, parfois marques de perspective ou
représentation de face, vêtements amples à nombreux plis (Tombe d'Amennakht).
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Chapitre 3: La Grèce et le monde égéen.
A. Introduction:
- cadre géographique : les îles de la mer Egée, la Crête, la Grèce et les rives égéennes de l'Anatolie.
- cadre chronologique : -6000 à -2000: fin de la Préhistoire (Néolithique et Age du Bronze).
-2000 à -1400: civilisation crétoise autour de la Crête.
-2000 à -1000: civilisation mycénienne (d'abord en Grèce puis dès -1400, aussi
en Crête).
-1000 à -500: art grec archaïque.
-500 à -300:
art grec classique.
-300 à - 20:
art grec hellénistique.
-20 à 395:
époque romaine.
395 au XVe s.: art byzantin.
B. Le Néolithique égéen (-6000 à -2000):
- Comme en Asie antérieure et en Egypte, la fin de la Préhistoire en Grèce se marque par la
sédentarisation. Les hommes décident de se fixer aux endroits idéaux pour leur nouveau mode de vie,
construisent les premiers villages et s'organisent en société. Passage en douceur d'une culture universelle
préhistorique en cultures historiques indépendantes et diversifiées. L'énorme progrès dans l'utilisation des
métaux, des alliages et notamment du bronze entraîne un progrès de l'outillage, les récoltes s'intensifient,
les populations croissent, le commerce en Méditerranée est de plus en plus importants et les petits ports de
la mer Egée naissent. Les villages de Crête, des Cyclades et du littoral égéen deviennent de véritables
petites villes dans lesquelles on cultive le blé, l'orge, les pois, les lentilles, la vigne et l'olivier. On y élève
les moutons et les chèvres. Progressivement, les fonctions sociales s'affirment; éleveurs, agriculteurs,
ouvriers et... artisans!
- architecture:
Autour de la mer Egée, les hommes s'installent dans des villages de huttes circulaires, puis de megara,
petites maisons rectangulaires à deux pièces avec vestibule. Petit hameau de trois ou quatre maisons
entourées d'une enceinte de pierre (Village de Dimini cf. cours sur le Néolithique).
- ville de Troie H (-2300 à -2100): même type qu'avant mais plus vaste, rues pavées, fontaines publiques,
placettes, murailles avec bastions défensifs. La maison mégaron s'impose avec son vestibule typique à
antes. Domination de la ville (sur le mont Hyssârlik) par des monuments plus grands (temples? palais?
Première acropole?)
- sculpture:
Grande époque des idoles cycladiques, statuettes funéraires en marbre, protectrices des morts, diffusion
dans tout le monde égéen par le commerce maritime, schématisation, stylisation, géométrie, élégance,
finesse, perfection et grand aboutissement.
- céramique:
Façonnée à la main d'abord, décors linéaires et géométriques simples puis au tour, décor flammé, rapide,
brun-rouge ou géométrique, linéaire, anthropomorphe (à forme humaine) ou zoomorphe (en forme
d’animaux).
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CONCLUSION: Evolution de la société, une classe de nobles et de princes se met en place et les
fonctions sociales se diversifient.
Organisation de plus en plus poussée de l'urbanisme, des
fortifications. Commerce des métaux. Culte des morts et inhumation. Autonomie de l'art égéen par
rapport à l'Egypte et ta Mésopotamie, puis apparition d'artisans spécialisés dans certaines matières
abouties (travail de la pierre).
C. L'art crétois et l'art mycénien (-2000 à -1400/-1000):
Vers - 2000, rupture de la communauté culturelle égéenne. En cause, des populations d'origine indoeuropéenne, les Achéens ou Hellènes, infiltrées dans les Balkans (comme les Hittites en Anatolie, les
Perses en Iran) qui détruisent les établissements de la civilisation néolithique tout en intégrant une partie
de sa culture. Elles s'installent jusque sur les rives de la mer Egée et forment la communauté culturelle
dite mycénienne ou helladique. La Crête, de par son isolement insulaire, ne subira pas, jusqu'à son
invasion en -1400, l'influence des Mycéniens. Ses habitants vont alors développer une civilisation
originale dite crétoise ou minoenne.
- La civilisation crétoise (-2000 à -1400) :
L'île est divisée en plusieurs petits royaumes vivant en paix les uns avec les autres. Ils développent la
métallurgie du bronze, la céramique et l'orfèvrerie mais surtout le commerce maritime avec les îles des
Cyclades, de Rhodes et de Chypre ainsi qu'avec l'Egypte, la Mésopotamie et la Phénicie. Tous ces
contacts vont promouvoir la naissance d'une culture faite de nombreuses influences orientales.
- architecture:
- civilisation des palais-sanctuaires (Mallia, Cnossos, Phaïstos) : vaste complexe royal, administratif,
religieux et agricole. Autour d'une cour dallée à ciel ouvert (pour les fidèles et les cérémonies de
sacrifices), nombreuses pièces étagées (salle du trône, d'apparat, des archives, salles de bains, latrines,
greniers à grains, celliers, entrepôts... ). Utilisation de colonnes, de piliers, grande ouverture vers
l'extérieur, puits de lumière, décoration peinte, pas d'enceinte. Influence du plan et des décors des palais
sumériens et babyloniens de Mésopotamie plus que du mégaron néolithique.
- petites agglomérations et villages (Gournia, Akrotiri, Hagia Triada, Tylissos...): villages étages, sans
enceinte, palais seigneurial et place du marché, ruelles dallées, maisons à étages en colombages sur base
de pierre, pressoirs, citernes, celliers, aqueduc.
- peinture: dans les palais et maisons. A la détrempe. Originalité, sensibilité, fantaisie, élégance plus
que réalisme. Thèmes variés; procession de porteurs d'offrandes, spectacles et jeux, femmes, animaux
marins, rochers et fleurs, défilés de bateaux, sacrifices... Très grande proximité avec la Mésopotamie
(peintures du Palais de mari à Babylone) et conventions rappelant l'art égyptien.
- céramique: au tour rapide, vases élancés, thèmes naturalistes (flore, faune marine, poulpes), décor
bichrome brun sur fond clair. Fameux Vases ans poulpes.
- plastique: petites statuettes populaires sympathiques et joviales en faïence ou ivoire; déesses ans
serpents contre les mauvais sorts: expression de la féminité (torses nus) et joliesse, coquetterie. Statuettes
parfois plus luxueuses; rhyton (vase à libation) à tête de taureau en stéatite.
CONCLUSION: Art crétois = reflet d'une société où il fait bon vivre, prospère, marchande et
pacifique. Importance de l'habitat, des facilités de vie, thèmes sympathiques, naturalistes, féminins
(clergé féminin et peut-être matriarcat?). Influences égyptiennes et orientales.
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- La civilisation mycénienne (-2000 à -1000):
Fusion des indo-européens (les Hellènes) et des populations locales du Néolithique (les Pélasges).
Civilisations d'abord continentale puis étendue à tout le monde égéen, y compris la Crête dès -1400.
Jusque -1600, recul et pauvreté culturelle. Essor à partir de -1400 avec la conquête de la Crète et du
marché maritime égéen. Syncrétisme : fusion des différentes religions pour aboutir à la base de la religion
grecque. Diffusion et généralisation du grec. Art mycénien = viril, guerrier et essentiellement funéraire
(importance du culte des morts). Influence crétoise dans tout ce qui est décoratif (très riches arts du métal)
et résurgences néolithiques affirmées typiques des Indo-européens (fortification, emploi du mégaron,
notion d'acropole, pas de temple car culte en plein air).
- architecture: nombreux sites fortifiés monumentaux; les Palais-forteresses (Mycènes, Tirynthe, Pylos,
Athènes), sur acropole, enceintes en murs cyclopéens et portes monumentales, remparts et bastions. Palais
et habitat du type néolithique mégaron, mais plus parfait, meilleur agencement urbain.
Exemple: Ville de Mycènes: très grande proximité stylistique avec les villes hittites d'Anatolie (Çatal
Hüyük...).
- peinture: influence crétoise mais moins bien soignée. Thèmes guerriers originaux.
- céramique: une simplification des motifs inspirés de la Crête; poulpes symétriques, stylisation
géométrique. Nouveaux thèmes; guerre, soldats, chevaux, chars.
- sculpture: très peu de production de qualité; net recul par rapport aux Cyclades, plus proche des
statuettes populaires crétoises. Toutefois, début de la statuaire architectonique; Porte aux lionnes de
Mycènes, recherche de réalisme musculaire. Influence de la tradition égyptienne (?) des sphinx, comme
leurs frères hittites (lions gardiens des villes et des palais).
- Groupe de Déméther et Coré: culte de la fertilité, rappelle les déesses aux serpents crétoises mais
début de la tradition "grecque" des groupes (aux frontons notamment). Œuvre tout à fait différente de ce
qui se fait ailleurs au-même moment.
- orfèvrerie: richesse des tombes mycéniennes. Souvent, peuples guerriers = peuples des arts du feu, des
métaux (pour les armes notamment). Masques d'or des rois: portraits funéraires personnalisés, repoussé.
Gobelets en or, nombreux bijoux, vaisselle de luxe, armes d'apparat... Soin et finesse.
CONCLUSION: Le peuple mycénien va sacrifier beaucoup de son énergie à coloniser les terres
égéennes et à s'octroyer le marché maritime. Il va unifier le territoire en propageant sa langue et
son écriture, en créant les bases de la future religion grecque en intégrant à sa culture indoeuropéenne tant le passé néolithique (mégaron, acropole) que les apports crétois et orientaux.
D. L'art grec archaïque (-1000 à -500):
Au sortir de l'an -1000, tous les éléments pour faire une grande civilisation mycénienne, basée sur la
fusion des cultures du néolithique continentale récent (les Pélasges), des Indo-européens (Achéens ou
Hellènes) et des Crétois (y compris ses influences orientales). Toutefois, 1000 ans après la première
invasion indo-européenne des Achéens, la Grèce mycénienne subit une nouvelle invasion, elle aussi indoeuropéenne, vers -1000. Il s'ensuit dès lors de nouvelles guerres, des destructions systématiques
conduisant à un effondrement de la société mycénienne et à une nouvelle période, lente, de reconstruction,
de fusion et d'intégration des peuples en place. Ils deviendront les Grecs. Une fois la civilisation
mycénienne détruite, on repart à zéro. Néanmoins, cette reconstruction d'une société se base sur les acquis
du passé foncièrement ancrés dans la tradition: la langue grecque (plus l'écriture qui disparaît!), la religion
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mycénienne et le futur panthéon grec, la conception d'une société virile, guerrière et conquérante, le sens
de l'expansion et de la domination commerciale. En art, on reprend: une volonté d'approche du réalisme
dans la figuration, l'importance de la céramique (instrument de domination commerciale), le plan-type
"mégaron à antes" (bâtiment rectangulaire à vestibule à colonnes), le fronton triangulaire à sculptures (cf.
Porte aux lions de Mycènes), et l'importance et le goût pour le travail de la pierre.
Avec le temps, le commerce en Méditerranée reprend de plus belle. Les contact avec l'Orient (Anatolie,
Mésopotamie, Phénicie et Egypte) s'intensifient et les grecs reprennent à leur compte l'iconologie
animalière et fantastiques de l'Orient (sphinx, griffons ailés... extrêmement présents en céramique) ainsi
que certaines techniques oubliées (orfèvrerie, taille de l'ivoire) et des caractéristiques architecturale
(colonnade notamment).
Petit à petit, création de l'art grec: unification des tendances et des origines, création des types, vers une
constante recherche de réalisme, d'équilibre, d'humanisme et progrès techniques.
-architecture: religieuse essentiellement.
Reprise du plan mégaron et apparition des temples (Argos, Samos, Prinias, périptères de Thermos):
rectangulaire, vaste salle réservée à la statue du dieu, vestibule couvert "à antes" ou colonnade en bois
(pour protéger les murs) faisant tout le tour du bâtiment. Construction légère en bois et torchis ou briques
crues protégée par des plaques de terre cuite peintes. L'intérieur du temple étant peuplé de colonnes
servant à soutenir le toit de tuiles très lourd, le culte et les réunions de fidèles se font à l'extérieur. C'est
donc sur le décor extérieur que les artistes vont se concentrer. Les plaques de terre cuite appliquées sur les
murs vont conduire à l'invention de la frise composée de métopes. Pose d’acrotères (statues, sphinx) sur
le toit et terminaison des tuiles en antéfixe (+/- gargouilles).
Puis, affirmation et développement en dur (pierre, marbre) du temple sur ce plan ancien (mégaron à
antes). Modèle le plus courant, te temple périptère (colonnes tout autour de la cella) avec nombre des
colonnes variable. Création des ordres dorique et ionique. Ordre dorique: sous-bassement, colonnes
cannelées, chapiteau circulaire et abaque carré, architrave lisse et frise de métopes et triglyphes, fronton
sculpté, acrotères sur le toit. Ordre ionique: sous-bassement, colonnes cannelées avec base, chapiteau à
volutes, abaque carré, architrave à trois bandeaux moulurés, frise continue, fronton et toit pareils.
Importante décoration des temples à l'extérieur (sculptures, reliefs et peinture vive) car le culte (offrandes
et sacrifices) se fait devant l'édifice, l'intérieur de la cella étant réservé à la statue du dieu et au clergé. Les
sculptures architectoniques sont peintes !
. sanctuaire de Delphes: Temple d'Apollon, terrasse appareillée avec soin, voie sacrée bordée par les
trésors des cités.
. temple de Hera I ou de Poséidon à Paestum (Naples) proportions encore lourdes, colonnes trapues,
bombées (pour empêcher l'effet d'optique convexe), temple large  sensation d'écrasement. Intérieur de
la cella peuplé de colonnes superposées pour soutenir le toit (lourde charpente, tuiles, acrotères).
. temple d'Aphaïa à Egine: périptère hexastyle dorique (futur type Classique au Ve s.) aux proportions
plus légères, élégantes et harmonieuses.
. trésor des Athéniens à Delphes: édifice en marbre, proportions équilibrée, sobriété et élégance, vers le
Classicisme.
- sculpture:
Au début, petites œuvres populaires en bronze, simples et mal finies. Déclin par rapport à l'art des
Cyclades et la perfection du travail des orfèvres crétois et mycéniens. Témoin de l'époque: art guerrier.
Puis, apparition du kouros (des kouroï), jeune homme nu dans l'attitude de l'offrant. Type de sculpture
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monumentale importée de l'Orient, conventions orientales et égyptiennes. Les Xoana, grandes statues en
bois avec ajout d'ivoire et d'or (Apollon chryséléphantin de Delphes) seront suivies par les sculptures en
pierre (Moscophore du Musée de l'Acropole): jeunesse, visage souriant (cf. Egypte), simplification
(forme et drapé), ébauche de musculature.
Allée de lions du sanctuaire de Léto à Délos: élégance, force d'expression, schématisation essentielle,
musculature étudiée, attitude figée, rappel de l'art égyptien (dromos de sphinx) et Mycénien (Porte aux
lions).
Développement du type du kouros et de la korê, jeunes femmes et hommes en position d'offrant au dieu,
corps masculins nus et féminins habillés. Au début, rigidité et schématisme, puis de plus en plus proche
de la réalité dans les proportions, la musculature ou le drapé. Eclatement progressif du bloc et
assouplissement des attitudes, idées du corps jeune et parfait, richesse de la coiffure tant masculine que
féminine, visage au sourire radieux, trace de polychromie. Evolution vers te Classicisme de la période
suivante. Artistes anonymes.
- sculpture architectonique:
. fronton du temple d'Athéna (ancien Parthénon) de l’Acropole d'Athènes: temple détruit vers - 450
lors de la reconstruction du Parthénon Classique, les sculptures du fronton avaient été enterrées. Monstre
(le Triton) à 3 têtes: influence des masques du théâtre, caractère jovial, rondeurs et imperfection du
relief, naïveté, couleurs. Athéna: sourire archaïque, cape lisse, sans plis, bordée de serpents (rappel
crétois) et attitude déséquilibrée vers l'avant, drapé latéral systématique et symétrique.
. fronton du temple d'Aphaïa à Egine: vers le Classicisme, diversité et étude des positions, analyse des
corps et approche de réalisme dans les proportions et la musculature, travail très soigné dans la pureté des
arrêtes et des angles, géométrie des formes.
. acrotère: Méduse de l'Athénaïon (=temple d'Athéna) de Syracuse, terre cuite peinte, symétrie,
frontalité, mais modelé du corps plus doux, moine géométrique.
. acrotère: Nikê (Victoire ailée) do temple d'Apollon de Delphes: rupture de la frontalité (torsion du
corps) et éclatement de la masse (jambe pliée en avant), coiffure en bouclettes et tresses serrées, sourire
typique, plis courbes et mouvement dans la blouse mais alternance plages lisses et longues lignes gravées
dans le pagne.
. métopes du temple C de Sélinonte: travail en deux plans bien marqués, d'ou jeu d'ombres et lumières,
personnages semblent être dans des niches, attitudes frontales ou égyptisantes, différence de qualité d'une
métope à l'autre (exemple : Persée tuant Méduse ou Quadrige), grand esprit de profondeur dans la
perspective du quadrige; chevaux en haut relief ("semi-ronde-bosse") en avant et cavalier derrière.
. métope du temple d'Héra I ou Poséidon à Paestum; danseuses: travail de gravure sur plusieurs plans
donne la profondeur, attitudes égyptisantes, mouvement, drapés plus légers, plus libres, moins figés.
- peinture:
. Pinax de Pitsa: ex-voto placé dans une grotte sacrée à Pitsa, conservé suite à une réaction chimique et
l'absence de lumière. Rare exemple conservé car peint sur bois, puis gravure et peinture sur enduits de
plâtre. Dessin linéaire puis plage de peinture uniforme. Toujours proche de ce qui se faisait en Asie ou en
Crête.
- céramique:
Décor géométrique, puis oriental, ensuite apparition de la technique de la figure noire; l'artiste peint en
vernis noir ses figures puis procède à une triple cuisson alternant four ouvert et fermé afin de faire jouer
35
les oxydes. Ensuite, « regravure » des détails après cuisson et rehauts de peinture. Développement des
scènes mythologiques et religieuses, abandon progressif du registre à petites scènes au profit de grandes
scènes uniques, disparition du décor accessoire et des rehauts de couleurs. Evolution vers un style dit
noble, à grandes figures de mieux en mieux proportionnées et souples, et un style miniaturiste.
CONCLUSION:
L'art archaïque est remarquable et intéressant à plus d'an titre car il est une perpétuelle recherche
vers la mesure et l'équilibre de l'époque Classique. Etape après étape, les artistes font montre de
créativité, se remettent toujours en question, innovent techniquement et cherchent l'harmonie et
l'originalité issue du métissage du vieux fond mycénien (néolithique, indo-européens et crétois) et
des apports orientaux. Leur art ne sera jamais sclérosé car jamais totalement installé et définitif,
même si des œuvres d'art archaïques, individuellement, sont abouties. Cet art ne lasse pas, n'ennuie
pas, il attire par son aspect spontané plus qu'intellectuel, son charme plus que son élégance, mais
accroche surtout par la sérénité souriante et confiante dont il est paré.
E. L'art grec classique (-500 à -300):
Apogée au Ve siècle de la culture grecque, première force de la Méditerranée. Maîtrise technique,
recherche de la perfection, idéal de beauté par la mesure et l'équilibre. Domination d'Athènes au Ve
siècle; époque de Périclès, harmonie et grandeur. Evolution au IVe s.; académisme d'où maniérisme et
éloignement progressif de l'esprit du classicisme dont on a fait le tour, stérilité et mollesse.
- architecture:
- apparition du type du temple Classique: dorique, périptère (entouré de colonnes) et hexastyle (6 colonnes
en façade). Exemples: Temple de la concorde à Agrigente. temple d'Héra II à Paestum et temple de
Zeus à Olympie. Recherches mathématiques et optique poussées, idéal d'équilibre et de perfection (><
époque archaïque).
- apogée de l'architecture Classique (dès - 450): L'Acropole d'Athènes, ensemble de monuments
organisé, maître d'œuvre : PHIDIAS.
. Le Parthénon: dédié à Athéna, architecte ICTINOS, marbre. Bouleversement volontaire du type
Classique car temple des temples; 8 colonnes, ordre dorique et frise de métopes en façade, ordre ionique et
frise continue à l'intérieur. Murs et reliefs colorés (bleu et rouge entre autres).
. Les Propylées: architecte MNESICLES , entrée monumentale à façade hexastyle dorique, ordre ionique
interne, adaptation à la topographie.
. Le Temple d'Athéna Nikê: architecte CALLICRATES, temple amphiprostyle (colonnes uniquement à
l'avant et l'arrière). Ordre ionique à frise continue. Elégance, calcul des proportions et équilibre.
. L'Erechtéïon: plan complexe car dédié à trois dieux; Poséïdon-Erechtée, Athèna et Zeus. Plan: façade Est
prostyle (uniquement colonnes en façade), hexastyle et ionique. Façade Ouest à colonnes engagées (contre
le mur), annexe Nord = portique de Zeus et annexe Sud = tribune des Caryatides.
- autre exemple Classique: te temple d'Ephaïstos de l'Agora d'Athènes, contemporain du Parthénon,
typiquement Classique (périptère dorique hexastyle), au milieu d'un jardin comme à l'époque.
- évolution au IVe s.; apparition d'un nouveau type, le tholos (temple rond) et d'un nouvel ordre, le style
corinthien (fait de feuilles d'acanthes) plus décoratif. Exemple: le Tholos de Delphes, cella circulaire,
style dorique externe et corinthien interne, moins classique et équilibré, plus fantaisiste.
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- architecture civile:
- construction des théâtres au IVe s.: orchestra ronde avec autel, scène et bâtiments de scène à l'arrière,
gradin à flanc de colline. Exemples: théâtres de Delphes, de Dionysos à Athènes et d'Epidaure
(architecte POLYCLETE le Jeune). Théâtres ouverts (>< Romains).
- sculpture :
. architectonique :
. Fronton du Parthénon (PHIDIAS): composition unitaire et mouvementée, enchevêtrement des corps,
musculature parfaite, idéalisation du corps, force des attitudes, grande recherche dans le travail des drapés,
mouvement, vie. A l'origine, fond du fronton peint en bleu.
. Métope du Parthénon (Centaure et Lapithe): composition équilibrée, anatomie idéalisée, attitudes
souples et douceur du modelé. Idem avec les métopes du temple de Zeus à Olympie (Atlas soutenant le
ciel)  rappel archaïsant.
. Frise ionique du Parthénon: scène de cortège (Panathénées et cavaliers) non-interrompue: relief plus
fin, moins rond, plus nerveux, détail des plis, attitudes tendues, puissantes, mouvement  apogée du
relief Classique. Le fond des frises était peint en rouge.
. indépendante :
. Zeus enlevant Ganymède: type, sourire et couleur encore archaïques mais mouvement.
. Caryatides de l'Erechtéïon (atelier d'ALCAMENE): korai classiques, draperie souple, noblesse, force et
puissance.
. Aurige de Delphes: bronze, noblesse et droiture du personnage, rythme sobre de la draperie, visage
idéal (œuvre de PYTHAGORAS DE RHEGION)  style Classique sévère.
. Zeus du cap Artemission: tension avant l'action, force d'expression, puissance (style sévère).
. Discobole de MYRON: corps en triangles superposés, calculs géométriques et étude du mouvement.
. Buste de Périclès par CRESILIAS: élégance, douceur, image idéalisée.
. Athéna Parthénos de PHIDIAS: au centre de l'Acropole, haute de 15 m., disparue au début du XIIIe s..
Copies présumées (dont celle en ivoire du Varvakéïon). Puissance, fierté, massivité, mais manque
d'aisance à cause des attributs du pouvoir obligatoirement représentés.
. Amazone blessée on Mattei du Vatican par PHIDIAS: sommet de l'art Classique; équilibre général,
aucune tension, aucune mollesse, aucune démesure, aucune outrance, aucun archaïsme, extrême étude du
corps et du drapé. Equilibre de toutes les parties entre elles. PHIDIAS était le maître incontesté  sommet
et apogée de l'art grec Classique au Ve siècle.
. le Doryphore de POLYCLETE: canon des proportions mathématiques idéales, manque d'expression.
Académisme.
. Vénus Génitrix de CALLIMAQUE: élégance, drapé mouillé mettant le corps en valeur, charme.
. Hermès d'Olympie de PRAXITELE: élégance, déhanchement accentué, grâce maniérée.
. Apollon Saurochtone de PRAXITELE: adolescent, efféminé, moins équilibré. Idem avec son Faune du
Vatican  Essoufflement de l'Art Classique au IVe s.
- peinture: quelques rares exemples conservés :
. Tombe du plongeur à Paestum : scène vivante, simplicité des couleurs, dessins précis, proche de la
céramique et de la peinture archaïque.
. Tombes de Philippe II et de Perséphone à Vergina: véritable peinture, perspective, notation des
ombres, mouvement, rapidité du trait, exemplaire unique de la grande peinture grecque dont parlent les
textes.
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- céramique:
- La céramique à figures rouges: technique inversée par rapport à la figure noire. Commence à la fin de
l'époque archaïque. Les figures rouges sont réservées dans te vernis noir et les détails peints avant la
cuisson  plus facile que les figures noires qu'il fallait « regraver » et repeindre après la cuisson.
Domination des ateliers d'Athènes.
- Sujets grands et nobles d'abord, dans la tradition de la figure noire; attitudes sculpturales, visage
classique, élégance ou mouvement, parfois expression de sentiments. Peu de décors accessoires, sobriété
de mise.
- Le style Fleuri (ou Riche): annonce le déclin de l'art de la céramique grecque au IVe s. au profit des
ateliers italiens. Scènes mouvementées, détails et motifs floraux "de remplissage", sujets variés et
populaires, moins adroits, moins nobles. Rehauts de couleurs, asymétrie et maniérisme.
- Les lécythes funéraires: fond blanc, décors polychromes peints à froid, expression nostalgique,
gracieuse, triste. Liberté du trait, couleurs variées et nuancées.
F. L'art grec hellénistique (-300 à - 30):
Unification politique de la Grèce, les cités disparaissent au profit d'un empire conquérant; Alexandre le
Grand étend les frontières de l'empire à l'Egypte, l'Asie Mineure, le Proche-Orient (Mésopotamie) et une
partie de l'Inde. L'art s'en ressent, notamment dans le goût pour le décor et l'on assiste à un
cosmopolitisme de l'art qui évolue vers le luxe, la sentimentalité et un éclectisme baroque.
- architecture:
. religieuse:
. Temple de Zeus Olympien à Athènes: rupture avec les proportions classiques, recherche d'un style
grandiose, imposant, démesuré et colossal en étirant les colonnes.
. funéraire :
. Tombes rupestres de rois nabatéens à Pétra en Jordanie: façades taillées dans les falaises;
accumulation et juxtaposition de frontons à colonnes, frontons interrompus, tholos, différents ordres et
bas-reliefs. Architecture purement décorative, goût du décor théâtral.
. civile:
. Les nouvelles villes (Alexandrie, Pergame...) sont bâties sur des plans organisés ou s'adaptent de
manière réfléchie au terrain. Elles sont dotées de temples, de théâtres, d'agora, de bouleutérion (salle
d'assemblée). Exemple: Bouleutérion de Priène en Turquie: trois rangées de gradins à angles droits et
autel central.
. privée:
. Développement des palais et des grandes villas bourgeoises; pièces étagées réparties autour d'une cour
intérieure à colonne (le péristyle): luxe et décor de peintures et de mosaïques. Exemples: palais de
Vergina et de Pella en Macédoine, ou maison de l'Hermès ou Dionysos à Délos. Influence sur l'art
romain.
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- sculpture:
. le relief :
. Si les artistes de l'époque classique faisaient preuve de perfection technique dans la taille de la pierre,
où ils jouaient avec une multitude de plans sur une très faible épaisseur, les reliefs de l'époque
hellénistique s'apparenteront plus au haut-relief, voir à la quasi-ronde-bosse qu'au bas-relief
proprement dit.
. Par ailleurs, si les représentations sculptées classiques visaient soit le mouvement (frise ionique des
cavaliers du Parthénon), soit la perfection des attitudes et des corps (procession des Panathénées de la
frise ionique du Parthénon) à partir de compositions à base de verticales, horizontales, obliques et
triangles, les représentations hellénistiques vont être travaillées tout en courbes qui se répondent et
s'entrecroisent.
. Exemples: Reliefs du sarcophage d'Alexandre et Gigantomachie de l'autel de Zeus à Pergame.
. la ronde-bosse:
. Continuation de la tendance sentimentaliste de Praxitèle de la fin de l'époque Classique avec Le Faune
Barberini ou L'Hermès messager des dieux, puis introduction du pathétisme en jouant sur l'idée de la
mort et de la souffrance (les Galates blessés). Intérêt nouveau pour la femme dénudée (Venus de l'île de
Milo, buste de l'Aphrodite de PRAXITELE, Hermaphrodite endormi, Aphrodite agenouillée) et les
groupes (Aphrodite, Eros et Pan). Intérêt pour l'expression du mouvement (Artémis par LEOCHARES
ou Diane de Versailles, Cheval et "jockey" du cap Artémision, Victoire de Samothrace) et de l'effort
désespéré (Laocoon et ses fils) avec l'exagération de la musculature (Héraclès Farnèse de LYSIPPE).
. Développement du portrait imaginaire (buste d'Homère) ou réel (Démosthène). De strictement
religieuse, la statuaire devient décorative (dans les péristyles, les jardins, les intérieurs de villas).
- peinture et mosaïque:
. Toujours aussi peu de traces de cet art néanmoins présent, essentiellement des fresques décorant les
villas ou les tombes. Dans la lignée des peintures de la tombe de Philippe II de Macédoine, à savoir,
connaissance du modelé, des ombres, de l'insertion spatiale (Les Trois Grâces).
. Développement de la mosaïque. D'abord réalisée à base de galet d'où linéaire et peu colorée (Chasse aux
lions d'une villa de Pella en Macédoine: notation de quelques ombres en gris, rappel le dessin des
lécythes de la fin de époque classique).
. Puis, progrès rapide: utilisations de tesselles de pierres de couleur. Jeu de contrastes noir/brun et blanc et
de formes géométriques (Pavement du péristyle d'une villa de Pella) ou figurées (Eros chevauchant un
dauphin, villa aux dauphins de Délos).
. Mosaïque Barberini: intérêt pour un cadre spatial, la lumière, la diversité des couleurs et le pittoresque.
. Mosaïque de la bataille d'Issos (Pompéi): combat entre Alexandre le Grand et le roi Darios, d'après
une peinture de PHILOXENOS d'Erétrie (IIe s. av. J.-C.); raccourcis, ombres, modelé, reflets, souplesse,
réalisme et mouvement.
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Chapitre 4 : Arts étrusque et romain
A. L'art étrusque
- Contexte historique: Origines toujours inconnues de la civilisation étrusque, soit :
. des émigrants venus d'Asie antérieure.
. des émigrants venus du nord.
. une population autochtone d'Italie.
. une fusion ethnique et culturelle d'indigènes et d'émigrants.
Ils parlent une langue indo-européenne et écrivent un alphabet dérivé de l'alphabet grec, lui-même venu de
Phénicie (Palestine/Israël).
Histoire:
- de la fin du VIIIe siècle av. J.-C. au IVe s. av. J.-C., indépendance, prospérité
commerciale (commerce maritime avec les Grecs et les Phéniciens), développement des techniques
agricoles et exploitation minière). Domination sur la Campanie au Sud, puis de Rome et enfin de la Gaule
Cisalpine (Alpes et Nord de l'Italie).
- à partir du IIIe s. av. J.-C., expansion romaine et disparition progressive de la culture
étrusque, qui va se fondre dans la civilisation romaine.
Culture: La plus grande partie de la production artistique étrusque (fin VIIIe s.-IIIe s. av. J.C.) sera dite
"archaïque" pour la distinguer de la production à tendance "classico-hellénistique" de la fin de la
civilisation des Etrusques.
Géographie:
Etrurie comprise entre, au Nord, le Pô et au Sud, le Tibre et Rome. Autres civilisations
présentes en Italie (les Latins du Latium, les Ombriens, les Sabins, les Itales en Calabre, les Grecs en
Sicile et dans le Sud).
- L'architecture urbaine et funéraire:
Les Etrusques ne constituent pas un réel état politique unitaire, mais plutôt un ensemble de sociétés
urbaines dirigées par un monarque. Les principales villes étrusques: Véies (Veio), Tarquinia, Caere
40
(Cerveteri), Perusia (Pérouse), Marzabotto (Misa) ou Arezzo, Spina et enfin Rome, seront en fait des
sortes de petits états indépendants entourés par une muraille puissante et reliés entre eux par un vaste
réseau routier de belles routes rectilignes dans les plaines, voire creusées dans les rochers.
Cette conception de grands travaux routiers montre que, dès le départ, les Etrusques avaient acquis un
niveau très évolué. Observons le plan de la ville de Marzabotto: Plan orthogonal, en damier. Division de
la ville en quartiers. But: facilité d'accès, circulation pratique. De plus, sous les voies empierrées, se
cache tout un réseau d'égouts, qui témoigne de l'intérêt des Etrusques pour l'hygiène. A noter qu'à
l'époque (Ve s.), même les grandes villes de la Grèce Classique ne possédaient pas de facilités aussi
développées.
Les maisons, de une à cinq pièces selon le niveau de fortune, étaient modestes. Rez-de-chaussée unique,
sous-bassement en pierre, murs en bois et briques crues protégés par des plaques de terre cuite, toit en
pente couvert de tuiles, sol en terre battue, trace d'un foyer dans certaines pièces.
On ne conserve intacte aucune maison étrusque, toutefois, l'intérieur de la « Tombe des Reliefs » à
Cerveteri nous donne une idée de l'intérieur: décoration des murs par des boucliers (comme les intérieurs
mycéniens), des supports à chapiteaux ioniques (// Grèce), et tas d'objets utilitaires très variés accrochés
aux murs (témoins du sens pratique et fonctionnel des Etrusques). Contrairement aux maisons, qui étaient
construites en matériaux périssables, les tombes étaient des maisons des morts, construites en pierre et
même souvent creusées dans la roche. Elles étaient faites pour durer éternellement. Il s'agit ici du même
intérêt pour la vie éternelle que chez les Egyptiens, pour lesquels, on ne conserve pas non plus de
bâtiments civils, car ils étaient construits en briques crues (périssable).
Observons les plan des Nécropoles de Cerveteri et d'Orvieto : plans organisés comme des petits
villages. Même "urbanisme funéraire" que chez les Egyptiens de l'Ancien Empire (nécropole de
mastabas).
Par ailleurs, grâce à la conservation de ces tombes, nous pouvons découvrir trois procédés architecturaux
que les Etrusques vont perfectionner et qui vont nous influencer jusqu'aujourd'hui. Les unes sont
représentées dans les tombes de la Cabane (la voûte appareillée sans encorbellement) et de Regolini
Galassi à Cerveteri (la coupole à encorbellement) et l'autre dans une tombe de Castel Maritima (l'arc en
plein cintre). Ces procédés étaient déjà utilisés en Asie antérieure et à Mycènes (Arcatures du temple néosumérien de Nanna à Ur par exemple, voûtes à encorbellements de Mycènes, de la ville d'Hattousa hittite
et de la pyramide de Kheops). Toutefois, les Etrusques vont perfectionner ces techniques et les introduire
en Italie.
- La sculpture funéraire:
Les cendres des défunts ou leurs corps étaient déposés dans des urnes et des sarcophages placés dans ces
tombes. L'un des plus remarquables est le sarcophage des Epoux à Cerveteri (fin VIe s. av. J.-C.):
souriants et enlacés, les deux époux, au type grec archaïque, reposent sur leur lit de banquet. Expression
humaine et sentimentalisme (tout à fait différent de l'art grec). Belle technique de la taille de la pierre, sans
doute reprise aux grecs.
Observons d'autres sarcophages, celui de Larthia Seianti (terre cuite) et de l'Obesus Etruscus de Chiusi
(IIIe-IIe s.): expression de coquetterie, de richesse pour elle, sarcophage décoré de colonnettes à
chapiteaux "iono-corinthiens" d'inspiration grecque. Etude poussée de la draperie, proche du corps comme
l'art grec hellénistique contemporain - gros ventre et bijoux pour lui. Volonté de montrer la richesse des
défunts, leur aisance, mais aussi comment ils étaient dans la vie et l'image qu'ils souhaitaient laisser d'eux.
Pas d'idéalisation du tout, ni de recherche de perfection. Art vivant, populaire, plus proche de l'esprit
crétois que de l'esprit grec.
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Autre exemple de la même période: l'urne d'an couple âgé de Volterra. Style expressionniste!
Formidable réalisme, accentuation des rides, profondément creusées dans la pierre. On dépasse de loin le
réalisme idéal et impersonnel grec au profit d'un réalisme physique individualisé en même temps
qu'un réalisme psychologique; on sent la vie qui a marqué les personnages qui ont vieilli ensemble. Pour
ce faire, l'artiste pousse son travail jusqu'à la limite de la caricature. Œuvre essentielle pour le futur.
- L'architecture religieuse:
Toutefois, l'art de l'architecture et l'art de la sculpture ne furent pas réservés au seul culte des morts, mais
également à la religion. La religion et le culte des morts sont d'ailleurs des éléments culturels qui firent
réellement l'unité du peuple étrusque, plus que la politique par exemple.
Le temple étrusque: Exemple du Temple de Fortuna à Rome (VIe-VIIe s. av. J.-C.).
Edifice construit en bois et en briques crues sur podium (soubassement) en pierre, comme les maisons
privées et dans les mêmes matériaux que les maisons privées égyptiennes et les temples grecs du début de
l'Archaïsme.
Adoption du type grec archaïque des Xe et IXe siècles, c'est-à-dire du mégaron à antes, chambre
rectangulaire à portique à colonnes. Néanmoins, pas systématiquement de colonnes faisant le tour du
temple, ni de marches tout autour de lui. Ici, il n'y a qu'un étroit escalier en façade. Le bois et la brique
crue sont utilisés majoritairement. Il s'agit donc ici aussi d'un choix délibéré (les Etrusques connaissaient
la construction en pierre): le temple, comme la maison, ne doit pas être éternel. Ceci indique une grande
différence entre la pratique sévère et sacrée du culte chez les Grecs, et l'aspect plus conventionnel du culte
chez les Etrusques, qui tenait plus du divinatoire populaire que du profondément spirituel. Reprise des
acrotères sur le toit, et, dans d'autres temples que celui-ci, du fronton sculpté.
- La sculpture religieuse et civile:
La décoration externe du temple, comme en Grèce, est faite d'acrotères, de frontons et d'antéfixes.
Acrotères d'Apollon et d'Hermès du temple de Portonaccio à Véies (vers -500 av. J.-C.), terre cuite
peinte, 1,80 m, Villa Giulia, Rome: type du kouros mais en marche vive (différent des grecs) et habillé.
De plus, problème d'équilibre, d'où présence d'un "boudin" décoré de volutes entre les jambes. Drapé
schématique comme dans l'art Archaïque grec. Au même moment, la Grèce est en plein art Classique
(Phidias...) !
Autre exemple du même style: Fronton du temple de Pyrgi et Talamone (IIe s. av.J.-C.). Extrêmement
proche du fronton de l'ancien Parthénon archaïque de l'Acropole d'Athènes. Nous sommes pourtant ici en
pleine époque grecque hellénistique. Toutefois, les Etrusques semblent avoir des difficultés à "copier" ce
nouveau style grec, sans doute parce qu'il ne correspond pas du tout à leur mentalité et donc, qu'il les
intéresse moins car trop idéal, trop triste, trop parfait.
Toutefois, quelques œuvres individuelles étrusques témoignent du style classico-hellénistique étrusque tel
l'Apollon de Faterii Veteres du début du IIIe s. av. J.-C.: l'artiste a reproduit ici une œuvre hellénistique,
montrant un jeune homme de type "Alexandre le Grand" avec sa musculature appuyée, la torsion du cou,
le regard lointain, les long cheveux bouclé. C'est le type idéal "romantique" de l'art grec hellénistique,
impersonnel, anonyme et détaché du monde humain.
Avec l'Orateur (Aulus Metellus), bronze, 1,70 cm, vers -88 av. J.-C., an Musée archéologique de
Florence, un nouveau pas est atteint. En effet, si la sculpture adopte un réalisme physique déjà connu, le
42
sculpteur choisit un nouveau procédé pour traduire la fonction de l'orateur. Celui de la déformation, de
l'exagération des proportions de la main et du bras, considérablement allongés, pour indiquer l'attitude de
l'homme qui harangue les foules. De tels types de disproportions étaient courants dans l'art étrusques sans
pour autant être des erreurs maladroites mais plutôt une manière d'atteindre un réalisme psychologique
(comme l'Urne du couple âgé de Volterra). Cette œuvre tardive est un des derniers témoins de l'art
étrusque, qui à cette époque, est quasiment totalement absorbé par l'art romain.
- La peinture:
Enfin, le troisième art majeur étrusque est celui de la peinture et plus particulièrement de la fresque. Le
mot "fresque" vient de l'italien "fresco", qui donna en français "frais" et indique ainsi qu'il s'agit dans cette
technique de peindre son sujet directement sur un enduit de plâtre et de sable non sec afin que les
pigments pénètrent la couche et se pétrifient, sèchent en même temps qu'elle. Il en résulte une
conservation beaucoup plus longue et un plus bel éclat grâce aux grains de silice contenus dans le sable,
qui renvoient la lumière comme une infinité de petits miroirs. Contrairement aux Crétois et aux Grecs qui
l'ont peu utilisée (d'où l'absence de témoins de la peinture grecque), les Etrusques y recoururent presque
dans tous les cas. Ce gage de conservation allié au fait que ces fresques ornaient des tombes souterraines
ou creusées dans la roche, font qu'il nous en reste plusieurs beaux témoignages.
Observons des détails des tombes des Lionnes (vers -520), de la Chasse et de la Pêche (VIe s.), des
Léopards (début du Ve s. av. J.-C.), du Triclinium (Ve s.), des Olympiades (VIe s.), des Augures ou
des Taureaux (VIe s.) à Tarquinia.
Impression de vie, de mouvement, de fraîcheur, de gaieté. Personnages de profil comme en Asie : palais
de Mari à Babylone - en Egypte : tombes de Thèbes - en Crête : Cnossos et en Grèce archaïque : pinax de
Pitsa. Pas de modelé, fond sans perspective, dessin des contours et plages de couleurs unies, formes
souples, colorations claires, douces et lumineuses. Différence par rapport à l'Egypte : art plus libre, plus
populaire. Très grande proximité avec le monde crétois (thèmes de la mer, des danseurs et danseuses...).
Art de la vie douce, agréable et aisée. A noter la déformation des mains (typique) d'un flûtiste dans la
Tombe des Léopards. Art funéraire mais plaisant: il doit rappeler au mort, lorsqu'il va revenir à la vie
dans un autre monde, les bons moments de sa vie sur terre.
Observons un second ensemble de peintures, plus tardives celles-ci: celles des Tombes dell'Orco (de
l'Ogre ou des Enfers) à Tarquinia (IVe s. av. J.-C.), François à Vulci (vers - 340 av. J.-C.), des
Boucliers (fin IVe s. av J.-C.) et des Typhons (fin IIe s. av. J.-C.) à Tarquinia.
Impression inquiétante, sombre, de malaise. Scène d'enfer, de combats, de meurtre en plus des
traditionnelles scènes de banquets. Personnages monumentaux, qui remplissent plus l'espace qu'avant.
Attitudes diversifiées, plus réalistes. Apparition de personnages peints de trois quarts, presque de profil
(Tombe des Boucliers), avec un modelé appuyé et des draperies plus réelles qu'avant. Rôle moins affirmé
du cerne qui contourne les personnages, parfois peints sur fond foncé (Tombe des Enfers). Coiffure,
bijoux, motifs décoratifs empruntés à la Grèce. Ces peintures donnent probablement une idée de la
peinture grecque disparue et annonce la qualité de la future peinture romaine (à partir du Ier s. av. J.-C.).
A noter que ce changement d'impression, d'émotion chez les Etrusques va sans doute de concert avec la
chute de leur société absorbée par les Romains.
- Conclusion:
Le peuple et la civilisation étrusques, bien qu'étant encore aujourd'hui mal connus, ont eu et ont toujours
sur la société occidentale une influence considérable. En architecture, ils ont apporté le perfectionnement
de la voûte, de la coupole et de l'arc en plein-cintre.
43
Dans la vie au quotidien et notamment en urbanisme, ils mettent l'accent sur la fonctionnalité et la vie
pratique (gain de temps)
En sculpture, ils puisent leurs sources dans l'art grec archaïque d'abord, puis dans les styles Classique et
Hellénistique, en y affirmant toutefois une notion nouvelle de réalité tant psychologique que physique et
même expressionniste. Dans les deux cas et contrairement aux Grecs, voire aux Egyptiens, l'accent est
mis sur la vie et 1’Homme et plus uniquement sur les dieux et la recherche de perfection physique et
spirituelle. Ils s'inspirent des œuvres étrangères mais ne les copient pas, ils les interprètent.
En peinture, ils nous laissent la technique de la fresque et la notion même de grande peinture, ainsi que
des notions telles le modelé, les ombres, l'aspect monumental, le réalisme des attitudes, elles-mêmes
empruntées aux Grecs.
44
B. L'art romain
- Contexte historique:
A partir du IIIème siècle avant Jésus Christ, les Latins (peuple du Latium) regroupés autour de Rome
depuis - 509 s'organisent en une république et étendent progressivement leur domination non seulement
sur les Etrusques, mais également sur les autres peuples italiques. Ils deviennent les Romains et ils
forment tout d'abord un état dans toute l'Italie (de -334 à -264 av. J.-C.). A partir de cette époque, ils vont
n'avoir de cesse de coloniser de plus en plus loin les peuples de l'Europe et de la Méditerranée. En -31 av.
J.-C., juste après l'assassinat de Jules César, la république devient empire et pendant trois siècles
encore, l'empire sera puissant et riche.
Le système est efficace: l'armée romaine est puissante et extrêmement bien équipée et organisée par des
géniaux stratèges. Ils profitent de l'inadaptation des combattants tribaux des régions à conquérir et de la
division de ces tribus pour rapidement les écraser. Une fois la région conquise, les romains la
transforment en province et fixent ses limites. Ils y tracent des chaussées permettant un accès rapide
des armées et un transport facilité des produits commerciaux. Ils créent des villes, sièges de ces
provinces, centres administratifs et culturels. Ils postent des garnisons dans des camps militaires aux
frontières et dans chacune des provinces. Ceux-ci feront respecter l'ordre et assureront la protection des
habitants qui, dans certains cas, deviendront citoyens romains et libres. Les romains se rendent donc
indispensables dans ces provinces. Ils laissent un minimum culturel de liberté aux populations conquises
(syncrétisme gallo-romain, cultes orientaux...) tout en garantissant, grâce à une administration forte,
une vie facile et sécurisante. Ils répondent aux besoins vitaux (un toit, de la nourriture) en organisant la
société grâce à de nombreuses lois.
Toutefois, sous l'empereur Dioclétien (284-305 ap. J.-C.), et même un peu avant, l'empire, devenu
immense (voir carte), est de plus en plus difficile à gérer. Autrefois fort, uni, indivisible grâce à cette très
haute organisation administrative et politique, l'empire va être agité par les révoltes internes (abus
flagrants et crise du pouvoir, luttes politiques d'où appauvrissement de la population et révoltes) et les
attaques externes des peuples germains dits « barbares ». Dioclétien va d'abord s'adjoindre un coempereur, Maximien, chargé de régner sur la partie orientale de l'empire. Puis, tous deux vont partager
leur pouvoir avec deux autres empereurs les secondant. Cette division préfigure la chute du pays.
En 313 ap. J.-C., la religion chrétienne est officiellement reconnue.
Vers 330, Constantin le Grand tente de réunifier l'empire et fixe sa capitale à Constantinople (Istanbul).
Néanmoins, en 395, la division du pays entre un empire d'Occident et un empire d'Orient est
consommée. Tandis qu'à l'Orient, un nouveau grand pays naît autour de Constantinople la
chrétienne ( l'empire byzantin), l'Occident ne cesse de s'effondrer. En 402, Rome cesse d'être sa
capitale au profit de Ravenne et elle est pillée par les Wisigoths en 410 puis par les Vandales en 455.
Jusque 476, un simulacre d'empire romain d'Occident va subsister en Italie uniquement - le reste de
l'Europe étant déjà pris en mains par les rois germains (Clovis et les Francs par exemple) - avant de
s'effondrer définitivement.
- Urbanisme et architecture:
. Urbanisme et architecture privée:
En Italie, reprise des anciennes villes plus que création de nouvelles. Les villes à plan irrégulier (Rome)
gardent ce plan, les villes à plan régulier (Marzabotto étrusque) gardent leur plan régulier, tandis que les
quelques fondations romaines d'Italie, mais surtout des colonies, adoptent toujours un plan-type.
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Vue de la ville de Timgad (Algérie) vers 100 ap. J.-C. : Plan régulier de rues à angles droits. Au centre,
forum au croisement du cardo et du decumanus (deux rues principales). Inspiration des plans
orthogonaux étrusques.
Vue des rues d'Herculanum et de Pompéi : Rues empierrées, étroites (plus larges pour les rues
carrossables), avec caniveaux ou à égouts souterrains, parfois des trottoirs. Fontaines publiques. Passages
pour piétons (pour éviter de mettre les pieds dans la boue ou la crasse). Petites échoppes ouvertes le long
des rues (tabella) dans lesquelles les artisans et les commerçants habitaient parfois avec leur famille.
La domus, maison urbaine des riches romains: édifice clos, ceinturé de murs. Les différentes salles (le
tablinium = le salon, le triclinium = la salle à manger...) étaient distribuées autour de deux centres:
- l'atrium (+/- "âtre" en français = pièce sombre) avec son impluvium pour recueillir les eaux de pluies.
- le péristyle, d'origine grecque (voir les villas hellénistiques de Pella ou Délos), cour à ciel ouvert,
entouré d'une colonnade. Souvent avec un jardin, des statues, des fontaines.
Exemples: Maisons du Faune, du Ménandre, des Noces d'argent, des Panneaux de bois à
Herculanum et Pompéi.
Les romains inventèrent également la première H.L.M. ou immeuble à appartements allant parfois jusqu'à
six étages: l’insulae, réservée aux familles modestes (insulae de Diane à Ostie).
La villa, n'est pas une maison, mais bien un complexe agricole, une ferme comprenant la maison du
maître, celles de ses employés ainsi que tous les bâtiments agricoles. On retrouve toujours un plan
similaire dans les colonies de l'empire: Villa d'Estrées-sur-Noye.
Le forum était le centre de la vie de la cité. Il occupait trois fonctions vitales pour les romains. Celle de la
justice et de la politique avec la Curie (parlement du Sénat), la Basilique (salle de réunion des
magistrats), parfois une tribune des Orateurs (les Rostres) ainsi que des bâtiments administratifs comme
la Tabularium (les archives) ou le trésor (la banque). Celle de la religion avec un on plusieurs temples.
Celle du commerce avec des boutiques ou des étales ainsi que des salles de réunion pour les commerçants,
voire même des tavernes et des toilettes publiques.
L'eau était amenée en ville par des aqueducs (Le « pont » du Gard).
. Bâtiments publics:
La vie des Romains est très oisive, ils travaillent peu étant donné que tout est mis en œuvre pour leur
faciliter la vie et leur faire gagner du temps. Ils avaient aussi des esclaves. Il fallait donc les occuper et,
sans le dire, éviter qu'ils pensent trop et qu'en cas de période troublée, ils se révoltent ou réclament des
concessions ou plus de pouvoir. On va donc les divertir.
1. Le théâtre: Théâtre de Marcellus à Rome ou théâtre d'Orange : Influence grecque. Mais orchestra
(endroit réservé aux spectateurs importants) différente (circulaire en Grèce et semi-circulaire à Rome).
Autres différences fondamentales: le mur de scène est beaucoup plus haut et plus décoré et le théâtre est
fermé, ce qui facilite l'acoustique. Etait parfois recouvert par une vaste toile amovible tendue, le vélum.
2. L'odéon: Odéon d'Hérode Atticus à Athènes : Ressemble au théâtre, mais plus petit et surtout couvert
et plus à l'air libre. Réservé aux spectacles musicaux.
3. L'amphithéâtre: Le Colisée à Rome, les Arènes de Nîmes et d'Arles : Plan = +/- 2 théâtres accolés.
Sorte de "stade" dans lequel se déroulaient les combats de gladiateurs, les combats avec les fauves et les
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animaux sauvages (+/- corrida), la mise en scène d'exécutions des premiers chrétiens dévorés par les
fauves, parfois des scènes de combat naval lorsqu'il était possible d'inonder l’arena. Sous celle-ci, se
trouvait toute une machinerie permettant de créer des décors... Au Colisée, arène en planches de bois
recouvertes de sable. Utilisation d'arcs et de voûtes en berceau (perfections étrusques) pour construire ces
bâtiments, soutenir les gradins en même temps que créer des couloirs d'accès (fonctionnalité,
caractéristique déjà présente chez les Etrusques). Les Romains, contrairement aux Grecs, vont donc
développer les techniques architecturales plus que l'esthétique architecturale. Néanmoins, la notion
d'esthétisme est présente: ainsi, les Romains font preuve d'un grand sens du rythme, de l'équilibre, du jeu
des pleins et des vides, du décor (la superposition des ordres toscan, ionique et corinthien)... D'ailleurs,
toutes ces règles architecturales vont être rédigées et rassemblées par des grands théoriciens comme
VITRUVE, puis seront redécouvertes à la Renaissance.
4. Le stade: Stade de Domitien à Rome (actuellement sous la Piazza Navona qui conserve sa forme) : Sa
fonction était d'accueillir les sports athlétiques, dont les courses à pied, hérités des Grecs (Jeux
Olympiques). Une piste rectangulaire arrondie sur une de ses extrémités, entourée de gradins.
5. Le Cirque: Circus Maximus et Cirque de Caligula (sous la Basilique et la Place Saint-Pierre) à
Rome : Même plan que le stade, mais présence sur la piste d'une spina, berne centrale ornée d'un
obélisque, autour de laquelle tournaient les chars lors des courses.
6. Les thermes: les Thermes stabiens de Pompéi : Chaque ville possédait plusieurs établissement de
bains publics. Ouverts à tous, ils étaient légèrement payants et gratuits pour les enfants. Les hommes et
les femmes étaient séparés.
Ils bénéficiaient soit d'installations propres, soit d'heures d'ouverture
spécifiques. On commençait par se déshabiller au vestiaire, puis on passait dans une salle froide
(frigidarium), ensuite dans un bain tiède (tepidarium), et enfin dans une salle à bains chauds et vapeur
(caldarium). Il existait aussi parfois un sauna sec ou étuve ainsi que des bibliothèques. On se faisait racler
la peau par des esclaves, on était masser et enduit d'huile. Ensuite, il était possible de faire un peu
d'exercice dans la ou une des cours centrales (palestres) et d'aller à la piscine. On pouvait disposer de
toilettes publiques (et pas seulement dans les thermes) ou consommer des rafraîchissements. Ces thermes
étaient surtout utilisés par des gens pauvres ou modestes, les plus riches possédaient en effet les leurs. Un
système de chauffage « central » chauffait à la fois l'eau et les salles: l’hypocauste. La chaleur de feux
ouverts se répandait sous les sols surélevés et à l'intérieur de murs creux. De nouveau, cela fait preuve à
la fois du caractère moderne et inventif des Romains ainsi que de leur besoin d'hygiène (>< aux Grecs).
7. La basilique : Bâtiment de réunion à proximité du forum, elle servait en priorité de salle de tribunal,
mais aussi de réunion politique et également d'assemblée de type économique (réunion de marchands).
Plan-type: vaste salle rectangulaire, très haute, terminée sur un ou ses deux côté par une abside (partie
incurvée) couverte d'une conque (demi-coupole).
Au début, espace intérieur divisé en trois nef
longitudinalement par des colonnades. Les deux nefs latérales pouvait supporter une galerie (Basilique
Ulpia du Forum de Trajan à Rome et Basilique de la ville de Leptis Magna). De larges fenêtres
situées au-dessus des nefs latérales éclairaient la nef centrale. La couverture de l'édifice était d'abord un
plafond plat décoré en caisson (Leptis Magna). Avec le temps et la maîtrise de plus en plus grande de la
technique de l'arc et de la voûte, apparaît un nouveau type d'intérieur basilical. Ainsi, la Basilique de
Maxence à Rome est toujours divisée en trois nefs, mais en lieu et place des bas-côtés, l'architecte a
conçu une succession de hauts et larges espaces voûtés en berceau ornés de caissons. Il a couvert la haute
nef centrale d'une voûte également en berceau. On réalise ici des prouesses techniques de haut niveau.
. Bâtiments religieux et funéraires :
Le temple romain s'inscrit dans la tradition étrusque empruntée elle-même aux Grecs. Le temple est
maintenant élevé en dur et décoré par du marbre. Il conserve l'escalier d'accès en façade et son installation
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sur le podium, le sous-bassement. Comme chez les Grecs, le culte de fait à l'extérieur. Contrairement par
contre aux édifices grecs, nobles, imposants, élégants, équilibres, le temple romain met un accent sur une
verticalité plus prononcée qui le rend plus dynamique que le temple grec. De même, les Romains, s'ils
compilent les règles architecturales dans des traités, font néanmoins preuve de beaucoup de liberté et de
créativité dans leurs temples. Ils ne fixent pas non plus, une fois pour toute, le type du plan à respecter
(comme chez les Grecs).
1.Types courants: le Temple d'Apollon et Faustine au Forum Romanum à Rome (transformé en
l'église Baroque San Lorenzo).
2.Type du "tholos" hérité de Grèce: Temple circulaire d'Hercule au Forum Boarium.
3.Type nouveau: le Panthéon à Rome : Réalisé sous Adrien en 118-125 ap. J.-C., large rotonde en
briques, coupole immense (43,30 m de diamètre) à caissons. Décor intérieur en deux ordres, décor de
frontons, arcs et marbres divers. Coupole en "béton romain" (invention romaine plus proche du ciment
mais possible à mouler en coffrage).
4.Type du sanctuaire: Vastes complexes religieux dédiés aux grands dieux romains, sorte de centres de
pèlerinages inspirés des sanctuaires grecs (sanctuaire d'Apollon à Delphes par exemple) comprenant des
esplanades à portiques, un temple (à Palestrina, le temple est creusé dans le rocher) et un théâtre. A
Baalbek (Liban), le Sanctuaire de Jupiter constitue l'aboutissement démesuré, colossal de ce type
d'installations.
Progrès considérable de l'utilisation de la coupole (perfection étrusque). Ils différent des sanctuaires grecs
(Acropole d'Athènes) car ils sont élevés en une seule fois et rapidement, sans tenir compte du passé et
sans dépendance à des traditions cultuelles anciennes. L'option choisie est donc le symétrisme rigoureux,
la théâtralité imposante, le monumentalisme. Comme beaucoup de bâtiments romains, construction en
opus incertum, c'est-à-dire avec des murs en briques, "fourrés" de béton romain, et recouvert en surface de
plaques de marbre (>< Grecs).
- La peinture:
Jusqu'au IIème s. av. J.-C., la peinture en république romaine s'inscrit dans la tradition étrusque, puis elle
s'en différencie tout en conservant les acquis de celle-ci, notamment dans le traitement de la figure
humaine.
La peinture romaine, dont on conserve de nombreux témoignages, sera avant tout décorative. Elle ornera
les murs des bâtiments civils et surtout privés grâce à la technique de la fresque (cf. cours sur la peinture
étrusque). Néanmoins, on conserve quelques rares exemples de peinture sur panneau de bois.
1. Le premier style (IIème s.):
Il consiste en une peinture d'imitation de marbre de différentes couleurs répartie en tableaux rectangulaires
selon la gradation suivante: au-dessus d'une plinthe de hauteur variable s'élèvent des panneaux disposés
verticalement, puis suit une série de panneaux horizontaux et enfin une frise et une corniche, parfois
moulurée en stuc. Le stuc est un mélange de sable, de plâtre, de poussières de marbre, de colle et d'eau,
qui servait au départ d'enduit pour les murs, mais qui fat rapidement utilisé en moulure. Son composé de
poussières de marbre permettait en effet qu'il soit poli et qu'il reproduise un effet "de pierre polie".
Exemple:
Décor de l'entrée de la Maison Samnite d’Herculanum.
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2. Le deuxième style (-100/-20 av. J.-C.):
Ce style dit "style architectural" consiste dans un premier temps à imiter un décor d'architecture: les
plinthes sont importantes, au point de devenir de véritables socles, et surtout, les artistes cherchent à
donner de la profondeur à la surface plane des murs grâce à des colonnes peintes, qui structurent la
succession des espaces. Dans ces décors architecturaux peints en trompe-l’œil, portes et fenêtres sont
nombreuses. Elles ouvrent sur un monde fantastique. A l'intérieur des cadres formés par les éléments
d'architectures feintes, les tableaux prennent place avec des paysages urbains et champêtres sans
personnage important. Inspiration des décors de théâtre.
Exemples:
-Architectures monumentales en trompe-l’œil et imitation de revêtements en marbre dans
la Maison des Mystères de Pompéi.
-Maison du Sinistror de Boscoreale: théâtral, paysage de ville étagée, déjà une bonne
maîtrise de la perspective linéaire et impressionnantes nuances des tons.
Dans un second temps, apparition de tableaux avec scènes figurées d'inspiration essentiellement grecque.
La Maison de l'impératrice Livie (femme d'Auguste) au Palatin à Rome (Musée national de Naples)
en est le plus bel exemple avec ses scènes de mythologie et de genre, ses tableaux inspirés de l'Epopée
d'Ulysse ou du théâtre. Fraîcheur, poésie, charme, tons doux, luminosité intense, harmonie des
couleurs et monde paradisiaque. Personnages féminins hellénistiques aux draperies soyeuses sur fond unis
ou plus consistant dans des paysages, modelé, positions multiples... Développement et aboutissement du
"réalisme" du deuxième style étrusque.
Première véritable peinture occidentale (hormis les rares
exemples grecs), radicalement différente de l'Asie antérieure (peinture babylonienne de Mari) et de
l'Egypte.
Exemple proche: Déesse Flore de Stabies (Musée national de Naples) et Aphrodite et Eros de la
Maison Farnésine (Musée national de Rome); proche des figures linéaires de certains vases grecs.
Autre exemple très différent: « Scènes mégalographiques du triclinium » (salle à manger) de la Maison
des Mystères à Pompéi. Grande frise dionysiaque évoquant le rôle de la matrone, maîtresse de maison
ainsi que des rites initiatiques au culte grec de Dionysos et Ariane. Sans doute une reprise, voire une copie
d'une peinture hellénistique. Personnages (29 en tout) de taille humaine répartis sur des fonds rouges
sanguins, monumentalité, aisance des attitudes, raccourcis, rythme intense, grand réalisme.
3. Le troisième style (-20 à 45 ap. J.-C.)
Style dit ornemental. Réaction contre l'illusionnisme et fermeture de la paroi : plus de perspectives feintes.
Le trompe-l’œil architectural s'atténue. Les colonnes, trop fines désormais pour évoquer la pierre, sont
ornées de nœuds, de bourgeons, et font davantage penser à des végétaux ou à des bougeoirs décoratifs d'où le nom de style "candélabre" que l'on donne parfois à ce troisième style. Néanmoins, préservation de
fausses ouvertures en perspective, mais cantonnées dans la partie supérieure des murs. Les panneaux
fermés sont quant à eux peinte de couleurs contrastées: rouge vif, vert, blanc et noir dominent. Au milieu
de ces parois unies, des tableaux peints de couleurs vives semblent accrochés ou suspendus à des
colonnettes et des supports fins. Ces tableaux peints traitent de manière miniaturistes de sujets tels des
paysages bucoliques ou des scènes mythologiques.
Exemples:
- Maison de Lucretius Fronto et Casa dei Ceii à Pompéi.
- Triclinium noir de la Casa dei Cervi à Herculanum.
- Paysage sur paroi rouge de la villa de Boscotrecase.
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. Petits tableaux mythologiques:
- Maison de Gavius Rufus à Pompéi, « Thésée délivrant les enfants d'Athènes »
(Musée national de Naples).
- Basilique d'Herculanum, « Hercule, son fils et l'Arcadie » et « Admète et Alceste »
(Musée national de Naples).
. Petits tableaux dits "impressionnistes"'.
- Tableau bucolique de la Villa de Boscotrecase.
- « Feuillages et oiseaux » dans les maisons des Cubicoli et du Verger à Pompéi.
4. Le quatrième style (45 à 90 ap. J.-C. et au-delà):
Appelé "fantastique", il semble que ce style soit apparu pour la première fois dans la Domus Aurea ou
Maison dorée de Néron à Rome.
Ce style retourne
Exemples:
- à l'illusion du deuxième style avec ses ouvertures architectoniques vers des
paysages et des villes en perspective.
- aux motifs décoratifs (candélabres, végétaux...) du troisième style.
- à l'insertion de tableaux figurés inspirés principalement du théâtre.
- Maison de la Chasse antique à Pompéi: illusionnisme et décors en miniature.
- Domus Aurea à Rome (œuvre du peintre FABULLUS): fonds clairs, divisions strictes,
voûtes peintes, grandes scènes mythologiques et figurines élégantes, dorures. Influence
sur les motifs de grotesques à la Renaissance.
- Maison des Vettii à Pompéi: complexité du décor, style baroquisant, soin des détails,
grands tableaux et scènes miniaturistes, vues architecturales.
. Tableaux naturalistes: « Jardin et marine avec naissance de Vénus », Maison de Vénus à Pompéi.
. Scène de vie quotidienne: « Enseigne de boulanger à son étalage » à Pompéi.
. Natures mortes: « tables de banquet dressées », Maison de Iulia Félix à Pompéi.
. Portraits:
- En Italie: « Couple de lettrés », Maison de Terentius Neo à Pompéi (Musée national de
Naples).
- En Egypte: « Portraits de Fayoun » (sur bois): portraits des défunts appliqués sur les
momies (= +/- un masque de sarcophage) à l'époque trajane.
- La mosaïque :
Très grande qualité dès le début (- IIème s.) car influence de la technique perfectionnée par les Grecs.
Réunion serrée de très petits éléments (= tesselles) de pierres colorées, terres cuites et de pâtes de verre.
D'abord des tableaux placés au centre d'un pavement en béton (= emblema).
Exemples:
- Bataille d'Alexandre à Issos. Maison du Faune à Pompéi (Musée national de Naples):
1.500.000 tesselles, modelé, raccourcis, reflets, soin du détail, expression du mouvement,
reproduction d'une peinture hellénistique, peut-être due à des artistes grecs. Dans la même maison,
scène de faune marine, scène érotique.
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- Scène de coulisses de théâtre : Maison du poète tragique à Pompéi.
- Grand paysage nilotique : exèdre du forum de Palestrina.
Au siècle suivant (Ier s. av. J.-C.), de simples mosaïques géométriques noires et blanches sont utilisées
directement comme pavement (Cave Canem ("Gare au Chien! "), entrée de la Maison de Proculus à
Pompéi). A cette époque, l'attention pour la figuration et la couleur était en effet réservée à la fresque.
Au cours du premier siècle après J.-C., la peinture triomphe avec les 3ème et 4ème styles et la mosaïque
s'inscrit donc dans la continuité de motifs simples et géométriques. Exception à cette règle: Fontaine et
nymphée de la Maison de Neptune à Herculanum: peinture et mosaïque de qualité associées.
Puis, retour à la figuration à partir du IIème s., « Oiseaux sur une coupe », villa d'Adrien à Tivoli et
Thermes de Neptune à Ostie: Scène marine avec figures mythologiques. Mosaïque d'Apamée
(Bruxelles, Musée du Cinquantenaire): belle polychromie et soin du détail, disparition du cadre spatial
(superposition).
De même, à partir du IVème siècle, changement d'esthétique, simplification, abandon de la perspective et
des proportions : Pavement en opus sectile (plaque de marbre) de la basilique de Junius Bassus à
Rome. L'art de la grande mosaïque de qualité se concentrera alors à l'intérieur des édifices chrétiens
byzantins et paléochrétiens.
- La sculpture:
La sculpture romaine puise ses sources d’une part dans l'art grec classique et hellénistique et d'autre part
dans la tradition étrusque.
Aux Grecs, ils reprennent
la notion de grande statuaire.
les techniques de taille du marbre (Carrare) et du bronze.
les modèles (attitudes, musculature, proportions)
les œuvres elles-mêmes qu'ils rapportent en Italie.
Aux Etrusques,
la notion d'humanisme: la sculpture pour tous.
le réalisme physique.
le réalisme psychologique.
. sculpture grecque importée:
Détournée de son sens spirituel élevé pour devenir décorative, à l'intérieur des pares et jardins impériaux
et privés (fontaines, nymphées, bassins...). Canope de la Villa d’Adrien à Tivoli.
. sculpture d'inspiration grecque:
-Portrait du pseudo Brutus ou « tête d'homme barbu » (Rome, Musée du Capitole, IIIe s.):
portrait officiel, réalisme des traits et réalité de l'état du personnage: noblesse de l'expression,
modèle des vertus civiques. Inspiré de la technique de l'Aurige de Delphes par exemple: même
perfection technique, incrustation des yeux.
-Antinous: amant d’Hadrien, inspiration des Apollons grecs classiques, style de Phidias. Ajouts
décoratifs typiques des sculpteurs romains.
. portraits patriciens traditionnels: importance de la préservation du souvenir des ancêtres. Aspect
funéraire ; à l'origine, les masques mortuaires en cire. Réalisme, étude psychologique et expression
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appuyée.
-Sénateur portant les bustes de ses ancêtres ou statue Barberini (Musée du Capitole): visages
réalistes et individualisés, extrêmement belle étude du drapé.
-Patricien romain du Musée Torlonia: visage ravagé par les rides.
-Patricien romain du Metropolitan de New-York : expression sévère et réalisme cru, énergie.
. portraits de bourgeois hellénisés: Réalisme mesuré, expression moins sévère, moins crue.
- « Cicéron »: intellectuel, idéal humaniste, hautain.
. portraits des dirigeants républicains: Chefs d'armée autoritaires, réalisme physique et portraits froids
vides de sentiments.
-Sylla: dictateur vieilli, mélange de tristesse boudeuse hellénistique et de réalisme romain.
-Jules César: non-idéalisé, portrait clair, nef, expression tenace et volontaire.
-Agrippa: expression volontaire du chef de guerre.
. portraits d'empereurs: Vocation politique du portrait et propagande impériale.
-Auguste: Classicisme, empereur idéalisé.
• Auguste en Pontifex Maximus: expression de dignité, de spiritualité, de recueillement,
visage doux, long cou.
• Auguste de Prima Porta: chef d'armée, cuirassé massive, attitude triomphale (inspirée du
Doryphore de Polyclète).
-Néron: réalisme, portrait psychologique sans concession. Personnalité dégradée.
-Hadrien: visage plus délicat, intellectuel, mode de la barbe et d'une coiffure plus sophistiquée.
-Commode: identifié à Hercule, aspect trouble, inquiétant.
-Dioclétien (Alba Fucens): visage rude, barbe mal soignée, traits lourds.
-Constantin: portrait symbolique, tombe dans la convention anonyme du chrétien romain,
stéréotypé.
-Statue équestre de Marc Aurèle (Place du Capitole): propagande impériale claire, empereur
triomphant qui défile. Art officiel. Grande influence sur l'art de la Renaissance.
. portraits privés:
-portrait du banquier Iucundus de Pompéi: aspect hilare, réalisme traditionnel du portrait privé
dans la tradition étrusque.
. reliefs populaires:
-Enseignes commerciales (boulanger, marchand de vin...).
. reliefs officiels:
Ara Pacis Augustae: autel dédié à la paix, le long du Tibre à Rome, entouré d'une enceinte en marbre
décorée de reliefs. Frise inférieure à décor floral de rinceaux, de candélabres... Frise supérieure avec
scènes; Enée sacrifiant, la Terre entre l'Air et l'Eau... Technique grecque, perfection de la taille, des
jeux de passage d'un plan à un autre... Grande influence sur l'art Classique du XVIe siècle.
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. reliefs triomphaux et historiques:
Colonne trajane (sur le forum de Trajan à Rome): reliefs en spirale avec scènes (batailles contre les
Daces) variées, vivantes, nerveuses mais unitaire. Faible relief peint. Avant tout descriptif, d'où moins
belle finesse, moins belle taille de la pierre.
53
Chapitre 5 : L'antiquité européenne continentale
A. L'art celte:
Avant la conquête romaine de l'Europe du nord, celle-ci était peuplée de populations celtes, indoeuropéens venus s'installer d'abord en Europe centrale et de l'ouest (Croatie, Slovénie, Hongrie,
Roumanie, Autriche, nord de la Suisse, sud de l'Allemagne, centre-est de la France) entre environ -1000 et
-500 av. J.-C,. Ils formeront la Civilisation de Hallstatt ou du premier âge du fer. Entre -500 et jusqu'à la
conquête romaine, ils formeront le deuxième âge du fer celte ou Civilisation de la Tène. Ils s'étendront au
Royaume-Uni (Bretons), à l'Irlande, à la Belgique (Belges), à toute la France (Gaulois, Arvernes et
Aquitains), au nord de l'Espagne (Ibères), à la Suisse (Helvètes), à l'ex-Yougoslavie, au nord de la Grèce
et à l'Anatolie (Turquie). Le reste de l'Europe du nord était occupé par d'autres tribus indo-européennes
non celtes (Germains, Slaves, Baltes, Scythes...). Derrière eux ainsi qu'au nord de l'Asie antérieure et de
l'Inde jusqu'à la Chine, vivaient les Huns, population asiatique de nomades.
A l’exception des Huns, tous ces peuplesétaient bien évidement "néolithisés", c'est-à-dire sédentarisés.
Toutefois, leur organisation sociale ne dépassait pas celle du village d'agriculteurs et éleveurs de plusieurs
dizaines d'individus. Petit à petit, ces bourgades vont se fortifier et régner sur de vastes domaines. A leur
tête, un prince, accompagné d'une classe de guerriers (cheval, char, armes en fer), dirige une population de
fermiers et d'artisans et contrôle le commerce de certaines matières (sel, étain, bois, peaux, esclaves) ainsi
que les routes navigables et carrossables du commerce. Leurs clients étaient les Grecs essentiellement
ainsi que les populations étrusques et italiques.
Vers -500, les premières villes apparaissent. Elles sont fortifiées, leurs routes se coupent à angle droit et
sont bordées par des maisons rectangulaires précédées d'une cour. Des quartiers étaient réservés à
l'artisanat et la monnaie fait son apparition.
Si au début, les Celtes continuent à élever des dolmens et des menhirs, ceux-ci se transforment rapidement
en stèles de pierre gravées et sculptées. Puis, des petits temples en bois entourés d'une palissade et d'un
fossé font leur apparition: ils jouxtaient des fosses destinées à des sacrifices d'animaux, voir d'humains
comme en témoignent des portiques en pierre décorés de crânes. Les tombes princières étaient
recouvertes par un tumulus de terre et le défunt était placé dans un char entouré de toutes une série d'objet
précieux parfois importés (Tombe de Vix, France, Côte-d'Or).
En art, les Celtes vont pratiquer essentiellement le travail des métaux (bronze, or, fer) dans lequel on
reconnaît des motifs géométriques décoratifs d'origine grecque, italique et parfois même chinoise! Les
animaux fantastiques orientaux les inspirent également. Les motifs sont d'abord symétriques puis à partir
d'environ - 400, se libèrent. La représentation humaine, stylisée ou réaliste, n'apparaît que vers -300 av. J.
Orfèvrerie celte: Casque d'apparat, torque (collier), bracelet, fibules et pendentif. Bronze, acier et or.
Travail de repoussé, de ciselure et de filigrane. Perfection de la technique, grand répertoire décoratif,
finesse de la précision. Petits objets car facilement transportables (tradition encore nomade même si ils
sont sédentaires).
Statuettes de divinités celtes:
Homme au « tuba »: statuette en bronze, idole de la fécondité (attributs sexuels pour le moins
encombrants), figuration et technique sommaires.
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Dieu Cerrunus aux bois de cerf: détail d'un chaudron cultuel en argent repoussé et ciselé partiellement
doré. Influence du bestiaire oriental et humanisation de la figure.
Toutatis (Ier s. ap. J.-C.) : dieu de la tribu, protecteur contre la guerre et dieu de la guerre. Plaques de
bronze assemblées. Importance du visage, essai de réalisme, influence de l'art romain.
Dieu au torque: tôle de bronze et yeux émaillés. Type romain prononcé. Fin de l'art celte et début de l'art
gallo-romain.
B. Exemples d'art gallo-romain:
Avec la conquête romaine, l'art celte va disparaître au profit d'un art gallo-romain, c'est-à-dire un art qui
va reprendre les techniques et les modèles romains pour exprimer des caractères spirituels propres.
Déesse-mère allaitant: très vieille tradition (depuis la Préhistoire) mais traitée d'une manière hellenisticoromaine, dans le costume, les traits du visage et la coiffure.
Couple couché: couvercle d'une urne funéraire. Réalisme mais attention pour l'intimité (gestes tendres,
chien au bout du lit. Moins solennel que l'art romain et peut-être plus proche de l'esprit étrusque, même s'il
n'existe pas d'influence entre les deux.
Dieu du fleuve: bronze de facture grecque mais cornes et oreilles de bovins.
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Partie III : L'art européen médiéval
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Chapitre 1 : L’art paléochrétien.
On appelle art paléochrétien les premières traces d'art chrétien connues en Italie et plus particulièrement à
Rome. Cet art se divise en deux périodes: avant 313 ap. J.-C., l'art chrétien est discret car cette pratique est
interdite. Après cette date, qui marque la reconnaissance du christianisme par l'empereur Constantin, l'art
chrétien devient officiel. Il durera jusqu'à la fin du Ve siècle, puis lui succéderont les arts chrétiens dits
des "barbares germaniques" dans l'ancien empire romain d'Occident (arts lombard, wisigoth, ostrogoth,
anglo-saxon, mérovingien, carolingien...). Dans l'empire romain d'Orient (qui deviendra Byzance), un art
propre, l'art byzantin, va s'épanouir parallèlement à l'art paléochrétien et aux arts chrétiens occidentaux.
A. Avant 313 après J.-C. :
Art paléochrétien = art romain, religieux (chrétien), funéraire au début, urbain (Rome) au début et doté
d'une nouvelle iconographie.
Avant 313, il consiste essentiellement en la décoration des catacombes de Rome, lieu de sépulture et de
culte situé à l'extérieur de la ville. Ces catacombes sont des longues galeries labyrinthiques bordées par
des niches creusées dans lesquelles on plaçait les sarcophages (catacombe de St-Janvier). Parfois aussi,
elles comportaient des petites chapelles.
- la peinture :
Chapelle de la catacombe St-Pierre et St-Marcellin: fausse architecture (colonnes, voûtes d'arêtes, arcs
taillés dans la pierre et non pas construits) et décoration peinte à la détrempe (pigment-eau-colle) et non
pas fresque. Encadrements constitués par un réseau de lignes rouges ou vertes à l'intérieur desquels se
trouvent des images. Imitation sommaire de décors architecturaux (caissons), de panneaux de marbre.
Influence manifeste du 4ème style de la peinture romaine. Thèmes à première vue païens (12 travaux
d'Hercule), mais interprétation chrétienne (Hercule devient le Salut de l'humanité et le dragon mythique,
le serpent du jardin d'Eden...). Autre scène; Daniel (prophète) dans la fosse aux lions (glorification et
culte des martyrs). Cupidon devient un angelot. Peinture simplifiée par rapport à avant, perte du volume,
raidissement des attitudes, suppression de la perspective et du cadre spatial.
Le Christ parmi ses disciples (Catacombe de Domitille): peinture brossée simplement, sans détail,
couleur réduite. Christ imberbe (mode de cette époque).
Christ bon pasteur (Catacombe de Priscilla): médaillon très simple, identification du Christ au
« conducteur du troupeau des Chrétiens ».
Orante (catacombe de Priscilla): femme debout, les bras dressés en l'air (attitude de la prière), les yeux
« révulsés » typiques de l'expression des portraits de cette époque (voir le portrait sculpté de Constantin
dans le chapitre consacré à la sculpture impériale romaine). Bon rendu du volume dans le visage, par
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ailleurs proche des portraits de Fayoum en Egypte (cf. chapitre consacré à la peinture romaine).
- La sculpture :
La sculpture chrétienne était très rare avant 313 (le bon pasteur du Musée du Louvre, IIIe siècle: Christ
ramène la brebis égarée dans le droit chemin et l'agneau symbolise le sacrifice, par extension celui de
Jésus) et était réservée surtout aux bas-reliefs (tradition romaine) décorant les sarcophages.
Exemple: Sarcophage d’Adelfia, épouse de Valerio (Musée archéologique de Syracuse), scène de la
vie du Christ en registre, personnages vêtus à la romaine, couple dans la tradition intime (cf. les
sarcophages étrusques) mais avec l'illumination du regard, relief populaire typique de l'art romain, seuls
les thèmes sont neufs.
Coffret à bijoux du Musée chrétien de Brescia: plaques d'ivoire sculptées, thèmes de l'Ancien et du
Nouveau Testament. Représentation du poisson, symbole du Christ. Poisson se dit "Ichtus", ce qui forme
les initiales de la phrase « Iesos CHristos Theos Uios Soter » (Jésus Christ, fils de dieu, sauveur).
B. De 313 à la fin du Ve siècle :
Après cette date, la religion chrétienne est officiellement reconnue par l'empire, et l'Eglise se voit
confortée par l'empereur et son entourage. Cette reconnaissance suscite un grand engouement dans toutes
les couches de la société et bientôt les autres cultes, romain, juif, orientaux vont tomber en disgrâce et
commencer à être, à leur tour, persécutés.
Dans le domaine des arts, cette reconnaissance se traduit par le triomphe du nouveau culte, qui fait de
Rome sa capitale.
- architecture :
En architecture, on reprend le type de la basilique romaine pour en faire des églises. Ce choix est dicté par
plusieurs choses: le type du temple romain est à connotation païenne, il n'était pas non plus fait pour des
réunions de fidèles car le culte romain (sacrifices) se faisait devant le temple, la basilique était quant à elle
un bâtiment civil et donc pas païen et était conçue pour des assemblées.
Edifices à plan basilical:
Ste-Sabine à Rome: longue nef rectangulaire terminée par une abside (chœur) et encadrée par deux bascôtés moins haut. Exactement le plan de la basilique latine. Extérieur sans décoration car, contrairement
aux temples grecs et romains, le culte se fait à l'intérieur.
Ste-Marie Majeure à Rome (352 ap. J.-C.): plan proche mais apparition du vestibule d'entrée et de
chapelle de part et d'autre du chœur, formant ainsi un plan rappelant une croix. Intérieur modifié aux XIIIe
et XVIIIe siècles.
Ancienne basilique St-Pierre à Rome: édifiée sous Constantin, elle sera remplacée par la basilique
actuelle de Michel Ange au XVIe siècle. Edifice colossal, cinq nefs, développement de l'avant-chœur en
transept (partie transversale formant les bras d'une croix), tombeaux et monument de saint Pierre (1er
pape) placés juste devant l'abside. A l'avant, un "atrium", en fait un péristyle (futur cloître), avec une
fontaine de purification. Les autres parties de l'ensemble sont postérieures.
Intérieur de St-Sauveur, Spolète, IVe s. : en dehors de la fresque de l'abside, tout ici est romain
(colonnes cannelées, chapiteaux corinthiens...).
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Edifices à plan en croix grecque :
Mausolée de Galla Placida, Ve s., Ravenne: chapelle élevée en 425 par la fille de l'empereur Théodose
Ier dans la nouvelle capitale de l'empire romain d'Occident (Rome avait été pillée par les « barbares »
wisigoths en 410). Type nouveau, les quatre bras de la croix ont la même dimension e se rejoignent sous
une coupole centrale. Grande influence de ce plan dans l'empire byzantin.
N.B.: Il faut noter qu'à partir du Ve siècle, les empereurs romains soit épousent des reines germaniques,
soit sont eux-mêmes des Germains. Ainsi, Ravenne sera nouvelle capitale romaine mais aussi capitale des
Wisigoths qui vont envahir l'Italie.
Edifices à plan circulaire ou rotondes :
Mausolée de Santa Constanza à Rome: à l'origine tombeau de la fille de l'empereur Constantin, puis
église. Ce type de bâtiment servira soit de martyrium, soit de baptistère, soit de mausolée. Il s'agit d'un
espace central rond sépare d'un déambulatoire, couloir voûté agrémenté de niches, par une colonnade.
L'espace central est couvert par une coupole. Influence à la fois du temple gréco-romain circulaire
(tholos) et de la coupole du Panthéon antique.
- mosaïque :
Avec le temps et les problèmes liés au fonctionnement de l'empire romain (mauvaises finances, menaces
d'invasions, arrêt de la politique de construction), la mosaïque décline dans l'art civil et privé. C’est la
vague d'édification de bâtiments chrétiens en Italie mais plus encore dans l'empire romain d'Occident
après 395 (division de l'empire en deux) qui va provoquer le renouveau de cet art.
Rotonde de Santa Constanza : deux types de mosaïque. Thèmes païens : scènes de vendange
interprétées selon la parole du Christ se comparant à la vigne dont les sarments sont ses disciples. Décors
des voûtes avec des oiseaux, des paons (immortalité), des carafes et des cruches, des amours... libres sur
fond blanc ou à l'intérieur d'un réseau d'entrelacs. Thèmes chrétiens : Jésus remettant la Loi à Moïse, les
clefs du Paradis à St-Pierre... Christ barbu, auréolé, trônant impérialement sur le globe. Prophètes et
saints au drapé simplifié. Plus de perspective ni de 3ème dimension car ce qui compte c'est l'aspect divin
(« in-humain ») et la lisibilité didactique de l'image. Ces derniers thèmes sont néanmoins plus colorés que
les thèmes apparemment païens.
Mausolée de Galla Placida: Décoration d'une lunette d'arc: Le Bon Pasteur, ancien thème. Pour les
parties supérieures, les apôtres chantent les louanges de Dieu avec des gestes d'orateurs romains. Entre
eux, des colombes (paix) reposent sur des fontaines et des coupes d'eau (pureté et baptême). La coupole,
voûte céleste étoilée, est ornée de la croix et des symboles des quatre évangélistes (lion/Marc, aigle/Jean,
homme/Matthieu et bœuf/Luc). Nombreux motifs décoratifs (rinceaux, pampres de vignes, grecs,
rubans...) hérités du 4ème style de la peinture romaine. Art de la couleur, de la lumière chaude et dorée
accentuée par le contraste clair/obscur.
Sainte-Marie-Majeure: Arc du chœur décoré de scènes de la vie du Christ organisées en registres
superposés (vieille convention antique orientale). Beaucoup de nuances de tons, mais le fond doré et le
jaune dominent (lumière, luxe). Anonymat des personnages presque tous jumeaux, raidissement des
attitudes et systématisme des drapés, volumes simples, perte de la 3ème dimension et simplification de la
perspective.
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- sculpture et relief :
Peu de ronde bosse si ce n'est des statues d'empereurs ou de hauts dignitaires. Tête de Constantin le
Grand, 2, 60 m de haut pour une statue de plus de 10 m, modelé réduit à de larges plans dévorés par des
grands yeux dont la fixité traduit l'illumination intérieure.
Colosse de Valentinien Ier à Barletta (364-375): empereur d'Occident, aspect austère car soldat de la
Foi brandissant la croix. On est loin de la grâce hellénistique, du réalisme physique (anonymat) mais on
reste dans le réalisme psychologique connu en Italie depuis les Etrusques.
Continuation de l'art fécond du bas-relief romain, mais miniaturisé. A la pierre, on préfère l'ivoire.
Nombreuses plaquettes décorant les meubles, tes sièges, les coffrets... mais grande époque des dytiques,
tel celui de Probus ; cadeau de l'empereur à ses dignitaires, consuls et gouverneurs. Empereur Honorius
porte la bannière frappée du chrisme χ et ρ (c et r) et de la devise « Au nom du Christ, tu vaincras
toujours ». Finesse, perfection.
Chapitre 2 : L'art byzantin
A. Introduction:
L'art byzantin est l'héritier direct de celui de l'empire romain tardif et chrétien. Au service d'empereurs
tout puissant et de l'Eglise triomphante, les artistes puisent leur inspiration dans les modèles antiques tout
en définissant peu à peu un art chrétien. L'influence des arts orientaux, de la Perse, puis de l'Islam (dès le
VIIe siècle) est aussi très manifeste à Byzance, cette nouvelle Rome à la charnière de l'Orient et de
l'Occident. Elle s'exprime dans le goût de l'ostentation, du luxe, de l'apparat, par la recherche des effets
décoratifs, des couleurs brillantes, des jeux de lumière, et par l'omniprésence de l'or et de l'argent, toute
cette splendeur colorée devant célébrer la gloire de Dieu et de son lieutenant sur le Terre, l'empereur, et
provoquer l'émotion des fidèles.
Fondée par Constantin en 330, Byzance est rebaptisée Constantinople en son honneur. Elle devient
capitale de l'empire romain d'Orient en 395, après la division en deux de l'empire. Elle tombe en 1453 aux
mains des Ottomans et devient Istanbul. L'art de l'empire byzantin va donc durer onze siècles,
parallèlement aux arts occidentaux d'Europe. Il fait néanmoins preuve d'une grande unité grâce à plusieurs
caractères marquants tels les images mystiques, l'amour de la couleur, la mosaïque avant tout, l'exaltation
de la puissance et la gloire du Christ. Les artistes byzantins se préoccupent d'absolu, non de réalisme. Le
portrait individuel disparaît au profit des effigies solennelles. Cet art inspirera beaucoup les artistes
occidentaux de l'époque.
B. Les arts:
- architecture:
Sainte-Sophie de Constantinople (532-537) par ANTHEMIOS DE THRACES et ISIDORE DE MILLET:
Aspect massif car tous les éléments assurant l'équilibre de l'édifice sont repoussés à l'extérieur. Seul
compte l'espace intérieur où se rassemblent les fidèles dont "l'âme est emportée vers le ciel" symbolisé par
l'énorme coupole. Mariage entre le plan basilical et te plan central à coupole. Jeu savant d'étagement de
coupoles, demi et quarts de coupoles, de voûtes et d'arcs (héritage étrusco-romain) reposant sur des
colonnes et des piliers. Création ainsi d'un vaste espace largement éclairé par de nombreuses fenêtres (les
murs ne doivent plus être porteurs du poids du toit, donc ils sont percés de plusieurs baies). Décor de
mosaïques luxuriantes malheureusement en partie détruit par les Turcs.
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Extension du type de l'édifice à nefs et coupole centrale:
Eglise Sainte-Irène d'Istanbul (VIe-VIIIe siècles): immense espace vivement éclairé et sobriété
extérieure.
Eglise du Monastère de Laura au Mont Athos (Grèce), 963: toujours le même aspect de pyramide de
volumes et coupoles, mais importance plus manifeste du décor extérieur.
Eglise des Saints-Apôtres, Thessalonique (Grèce), 1312-1315: Attention progressive à l'ornementation
des façades.
- mosaïques:
Saint-Apollinaire-le-Neuf, Ravenne, 493-526: Nef: décors de l'époque de l'empereur byzantin Justinien
lorsqu'il conquit pour un temps le sud de l'Italie. Trois frises superposées: en haut, scènes de la vie du
Christ, au centre, des figures de saints et de prophètes, enfin en bas, une frise continue avec une
procession de martyrs chrétiens s'avançant vers le Christ trônant à l'impériale (rappel des frises de
processions de dignitaires comme dans les frises du Parthénon Classique ou celles du Palais de Persépolis
chez les Perses achéménides). Fond doré et répétition de personnages.
Saint-Vital, Ravenne, VIe siècle: Abside: Christ trônant sur le globe entouré des archanges Michel et
Gabriel, de St-Vital et de l'évêque Maximien tenant la reproduction en miniature de l'église. Fond doré,
sol végétal et fleuri, couleur verte prononcée, lumineuse. Motifs décoratifs d'inspiration orientale (tissus,
tapis). Tableaux latéraux de l'abside: « Théodora et sa suite » : intensité du regard, figures impassibles,
anonymat des visages. Richesse des bijoux, des tissus orientaux, à nouveau grande utilisation de vert et
du doré. « Justinien et sa cour » : hiératisme mais rappel romain dans la reconnaissance physique des
personnages et les costumes.
Chapelle de l'Archevêché, Ravenne, 494-519: Christ foulant aux pieds le lion et le serpent, attitude et
costume militaire romains, à l'image des empereurs.
Coupole du Baptistère des Ariens à Ravenne: « Hétimasie » ou attente du retour du Christ sur Terre,
trône vide. Pose déjà la question de la représentation du divin (comme les Juifs et les Musulmans plus
tard): peut-on représenter Dieu et comment? Cette question va radicaliser le pouvoir impérial (début VIIIe
à mi IXe siècle) lorsque les moines et le petit clergé vont favoriser le culte des images, des icônes, à qui
on prêtera des pouvoirs divins. Il en ressortira la « crise iconoclaste », pendant laquelle on va détruire ou
camoufler les images pour les remplacer par des symboles non-figurés. Exemple: Chapelle SainteBarbara, Gorème, Turquie: technique inhabituelle mais c'est une exception, il vaut mieux donc retenir
les motifs choisis (croix, bandes décoratives, motifs géométriques) que la technique.
Ensuite, retour à l'image, mais changement et éloignement progressif de la « romanité » : Sainte-Sophie
de Constantinople, « Vierge à l'enfant entre l'empereur Jean II Comnène et l'impératrice Irène »,
1118: platitude des corps impériaux, costumes nouveaux, plus orientaux que romains, retour à
l'individualisme des portraits. Importance à cette époque de la figure de la Vierge à l'enfant qui prend ses
caractéristiques définitives: élongation, visage pointu, trait fins, intense spiritualité. Même type dans « la
Vierge conductrice parmi les apôtres », abside de la Cathédrale de Torcello, Venise, XIIe siècle.
Dans la même œuvre, on constate un nouveau traitement de la figure humaine, avec des visages plus
dramatiques, émaciés, osseux et un traitement très graphique et aigu des drapés. Le visage de saint Luc
extrait d'une Mosaïque du monastère St-Luc, Phocide (Grèce), XIe s., illustre cette nouvelle tendance
au silence, à la sévérité, à l'ascétisme par le jeu des lignes sinueuses.
- La fresque, technique se développant après la crise iconoclaste va également refléter cette esthétique
nouvelle du trait peint. Exemple: « Baiser de Judas », détail d'une fresque, Monastère Saint-Clément.
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Ohrid (ex-Rép. Yougoslave de Macédoine), XIVe s. : tristesse et inquiétude du Christ en même temps
que consistance et monumentalité des personnages.
- Les icônes, images portatives issues de la technique des portraits romains de Fayoum, elle-même issues
d'une techniques grecque de peinture (Pinax de Pitsa) consistant à graver puis à peindre sur un panneau de
bois enduit de plâtre et parfois recouvert d'une toile de lin une peinture à la détrempe (pigments délayés
dans de l'eau additionnée d'un liant d'œuf, de colle ou de gomme) ou à l'encaustique (couleur délayée dans
la cire, employée à chaud et retravaillée avec une spatule métallique chauffée), va connaître son plus
grand succès à partir d'environ 1200. C'est grâce à ces icônes que les modèles byzantins vont s'épanouir
dans les arts slaves des pays proches de Byzance ou de culte orthodoxe (Serbie, Bulgarie, Géorgie,
Russie...).
N.B.: La séparation définitive entre chrétiens catholiques et orthodoxes s'achève en 1054.
Icône de La Vierge de Vladimir, Galerie Trétiakov, Moscou, vers 1125: Vierge dite de tendresse,
provenant de Constantinople mais ayant joué un rôle considérable dans le développement de la peinture
russe (ateliers de Kiev, de Vladimir, de Iaroslav et de Novgorod). Type de la vierge allongée, aux traits
fins, au nez droit, au visage triangulaire, aux gestes délicats, au voile noir. Fond doré, traitement linéaire
du drapé de l'enfant.
Icône de la Crucifixion, Sofia (Bulgarie), Musée d'art sacré, 1541: tristesse des visages, maniérisme et
préciosité des attitudes, drapés linéaires et anguleux, volume du corps du Christ étiré souligné par des
ombres tracées.
- sculpture et relief:
Comme dans l'art paléochrétien, la sculpture va connaître un très court succès chez les Byzantins puis
disparaître au profit de la taille de l'ivoire et de l'orfèvrerie, elle-même influencée par les richesses
orientales et l'apport des populations germaniques. Un rare exemple: Magistrat d'Aphrodisias (marbre,
1,81 m, Ve siècle, Istanbul): tradition des statues romaines d'aristocrates ou de bourgeois. Dans le
domaine de l'ivoire, mêmes caractéristiques que dans l'art paléochrétien. Empereur triomphant dit
« Ivoire Barberini » (VIe siècle, Louvre): empereur militaire à cheval avec des symboles païens
(victoire ailée et personnification de la Terre). Beaucoup de sarcophages chrétiens dont un sarcophage
d'enfant en marbre blanc (Istanbul, Ve siècle): dépouillement par rapport aux sarcophages
paléochrétiens, chrisme en couronne de feuilles de jonc tressées supporté par deux anges. Sobriété, pureté
classique et antiquisante.
Chapitre 3 : L'art en Europe, de la fin de l'empire romain au IXe siècle
A. Introduction:
Au même moment que se développe autour de la Méditerranée orientale l'art byzantin, l'empire romain
d'Occident va connaître les « invasions barbares » comme on les nomme trop souvent encore. De quoi
s'agit-il réellement?
a. Dès le IIe siècle ap. J.-C., des petits groupes de Germains, population de même origine indo-européenne
que les Celtes, entrent sporadiquement dans l'empire. Ils sont impressionnés par son organisation et le
relatif bien-vivre qu'était celui des habitants celtes devenus des Gallo-romains. Bien acceptés, ces
immigrés sont rapidement intégrés et deviennent militaires ou paysans.
b. A partir d'environ 350, des Goths, autres germains, venus de Scandinavie, poussés par les Huns
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(asiatiques nomades), s'installent entre le Danube et les Balkans. En 395, l'empire est divisé en deux:
l'Orient, future Byzance, est prospère et s'organise rapidement en un état fort et chrétien tandis que
l'Occident périclite, est miséreux et anarchique. Une partie des Goths, les Wisigoths vont en profiter pour
s'emparer de Rome en 410. Au même moment, d'autres peuples germains (les Francs, les Vandales, les
Burgondes, les Alamans, les Suèves, les Angles et les Saxons...) pénètrent en Occident et cherchent des
territoires où s'installer. Pendant quelques décennies, l'empire romain d'Occident vit encore mais les
empereurs partagent leur pouvoir avec les rois germains. C'est même ensemble qu'ils vont repousser les
Huns. En 476, l'empire disparaît au profit de plusieurs royaumes germains (les Vandales, Suèves et Alains
dans le Maghreb et les îles de Méditerranée occidentale, les Wisigoths en Espagne, les Ostrogoths en
Italie, les Lombards dans le Nord de l'Italie, les Francs (Clovis et la dynastie des Mérovingiens) en
Hollande, en Belgique et en France, les Alamans en Allemagne, les Burgondes en Bourgogne et en Suisse,
les Angles, Jutes et Saxons en Angleterre). Ces peuplades, après une courte période d'instabilité,
reprennent aux romains le latin, les habitudes de vie, l'organisation sociale et l'influence des arts (voir
l'œuvre paléochrétienne des Wisigoths et des Ostrogoths à Ravenne en Italie) tout en les enrichissant de
leur propre culture. De la même façon, ces Germains adoptent la nouvelle religion chrétienne grâce à
l'œuvre des moines "missionnaires" du nouveau pouvoir de Rome, les papes.
B. Apport artistique des Germains du Ve au VIIIe siècle :
Comme toutes les civilisations indo-européennes, les Germains vont exceller dans l'art de l'orfèvrerie
précieuse, mise progressivement au service du culte chrétien.
Exemples:
Coffret à reliques de saint du prêtre Teudericus: forme de basilique, travail de l'émail cloisonné et de
l'insertion de pierreries. Art de la couleur vive et du motifs décoratifs abstrait.
Plaque de bronze, médaillon, fibule et broche anglo-saxonnes: refus de l'espace vide, art de remaillage,
du filigrane.
Fibules wisigothiques espagnoles: stylisation, émaillage cloisonné et insertion de pâte de verre.
Couronne votive du roi wisigoth Receswinthe: sertie de saphirs, rubis, grenats. Pendeloques. Travail
minutieux du métal. Emploi de l'alphabet romain.
Evangile de St-Luc (Bibliothèque de Saint-Gall en Suisse, VIe siècle): influence du décor abstrait de
l'orfèvrerie dans l'enluminure (manuscrit chrétien "illustré"), qui en Occident, va remplacer l'art de la
peinture et de la mosaïque.
Baptistère mérovingien St-Jean de Poitiers: basilique à transept d'inspiration paléochrétienne avec
toutefois un intérêt pour le décor extérieur (jeu de briques, faux pilastres à chapiteaux).
Fibule franque à « tête du Christ »: art du motif abstrait et de l'émail associé à un visage du Christ.
Type de visage (Relief lombard de la Visitation à Cividale) influencé par les visages byzantins
anonymes.
Crucifixion, peinture murale de Sta Maria Antiqua à Rome: œuvre lombarde fort proche du monde
byzantin (proportions, drapés, visages...).
C. Renaissance carolingienne (IXe siècle) :
Cette influence de l'art byzantin sur l'Europe du nord va se faire plus présente encore sous le règne des
Carolingiens et de Charlemagne qui, succédant aux Mérovingiens, va unifier l'Europe (Allemagne,
France, Belgique, Suisse, Autriche, moitié nord de l'Italie) et se faire couronner empereur romain
d'Occident par le pape le 25 décembre 800. S'il reprend le titre impérial romain, Charlemagne s'inspire
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également des lois de l'ancienne Rome pour administrer son empire, il remet le latin (qui dégénérait alors)
au goût du jour comme langue officielle, organise l'enseignement et réforme et unifie avec le pape le culte
chrétien. Bref, il recrée le pendant occidental de l'empire byzantin. En art, ces retours à l'art romain et le
modèle byzantin sont partout présents.
Exemples:
- Statue équestre de l'empereur, bronze, 23,5 cm, Louvre : rappel des statues équestres de l'Antiquité,
d'ailleurs réutilisation d'un bronze romain pour le cheval. La toge rappelle les romains tandis que la
coiffure et le geste de la main s'inspirent de Byzance.
- Intérieur de la chapelle palatine d'Aix-la-Chapelle (790-805) : plan central sous coupole (byzantin),
jeu d'arcs, de voûtes, de coupoles et de support (colonnes et marbres italiens), mosaïques dorées à la
manière byzantine.
- la peinture :
Retour de l'art de la grande peinture d'inspiration byzantine mais moins parfaite, plus simple et surtout
moins immobile et plus humaine (Abbé offrant au Christ la maquette de son église au Monastère StBenoît de Malles en Italie, Groupe de femmes de l'église San Procolo à Naturno, Lapidation de StEtienne dans l'abbatiale St-Germain d'Auxerre).
Très grande qualité et progrès énorme de l'enluminure, véritable peinture miniature
. Evangile de Charlemagne (VIIIe siècle) : « saint Luc » : motif d'encadrement abstrait, personnage
« byzantinisant » mais plus vivant.
. Evangile de Charles le Chauve (846) : idem, mais de plus en plus d'aisance des personnages, vers un
réalisme plus physique, moins stéréotypé que l'art byzantin.
. Enluminure du couronnement d'un prince carolingien: art de la couleur de plus en plus complet et de
qualité, richesse des coloris et réalisme encore affirmé.
. Evangile d'Ebbon (IXe siècle) : « saint Jean » : expressionnisme, sens du drame, couleurs recherchées
et jeu de la touche picturale. Epanouissement total de cet art.
- la sculpture :
- Procession de saintes et de donatrices en stuc dans la Chapelle Sta Maria in Valle à Cividale: un
des rares exemples de grande sculpture de cette époque, élongation, plis parallèles du drapé, motifs
ornementaux, visages, attitudes tout à fait byzantins.
- Couverture en ivoire du Livre de prières de Charles le Chauve: reprise de la tradition
paléochrétienne et byzantine de la taille de l'ivoire mais style plus vivant, plus enlevé, plus graphique, plus
humain.
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Chapitre 4 : L'art roman (Xe-XIIe siècle).
A. Introduction :
- Limites chronologiques et géographiques
La renaissance carolingienne sera de brève durée puisque dès la mort de Charlemagne, son empire
européen n'a de cesse de se subdiviser en petits états autonomes. De surcroît, des invasions normandes
(vikings) dévastent les restes de l'empire de Charlemagne. Les structures administratives et politiques se
désagrègent plongeant le peuple dans la misère. L'Eglise elle-même est en pleine décadence.
Seuls Justinien, au VIe siècle, puis Charlemagne, au IXe, avaient tenté de faire refleurir la civilisation en
multipliant les contacts entre l'Orient et l'Occident. Le premier avait bâti Saint-Vital à Ravenne, le second
s'en était inspiré pour construire la chapelle palatine d'Aix-la-Chapelle.
Toutefois, une nouvelle puissance se dégage dès la fin du Xe siècle: le Royaume de France avec le roi
Hugues Capet. Il inaugure une reprise politique de l'état (une partie de nos régions y comprise). L'Eglise
en profite pour se réformer, notamment autour de grande abbayes qui vont régir la vie spirituelle
quotidienne, et pour s'imposer comme seul facteur de cohésion d'une Europe divisée. La prospérité et la
sécurité revenues, l'activité intellectuelle reprend et l'art renaît lentement.
Le style roman continuera donc d'une part le style de l'art chrétien primitif en Italie et d'autre part le style
carolingien du IXe siècle dans l'Empire. Formé progressivement au XIe siècle, il se limite aux pays non
touchés par l'influence byzantine : la France, le nord de l'Espagne, le Saint-Empire romain germanique, le
sud de l'Angleterre, le nord de l'Italie et les Pays-Bas. Il est supplanté progressivement par le style
gothique entre le milieu du XIIe et le début du XIIIe siècle.
- Société et mentalité
Aux « terreurs de l'an mil » avec les invasions, les épidémies, la disparition des deux tiers de la
population, succède une floraison d'abbayes, « laboratoires » spirituels et culturels avec leurs moines
constructeurs - clunisiens, cisterciens et prémontrés -, à l'origine de la diffusion du style roman.
Les pèlerinages, eux aussi, constituent des agents d'influences en permettant aux fidèles de vénérer les
reliques et de bénéficier de l'enseignement par l'image peinte ou sculptée. Des foules pleines d'espoir
défilent devant les reliques enfermées dans une châsse, reliquaire placé dans la crypte sous le chœur, audessus du sol en arrière du chœur ou dans les chapelles rayonnantes. Puisque les fidèles souhaitent les
toucher pour bénéficier des prétendus miracles, on construit le déambulatoire entre le chœur et les
chapelles rayonnantes. Des pèlerins vont au tombeau de saint Pierre à Rome, au sanctuaire de l'archange
Michel au Mont Gargan, à Saint-Nicolas de Bari. D'autres, plus nombreux, se rendent au tombeau de Saint
Jacques le Majeur à Compostelle. La route des grands sanctuaires d'Italie est l'ancienne voie émilienne.
Quatre chemins principaux conduisent les foules à partir de la Provence, de la Bourgogne, de l'Est et
d'Orléans vers Roncevaux jusqu'à Saint-Jacques de Compostelle. Ces routes font prospérer de nombreuses
abbayes comme l'abbaye de Ste-Marie Madeleine à Vézelay ainsi que des grands centres où l'on conserve
les reliques de saints célèbres : saint Martin à Tours, saint Martial à Limoges, sainte Foy à Conques, saint
Sernin à Toulouse.
64
B. Architecture :
Des prieurés, des refuges, des hospices sont construits le long de ces voies d'échanges et de
communication où les pèlerins font étape. L'organisation paroissiale, introduite partout, met en présence
le haut clergé mitre et crosse (archevêques, évêques, abbés), les chanoines, les monarques (empereurs,
rois), leurs familiers et leurs grands feudataires, promoteurs de constructions, d'enluminures et de reliures
d'évangéliaires.
L'architecture médiévale a été longtemps réduite au patrimoine religieux. Grâce aux inventaires du
patrimoine architectural, on s'intéresse depuis une trentaine d'années à l'architecture civile du Moyen Âge
jusqu'à développer une nouvelle discipline relative à l'étude des châteaux ou « castellologie », à l'origine
de la typologie des châteaux forts, des maisons fortes, des châteaux- fermes et des manoirs. L'architecture
rurale n'est pas à minimiser. On remarque que l'architecture en colombage et en matériau léger ressasse
des formules médiévales de construction, restées traditionnelles du XVIe au XIXe siècle.
B.1. Architecture religieuse
Son importance et sa diversité attestent l'importance et la vitalité de l'axe vertical, théocentrique, de la
pensée. L'Église veut mener à Dieu, confiant aux abbayes un rôle de centres culturels où s'élaborent des
recherches de splendeur pour le culte.
Le moine bénédictin Raoul Glaber († 1050) écrit : « Vers la troisième année de l'an mil, les basiliques
furent réédifiées de fond en comble dans presque tout l'univers, mais surtout en Italie et en Gaule. C'était
une émulation générale à qui élèverait les églises les plus belles et les plus riches. On eût dit que le monde
entier avait dépouillé ses antiques haillons pour se couvrir d'une robe blanche d'églises. »
Le Roman se développe sur les acquis du passé:
- l'art paléochrétien (Ste-Sabine à Rome) et le plan basilical à
transept (plan en croix latine) ainsi que le décor de bandes
lombardes (Mausolée de Galla Placida à Ravenne).
- l'art mérovingien (Baptistère de Poitiers) et ses jeux de
volumes complexes.
- l'art carolingien (chapelle palatine d'Aix) et l'apparition du
clocher, qui est de plus en plus marqué comme symbole de
puissance (proche des donjons militaires) et d'élévation
mystique vers le ciel (Eglise St-Clément de Tahull,
Catalogue, XIIe s.). En Italie, le clocher ou campanile est
même souvent séparé de l'église (St-Apollinaire-le-Neuf à
Ravenne).
Il se distingue par
-
-
le voûtement en berceau (nef de l’église de la Madeleine à Vézelay, France,
XIIe s.) ou en arêtes des nefs (Abbatiale St-Philibert de Tournus, France, XIe
s.), alors qu'auparavant, elles étaient couvertes par des plafonds plats
ou laissaient leurs charpentes apparentes. Cela demande des murs porteurs
puissants, donc moins percés de fenêtres. Les édifices romans sont donc
souvent sombres.
le développement de l'abside qui s'entoure de chapelles et autres exèdres
(Abbatiale Ste-Marie de Souillac, France, XIIe s.). Chacun de ces espaces
sera perceptibles à l'extérieur et créera ainsi un assemblage de volume simple
65
-
s'étageant ou se superposant l'un et l'autre. Parfois, on assistera à un véritable
ramassement du volume des édifices en une sorte de pyramide de volumes
(Eglise de Paray-le-Monial, France, XI-XIIe siècle et ancienne abbatiale de
Cluny, France, XIIe s.).
l'importance d'un transept (Abbatiale de Murbach, France, XIIe s.) de plus
en plus marqué (clochers, absidioles, chapelles...).
A côté des églises, construction de nombreuses abbayes au plan fixe dont nous pouvons retenir le cloître,
cour fermée autour de laquelle s'articulent les bâtiments. Influence manifeste du péristyle de la domus
romaine (Cloître du Monastère Santo Domingo de Silos, Espagne).
a. Plan
Si le plan central devient exceptionnel, le plan basilical, en revanche, reste le plus courant avec ses trois
nefs accolées recoupées parfois par un transept, le tout formant un dispositif en forme de croix latine.
Dans certaines régions, les églises, notamment les modestes sanctuaires ruraux, ne possèdent qu'une seule
nef terminée par un chœur souvent orienté à l'est. Les nefs sont divisées en travées carrées par des
supports, piliers ou colonnes. Le chœur, terminé par une abside circulaire ou à chevet plat chez les
cisterciens et les norbertins est bordé d'un déambulatoire greffé de chapelles rayonnantes ou absidioles
pour les églises de pèlerinage. Parfois le chœur est flanqué de deux chœurs plus petits, chaque nef
s'achevant donc par une abside. C'est le dispositif bénédictin. Dans la région rhéno-mosane, certaines
églises importantes sont dotées de deux chœurs, l'un oriental, l'autre, occidental. Deux transepts
caractérisent les églises à deux chœurs. L'ouest affirme sa carrure par une façade, un chœur, une tour
trapue ou un Westbau (puissant avant-corps occidental). Le plan trèfle, caractéristique de la région de
Cologne, se retrouve pourtant dans le chœur roman de la cathédrale de Tournai.
b. Élévation
Durant deux siècles, les maîtres d'œuvre poursuivent des expériences en matière de couverture. Celle-ci se
présente sous la forme d'une charpente apparente (Vignory) ou d'un plafond (Hildesheim), tous deux
vulnérables au feu. Si la voûte en pierre prévient des risques d'incendie, la charge de son poids exerce des
poussées égales. Telle apparaît la massive voûte en berceau en plein cintre ou en arc brisé, beaucoup plus
répandue en Auvergne et dans le Poitou. Ses poussées reparties uniformément sur toute la longueur du
mur portant tendent à écarter le mur très épais, percé de petites fenêtres terminées en plein cintre. On y
remédie en renforçant la voûte en berceau tantôt par des arcs doubleaux transmettant la poussée en des
points déterminés aux contreforts extérieurs, tantôt par des tribunes voûtées en demi-berceaux épaulant la
couverture de la nef centrale.
La voûte en berceau brisé est fréquente en Bourgogne (abbatiale de Fontenay), en Provence et en Sicile.
La voûte d'arêtes (bas-côté de Saint-Philibert de Tournus), compénétration perpendiculaire de deux voûtes
en berceau - création, elle aussi, de l'architecture romaine - répartit les charges sur quatre supports grâce à
l'épaulement de deux berceaux se compénétrant perpendiculairement. Elle réagit d'un seul tenant, car
l'arête reçoit des charges plus importantes que les autres. La lourdeur de cette voûte explique qu'elle
couvre d'abord des petits espaces, les bas-côtés, avant de couvrir la nef centrale plus haute et deux fois
plus large. Les charges sont réparties sur des piliers cruciformes à angles droits ou arrondis à quatre ou
six lobes.
La coupole - encore une autre création romaine - , aux charges réparties circulairement, couvre plutôt les
églises du Périgord, d'Aquitaine et les baptistères romans d'Italie. La coupole repose sur pendentifs ou sur
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trompes, niches ramenant le plan carré au plan octogonal par la présence d'un petit côté qui les surmonte
(bas-côté de Saint-Philibert de Tournus).
Des piliers massifs alternent parfois avec des colonnes recevant des arcs en plein cintre ou brisés comme
en Bourgogne, en Provence, en Sicile. Le contrebutement est exigeant pour les édifices élevés. On y
remédie par la présence de tribunes, fréquentes en Normandie et présentes à la cathédrale de Tournai. En
Bourgogne, des berceaux transversaux couvrent les nefs de l'abbatiale de Tournus. Les trois nefs de même
hauteur s'étançonnent l'une l'autre, comme à Notre-Dame-la-Grande à Poitiers et dans la plupart des
églises du Poitou.
c. Extérieur
Les églises en imposent par leurs volumes géométriques s'emboîtant avec rigueur et clarté. La tour abrite
à l'étage une salle qui regarde la nef à travers une arcade. Les tribunes sont à l'origine de l'amplification du
volume de la façade. Les parois robustes s'animent d'arcs aveugles et d'arcatures lombardes surmontant les
fenêtres. Des contreforts simples s'amincissent vers le haut en niveaux successifs pour contrebuter les
poussées des voûtes d'arêtes. La région rhéno-mosane se caractérise par son massif occidental (dit
Westbau) formé d'une tour massive cantonnée de tourelles d'escalier.
d. Écoles romanes
À la fin du Xe et au début du XIe siècle, des églises modestes coexistent avec des édifices imposants où la
largeur et la hauteur des espaces comme des volumes exigent un emploi judicieux de la voûte pour répartir
les poussées écrasantes. Les abbatiales de Saint-Martin de Tours (détruite), de Jumièges, de Vignory, de
Tournus, de Soignies, de Saint-Bénigne à Dijon et San Abbondio à Côme (XIe siècle) constituent
quelques-uns des témoins du premier âge roman.
Vers le milieu du XIe siècle, des particularités locales différencient les édifices religieux et permettent de
les grouper en écoles. En plus de la variété des types, il faut tenir compte de l'implantation des monastères
ou des grandes églises de pèlerinage vers Compostelle. Si l'ancien empire carolingien comporte une
multitude d'écoles, les édifices du sud de la Loire présentent certains traits communs avec l'art classique.
- L'école de Normandie
Cette école se compose d'abbatiales vastes et hautes, au transept fort développé et aux bas-côtés étroits.
L'élévation présente normalement une tribune. Si Jumièges présente trois niveaux, la Trinité à Caen n'en
présente que deux. De nombreuses tours en façade, à la croisée du transept et au chœur accentuent la
hauteur de ces édifices comme à Jumièges, la Trinité et Saint-Étienne de Caen ainsi que Saint-Georges de
Boscherville. La cathédrale de Tournai relève de l'école normande par ses quatre niveaux (tribunes y
compris) et ses cinq clochers dont une tour lanterne à la croisée du transept. Il en va de même pour les
cathédrales anglaises de Durham, d'Ely, de Winchester aux amples proportions : plans aux travées plus
nombreuses, transept démesuré avec bas-côtés, chœur profond. La façade s'impose en largeur, multipliant
les tours. L'école norvégienne, elle aussi, ressortit à l'école normande.
- L'école rhéno-mosane
Ses églises - dites bicéphales - présentent deux chœurs et un Westbau, massif occidental. Les cryptes,
fréquentes, et les nefs, dépourvues de tribunes, s'animent de piliers et de colonnes recevant la retombée
d'arcades à chapiteaux sphéro-cubiques. Les églises bicéphales imposent le double accent des tours
comme à Spire, Worms, Maria Laach, Trêves, Mayence, Bonn. Certaines églises de Cologne comme
Grand-Saint-Martin et les Saints-Apôtres illustrent le plan trèfle. L'école mosane s'apparente à l'école
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rhénane en dépit d'une carrure beaucoup moins imposante.
IXe-Xe S. : Héritage carolingien
« Maquette de Saint-Donatien à Bruges, vers 950 » : octogone central comme la chapelle d’Aix et
westbau.
« Reconstitution de l’extérieur du IXe s. de Saint-Ursmer à Lobbes » : westbau, tour, deux transepts, nefs
à charpentes apparentes, simplicité, pureté des rythmes.
« Intérieur de Sainte-Gertrude à Nivelles, IXe s. » : plafond à charpentes, arc diaphragme.
A partir du XIe siècle :
-
Edifices importants :
« Partie avant de Notre-Dame d’Hastière » : Haute tour clocher d’entrée et tourelles accostées  vers un
jeu de volumes extérieurs. A l’intérieur : tribune trilobée au premier étage de la tour. Nef : plafond et arc
triomphal décoré et orné d’un calvaire.
« Collégiale Saint-Hadelin, vers 1050 » : Tour et tourelles occidentales, transept oriental. Massivité
rompue par le jeu d’arcades. Crypte voûtée.
« Nef fin Xe s. et westbau début XIe de Saint-Denis à Liège » : Toujours sobriété de la nef centrale et
westbau massif.
« Saint-Jean, Liège, fin XIe s. et début XIIe s. » : tour massive et tourelles adossées, octogone et
nombreuses absidioles (chœur et octogone actuels du XVIIIe siècle).
« Saint-Feuillen, Fosses-la-ville, XIe s. » : westbau haut et massif, crypte et murs du chevet originaux.
Les décrochements de volumes s’accentuent.
« Saint-Laurent d’Ename, XIe s. » : développement du décor extérieur d’arcades aveugles et de pilastres.
« Saint-Barthélemy, Liège, XIe-XIIe siècles » : décors de frises d’arcatures.
« Saint-Ursmer à Lobbes, fin XIe-début XIIe siècles » : décors de frises d’arcatures sur le chevet et de
baies géminées sur la tour.
« Saint-Jacques, Liège, seconde moitiè du XIIe siècle » : décor de frises d’arcatures et lésènes de la
seconde moitié du XIIe siècle.
« Maastricht, Saint-Servais » : Westbau, décor de frises d’arcatures, lésènes et frontons, seconde moitié du
XIIe siècle.
Fort remaniée au XXe s., le westbau de « Sainte Gertrude de Nivelles » présentait également un décor
d’arcatures et baies géminées.
Autour de 1700, « Sainte-Croix à Liège » s’illustrait par un jeu de volume superposé et un décor plus
marqué.
-
Complexes abbatiaux :
Autour d’un cloître jouxtant l’église, « l’abbaye prémontrée de Floreffe » présentait le plan cistercien du
XIIIe siècle : cellier – bâtiment des convers – cuisines et réfectoire – salle capitulaire. L’abbatiale
conserve des traces romanes du XIIe s. : décor de frises d’arcatures et arcs cintrés de la nef principale. A
l’intérieur, quelques ornements (colonnes et chapiteaux, peintures de voûte) sont conservés dans la salle
capitulaire. Cellier : décor peint au pochoir, plus tardif (fin XIIIe-début XIVe s) et pavement de vers
1250 du dortoir. Abbatiale : trace de décor peint mi XIIIe siècle au sommet des murs.
-
Eglises rurales :
Type à plan basilical, 3 nefs, tour occidentale, abside ou chœur oriental : « Saint-Pierre de Bertem »,
« Saint-Remacle d’Ocquier » (XIe s.), « Notre-Dame du Rosaire à Wierde » (XIIe s.)
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Type mononef : « Chapelle Saint-Pierre » (XIIe s.).
Type « clunisien » : « Saint-Gilles de Kumtich (Tienen) » et « Saints-Pierre-et-Paul de Saint-Séverin-enCondroz » (XIIe s.)
Plafond en bois, arc diaphragme et tribune occidentale : « Sainte-Adèle d’Orp-le-Grand », « SaintGangulphe de Saint-Trond » (XIe s.).
- L'école de Bourgogne
L'absence de tribunes, la généralisation de l'éclairage direct de la nef centrale, la présence d'arcs brisés dès
le XIIe siècle, le triforium aveugle et la richesse du décor, excepté chez les cisterciens, caractérisent cette
école. Elle en impose par son rayonnement. La troisième abbatiale de Cluny (celle de saint Hugues en
1088), la plus vaste église de la chrétienté (de 181 m de long) avant la construction de Saint-Pierre à Rome
au XVIe siècle, présente une nef centrale très haute (30 m) couverte d'une voûte en berceau brisé
renforcée d'arcs doubleaux retombant sur des pilastres cannelés. L'église Sainte-Croix Notre-Dame de La
Charité-sur-Loire, commencée au XIe siècle, portait le titre de « fille aînée de Cluny ». Il n'en subsiste que
le chœur (1115-1135), le transept et la tour Sainte-Croix. L'église de Paray-le-Monial rappelle celle de
Cluny, mais en proportions réduites. La cathédrale d'Autun appartient à ce groupe avec des sculptures
célèbres parmi lesquelles le tympan du Jugement Dernier. La Madeleine de Vézelay couverte de voûtes
d'arêtes sur la nef centrale et les bas-côtés avec doubleaux aux claveaux de couleur alternée, précédée
d'une avant-église, comporte un décor riche et varié : chapiteaux historiés et tympan frappé des apôtres
envoyé pour l'enseignement de l'humanité. La nef centrale de Saint-Philibert de Tournus, cantonnée de
hautes et puissantes colonnes, porte une succession de berceaux transversaux. Son narthex est d'une
conception opposée à l'église porche qui précède l'abbatiale de Saint-Benoît-sur-Loire. Les abbatiales
cisterciennes se terminent par un chœur à chevet plat et des chapelles orientales rectangulaires greffées sur
le transept comme à Fontenay. À Pontigny, le chœur en abside semi-circulaire comporte des chapelles
empâtées. La simplicité et l'austérité de l'architecture cistercienne prohibent la présence de clochers et de
décors.
- L'école de Provence
La persistance de la tradition romaine s'y manifeste dans la silhouette des églises rappelant celle des
basiliques primitives ainsi que dans la présence de frises et de chapiteaux corinthiens. Les édifices
présentent une large nef sans déambulatoire. Leur couverture en berceau longitudinal sert d'assise à la
toiture. Une autre caractéristique réside dans la forme trapue de la figure humaine drapée à la romaine
comme à Saint-Trophîme à Arles ou à Saint-Gilles du Gard.
- L'école d'Auvergne
La nef centrale, épaulée de tribunes, y est voûtée d'un berceau longitudinal en plein cintre sans arcs
doubleaux. Le transept saille et le chœur s'amplifie de chapelles rayonnantes greffées en nombre pair sur
le déambulatoire. À l'extérieur, ces édifices superposent des volumes s'amplifiant progressivement depuis
la tour à la croisée jusqu'aux absidioles comme à Notre-Dame-du-Port à Clermont-Ferrand et aux
basiliques du Puy, d'Issoire et d' Orcival. Le massif élevé au-dessus du transept contrebute au nord et au
sud la tour de croisée.
- L'école du Périgord
L'influence byzantine la singularise dans la nef unique couverte de coupoles sur pendentifs à la croisée et
sur les bras du transept. L'église de Saint-Front à Périgueux présente un plan en croix grecque. La
cathédrale d'Angoulême et Saint-Hilaire de Poitiers sont dotées également de coupoles.
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- L'école du Poitou
Elle se caractérise par des églises où les nefs sont d'égale hauteur (églises-halles), l'ensemble de l'édifice
étant voûté. Une tour-lanterne valorise la croisée. Le décor de façade s'impose par des sculptures en
broderie où manquent des tympans historiés comme à Notre-Dame-la-Grande à Poitiers.
- L'école du Languedoc
Elle présente dans la région de Toulouse des édifices construits en brique comme à Saint-Sernin. Les
voûtes en berceau éliminent la présence des fenêtres hautes. Le chevet est doté d'un déambulatoire
donnant accès aux chapelles rayonnantes. La sculpture s'y manifeste par des portails cantonnés de
personnages étirés aux jambes souvent croisées comme à Moissac, Toulouse, Silos, Ripoll et Compostelle.
- Les écoles italiennes
En Italie, on continue d'utiliser les nombreux bâtiments paléochrétiens et byzantins, et les quelques
édifices nouveaux adoptent un style différent du reste de l'Europe. Ainsi, leur plan reste très simple, à
l'image des basiliques romaines antiques et des églises paléochrétiennes (pas de clochers, d'absidioles, de
chapelles latérales...). Cette sobriété du plan est accentuée par un jeu de façades-écrans très régulières, où
l'accent est mis sur le jeu des arcs en plein-cintre, des colonnades, des frontons hérités de l'Antiquité. De
même, le jeu de polychromie des marbres découle de la technique de l'opus sectile de la Rome antique.
L'école lombarde
Ses volumes rappellent ceux des églises paléochrétiennes. Les bandes lombardes, frises d'arcatures,
animent les façades des églises romanes de Pavie, de Modène, de Vérone, de Ferrare et de Saint-Ambroise
à Milan rehaussée d'un porche à baldaquin et à colonnettes. La porte de Vérone reste célèbre pour l'art de
Guillelmus et celle de Parme pour celui d'Antelami.
L'école toscane
Incamée par la cathédrale de Pise, ses façades s'animent d'arcades superposées à l'instar de la cathédrale
de Lucques, de San Miniato et du baptistère à Florence. Non voûtées, ces églises restent fidèles à la
tradition paléochrétienne dans leur plan basilical et leur plafond sous charpente.
B. 2. Architecture civile
En campagne, peu d’évolution depuis le … néolithique ! Petites cabanes de bois, chaume et terre
battue : « reconstitution d’un village du haut Moyen-Age à Bokrijk ».
Dans les agglomérations, la maison romane à pans de bois, en colombage ou en pisé abandonne le plan de
la maison romaine. Elle s'étend en profondeur et la parcelle du logis, perpendiculaire à la rue, se présente
avec « pignon sur rue ». Ses deux niveaux se composent du cellier au rez-de-chaussée et d'une pièce
unique à l'étage où se tient la famille. Les fenêtres, petites et sans vitres, se découpent en deux arcades
géminées séparées par une colonnette. Le foyer ouvert dégage plus de fumée que de chaleur et constitue
une menace d'incendie. L'escalier, extérieur d'abord, à vis ou en colimaçon ensuite, est logé dans une
tourelle. Les maisons marchandes possèdent une boutique ou un atelier s'ouvrant sur la rue, tandis que les
maisons nobles, en matériaux durs, possèdent comme indices de richesse une chapelle et une tour
d'escalier. Cluny, Gand et Tournai conservent des exemples de maisons romanes en matériau dur.
En architecture civile, grande époque des châteaux forts. D'abord un simple donjon, à deux ou trois pièces
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superposées, sans confort, ni fenêtres, ni intimité. En bois (château à motte) puis pierre. L'entrée, pour des
raisons de sécurité était souvent placée au premier étage plutôt qu'au rez-de-chaussée (accès par une
échelle). Ce donjon était situé au centre d'une enceinte, entourée d'un fossé inondé ou sur une hauteur.
Progressivement, l'édifice s'agrandit et s'organise autour d'une cour. Il est ceint d'épaisses murailles et
accessible par un pont-levis.
Ce château fort se situe au sommet d'escarpements naturels (sites stratégiques) ou dans des vallées,
ceinturé de fossés plus ou moins larges. Une ou plusieurs enceintes ponctuées de puissantes tours
défensives, leurs mâchicoulis ou assommoirs pour déverser pierres et huile bouillante ainsi que le pontlevis défendent le donjon, demeure résidentielle du seigneur attenante à la chapelle. Le château des
comtes à Gand, les donjons ou les tours résidentielles : de Sugny (XIe s.), Liresse à Vivy, Burnbant à Ath
(1160-65), le château fort de Bouillon, celui de Montaigle (XIIIe s.) ou le château de Franchimont (Theux)
datent partiellement de cette époque.
C. Sculpture :
Peu de sculpture entre le Ve et le IXe siècle car - ignorance du relief dans l'esthétique germaine.
- préférence à l’orfèvrerie.
- crainte de l'Eglise de voir les statues idolâtrées.
C. 1. En général :
Au IXe siècle, renaissance du relief, en France surtout,
Art essentiellement architectonique, il souligne les divisions architecturales de l'édifice, d'où une
sculpture qui ne sort pas de son cadre et se plie à la forme des encadrements (longs, étroits, courbés,
angulaires...) et des supports.
Etroitement liée à l'architecture, la sculpture constitue ainsi un support didactique compréhensible par la
masse des pèlerins analphabètes. Le sculpteur roman (le plus souvent un moine) ne recherche ni la
reproduction de la réalité, ni le réalisme. Son art, au contraire, doit clairement distinguer la production
humaine de la création divine. De plus, il doit être facilement lisible et reconnaissable ; le relief sculpté
Roman raconte la Bible comme le relief antique romain racontait les exploits des empereurs ou la
mythologie.
La loi du cadre architectural commande allongements, étirements, torsions, déformations pour adapter les
figures à l'espace à décorer. Les draperies sont traitées en spirales, en tourbillons, en ondes. La sculpture
égaye les frises, les voussures et les chapiteaux d'ornements géométriques, de scènes de pèlerinage, d'êtres
étranges et fabuleux.
Sculpture souvent réservée aux tympans (+/- frontons) des portails, aux chapiteaux et parfois aux supports
(pilastres, colonnes...). Cela aboutit à une esthétique géométrique du traitement des corps humains ainsi
déformés. Esthétique de l''horreur du vide, les personnages s'emboîtent les uns dans l'autres et des motifs
décoratifs achèvent de remplir la surface. Au début, volume des corps indiqué par des enroulements et des
spirales, d'où esthétique graphique.
Aux tympans des portails, le Christ en majesté domine au centre d'une mandorle, entouré des symboles
des quatre Évangélistes, des Vieillards de l'Apocalypse ou des Apôtres. Les piédroits comportent des
statues colonnes comme sur l'ensemble de la façade occidentale en Poitou. Il en va de même pour la
Bourgogne, la Provence, le sud-ouest de la France.
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Issus des miniatures occidentales ou orientales, les thèmes oscillent entre le profane, le religieux et le
naturalisme dans les motifs zoomorphes ou botaniques (« Dragon dévorant un homme, chapiteau, SaintPierre de Chauvignv, Vienne, France, XIles. »). La méthode de présentation des sujets est fréquemment
typologique, les épisodes de l'Ancien Testament préfigurant les épisodes du Nouveau. Rupert de SaintLaurent à Liège et Suger à Saint-Denis en sont les propagateurs comme en témoigne l'iconographie des
abbayes de Stavelot et de Saint-Denis.
Les thèmes profanes (saisons, arts libéraux, signes du zodiaque), thèmes moraux (vices et vertus)
avoisinent sans volonté ordonnatrice, les thèmes religieux (vie du Christ, épisodes de la vie des saints).
Les tympans affichent tantôt le Christ en majesté inscrit dans une mandorle ou l’Ascension rappelée par la
présence des Apôtres (Charlieu, Cahors, Portail royal de Chartres), tantôt le Jugement Dernier (Autun,
Baulieu, Conques), l’ Apocalypse (Moissac) ou la Pentecôte (Vézelay).
La volonté d'exploiter la compacité d'une paroi structurée en panneaux prévaut dans la facture des portes
de bronze de San Zeno à Vérone ou d'Hildesheim (1015) ainsi que dans celle de la porte en bois de SainteMarie-au-Capitole à Cologne (vers 1065). On retrouve cette vigueur de modelé dans le Christ en croix
d'Imerward à la cathédrale de Brunswick (vers 1060).
C. 2. Sculpture et orfèvrerie romanes en région mosane :
Si dans nos provinces, c’est l’orfèvrerie « sculptée » qui asura le rayonnement de notre production, on
connaît quelques beaux exemples en pierre mais aussi en bois.
Les ateliers mosans en imposent donc par leur toreutique, travail du métal et de l'ivoire.
Œuvres en ivoire :
Aux Xe-XIe s., les ivoiriers exécutent des œuvres aux proportions élégantes avec persistance de
l’influence byzantine : « Ivoire de Notger, Liège, 980-1000 » ; « Ivoire de la Crucifixion de Tongres,
Liège, 980-1000 » : le Christ triomphe de la mort en présence de Sol, Luna, Tellus et Océanus au jour de
la résurrection des morts.  Ivoires à grandes figures dans la tradition antique.
« Ivoire de la Crucifixion des MRAH, Liège, 1030-50 ». Changement : ivoire à petites figures.
Œuvres en bois :
Importance du bois pour les sculptures indépendantes. Simplicité de la composition et des formes. Type
du Christ triomphant aux yeux ouvert, vêtu du colobium et couronné : « Christ de Tancrémont, fin Xe s,
tilleul, restes de peinture originale ».
Simplicité de la composition et des formes (statue bloc). Type hérité de Byzance: la Vierge en majesté
sert de trône à l’Enfant bénissant : « Sedes Sapientiae d‘Hermalle-sous-Huy, Meuse, 1070, aulne,
peintures originales ».
Œuvres en pierre :
Sculpture architectonique et production de mobilier :
Chapiteaux :
La production en pierre est d’abord réservée à la sculpture architectonique et au mobilier liturgique.
72
Réperoire d’animaux fabuleux hérités de l’Orient via Byzance. Sens du remplissage et relief à deux
niveaux.
« Chapiteaux de la cathédrale Saint-Lambert et de Saint-Nicolas en Glain, XIIe s. » ; « Chapiteau de
Floreffe, fin XIIe s. » ; « Chapiteaux, Tournai, 1110-1125, calcaire de Tournai »
Portail :
« Portail Samson collégiale Nivelles, fin XIIe s. » : Samson soulevant les portes de Gaza - Histoire de
Samson: victoire du Bien sur le Mal - Samson ébranlant le temple de Dagon.
« Porte mantille, Tournai, détail (l'avare et un diable), 1141-1171, calcaire de Tournai ».
Fonts baptismaux :
Sens du remplissage et relief puissant plus que raffiné.
Composition invariable: cuve rectangulaire ou circulaire sur colonne ou pilier central avec colonnettes
d’angle à grande exportation au nord de l’Europe.
« Fonts baptismaux, région mosane, 1141-1160, calcaire de Meuse » : tête d’angle caractéristique de la
production mosane.
« Fonts baptismaux, Tournai, 1100-1150, calcaire de Tournai » : saint Paul sur le chemin de Damas Reniement de saint Pierre - Vue de Jérusalem.
Rare œuvre indépendante :
« Vierge de Dom Ruppert, Liège, 1149-1158, grès houiller » : évolution, souplesse et tendresse. Rappelle
la technique des ivoiriers et des orfèvres dans les plis larges aplatis aux genoux et dans la douceur de
l'expression : geste naturel de l'Enfant saisissant à deux mains le sein maternel et geste naturel de Marie
inclinant la tête vers l'Enfant et lui soutenant le dos.
Œuvres en métal :
- Au Haut Moyen-Age : Expansion du travail en vallée mosane. Importance de la technique du repoussé,
qui consiste à enfoncer par l’arrière la plaque métallique afin d’y créer des reliefs : « Plaque d'argent en
repoussé, église de Susteren, 780 » ; « Repas eucharistique et Visitation ».
Argent coulé : « Clef de saint Servais, Meuse, fin IXe - début Xe s., 28 cm, Trésor de l’église SaintServais, Maastricht ».
Filigrane: ornement en relief obtenu par l’ajout d’un fil métallique travaillé à chaud : « Croix des
Ardennes, or et cuivre doré sur bois, filigranes d'or, pierres précieuses et pâtes de verre, 73 cm, IXe
siècle, Musée national allemand de Nuremberg ».
- Autour de l’an 1000 : Vers une diversité des techniques: la fonte, le repoussé, la gravure, le filigrane, le
vernis brun, les insertions de pierreries et pâtes de verre : « Reliure du Codex Douce 292, Liège, XIe,
Bodleian Library Oxford, Cuivre doré et gravé, vernis brun ». (La technique du vernis brun consiste à
recouvrir d’une couche d’huile de lin des ornements gravés, à la chauffer puis la racler de manière à
dégager soit en brun les ornements gravés, soit le fond si c’est lui qui est gravé en creux).
« Autel portatif, ivoire, laiton doré, jaspe et bois, Liège, XIe, 18x45x24 cm, Musée Diocésain de Namur » ;
« Christ ottonien en laiton, Musée Diocésain de Liège ».
- XIIe siècle : L’émaillage champlevé est réalisé en gravant une surface métallique (habituellement du
cuivre, du bronze ou du laiton) de manière à ménager des alvéoles ou des creux. Les alvéoles sont
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remplies d’émail pulvérisé qui est ensuite chauffé. L’émail une fois durci, l’ensemble est ensuite limé et
poli afin d’obtenir une surface uniformément lisse.
« Triptyque reliquaire de la Sainte Croix, Liège, 1160-1170, bois, Argent repoussé doré, gravure, émaux
champlevés, pierreries, Sainte-Croix, Liège ».
« Bras-reliquaire de Charlemagne, Liège, 1166-1170, bois, Argent repoussé et estampé, bronze, émaux
champlevés, Louvre » : portrait de l’empereur Louis et Vierge à l’Enfant
« Châsse de saint Hadelin, région mosane » : Visite du roi Pépin (par un maître secondaire) et Rêve de
saint Hadelin, (remanié), pignon du XIe siècle réutilisé, 1100/1130-50, bois, Argent repoussé, Bronze
fondu, vernis brun, église Saint-Martin, Visé.
« Reliquaire en forme de pignon de châsses, 1160, Meuse, vernis brun, repoussé, émaux champlevés,
MRAH, Bruxelles ».
« Reliquaire en forme de pignon de châsse, Meuse, 1160, MRAH, Bruxelles ».
« Retable de la Pentecôte, Meuse, 1160-70, Cuivre repoussé et doré, gravure, émaux champlevés,
filigrane, vernis bruns, 215 cm ».
« Evangéliaire de Notger, cadre du plat de reliure, Liège, 1160-1170, émaux champlevés, cuivre gravé,
ciselé et doré, 30 cm, Musée Curtius » et « Reliure de l'Evangéliaire d'Anastasie, région mosane, av.
1169, bois, Argent repoussé et doré, Bibl. Naradowa de Varsovie ».
« Phylactère (petit reliquaire amulette) de l'Agnus Dei, Meuse, XIIe s., 22,5 cm, anc. abbaye de Waulsort,
Soc. Archéol. de Namur (SAN) ».
« Phylactère, Meuse, anc. abb. de Waulsort, SAN, repoussé, vernis brun et insertion ».
« Phylactère, Meuse, Revogne, 17 x 22 cm, SAN ».
« Autel portatif de Stavelot, 1150-1160, bronze fondu doré, émaux champlevés, vernis brun, cristal de
roche, MRAH, Bruxelles » par Godefroid de Huy (en activité vers 1173-74), orfèvre émailleur de
Stavelot pour le « buste reliquaire de Saint Alexandre (1145 ») où il travaille dans des tons vert, bleu, une
répartition très étudiée de blanc et très peu de rouge.
« Médaillon avec la Foi du retable disparu de saint Remacle de Stavelot, Musée de l'Artisanat de
Francfort sur le Main, 1150, émaux champlevés, 14 cm ».
« Plaque de crois reliquaire, sacrifice d'Isaac, Meuse, émaux champlevés, XIIe, 7x5 cm, SAN ».
et l'autel portatif (vers 1160) aux Musées royaux d'art et d'histoire à Bruxelles et de Saint Denis pour le
pied de la croix de Saint-Omer.
Développement de la dinanderie :
« Chandelier d'autel, bronze coulé et doré, Meuse, début du XIIe s, 20 cm, coll. Privée » et « Encensoir de
Renier, Meuse, 1160-65, fonte, 16 cm ».
Figures en ronde-bosse :
« Christ en croix, Meuse, XIIe siècle, 13 x 12 cm et 18 x 16 cm, laiton coulé, Musée Diocésien de
Namur » ; « Les 4 éléments, le Feu ou l’Air, la Terre et l’Eau, Meuse, 1180, bronze doré coulé, Munich,
Musée national de Bavière » : aisance et expression différentes de la sculpture de l’époque. « Pied de
reliquaire, l'Eau (détail), 10 cm, Musée national de Bavière, Munich, fin XIIe siècle » et « Pied de Croix,
un Evangéliste (détail), Saint Omer, 1160 ».
Mobilier liturgique :
« Cuve baptismale de l'église Saint-Germain, Tirlemont, Bronze, Meuse ou Brabant, 1149, MRAH » et
Renier de Huy, « Fonts baptismaux, Saint-Barthélemy, 1107-1108, laiton coulé, diam de 97,5 cm ».
Synthèse entre l'art classique de l'antiquité dans les attitudes de trois quarts, le nu et le drapé moulant le
corps et celui de l'art byzantin dans la représentation de la Trinité, le hiératisme oriental et les anges se
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présentant devant le Christ les bras couverts en signe de respect.
- Au XIIIe siècle, fin progressive de l’art roman et passage au style gothique :
Nicolas de Verdun, « Châsse de Notre-Dame de Tournai, 1205, Argent repoussé et doré, émaux
champlevés, cloisonnés et mixtes, filigranes, verre, vernis brun, cathédrale de Tournai ». Nicolas de
Verdun signe en 1181, en l'honneur de la Vierge, « l'ambon conservé dans la chapelle Léopold de
l'abbaye de Klosterneuburg près de Vienne » ; « Châsse de saint Georges et de sainte Ode » : le patron de
la chevalerie et un chevalier, 1240, collégiale d'Amay.
D. La peinture :
D.1. La miniature
Elle présente des scènes vivantes traitées dans des tons vifs. Les enluminures provenant de scriptoria
cisterciens, mosans, français ou anglais conjuguent l'influence orientale, le sens de l'articulation et de
l'anatomie, les effets de drapé, la recherche de la composition et des couleurs contrastées. La miniature
s'organise autour de divers centres : au nord, les abbayes de Flandre et de l'Artois influencées par
l'Angleterre plus novatrice à Canterbury et à Winchester. Au sud, plus traditionnels, les miniaturistes se
tournent volontiers vers l'Italie. La Bourgogne est un centre influent avec Cîteaux et Cluny. Quant à la
célèbre tapisserie (ou « broderie ») attribuée à la reine Mathilde au Musée de Bayeux, elle évoque, quasi
comme un film muet sous-titré, l'épopée de la conquête du trône d'Angleterre par Guillaume le
Conquérant, duc de Normandie, avec les préparatifs d'invasion de l'Angleterre, la traversée de la Manche,
la bataille de Hastings narrée avec les costumes, l'armement et la supériorité de la tactique militaire
normande du XIe siècle dans l'usage de l'étrier et le port de la lance tenue en avant (résistance supérieure à
l'épée levée des Anglo-saxons).
La miniature ottonienne :
En Allemagne, la dynastie des empereurs ottoniens tend, pendant l’époque romane, d’égaler l’art byzantin
et de poursuivre la grandeur carolingienne. Un art de cour, luxueux s’y développe. Il est à l’origine de
nombreuses commandes.
L’un des plus important centre artistique est celui des ateliers de l’abbaye de Reichenau, île située sur le
lac de Constance. Art impérial oblige, les personnages représentés sont grands, imposants, avec des
attitudes solennelles et posées. Le drapé est un peu raide mais enrichit de petits traits nerveux pour lui
donner vie. Les fonds sont vides ou occupés par une architecture sommaire.
« Saint Matthieu, codex de Géron, vers 960, Darmstadt », « Evangéliaire d’Otton III, Reichenau, vers
1000, Munich » et « Otton III entouré de l’empire, évangéliaire de Bemberg, fin du Xe s., Munich ».
L’autre atelier important est celui de Trêves, où beaucoup d’artisans de Reichenau sont actifs. Le plus
célèbre est le Maître du Registrum Gregorii. Exemples : « Crucifixion, codex Egbertus, vers 980,
Trêves » et « Otton II ou III entouré des provinces de l’empire, Registrum Gregorii, fin Xe s., Chantilly ».
Autre exemple allemand : « Messe de saint Erhard, évangéliaire de l’abbesse Uta, 27 x 38 cm, début XIe
s., Munich ».
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La miniature dans nos régions :
Au Xe s., l’influence de l’art ottonien allemand et bien visible dans le travail des grands personnages aux
drapés simples, placés sur deux niveaux de profondeurs, avec un fond vide, sans profondeur, si ce n’est
l’indication d’une architecture à la perspective mal assurée : « Vie de saint Remacle, Abbaye de Stavelot,
le roi Sigisbert III ». Au XIe siècle, l’art roman s’émancipe du passé et se rapproche des caractéristiques
des autres formes d’art. Avec « l'initiale T(hesaurus)de l’Evangéliaire de Saint-Laurent (Rupert de
Deutz), 1025-50, atelier de Liège, conservé à Bruxelles », le sens du remplissage, les nombreuses volutes
végétales et la disproportion du personnage, rappellent la sculpture. Puis, une aisance nouvelle des
personnages, une souplesse du trait, un sens du mouvement, un grand sens de la nuance des couleurs
apparaissent : « Evangéliaire de Saint-Laurent, saint Luc, 1025-50, Atelier de Liège, Bruxelles » et
« Evangéliaire de Santa Maria ad Gradus, Christ en Majesté, Cologne, 1030 ».
Cela finit par déboucher, au XIIe siècle, sur un véritable sens du naturalisme : « Evangéliaire d'Averbode,
La Nativité, région mosane, 1165-1180, Ulg » et «Evangéliaire de Floreffe, région mosane, 1150-1170 ».
La miniature de l’Italie du Sud :
Des monastères fondés par des moines grecs traduisent le style byzantin. On y illustre des rotuli (un
rotulus), rouleaux de textes de 5 à 6 m, au verso de ces textes, de manière à ce que les illustrations soient
visibles des fidèles. C’est un style narratif, souvent populaire mais parfois luxueux lorsqu’il représente les
bienfaiteurs fortunés des abbayes.
« Changeur, moine, marchand de vin, personnages attablés du « De Universo de Raban Maur, 1023,
abbaye du Mont Cassin » ; « Roi et ses vassaux, rouleau d’Exultet, XIe s., Salerne » ; « Scène liturgique,
rouleau d’Exultet, vers 1000, Bari » et « Moïse partageant les eaux, Exultet du XIe s., Salerne ».
La miniature anglo-saxonne :
Rencontre de l’art des moines irlandais (graphisme, art abstrait et décoratif) et de l’influence carolingienne
du continent (personnages, ornements antiques), c’est un art exubérant, empli de vie et très décoré :
« Incrédulité se saint Thomas, pontifical de saint t hewold, 975-980, Londres » ; « Adoration de
l’Agneau pascal, missel de Robert de Jumièges ou Sacramentaire de Winchester, 1016-1030, Rouen » et
« Crucifixion, psautier de Ramsey, 25 x 32 cm, vers 1000, Londres ».
La miniature espagnole :
Culture isolée du reste de l’Europe à cause de la conquête arabe de 711. Epanouissement de la miniature
entre le Xe et le XIe siècles. Influence de la tradition wisigothique d’avant la conquête : grandes plages de
couleurs sans dégradé. Fascination pour le thème de l’Apocalypse, illustration de la lutte contre les
ennemis de l’Eglise.
« La grande prostituée, détail du Beatus de Seo de Urgel, Xe s., cathédrale de Seo de Urgel, Catalogne » ;
« L’agneau sur le Mont Sion, détail du Beatus du monastère de Valcavado, 970, Valladolid » ; « L’ange
sortant du soleil et les quatre vents, Beatus de San Miguel de Escalada, mi Xe s., New York » ;
« Commentaire de l’Apocalypse, enluminure du Beatus de Ferdinand Ier et de dona Sancha, 1047,
Madrid ».
D. 2. La peinture murale
Influencée par les miniatures syriennes d'allure dramatique et les miniatures grecques d'allure solennelle,
la peinture vise également à l'instruction des foules en s'intégrant au cadre architectural. Les sujets
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religieux s'affirment dans un épais dessin schématique et des couleurs en aplat ocre rouge et jaune
relevées de blanc, de rosé, de vert.
L'époque romane aime les couleurs vives et la lumière, signe éclatant de la beauté de la création et du
Créateur. La peinture murale (peinte à fresque ou à la détrempe), tout comme la sculpture polychromée et
l'orfèvrerie, va donc illuminer les sombres intérieurs des bâtiments religieux. Contrairement aux peintures
murales carolingiennes, la peinture romane ne sera plus seulement graphique à palette réduite, mais va,
comme la miniature l'avait fait, s'enrichir de tons diversifiés largement étalés.
Ecole de Catalogne :
L'école de Catalogne s'illustre avec le Maître de San Clément de Taúll (1123) et de San Isidore de Léon.
Thèmes et modèles: ils restent fidèles à l'art byzantin (drapés linéaires stylisés et peu consistants, corps
élancés, utilisation du cerne qui délimite les formes). Comme dans l'art carolingien, on distingue
néanmoins une plus grande liberté, moins solennelle et plus vivante que dans l'art byzantin (« Adoration
des Mages, peinture murale de l'église de Navasa à Huesca, Jaca, Espagne, XIIe s. »).
Comme pour la miniature, cette peinture va exprimer la violence des convictions et de la foi par des
oppositions de couleurs tranchées, sans dégradé, appliquées par aplats, sans mélange de pigments
(superposition des couches pour obtenir les tons intermédiaires). Pour les ombres, usage des traits, des
hachures et des points colorés (« Visitation, peinture sur bois, autel de l'église de Santa-Maria Lluça à Vic,
Espagne. XIIIe s. » et « Détail d’une vierge sage, fin XIe s., San Quirce de Pedret, Barcelone, Musée d’art
catalan » ou « Christ en majesté, peinture murale de l'abside de Saint-Clément-de-Taúll, XIIe s., musée
d'art catalan »).
Peinture sur fonds vides ou abstraits, sans notation spatiale, beaucoup d’effets décoratifs soulignant les
mouvements de l’architecture (« Annonce aux bergers, voûte de la crypte du panthéon royal de l'église
Saint-Isidore de León, Espagne, XIIe s. »). Avec « la création d’Adam et la Tentation d’Eve, chapelle de
la Vraie-Croix, Maderuello, première moitié du XIIe s., Prado », la stylisation extrême des arbres et des
corps, la dureté du tracé et la géométrisation des formes s’apparentent à la décoration du panthéon royal de
León.
Ecole de l’Italie :
Dépendante de l’abbaye bénédictine du Mont-Cassin, « l'abbatiale Sant'Angelo in Formis en Campanie »
témoigne d’un des plus beaux exemples de peinture murale du XIe s. (Saintes femmes de la crucifixion,
archange saint Michel, symbole de saint Matthieu). Si l’influence byzantine est ici bien présente, l'école
italienne reste marquée par l'influence antique qui s'impose dans la « la collégiale d'Aoste ».
Une tentative de rendu spatial s’observe très tôt, peut-être sur base d’exemples antiques avec les
« peintures murales de la crypte de la cathédrale d'Anagni, début XIIIe s. » et le « Crist trônant dans la
Jérusalem céleste, peinture murale de l'abbatiale San Pietro al Monte Civitate, XIIe s. » alors qu’on
aperçoit un certain expressionnisme dans « le prophète Jérémie de l’église San Vincenzo Galliano, 1007,
Lombardie ».
Notons que l’Italie (la Sicile, la Vénétie et Ravenne) continue d’utiliser la mosaïque pour orner ses
bâtiments religieux. Il s’agit d’œuvres réalisées par des artisans byzantins : « Vierge Marie, 1125-1141,
Santa Maria e Donato, Murano » ; « Christ bénissant, cathédrale de Monreale, vers 1180, Sicile et
« Détail des fils de Noé, 1132-1140, chapelle palatine de Palerme ».
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Ecoles françaises :
L'école française se diversifie en plusieurs centres, dont la Bourgogne avec « le Christ bénissant à Berzéela-Ville » (goût pour les fonds bleu foncé) ou dans « l'abside de la cathédrale d'Auxerre » ainsi qu'en
Poitou, « sur la voûte de 168 m de long de Saint-Savin sur Gartempe, fin du XIe s. », célèbre pour ses 412
mètres carrés de peintures murales aux tons mats avec dominante des ocres.
Autres exemples : « Détail des apôtres, vers 1070, église abbatiale de Saint-Chef, Isère » ; « Arrestation
du Christ, première moitié du XIIe s., église Saint-Martin de Nohant-Vic, Indre » ; « Détail d’une sainte et
Nativité, début XIIe s., chapelle de Saint-Martin-de-Fenollar, Roussillon ».
En Allemagne :
« Décor mural de l’église Saint-Georges d’Oberzell de Reichenau, début Xe s., Lac de Constance » :
nombreuses peintures murales de la qualité des miniatures produites par les ateliers de l’île. Scènes de
miracle racontées sur deux niveaux de panneaux rectangulaires, grandes figures de prophètes et médaillons
avec les portraits des anciens abbés.
« Plafond en bois de l’église d’Hildsheim, fin XIIe s. » : personnages harmonieux, anatomie souple,
consistance des corps.
E. Le vitrail :
Les vitraux du XIIe siècle, hauts de 1,70 m environ, en imposent par leur bleu intense et profond voisinant
avec les blanc, vert, jaune et rouge, leurs bordures étant larges et variées. Parfois un seul personnage
occupe la composition.
L'origine du vitrail français se situe à l'abbaye de Saint-Denis suivie par les ateliers chartrains. « NotreDame de la Belle Verrière à la cathédrale de Chartre »s, « L'Ascension à la cathédrale du Mans » et
« la Crucifixion surmontée de l’ Ascension à la cathédrale de Poitiers » demeurent célèbres.
En Allemagne : « Moïse et le buisson ardent, abbatiale d’Arnstein-sur-la-Lahn, 1160, Münster ».
F. L’ornementation :
L'influence romaine prédomine en Provence, dans le bassin du Rhône, dans une partie de la Bourgogne
ainsi que dans la région rhénane. L'influence byzantine marque plutôt le Périgord, l'Angoumois, la
Saintonge et tout le sud-ouest de la France.
L'influence romaine se manifeste dans la présence de l'arc en plein cintre, tandis que celle de l'arc en fer à
cheval constitue une influence de l'Orient. Les colonnes souvent cylindriques, mais aussi fuselées, parfois
torses et plus rarement constituées d'entrelacs de branches s'ornent de cannelures droites ou en spirales ou
encore de motifs inspirés du décor des tissus. Les chapiteaux cubiques, tronconiques ou en corbeilles de
chapiteaux antiques présentent des entrelacs, des nattes, des vanneries, des feuillages enlacés contenant
des oiseaux. Des médaillons circulaires, polylobés ou en mandorle côtoient besants, billettes ou entrelacs,
étoiles, têtes de clous à facettes, des croisillons en losanges à fleurons ou en trèfles, des zigzags, chevrons,
vannerie, lanières de perles, suite d'arcatures ou de rosaces, des pointes de diamants ou damiers, créneaux
anguleux ou arrondis, arcades en plein cintre ou entrecroisées. L'acanthe lobée et cannelée s'épanouit
parfois à l'extrémité par des rinceaux à feuilles recourbées en S voisinant avec lys et iris.
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Le bestiaire des miniatures, peintures murales, vitraux et orfèvrerie multiplie les lettrines ajourées en
entrelacs ou ornées d'enroulements. Des mascarons grimaçants, des serpents à tête de dragon et autres
animaux fabuleux, ailés ou non, grouillent dans ce riche et varié répertoire zoomorphe où l'on retrouve le
tétramorphe, c’est-à-dire le symbole des Évangélistes : le lion (saint Marc), le bœuf (saint Luc), l'aigle
(saint Jean) et l'ange (saint Mathieu).
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Chapitre 5 : L'art gothique (XIIe-XVIe siècle).
A. Introduction :
Définition
Au Moyen Âge, le style gothique est désigné par l'expression latine opus francigenum signifiant œuvre
[art, par extension] française. Ce style d'architecture s'est répandu à partir de l'école normande avant de
s'épanouir en France (voir limites géographiques). Le terme gothique apparaît à l'époque de la
Renaissance dans une lettre de Raphaël évoquant avec mépris l'art du Moyen Âge qualifié de « barbare »,
de « goth ».
Limites chronologiques
Les premières manifestations du style gothique apparaissent dans l'école normande à la fin du XIe siècle,
car la cathédrale de Durham, en Angleterre, utilise entre 1096 et 1104 la première voûte d'ogives.
Cette nouvelle structure de la couverture influence celle de l'espace et se fixe au XIIIe siècle.
L'épanouissement de cette syntaxe rigoureuse correspond à l'âge classique, appelé gothique lancéolé pour
avoir systématisé l'arc en tiers point ou brisé, appelé jadis lancette.
Dans le dernier quart du XIIIe siècle, le gothique porte l'appellation de rayonnant parce qu'il intègre la
rosace aux remplages des fenestrages sous l'influence des miniatures, des ivoires diffusant un style
international dit « courtois ». Au XVe siècle, le gothique (flamboyant vise à l'effet décoratif dans
l'inflexion en forme de flamme du remplage des fenestrages.
La Renaissance, qui débute au XVe siècle en Italie, s'oppose à partir du XVIe siècle à l'art médiéval du
nord des Alpes. Dans un premier temps, elle substitue au décor gothique des niches peuplées de putti, des
médaillons, des structures en arcs de triomphe : c'est le gothico-renaissant. Puis elle supplante la structure
gothique dans la première moitié du XVIe siècle.
Limites géographiques
L'art gothique rayonne au départ de la région anglo-normande avant de s'imposer dans le domaine royal
d'Île-de-France. Divers agents de diffusion en assurent le caractère international : l'influence de l'Église à
travers les ordres cistercien, dominicain, franciscain ou prémontré, l'émulation entre évêques et chanoines,
les conquêtes des Croisades ainsi que les relations commerciales, et notamment les grandes foires comme
celles de Champagne ou de Bourgogne, et l'influence de maîtres d'œuvre itinérants (architectes), comme
GUILLAUME de Sens, travaillant à la cathédrale de Sens et au chœur de la cathédrale de Canterbury, ou
Villard DE HONNECOURT visitant de grands chantiers comme en témoigne son carnet truffé de notes, de
schémas de structures et de formes.
Quant à l'Angleterre, elle représente une école aussi autonome que spectaculaire. En revanche, l'Italie
demeure imperméable à la syntaxe de la structure gothique, même si elle s'accommode du vocabulaire des
arcs brisés, des clochetons, des pinacles à crochets qui hérissent par exemple les cathédrales de Milan et
d'Orvieto.
Société et mentalité
Intimement associée à la vie, de la naissance à la mort, l'église domine les maisons qui se massent autour
d'elle. L'excommunication reste la plus redoutée des peines : quiconque est rejeté de l'Eglise, l'est
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également de la société. Sa « mort civile » est plus importante que la privation de sépulture en terre
chrétienne. L'église, le lieu du culte, c'est aussi l'endroit de conservation des archives, des contrats de
vente et de donation. Le tribunal suprême y siège, car la justice est rendue sous le porche. La commune
délibère devant le portail. À l'intérieur de l'église, la foule de pèlerins défile, prie, espérant le miracle. La
corporation, la gilde possèdent chapelle, patron, bannière, rites particuliers, costume, fête patronale au
cours de laquelle elles offrent à l'église un vitrail ou un quelconque chef-d'œuvre.
L'église se présente encore comme un univers de fête collective à travers la qualité et l'éclat du décor, le
raffinement des soieries, des broderies, la rutilance de l'or, de l'argent des vases sacrés, des devants d'autel
(antependium), de la brillance du laiton dès luminaires appelés « couronnes de lumière », des aigles
lutrins, du vermeil des châsses, de la blancheur de l'ivoire des crosses abbatiales ou épiscopales ainsi que
celle des évangéliaires où la sculpture se mêle aux pierres scintillantes, aux perles lustrées ou aux
cabochons mats. La pierre ou le bois polychrome des retables et des statues, le parfum des fleurs et de
l'encens ainsi que la glorification de la lumière par les vitraux - Dieu étant « lumen de lumine », Lumière
née de la Lumière - complètent ce merveilleux. Le théâtre, lui aussi, trouve son origine dans l'église. Les
tableaux vivants, les scènes figurées puis dialoguées ou psalmodiées se déroulent d'abord dans le
sanctuaire, puis sous le porche, enfin sur le parvis. Les légendes sacrées se figent peu à peu, donnant
naissance au théâtre sacré, les mystères et les miracles.
Atmosphère culturelle
La première moitié du XIIIe siècle correspond à l’influence religieuse due au rayonnement du Spectaculus
majus de Vincent de Beauvais (v. 1190-1264), de la Somme théologique de Thomas d'Aquin (1225-1274),
de la Légende dorée de Jacques de Voragine 1228-1298) et de la Divine Comédie de Dante Alighieri
(1265-1321). Incontestable, elle aussi, l'influence laïque se manifeste grâce à l'affermissement du
pouvoir royal à l'époque de Philippe-Auguste et de Louis IX (saint Louis), grâce à l'émancipation des
communes et grâce à la volonté des dirigeants des corporations ou des gildes. Cet art religieux et laïc
contribue à l'érection des grandes cathédrales et des édifices d'utilité publique comme les hôtels de ville et
les beffrois où maîtres d'œuvre et corporations de maçons s'affairent avec la collaboration de la
population. Une cathédrale gothique apparaît donc comme l'œuvre de la collectivité. Des chantiers ne sont
pas anonymes puisque des maîtres d'œuvre sont connus : Villard DE HONNECOURT (en activité au XIIIe
s.), occupé au chantier de la cathédrale de Cambrai aux côtés de Pierre DE CORBIE, ENGUERRAND œuvrant
à la cathédrale de Rouen de 1201 à 1214, Hugues LIBERGIER (+1263) s'affairant à Saint-Nicaise de Reims
(1229-1243) ; HUMBRECHT dessine Saint-Martin de Colmar en 1234, Étienne DE MORTAGNE (+1293 ?)
est signalé à la cathédrale de Tours en 1279.
Certains sont appelés à l'étranger : c'est le cas d'Etienne DE BONNEUIL employé en 1287 à la cathédrale de
Paris et appelé en Suède pour construire la cathédrale d'Upsala. Il en va de même pour VOLBERT puis
GERARD travaillant à l'église des Saints-Apôtres à Cologne de 1220 à 1249.
L'architecture, primat des arts plastiques, revendique la subordination de la sculpture (bas-relief, hautrelief et statuaire), de la peinture murale et du vitrail. Chaque forme, chaque élément s'adapte à sa
fonction et concourt à affirmer l'élan de la foi. Du portail de la façade au vitrail, bijou céleste,
l'iconographie d'une cathédrale gothique apparaît comme une somme théologique.
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B. L’architecture
B.1. Architecture religieuse
L'architecture religieuse se révèle comme le secteur le plus représentatif par le nombre et la diversité
d'édifices. Le plan et la structure caractérisent la syntaxe d'une église, cathédrale, abbatiale, collégiale ou
paroissiale.
1. Plan
Son caractère est triple : fidélité au plan basilical avec en général une nef centrale flanquée de bas-côtés
séparés de colonnes ou de piliers. Le transept s'affirme, sa croisée servant d'assise à une tour lanterne. Le
chœur, par lequel débute le chantier, se présente en abside polygonale. Celle-ci est entourée d'un
ample déambulatoire donnant accès à une série de chapelles s'y greffant, les absidioles, dites aussi
chapelles rayonnantes.
2. Couverture
À l'exemple de la basilique romaine, la nef centrale des églises préromanes et romanes se caractérisait par
un plafond en bois. Ses poussées verticales égales contribuaient à sa stabilité. Malheureusement, sa
vulnérabilité au feu le rendait éphémère lors des processions aux flambeaux ou lors de cérémonies longues
et fastidieuses généreusement éclairées par les torches et les luminaires de cierges qui, souvent,
enflammaient l'un ou l'autre oripeau, gonfalon, tapisserie, cette dernière absorbant, malgré leur enduit, le
suintement, l'exsudation des murs. Et que dire des lances incendiaires décochées par quelque félon contre
les tours aménagées en refuge, comme à Sainte-Cécile d'Albi, la « cathédrale-citadelle » ou, plus
spectaculaires encore, les églises fortifiées de Thiérache par exemple ?
La voûte en berceau remédiait au caractère inflammable du plafond en couvrant la nef entière sur toute
son étendue. Malheureusement, cette voûte exerçait une force tangentielle importante au point de
comprimer ou de renverser partiellement ou totalement les murs porteurs. Pour prévenir ces tensions
perpétuelles lézardant puis causant l'écroulement de la paroi porteuse, on réduisit sa hauteur et on renforça
cette voûte monolithique par une série d'arcs doubleaux retombant sur des pilastres ou des colonnettes
engagées afin de localiser presque toute la poussée sur son point de retombée.
Pour les bas-côtés, des tribunes voûtées en demi-berceau vinrent épauler la nef. À l'extérieur, les
contreforts exercèrent une contre-poussée. Arcs doubleaux, tribunes et contreforts réduisirent donc les
poussées de la voûte en berceau.
Avec la voûte d'arêtes, compénétration à angle droit de deux berceaux, les arêtes déterminèrent quatre
voûtains. L'épaulement interne des deux berceaux neutralisa les poussées en les ramenant aux quatre coins
de la travée. Puisque les murs ne pouvaient supporter qu'un faible poids, ils ne purent être évidés.
Malheureusement, en réagissant de façon monolithique, la voûte d'arêtes s'avéra fragile, ses arêtes
supportant les tractions les plus importantes. En bougeant dans toute dans son épaisseur, la voûte d'arêtes
nécessita des recherches en matière de stabilité pour rendre l'arête plus dure et plus résistante.
L'apparition du système gothique coïncide avec la mise au point de la voûte à croisée d'ogives. L'école
normande passe pour être la première à y porter remède en la renforçant par des nervures diagonales. En
jouant un rôle de renfort, ces arcs - appelés anciennement augifs (terme issu du latin augere, augmenter) assurent la souplesse de la voûte en séparant en son sein les éléments portants des éléments portés. On ne
doit donc pas confondre l'arc brisé ou l'arc en tiers point, un élément du vocabulaire, et l'ogive, organe
de canalisation des poussées reportées sur six supports (voûte sexpartite) ou sur quatre (voûte
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quadripartite), car ces arcs diagonaux empêchent toute rupture de la voûte lorsque les tassements meuvent
ses points d'appui.
À la fin du XIe siècle et durant les premières années du XIIe, la Normandie, l'Angleterre et l'Ile-de-France
multiplient différentes tentatives de voûtes à croisée d'ogives. Toute une série d'églises comme l'abbatiale
de Morienval illustrent cette application de la voûte d'ogives adaptée à l'infrastructure romane dans la
façon de canaliser les poussées. La voûte à croisée d'ogives devient un type de couverture rationnelle et
organique où organes couvrants, portants et clôturants sont solidaires. L'ossature constituée par les arcs
doubleaux et les arcs formerets ainsi que la croisée d'ogives, la répartition des forces sur les piliers
innervés de faisceaux de colonnettes et la contre-poussée des arcs-boutants autorisent l'amincissement du
mur, son élancement et son évidement par des percements de plus en plus grands pour l'insertion de
verrières. Ainsi, les organes couvrants se composent d'arcs doubleaux, brisés peu à peu et
perpendiculaires à l'axe longitudinal, ainsi que des arcs formerets, eux aussi progressivement brisés et
parallèles à l'axe longitudinal. Ils sont réunis par la croisée diagonale des arcs d'ogives ou nervures
canalisant l'effort sur quatre supports. Au début, les nervures se présentent sous forme de bandeaux d'arcs
de grand format encombrant la couverture. Elles s'amincissent progressivement et deviennent plus
moulurées. Les voûtains, minces remplissages de pierre ou de brique, sont répartis sur un espace restreint
carré, barlong ou triangulaire et réagissent indépendamment les uns des autres. La clé de voûte assure la
cohésion de l'ensemble comme point de diffusion des poussées.
Les organes portants, les murs d'appui, perdent petit à petit leur fonction portante grâce à l'allégement de
la voûte, ils s'ajourent même à force de tentatives de constructions de plus en plus hautes, de plus en plus
périlleuses, dictées par une recherche obstinée de translucidité. La verrière prend de l'importance pour
l'insertion de vitraux répondant à une symbolique de la lumière et raréfie la peinture murale en la privant
de son support. Ces murs d'appui - dits gouttereaux pour les murs à gouttière ou à chéneau - sont «
innervés » de colonnettes indépendantes ou en faisceaux, canalisant la pression exercée du haut vers le
bas, depuis la retombée des ogives, des doubleaux et des formerets. Les organes butants, les arcsboutants, neutralisent à l'extérieur la poussée intérieure de la voûte.
3. Sculpture architectonique
Intégrée à l'architecture, la sculpture lui sert d'auxiliaire, ornant les éléments fonctionnels du bâtiment : clé
de voûte, chapiteau, socle, pinacle, fleuron, gable et gargouille. Elle anime également les surfaces
épargnées par les rosés ou les fenêtres hautes : tympans et voussures des portails, galerie des rois,
écoinçons des grandes arcades.
La flore locale apparaît sous la forme de feuilles de chêne, d'érable, de vigne. Influencée par les fabliaux,
la faune se retrouve dans les animaux auxiliaires de la force humaine, comme les bœufs, hérissant de leurs
cornes les tours de la cathédrale de Laon. Ces motifs végétaux ou animaliers s'inspirent du travail humain
(activités saisonnières), de l'étude (arts libéraux) ou de la morale (rejet des vices et pratique des vertus).
Les scènes religieuses représentent le Christ Rédempteur, empreint de bonté et de sérénité dans le
Jugement Dernier. L'iconographie mariale, renouvelée sous l'influence de saint Bernard, multiplie les
Dormition, Vierge à l'Enfant, Assomption, Couronnement de Marie, à côté de scènes de la vie du saint
patron de l'église.
Les ateliers des maîtres verriers prospèrent au XIIe, plus encore au XIIIe siècle à Paris, à la SainteChapelle et à Chartres. Des fragments de verre teintés dans la masse et sertis de plomb caractérisent les
vitraux et les rosés des cathédrales.
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4. Evolution en France et en Angleterre
- Prémices :
L'évolution tend vers la légèreté avec, comme conséquence, des édifices de plus en plus hauts et de plus
en plus translucides, comme le prouvent les mesures prises sous la clé de voûte.
 L'école anglo-normande :
A Bayeux et à Caen, les cathédrales présentent une façade à deux tours et à trois porches ainsi qu'une tourlanterne coiffant la croisée du transept, dispositif maintenu à toutes les époques du gothique anglais. Les
deux abbayes de Caen proposent, comme structuration de l'espace, des voûtes sexpartites permettant aux
travées d'être carrées et d'être pourvues de six supports. A l'abbatiale de la Trinité (Abbaye aux Dames), le
rythme du triforium aveugle et la présence d'une coursière devant les fenêtres hautes contrastent avec
l'abbaye aux Hommes (l'abbatiale de St-Etienne) où les murs s'ouvrent de tribunes et de coursières devant
les fenêtres hautes. La cathédrale de Durham reste célèbre pour ses premières voûtes d'ogives « lancées »
au-dessus du transept en 1094.
 L'école française :
L'église de Morienval montre vers 1122 des voûtes d'ogives au-dessus du déambulatoire. A Reims, les
tribunes de l'abbatiale de Saint-Remy (milieu du XIe siècle) épaulent les murs pour exercer la fonction
d'arcs-boutants.
- « Démarrage » ou Premier âge gothique : 1140-1200
C'est l'époque de tâtonnements situés entre la consécration du chœur de l'abbatiale de Saint-Denis à Paris
et l'incendie de la cathédrale de Chartres. Des caractères romans subsistent dans l'épaisseur des murs
porteurs peu évidés par d'étroites fenêtres et dans les tribunes. Les voûtes lourdes, bombées et sexpartites
révèlent les hésitations et les difficultés rencontrées. La voûte sexpartite, constituée d'une ogive
supplémentaire, nécessite deux arcs formerets.
L'abbatiale de Saint-Denis (1140-1144) inaugure en Ile-de-France la lignée des grands chantiers
gothiques. Conçu par l'abbé SUGER, le chœur est greffé d'absidioles voûtées d'ogives. Influencée par la
nef romane de la cathédrale de Tournai dans ses quatre niveaux (bas-côtés, tribunes, faux triforium et
fenêtres hautes) ainsi que par son transept en hémicycle, la cathédrale de Noyon (1145) oppose
alternativement des piles fortes et des piles faibles. Celles-ci sont nécessitées par la présence de voûtes
sexpartites hautes de 22 m. Les colonnettes sont accrochées aux murs par des anneaux.
En Bourgogne, la cathédrale de Sens (1140-1168) en impose par ses 120 m de long et l'unique absidiole
de son déambulatoire. Pour ses 24 m sous clé, les colonnes sont géminées pour soutenir les hauts murs et
accueillir les nervures de la voûte sexpartite. Son maître d'œuvre, Guillaume DE SENS, travaille également
à l'édification du chœur de la cathédrale de Canterbury, bâtie en 1078 par LANFRANC, abbé de Caen sur le
modèle de Saint-Étienne de Caen.
Senlis (1151-1191), avec ses 18 m de hauteur sous clé, fut un chantier lent, consacré seulement en 1191.
On considère généralement la cathédrale de Laon (1160), due à Gautier DE MORTAGNE , comme le chefd'œuvre de cette famille de cathédrales édifiées sur quatre niveaux avec ses 24,5 m sous clé. Elle constitue
la synthèse du plan de celle de Sens et de l'élévation de celle de Noyon. Ici les petits anneaux entourant le
fût des colonnettes soulignent l'horizontalité. Une colonne principale s'accole de colonnettes canalisant les
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charges. La grande tour assise sur la croisée du transept rivalise avec les deux tours de façade. Ces
premières tours se structurent de piliers et d'arcades. De graves désordres dans le chœur construit sans
arcs-boutants en 1205 expliquent la présence d'un chevet plat.
À Paris (1163), la cathédrale Notre-Dame en impose par ses 127 m de long, sa double rangée de bascôtés, son transept en légère saillie, ses quatre niveaux et ses 32,5 m sous clé. Son triforium se réduit à une
rosé s'ouvrant sous les combles des tribunes.
Influencée par l'élévation de la cathédrale de Laon, l'église abbatiale d'Orval (1180-1200) est la doyenne
des églises abbatiales de Belgique avec l'abbaye de Villers-la-Ville, quasiment contemporaine.
Mouzon, abbatiale proche de Laon et d'Orval, est construite à la fin du XIe siècle. Incendiée en 1212, elle
est restaurée en 1230.
La cathédrale Saint-Étienne à Bourges (1190) précède celle de Chartres en réduisant l'élévation à trois
niveaux. Elle présente aussi des bas-côtés doubles avec deux triforiums et de grandes arcades externes.
- Essor en trois « souffles » : Premier « souffle » ou Gothique classique (1200 à 1240/60 environ)
Il se caractérise par l'adaptation des formes (vocabulaire) à leur fonction (syntaxe). Les écoles de
Normandie (cathédrale de Bayeux) et de Bourgogne (Notre-Dame à Dijon) apportent leur contribution à
l'effort des écoles d'Ile-de-France et de Champagne. Le système d'équilibre est parfaitement organisé. La
division ternaire (grandes arcades, triforium, fenêtres hautes) devient classique.
Les chapiteaux se parent de feuilles aux extrémités recourbées en forme de crochet, d'où l'expression
chapiteau en crochet. Les fenêtres hautes sont élancées tandis que les voûtes légères et quadripartites
tendent à l'horizontale. La façade s'affirme par deux tours jaillissantes encadrant un massif formé de trois
portails au premier niveau et d'une grande rosé au second. Un transept plus ou moins saillant recoupe
transversalement le volume longitudinal abritant les nefs, tandis que la croisée sert d'assise à une tourelle.
Le chœur domine à l'est avec sa corolle de chapelles rayonnantes appelées également absidioles.
 En France,
Chartres (1194-1260) en impose par l'épaisseur des arcs-boutants, sa nef centrale haute de 37 m et ses
bas-côtés larges, tous deux 130 m de long, ainsi que le chœur et le déambulatoire. Cette cathédrale
constitue un jalon par son élévation à trois niveaux : grandes arcades aux piliers quadrilobés, triforium à
quatre arcades et fenêtres hautes aux vitraux célèbres, placées à peu près à la hauteur des grandes arcades.
Reims (1210-1241) avec ses 138 m de long et ses 38 m sous clé, est un chantier dû à la collaboration des
maîtres d'œuvre Jean D'ORBAIS , Jean LE LOUP, Robert DE COUCY et Gaucher DE REIMS. Contemporain du
chantier de la cathédrale de Soissons achevé en 1212, de celui de St-Michel à Bruxelles (1226) et de
Notre-Dame de Trêves (1227), il emprunte à Chartres le plan et le triforium à quatre arcades. Le mur
porteur n'est plus qu'un réseau de colonnettes reportant l'effort sur les colonnes coiffées de chapiteaux aux
larges bandes de feuillage. L’importance du chœur s'explique par la cérémonie du sacre des rois de
France, qui s'y déroulait obligatoirement.
Amiens (1220-1286) édifiée par Robert DE LUZARCHES ainsi que par Thomas et Regnault DE CORMONT
avec ses 145 m de long et ses 42,30 m sous clé de voûte, se caractérise par trois piles, celle du milieu
prolongeant une des colonnettes entourant le pilier circulaire, son triforium en pignon avec ses triples
arcades géminées, ses immenses verrières à quatre lancettes et trois roses. Le chœur influence celui de la
cathédrale de Cologne, mieux étançonné par ses arcs-boutants plus importants. Il est contemporain de
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celui de la cathédrale de Tournai (1243), véritable cathédrale dans la cathédrale, édifié lui aussi dans la
tradition la plus pure du gothique français. L'extrême finesse de ses piliers formés de faisceaux de
colonnettes dut être étançonnée par des piliers renforcés.
Beauvais (1225-1272), due à Enguerrand LE RICHE, s'élève à 48 m sous clé, ce qui explique
l'effondrement de la voûte du chœur à la St-Nicolas 1284, suite à un ouragan. Les travaux reprennent
jusqu'au milieu du XIVe siècle en augmentant le nombre de contreforts et en ajoutant des piliers sous les
arcades primitives.
Le Mans (1253-1273), haute de 34 m, se présente comme épaulée par des arcs-boutants en Y. Simon du
Mans accroche à la nef angevine de 1150 environ un chœur greffe de 13 chapelles rayonnantes et un
double déambulatoire.
 En Angleterre : Early English ou English pointed (1190-1300),
Les volumes s'étalent largement sur un plateau en gazon. Ils culminent dans la tour-lanterne. L'influence
romane de l'abbatiale de Cluny se manifeste dans le double transept. Ici également le gothique primaire se
traduit dans l'élévation en trois niveaux : grandes arcades, triforium et fenêtres hautes. C'est le cas des
cathédrales de Salisbury, Canterbury et Worcester. La cathédrale de Lincoln se caractérise par son double
transept et ses travées larges à piliers fascicules pour recevoir les voûtes à liernes (nervures faîtières) et à
tiercerons (nervures secondaires).
- Deuxième « souffle » ou Gothique rayonnant (1240-1400)
L'église s'évide progressivement pour devenir un squelette, ossature de pierre aux verrières destinées à
faire chanter la lumière. On construit moins en Île-de-France mais davantage en province : Metz,
Strasbourg, Troyes... Le terme « rayonnant » désigne les membrures des rosaces formées de lobes, de
trilobes, de quadrilobes. Des clochetons plus pointus, ornés de crochets, se multiplient.
 En France,
La cathédrale de Troyes (1240) en impose par le triforium qui s'intègre aux fenêtres hautes par
l'intermédiaire des vitraux. Plus connue comme « cage de verre » est la Sainte-Chapelle à Paris (12451248) édifiée par Pierre DE MONTEREAU. 1248 correspond également à la date de l'édification du chœur
de la cathédrale de Cologne.
La cathédrale de Meaux (1253-1331), celle de Strasbourg (1240-1275) construite par Erwin DE
STEINBACH (+1318), l'église Saint-Urbain à Troyes (1266-1286) rivalisent elles aussi comme cages de
verre. Il en va de même à Semur-en-Auxois (vers 1280) où le triforium disparaît, à Saint-Thibault en
Auxois (début du XIVe siècle) et dans la nef de la cathédrale de Metz (1381). ARTER de Boulogne-surMer donne le plan de la cathédrale de Prague dont le chœur est édifié au XIVe siècle par MATHIEU
d'Arras.
 En Angleterre : Decorated et Curvilinear (1250-1350),
Ces deux styles coexistent : le Decorated se manifeste dans le vocabulaire ornemental des motifs trilobés
ou quadrilobés, tandis que le Curvilinear accentue les courbes. Ce style correspond à celui de la
cathédrale d'York (1260) avec ses voûtes en bois de 146 m de long, de Bristol, caractéristique par la voûte
d'un bas-côté (1300-1310) avec son entretoise sommant le doubleau et ses nervures formant une série de
voûtes transversales. Wells est encore plus spectaculaire par son étançon en forme de X soulageant la
croisée du transept (1338) de la charge exercée par l'imposante tour-lanterne.
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- Troisième « souffle » ou Gothique flamboyant et Gothico-renaissance (1400-1550)
La syntaxe s'encombre d'un vocabulaire foisonnant d'accolades, de soufflets (flammes), de mouchettes
(redents). Les voûtes se compliquent, portées par un réseau de nervures (liernes, tiercerons, étoiles) à clefs
multiples et pendantes. Les nervures présentent un profil prismatique, étalant leurs soufflets et leurs
mouchettes dans de vastes verrières. L'ère des grandes entreprises fait place à la construction des
collégiales, des paroissiales ainsi qu'à l'achèvement des cathédrales et à la restauration des églises ruinées
par la guerre de Cent Ans. C'est le cas du chœur de l'église abbatiale du Mont Saint-Michel (1450-1454) et
de la tour de la cathédrale de Rouen (1485-1507).
 En France,
Notre-Dame de l'Épine à Châlons-sur-Marne (1405-1458) présente un chœur, un transept et une nef
terminés en pleine Guerre de Cent ans.
L'église funéraire de Brou à Bourg-en-Bresse (1513-1532), construite en style gothique brabançon par le
Bruxellois Louis VAN BODEGHEM (vers 1470-1540), répond à la demande de Marguerite d'Autriche, tante
de Charles Quint et gouvernante des Pays-Bas, d'ériger une église-mausolée en souvenir de son époux,
Philibert II de Savoie ( 1480-1504).
Saint-Nicolas de Port en Lorraine (près de Nancy), de la fin du XVe et du début du XVIe siècle, en
impose par sa hauteur, perpétuant la tradition gothique en pleine époque de transition.
 En Angleterre : Perpendicular (1350-1550),
L'absence de triforium explique le gigantisme des fenêtres hautes. La verticalité des lignes architecturales
et celle du remplage, ossature en pierre du fenestrage, explique la particularité de ce style. Il en va de
même pour l'ampleur des voûtes en éventail, aussi plates qu'un plafond, comme aux cathédrales d'Exeter,
de Peterborough, à la chapelle Saint-Georges du château de Windsor.
La cathédrale de Gloucester (v.1325-1340) s'impose de façon spectaculaire dans l'immense verrière
remplaçant le mur du chœur jusqu'à la naissance de la voûte. Le cloître prévaut dans sa voûte en éventail.
La stricte verticalité du volume caractérise St. Mary Redcliffe à Bristol (1325-1475).
Les cathédrales de Winchester (1394-1404) et de Bath (1500-1560) terminent la lignée des grandes
cathédrales anglaises.
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5. L'architecture gothique dans les anciens Pays-Bas et la Principauté épiscopale de Liège
a. Evolution chronologique :
- Les débuts du gothique au XIIIe siècle :
Courtrai, Notre-Dame, XIIIe s.
Tournai, Saint-Nicolas, XIIIe s. (tour du XIVe s.)
Deinze, Notre-Dame, fin XIIIe s.
Audenaerde, Notre-Dame de Pamele, 1234
Tournai, Saint-Jacques, début XIIIe siècle
Bruges, Notre-Dame, nef du début XIIIe et chœur de la fin du XIIIes.
- Le gothique aux XIIIe et XIVe siècles :
Racour, Saint-Christophe, tour refuge, XIV-XVe siècle.
Liège, Saint-Denis, chœur de 1359.
Bouvignes, Saint-Lambert, XIIe-XVIe siècle.
Liège, Cathédrale Saint-Paul, nef de 1230-40, chœur du XIVe et voûtes du XVIIe siècle.
Dinant, Collégiale Notre-Dame, XIIIe-XVe siècle (voûtes de la fin XVe siècle).
- Le gothique au XVe siècle :
Hodaige, Saint-André, 1472-1506.
Grand-Marchin, Notre-Dame, nef et chœur, vers 1500.
- Le gothique au XVIe siècle :
Saint-Hubert, église abbatiale, 1526-67 (voûtes refaites au XVIIe s.).
Liège, église Saint-Jacques, 1513-38.
Liège, église Saint-Jacques, nef et voûtes, 1513-38.
Collégiale Notre-Dame à Huy, chœur et triforium, XVIe s.
Floreffe, abbatiale, tour de 1563 et chœur de 1638.
Saint-Pierre à Thys, nef de 1564, haut de la tour de 1596-97.
Scry, Saint-Martin, 1559-61.
Chevigny, nef et chœur du XVIe siècle.
Lives-sur-Meuse, XVIe siècle.
b. Les écoles :
Aux environs de 1200, le style gothique s'implante dans nos provinces. Ses solutions aux problèmes de
stabilité nécessitent d'adapter la voûte à croisée d'ogives aux matériaux locaux. Les groupes mosan et
brabançon se présentent comme complètement affranchis de la tradition romane, contrairement à la
Flandre et au Hainaut.
- L'école mosane
Sensible aux influences de Champagne, de Bourgogne et de Germanie, l'école mosane se caractérise par
l'utilisation du calcaire mosan gris bleuté, de la pierre jaune de Charleville et du tuffeau de Maastricht. La
simplicité de son plan se révèle dans le chevet entouré d'un déambulatoire démuni de chapelles,
comme à Dinant, à Walcourt, à Huy et à Liège où le chevet polygonal s'ouvre par des grandes fenêtres en
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lancette.
Les colonnes au chapiteau formé d'une épaisse rangée de feuilles de plantain stylisées s'évasant au sommet
(Momale, Notre-Dame, chapiteau mosan en calcaire dit « à feuille de plantain », XVIe s.) marquent
l'élévation à trois niveaux : sous l'influence champenoise et bourguignonne, le mur des fenêtres hautes est
en retrait par rapport au triforium. Le passage intérieur aménagé au niveau des fenêtres basses des bascôtés et des chapelles rayonnantes trahit l'influence champenoise. La tour occidentale opaque est nervée de
contreforts peu prononcés. L'inexistence d'arcs-boutants s'explique par la légèreté des voûtains en tuf.
L'école limbourgeoise
Centrée autour de Maastricht, elle se singularise plutôt par le tuffeau et le calcaire carbonifère importé des
carrières mosanes. Les proportions trapues des églises de Bree, Gruitrode, de Brecht vont de pair avec
un plan basilical courtaud, l'absence de transept, le chœur développé. On y retrouve le chapiteau
mosan à feuilles de plantain stylisées. Des voûtes à liernes portées jusqu'aux chapiteaux par des
colonnettes couvrent la nef centrale.
L'école hennuyère
Cette école subit l'influence du gothique de Picardie et de Champagne. Le petit granit d'Écaussines et le
calcaire dévonien sont à l'origine du chapiteau à deux rangs de moulures épaisses avec un astragale
affectant la forme du larmier. La voûte en berceau de bois couvre toute la nef, tandis que la voûte
d'ogives ou la voûte lambrissée surmonte les bras du transept. On rencontre aussi la voûte en
bardeaux aux entraits ornés de gueules de crocodiles comme à Baudour et à Solre-sur-Sambre. Si la
collégiale Sainte-Waudru de Mons relève de l'école brabançonne comme jumelle de la collégiale SaintPierre à Louvain, toutes deux édifiées par Mathieu DE LAYENS (+ 1483), les églises paroissiales
affectent plutôt la forme de halles voûtées comme à Avesnes et à Chimay, tandis que les églises de
Marcinelle et de Fontaine-l'Évêque présentent des volumes plus tassés.
L'école scaldienne
Individualisée par la pierre bleue de Tournai définissant le caractère scaldien, l'école scaldienne se ressent
du style roman solidement ancré dans les habitudes de bâtir - symbolisée par la nef romane de la
cathédrale - marquant lui aussi le style. C'est le cas de l'influence champenoise (de Soissons et de Reims)
dans la présence d'une galerie extérieure de circulation au niveau des fenêtres hautes. Il en va de
même pour les fenêtres groupant trois lancettes - l'ensemble étant appelé triplet -, soulignées de
colonnettes, la persistance de la tour lanterne à la croisée du transept, fût-elle carrée, comme à SaintNicolas de Gand, ou octogonale, comme à Notre-Dame de Pamele à Audenaerde (le chevet du chœur
étant « signé » par le maître d'œuvre ARNULPHE de Binche en activité au XIIIe s.), ainsi que la présence
de tourelles d'escalier accolant les façades à pignon décorées d'arcatures retombant sur des fines
colonnettes. La voûte d'ogives couvre le chœur de Saint-Quentin à Tournai et celui, nouveau, de SaintBrice. Mais cette adoption est timorée en raison de la lourdeur, de la compacité et de la dureté de la pierre
bleue de Tournai incompatible avec le remplissage des voûtains. Le chapiteau à une ou deux rangées de
crochets stylise une sorte de bourgeon entrouvert. Les chapelles rayonnantes greffées sur le chœur
polygonal s'intègrent au déambulatoire par des voûtes communes.
L'école brabançonne
Depuis le milieu du XIVe siècle et surtout au XVe siècle sous les ducs de Bourgogne, la puissance
politique du Brabant assure une large audience au gothique brabançon. Les collégiales de Louvain, de
Notre-Dame de la Chapelle de Bruxelles, de Halle, de Bois-le-Duc, de Lierre, de Diest, d'Alost, de Mons
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rivalisent avec les cathédrales de Malines et d'Anvers ainsi que l'abbatiale de St-Hubert en Ardenne, sans
oublier, en France, l'église de Brou à Bourg-en-Bresse.
L'extension du remplage accuse ainsi la fonction structurante de la fenêtre, du triforium et des écoinçons
des grandes arcades. Elle individualise l'école comme le chapiteau à double rangée de feuilles de choux
frisés, les pignons ornés de fenestrages et de statues couronnant les fenêtres de chacune des travées
des bas-côtés, des nefs et du chœur. Il en va de même pour la puissante tour brabançonne accentuant
la façade des édifices. Elle est prévue à la collégiale de Louvain comme en témoigne la maquette de Jost
METSIJS (1463-1530) visible dans le transept de la collégiale. Elle domine à Utrecht, à Anvers, s'impose à
Saint-Rombaut de Malines, œuvre attribuée à Andries KELDERMANS (+ v. 1488) ; elle symbolise le ciel
brabançon avec celle de l'hôtel de ville de Bruxelles dont l'altière flèche effilée de Jean DE RUYSBROECK
(+ 1485) s'élance comme une fusée d'une base formée de la superposition d'un parallélépipède et d'un
prisme octogonal, nervés de tourelles et de pinacles. Les églises de Haarlem, de Dordrecht et de Delft
relèvent de cette école.
L'école de la Flandre maritime
Elle se singularise par le rayonnement de Bruges, rivale de Venise, ainsi que par sa prospérité drapière et
son importance portuaire - ports satellites de Damme, Lissewege et Oostkerke - avant l'ensablement
progressif du Zwyn. L'école de la Flandre maritime s'identifie au pôle économique de ses deux
grandes abbayes cisterciennes : l'abbaye des Dunes à Coxyde et l'abbaye Ter Doest à Lissewege, célèbre
pour son imposante grange « dîmière ». Elle illustre l'usage de la brique rompant avec la tradition, car la
brique se prête peu aux éléments de structure gothique réservée à la pierre de Tournai. Les églises
adoptent la structure de l'église halle ou « hallekerk », nefs de hauteur et de largeur égales, couvertes de
trois voûtes en berceau lambrissé sous une toiture commune, accrochées à une puissante et immense
tour occidentale en brique. L'église Notre-Dame à Bruges s'affranchit de la composition en registres
horizontaux par son jaillissement accentué par les contreforts dits dégressifs parce qu'ils s'amincissent
progressivement de niveau en niveau jusqu'au faîte.
L'école luxembourgeoise
Elle doit sa célébrité à ses exemples de style gothique tardif. Au début du XVIe siècle, des églises voûtées
à trois nefs à peu près de la même hauteur sous toiture commune caractérisent les églises de Bastogne,
d'Attert, de Saint-Vith. Des voûtes en étoile, à liernes (nervures faîtières) et à tiercerons (nervures
secondaires) peintes de figures héraldiques et de personnages historiques enorgueillissent la collégiale StPierre à Bastogne.
90
B. 2. Architecture civile
Églises cathédrales et conventuelles, remparts, beffrois et portes d'octroi, palais, hôtels de ville, hospices
(comme ceux de Beaune près de Dijon, fondé en 1443) et maisons hérissent le ciel de leurs tours, de leurs
flèches, de leurs clochetons, de leurs pinacles (couronnement pyramidal effilé ornant les tours), de leurs
poivrières (guérite de maçonnerie accrochée à l'angle d'une fortification ou bastion), de leurs pignons à
gradins, de leurs découpe en créneaux rappelant l'opulence des communes, filles du Moyen Âge, entre le
XIIIe et le XVe siècle.
L'architecture civile du XVe siècle conserve des témoins célèbres : l'hôtel particulier est illustré par celui
de Jacques Cœur à Bourges édifié à l'échelle d'un Palais avec sa cour d'honneur, sa célèbre galerie des
marchands voûtée en carène de vaisseau, sa chapelle aux voûtains peints d'anges portant des phylactères
décoratifs.
Mais le monde médiéval reste sans cesse menacé par la guerre et, plus que la victoire en rase campagne,
importe la conquête des villes et de leurs richesses : celles-ci s’entourent alors de plusieurs enceintes et de
murailles pourvues de tours de guet. Les châteaux forts se multiplient et se perfectionnent à l’époque
gothique.
Château de Vincennes, donjon de 1380 ; Château de Coca, 1453-73, province de Ségovie ; enceinte de
Carcassonne, à partir du XIIe s. ; Palais des Papes, Avignon ; Château de Tarascon, XIVe-XVe s.
L'habitation de l'artisan ou du marchand diffère par ses matériaux. Qu'il soit construit en matériaux légers,
à pans de bois ou en colombage, ossature solide constituée d'un assemblage de madriers de chêne, de frêne
ou d'orme avec hourdis de terre glaise et de paille (torchis), ou en matériaux durs comme la pierre et la
brique, l'habitat, étroit en façade, étiré en profondeur, possède un rez-de-chaussée se prêtant aux exigences
professionnelles, échoppe, atelier ou entrepôt. L'étage est occupé par une pièce de séjour où se tient la
famille. Les murs, épais et enduits, sont creusés en forme de sièges, appelés banquettes, disposés de part et
d'autre des fenêtres. Celles-ci se présentent à croisée, formées d'un montant, le meneau, et d'une traverse,
éléments que l'architecture en matériaux durs reproduira de façon traditionnelle jusqu'au XIXe siècle. Leur
vitrage est soit en toile de papier huilé ou en peau de vessie.
Maison natale de Jeanne d’Arc, Domrémy, Meuse ; Bastide de Mirepoix, Ariège, XIIIe s.
Les maisons patriciennes possèdent des vitraux armoriés. Le plafond de la pièce de séjour présente des
poutres apparentes ou des voussettes. La cheminée à feu ouvert se compose de piédroits soutenant le
manteau et la hotte. Maints intérieurs sont illustrés dans les tableaux de Dirk Bouts et de Rogier Van der
Weyden.
En Europe centrale et en Alsace, l'habitat présente un ou plusieurs oriels, loggias, loggia centrale ou en
forme d'échauguette, sorte de tourelle d'angle accolée à partir du premier étage. Les villes de Troyes, du
Mans, de Nevers, de Rouen, de Moulins en France, celles de la Moselle, de la Rhénanie ou de la
Franconie (Bavière septentrionale) présentent de nombreux exemples de maisons édifiées en hauteur, en
colombage et en pisé, à toitures en bâtière ou en croupes avec leurs pignons à front de rue. En général,
l'habitation comprend deux niveaux : l'échoppe, ou l'atelier au rez-de-chaussée, et le « bel étage » où l'on
réside avec au sommet un orifice destiné au monte-charge.
L'Angleterre conserve encore de nombreux exemples de maisons à pans de bois. L'architecture rurale en
Wallonie gardera une empreinte tardive de ce type de bâti, caractéristique du XVIe au début du XIXe
siècle, appelé « traditionnel » pour cette raison.
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L'architecture civile s'impose elle aussi dans les Pays-Bas, les premiers à se doter d'une architecture civile
officielle. Les villes obtiennent tôt leur reconnaissance juridique sous forme de charte pour accéder à
l'autonomie et s'affranchir du seigneur. De nouveaux types de bâtiments s'érigent : halle, adaptée au
commerce, beffroi, lieu de conservation des privilèges et tour du tocsin rythmant les activités et
rassemblant les habitants, hôpital, lieu d'assistance aux malades et aux déshérités, hôtel de ville, temple de
l'administration.
En architecture civile, Tournai est la première commune à se doter d'un beffroi.
Les halles, adaptées au commerce, offrent divers visages : un beffroi central comme à Ypres (les halles
d'Ypres sont les plus spectaculaires du monde par leur étendue) et à Bruges ; un beffroi latéral pour un
édifice de petites dimensions comme à Courtrai ; sans beffroi comme à Louvain, tout hérissé de tourelles,
de pinacles à crochets ou de dais à statues. Les hôpitaux comme ceux de la Byloke à Gand, l'hôpital SaintJean à Bruges, l'hôpital Notre-Dame à la Rose de Lessines (édifié en 1242, mais reconstruit au XVIIe s. !)
en imposent. Les hôtels de ville du Moyen Âge sont rares, le plus ancien est celui d'Alost (1220) :
hôtels de ville d'Audenaerde, de Bruges, de Damme, de Bruxelles, de Louvain, de Mons.
Le donjon résidentiel, libre ou englobé dans un bâtiment plus récent (Amay et Fernelmont, 1200 et fin
XIIIe siècle ou Anthisnes, château avec du donjon, XIIIe s. et Thynes-lez-Dinant, château ferme avec
donjon, 1300) continuent d’exister jusqu’au XIIIe siècle et se parent de quelques décors. Ils sont
remplacés définitivement par les châteaux (Crupet, donjon, XIII-XVIe s., Spontin, donjon de 1270-75 et
développement du château dès le XIVe siècle, Sombreffe, forteresse, du XIIIe au XVe siècle, Château de
Beersel, vers 1500).
La résidence princière gothique, véritable palais urbain, fait son apparition (Palais épiscopal de Liège,
première cour, par Arnould VAN MULCKEN de Tongres, 1526-38) tandis que les villes grandissantes
s’entourent de nouvelles fortifications (Binche, remparts médiévaux et Portes de Bruxelles, fin XIIIe, de
Trêves à Bastogne, XIVe et de Tongres, 1379, Tournai, pont des trous, 1281-1329).
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C. La sculpture
C. 1. Importance
L'iconographie des portails veut enseigner avant de plaire. Dans un souci de compréhension aisée par le
peuple, les scènes évoquent jeux et mystères. Le Jugement Dernier apparaît au portail médian où le Christ
trône entre les apôtres, terrassant l'aspic et le basilic, allusion à l'hérésie. La Dormition, l’Assomption et le
Couronnement de Marie occupent un autre portail avec les prophètes et les rois de part et d'autre de la
Madone couronnée portant l'Enfant. Un troisième portail narre des scènes de la vie d'un saint en honneur
dans l'église ou dans le diocèse. Cette claire ordonnance existe à Amiens (cathédrale du Messie), à Paris
(cathédrale de la Vierge), à Reims (cathédrale des Anges et des Rois), à Bourges (cathédrale des Saints),
à Chartres (cathédrale encyclopédique).
Associée à l'architecture, la sculpture est localisée dans les tympans des portes et du transept, les piédroits
des portails, la galerie des rois et les niches des pinacles.
C. 2. Evolution chronologique
a. Les XIIe et XIIIe siècles :
Sculpture architectonique :
Au XIIe siècle, la transition entre le roman et le gothique s'illustre dans le portail royal de Chartres.
Celui-ci est encore roman d'esprit dans l'étirement des personnages taillés en colonne. Le nouveau style se
révèle dans les statues plus dégagées du fond, les visages allongés, les pommettes saillantes, les draperies
tombant en plis parallèles, tandis qu'elles s'enroulent aux articulations en plis concentriques. Cette
transition romano-gothique se lit aussi dans l’Eveil de la Vierge, partie droite du linteau du portail de la
façade ouest de la cathédrale de Senlis, 1770.
Au XIIIe siècle, la sculpture anime surtout la façade. Elle se libère de la statue-colonne. L'idéalisme reflète
la sérénité de l'âme. Le Beau Dieu d'Amiens, le saint Firmin d'Amiens, le saint Théodore de Chartres, le
saint Étienne de Sens montrent des plis souples soulignant les gestes. Les ateliers de Reims rayonnent par
leur facture gracieuse : Couronnement de la Vierge, Visitation, saint Jean, saint Joseph, la Communion du
chevalier, l'Ange au sourire ou de l’Annonciation. La Synagogue du portail sud du transept de la
cathédrale de Strasbourg, 1220-1230 confirme superbement cette évolution.
Dans le Saint Empire Romain germanique, le réalisme prévaut : Ekkehard II et son épouse Uta dans le
chœur occidental de la cathédrale de Naumburg, l'empereur à cheval à Bamberg.
Sculpture indépendante :
Développement du « style ondoyant » rhéno-mosan vers 1200 : Sedes Sapientiae, Liège, 1230-40, chêne
peint et du Christ de douleur (bras en zig-zag, pieds cloués, couronne d’épines, muscles tendus stylisés) :
Christ en croix, région mosane, 1240-50, chêne, musée communal de Huy. Avec la Vierge à l'enfant de
Léau, région mosane, 1250, bois peint, l’influence du style français se marque dans le développement du
style « plis en V ». Les drapés cassés, en V et les gestes précieux tendent vers l’art courtois : Calvaire de
l’église Saint-Martin à Weezemal, région mosane, 1250-75, chêne.
L’art courtois mosan se développe vers 1280 et se poursuit jusque 1400 environ. Il se traduit par
l’élongation des personnages, le « hanchement », la préciosité des attitudes et les plis en méandres.
Exemples : Vierge à l'enfant, région mosane, 1250-1300, peintures originales, Vierge à l'enfant, 1300,
93
bois peint et Saint Marc, région mosane, 1300-10, chêne, restes de peinture. Il peut même tendre vers une
exagération : Saint Christophe de Hannut, Liège, 1330-40, chêne, peintures modernes et Calvaire de
l’église Saint-Martin à Tohogne, région mosane, 1320-25, chêne décapé.
b. Le XIVe siècle :
Sculpture architectonique :
Au XIVe siècle, l'iconographie de la Vierge debout tenant l'Enfant se renouvelle. À l'origine. Marie, reine
couronnée, portait l'Enfant avec indifférence (portail ouest d'Amiens). Petit à petit, elle s'incline vers
l'Enfant (au croisillon nord de la cathédrale de Paris), lui sourit avec douceur (Vierge dorée à Amiens).
L'attitude maternelle, le sourire enfantin ne diminuent en rien la grandeur ni l'élégance du groupe.
Sculpture indépendante :
Rappel : Dès la fin du XIIIe et durant les premières années du XIVe siècle, les miniatures et les ivoires
parisiens contribuent à la diffusion internationale de personnages stéréotypés : yeux en amande, bouche
mince, nez retroussé, déhanchement élégant entraînent des draperies aux plis cassés en V, tombant en
forme de tire-bouchon en soulignant l'effort du port de l'Enfant. Ce style maniériste est appelé « style
international courtois ».
Vierge à l’enfant, albâtre, école catalane, XIVe s., Barcelone, musée Federico Marés ; Madone de
Klosterneuburg, pierre, 1320, Monastère de Klosterneuburg ; Vierge à l’Enfant, argent doré, 1324-1339,
Louvre ; Vierge à l’Enfant dite Notre-Dame de Paris, pierre, XIVe s., cathédrale de Paris ; SaintFlorian, bois, première moitié du XIVe s., Monastère de Saint-Florian.
L’Ecole de Dijon :
À la fin du XIVe siècle, le réalisme s'accentue. Dijon supplante l'école de Paris, grâce à la politique de
Philippe le Hardi, duc de Bourgogne. Il accueille les artistes mosans, brabançons, hennuyers, flamands :
les Jean de Liège, Jean de Marville, Jacques de Baerze ou Barse, Claes ou Claus Sluter (v. 1340/501405/6) et son neveu Claus de Werve ou Verne ou Vuerne (v. 1380-1439) se soucient du réalisme des
visages et des matières. Ces artistes créent des types individualisés.
Claus SLUTER est à l'origine de ce renouveau. Originaire d'Harlem, il est formé entre 1375 et 1385 dans
les ateliers bruxellois. Appelé à Dijon, il réalise la décoration sculptée de la Chartreuse de Champmol, le
« Saint-Denis » des ducs de Bourgogne, depuis le portail de la chapelle avec les donateurs Philippe le
Hardi et Marguerite de Maele (1385-1396) encadrant la Vierge, encore marquée par le déhanchement
mais plus puissante, et l'Enfant, tourné vers le Ciel et non vers sa Mère ; le puits de Moïse (1395-1404) se
présente en forme de pilier de section hexagonale creusé de niches desquelles débordent les statues des six
prophètes précurseurs du Christ, vieillards imposants aux attitudes expressives. Ce sont Moïse à la barbe
fleurie et aux plis mouvementés ; Daniel entre le vieux Zacharie – tout d'humilité – et Isaïe, image même
d'un vieux chartreux ; Jérémie et ses besicles ; enfin, le roi David sortant de son cadre.
Autre innovation dans le tombeau de Philippe le Hardi (1404, achevé en 1411) : les pieds du gisant
reposent sur un lion (symbole de la force) et deux anges s’agenouillent à côté de la tête, posée sur un
coussin. Le piédestal en impose davantage par sa nouveauté plastique : les flancs du mausolée s'ajourent
sous la forme d'un cloître où se faufilent tous les personnages en albâtre accompagnant la dépouille (les
intimes, les seigneurs, les pleurants et les chartreux). La sculpture bourguignonne bénéficie largement de
ce renouveau (voir la Mise au tombeau de Tonnerre de 1453 au point suivant).
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Ce passage de l’art courtois à la monumentalité réaliste se manifeste dans nos régions avec André
BEAUNEVEU (1337-1401/03), sculpteur et imagier du roi Charles V puis au service du comte de Flandre :
comparaison entre la Vierge à l'enfant de la cathédrale d’Anvers ( de Saint-Lambert à l’origine), Liège,
1325-1340, marbre blanc et Sainte Catherine de Notre-Dame de Courtrai, par André Beauneveu, 1374,
albâtre.
Il se manifeste dans plusieurs œuvres : Portail sud de Hal dit des rois, détail de la Vierge à l'enfant, 138090 ; Vierge à l'enfant du portail nord de Hal, 1400, calcaire et Saints Barthélemy et Simon des niches du
triforium du chœur de Hal, Brabant, 1400, pierre, peintures du XIXe s. ; Jacques DE BAERZE
(Termonde), Retable de la Crucifixion, 1390-99, Dijon, MBA ; Retable d'Hakendover (saints apôtres),
Meuse ou Brabant, 1400, bois ; Couronnement de la Vierge, région mosane, 1390-1400, calcaire
d'Avesnes ; Tableau votif de Nicolas de Seclin, Jacques DE BRAIBANT, tournai, 1380-1390, calcaire
carbonifère de Tournai.
c. Le XVe siècle :
Durant le XVe siècle, la sculpture gothique évolue en visant au pittoresque et à l'anecdote. Thèmes
joyeux (Enfance du Christ, vie de la Vierge) et thèmes douloureux (Calvaire, Pietà, Christ aux Supplices,
Christ au tombeau) se multiplient, existant en groupes isolés ou inscrits dans des retables, des jubés, des
stalles. Les représentations scéniques influencent l'iconographie sculptée.
Exemples de thèmes douloureux : Mise au tombeau, Jean MICHEL et Georges DE LA SONNETTE, 1453,
Hôtel-Dieu de Tonnerre, Yonne ; Pierre tombale de Guillaume de François, PIERRE de Tournai, 1446,
Arras, Musée de l’abbaye Saint-Vaast.
Dans nos provinces, on parle d’un style « Eyckien » se caractérisant par la fermeté des volumes, la
stabilité et une grandeur interne aux œuvres : Retable des Apôtres de Tongres, région mosane, 1430-40,
chêne et noyer, restes de peintures originales ; Sainte Agnès du Musée communal de Tongres, région
mosane, 1435-50, chêne.
Le style « pasturien », par contre, s’identifie par l’ondoiement des draperies remplacées par le plis brisés
en Y dits plis « en pince de bec » : Ange de l'Annonciation et Vierge de l’église de la Madeleine à
Tournai, par Jean de le Mer, 1428, pierre calcaire, 1480-1500, bois, peintures modernes. Il introduit la
scénographie et le drame : Mise au tombeau de Soignies, production du Hainaut, 1450-1475, pierre
calcaire ; Mise au tombeau, fragment de retable, 1460-1500, chêne décapé, Détroit. Ce style
« pasturien » en Brabant, après l’installation du maître à Bruxelles en 1435, évolue alors vers l’usage de
drapés artificiels, compliqués et de gestes démonstratifs : Saint Jean et saint Paul, Brabant, 1450-1500,
ancien jubé de la collégiale de Nivelles, calcaire blanc. Il s’ensuit la reproduction en série d’œuvres à
succès telle la figure de la Vierge : Vierge à l’Enfant d’Herent, Brabant, 1500, bois, peintures modernes et
Vierge de l’Assomption de Nivelles, Brabant, 1480-1500, bois, peintures originales. D’autre thème à
succès sont la Passion du Christ (Christ de Pitié, cathédrale de Burgos (Espagne), Anvers, vers 1500,
chêne, peinture moderne) et le Calvaire (Calvaire de saint-Pierre à Louvain (La vierge et saint Jean), par
Jan BORREMANS, vers 1500, bois peint  émotion contenue).
Le dispositif scénique des sculptures dans les églises à la fin du XVe siècle se compose de statues
accrochées aux colonnes de la nef principales, de la suspension d’un marianum à la voûte et d’une Poutre
de Gloire de l’entrée du chœur (statues du Christ triomphant, des Apôtres et Calvaire). Exemple : Chœur
de l’église Saint-Lambert, Neeroeteren (Limbourg), fin XVe-début XVIe s.
Les ateliers champenois, espagnols, brabançons et germaniques rivalisent. Jan Borremans et quelques
sculpteurs brabançons exécutent des œuvres de grande qualité. Exécutés à Bruxelles, Anvers ou Malines
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aux XVe et XVIe siècles, ces retables connaissent la renommée et s'exportent jusqu'en Scandinavie,
Angleterre, Espagne.
Rectangulaire à l'origine, la forme du retable se modifie : la partie médiane s'agrandit et des volets latéraux
la complètent. Des scènes en haut-relief de 5 ou de 6 plans en profondeur compartimentent les épisodes de
la vie du Christ, de la Vierge ou d'un saint qu'animent diversité des poses et souplesse du drapé. Le style
des jubés et des stalles reprend les caractéristiques iconographiques de celui du retable.
Ce grand succès du retable « boîte à images » s’illustre par exemple par le Retable de la Passion de Geel:
détail de la Pâmoison de la Vierge, Brabant, fin XVe s., bois peint ; le Retable de saint Georges, chapelle
Notre-Dame-du-Dehors à Louvain, par Jan Borreman, 1493, chêne (Recherche d’unité spatiale par la
composition en cercle comme chez van der Goes) ; le Retable de Västeräs (Suède), Anvers, 1520, bois
peint (illustrant l’exportation depuis Anvers d’un type standardisé et le goût pour le pittoresque) ; Retable,
Malines, 1520 (témoin du succès des « poupées malinoises », parfois interchangeables).
Adam KRAFFT (1440-1509), Veit STOSS (1450 7-1533) et Tilman RIEMENSCHNEIDER (v. 1460-1531)
représentent le gothique tardif allemand en Franconie. Leurs sculptures se caractérisent par un réalisme
exacerbé, des visages anguleux et un système complexe de plis cassés.
C. 3. Orfèvrerie
L’époque médiévale aime les couleurs éclatantes, lumineuses, translucides et tout ce qui peut faire rêver
en transfigurant la matière. Elle privilégie l’or et l’argent, le platine et leurs alliages, souvent associés à
des émaux et des pierres précieuses pour faire briller d’un éclat éternel les reliquaires abritant les restes
des saints, mais aussi tous les objets de culte et, bien sûr, les signes extérieurs de la richesse profane,
bijoux ou statues commémoratives.
a. La fin du XIIe siècle et le début du XIIIe :
Orfèvre, émailleur et sculpteur lorrain, Nicolas DE VERDUN est l’un des artistes les plus innovants du
Moyen Age. Son œuvre majeure, datée de 1181, la Chaire des chanoines de Klosterneuburg (Vienne),
réutilisée au XIVe s. en décoration d’autel, rompt avec l’esprit roman par la cohérence de son programme
théologique et l’audace de son style. Esprit de système, perfection technique et sens de l’humain en font
le symbole du nouvel art.
Autres œuvres de Nicolas de Verdun : « Châsse de Notre-Dame de Tournai, 1205, Argent repoussé et
doré, émaux champlevés, cloisonnés et mixtes, filigranes, verre, vernis brun, cathédrale de Tournai » ;
« Châsse de saint Georges et de sainte Ode » : le patron de la chevalerie et un chevalier, 1240, collégiale
d'Amay.
b. Le XIIIe siècle :
Les témoins de l’orfèvrerie gothique se multiplient en Europe, notamment les reliquaires traités sur le
mode architectural (personnages dans des niches à arcades) :
Détail d’un reliquaire, cuivre doré et repoussé, émaux champlevés et gemmes, 1249, église SainteElizabeth de Marburg, Hesse ; Reliquaire de saint Taurin, argent, cuivre doré et émail, production
parisienne, 1240-55, Evreux ; Reliquaire de Charlemagne, 1200-1220, Aix-la-Chapelle, trésor de la
cathédrale.
Nos régions et particulièrement la région mosane continuent de produire des chefs-d’œuvre :
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Châsse de saint Eleuthère, Tournai, 1247, Argent doré repoussé, bronze doré, émaux, filigranes et
pierres, Tournai, cathédrale ; Châsse de saint Remacle, détail, Meuse, 1268, église de Stavelot ; COLARS
de Douai, JACQUEMON de Nivelles et J. D'ANCHIN, Fragment (pignon) de la Châsse de sainte Gertrude de
Nivelles, 1272-98, argent repoussé, collégiale Nivelles ; Polyptique de Floreffe, détail, ap. 1254, Meuse
ou Hainaut, Louvre ; Vierge en majesté, Liège, av. 1300, Argent doré, repoussé, gravé, ciselé, collégiale
de Walcourt, 43 cm ; Saint Blaise ou saint Nicaise, Namur, avant 1300, Argent doré, repoussé et ciselé,
58 cm, Musée Diocésain, Namur.
La « dinanderie » :
Production de petites œuvres et de mobilier liturgique : Christ, Cuivre coulé, Meuse, 18 x 16 cm, XIIIe s.,
Waret-la-Chaussée, Musée Gaiffier ; Chandelier d'autel, Samson ou David, laiton doré, mosan, XIIeXIIIe s., 29 cm, MRAH et Chandelier d'autel, laiton, Dinant, XIIe-XIIIe s, 12 cm, MRAH.
Le trésor d’Hugo d’Oignies :
Cet ensemble remarquable provient de l’ancien prieuré Saint-Nicolas fondé au début du XIIIe siècle à
Oignies près de Charleroi. Constitué principalement de pièces d’orfèvrerie, la plupart réalisées dans le
prieuré et en particulier par le frère Hugo, de Walcourt, vers 1230, ce trésor témoigne de l’évolution des
techniques et de la diversité des objets de culte au XIIIe siècle.
Élève de Nicolas de Verdun (maître de la 3e génération de l'école mosane après Renier et Godefroid de
Huy), Hugo, frère augustin du prieuré d'Oignies dans l'Entre-Sambre-et-Meuse, délaisse l'émaillerie pour
le filigrane et la ciselure des rinceaux vers 1187-1228. Il souscrit à l'influence de l'école rémoise et à celle
des modèles de Villard de Honnecourt. Les sœurs de Notre-Dame à Namur conservent l'essentiel de son
œuvre.
c. Les XIVe et XVe siècles :
Continuation de l’orfèvrerie de prestige :
Reliquaire de saint Jean, ensemble et détail, vermeil et argent, XIVe s., 46 cm, provient de Florennes,
MDN ; Reliquaire de sainte Ursule, Liège, 1350, Argent doré, repoussé, coulé, gravé, émaux, Tongres,
basilique Notre-Dame ; Croix de Guillaume de Beez, abbé de Saint Gérard de Brogne, face, vermeil,
Namur, fin XVe s., 57 cm, MDN ; Ciboire, Cuivre doré, XVe s., 33 cm, MDN
A partir du XIVe siècle, le nombre d’ateliers mosans augmentent rapidement. Le mot « dinanderie »
apparaît d’ailleurs pour la première fois en 1389. Dès 1255, une corporation de fondeur de cuivre existait
déjà à Dinant et en 1328, c’est au tour de Bouvignes. Outre la calamine et la derle présentent en vallée
mosane, le fleuve permettait l’acheminement de cuivre, l’exportation des produits finis et les nombreuses
forêts fournissaient le combustible.
Encensoir, laiton, dinanderie, XIVe s., 17 cm, Soc. Archéol. de Namur ; Encensoir, laiton coulé, XVe s.,
Mariemont ; Eaubénitier, bronze, fin XVe, 37 cm, Musée Gaiffier à Namur ; Chandeliers, XVe, laiton
coulé, Mariemont et MDN ; Guillaume LE FEVRE, chandelier pascal, laiton coulé, Tournai, 1442, MRAH
; Jehan JOSES, chandelier pascal, laiton coulé, 1372, 263 cm, Notre-Dame de Tongres ; Renier VAN
THIENEN, chandelier pascal, laiton coulé, Bruxelles, 1482-83, St-Léonard, Léau ; Jehan Josès, aiglelutrin, laiton coulé, 190 cm, Notre-Dame de Tongres ; Jehan Josès, aigle-lutrin, laiton coulé, 1370, 190
cm, Sainte-catherine d'Houffalize ; Fontaine Li bassinia de Huy, saint Domitien, laiton coulé mosan,
1406.
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L’accroissement du nombre d’ateliers favorise, à côté des pièces produites par de grands maîtres d’ailleurs
de mieux en mieux connus, une production plus démocratique et utilitaire.
Notons que le sac de Dinant en 1466 va entraîner le départ des dinandiers vers d’autres centres et une
diminution de la production durant le XVIe siècle.
Dinanderie usuelle : cruche tripode, bronze ou laiton, SAN ; Pot à trois pieds et deux oreilles, bronze ou
laiton, anse en fer, 20 et 23 cm, SAN ; puisette à deux becs, bronze ou laiton, SAN ; Réchauds tripodes,
bronze ou laiton, 13 cm, SAN ; Chandelier, bronze ou laiton, SAN.
D. La peinture
Malgré les grandes verrières réduisant la surface des murs porteurs, la peinture murale subsiste. Elle offre
des parentés de style avec les miniatures et les vitraux, influencés à leur tour au XVe siècle par la peinture
de chevalet.
D. 1. Au XIIIe siècle
Les fresques de la cathédrale de Westminster représentent le Christ en majesté dépourvu de son
hiératisme. La chute des plis, rendue dans un dessin précis, caractérise la Chapelle de la Sainte-Foi située
dans le transept sud de l'abbaye Saint-Pierre de Westminster.
En France, l'enluminure des manuscrits, psautiers, bréviaires, livres d'heures, s'inspire de l'art du vitrail.
Les manuscrits s'éloignent des initiales peintes au minium (d'où miniature) agrémentées de feuilles de
vigne (d'où vignette). L'initiale ou lettrine, agrandie, accapareuse, se complique jusqu'à envahir la page.
Après avoir travaillé les fonds d'or, damassés ou « mosaïques », les calligraphes deviennent décorateurs,
les peintres délaissant la plume pour le pinceau.
André BEAUNEVEU (v. 1335/40-1401/1403) devient 1' « ymagier » du duc de Berry qui s'adresse aussi à
Paul DE LIMBOURG et Jacquemart DE HUESDIN, enlumineurs des Heures de Venceslas de Brabant. Bleus,
verts eau, circonvolutions de feuillage, fond gaufré rehaussent le psautier d'Ingeborg de Danemark
(Musée Condé, Chantilly), tandis que le psautier de St Louis (Bibliothèque nationale de Paris, manuscrit
latin n° 10525) s'en différencie par un fond d'or épais et des personnages inscrits dans des encadrements
architecturaux.
Psautier de Lambert le Bègue, Liège, 1255-60, Liège, ULg ; Psautier de Lambert le Bègue, Messe de
saint Gilles, Liège, 1255-60, Liège, ULg ; Crucifixion, Cologne, 1220.
D. 2. Au XIVe et XVe siècles
a. La miniature
École franco-flamande
Durant la seconde moitié du XIVe siècle, Paris acquiert une position culturelle dominante. Dès 1280, un
style international s'y manifeste, marqué à la fois par l'élégance française, la suavité italienne, la richesse
iconographique italo-byzantine et le réalisme flamand. Les Très riches heures du duc Jean de Berry,
enluminées par les trois frères DE LIMBOURG, Pol (surtout), Jean (tous deux en activité à la fin du XIVe et
au début du XVe s.) et Herman (vers 1380/88-1416), demeurent un autre témoignage du réalisme flamand
98
: délicatesse du dessin et des couleurs malgré les attitudes affectées rappelant le style maniéré et
international de la fin du XIVe siècle (Musée de Chantilly).
Ces miniatures sont l’aboutissement témoin de l’essor de l’art bourguignon aux XIVe et XVe siècles :
- Grande chronique de France, Charles V confirme le don du Duché de Bourgogne à Philippe le Hardi,
maîtres EGERTON et DE BOUCICAULT, 1364, Bruxelles.
- Maître des Heures du Maréchal Boucicault, Bible de Guyart des Moulins, Paris.
- Loyset LIEDET (Bruges), Visite de Philippe le Bon dans l'atelier d'un enlumineur, Bruxelles, Albertine.
- Guillaume VRELANT, Arachné et Athénes, enluminure de l’Epître d’Othéa, Ms.2361, f°82 v°, Erlangen,
Bibliothèque universitaire.
- Anonyme, enluminure d’après Jean le Tavernier d’Audernarde, extraite des Chroniques et conquêtes de
Charlemagne, Ms. 9068, f° 100v°, Bruxelles, Bibliothèque royale Albert Ier  La scène à l’arrière-plan
représente le déchargement d’un bateau.
- Jean LE TAVERNIER, enluminure extraite des Chroniques et conquêtes de Charlemagne, Ms.9066, f° 11,
Bruxelles, Bibliothèque royale Albert Ier  Un bijoutier, une marchande de poisson et un marchand de
poteries installés à la porte de la ville offrent leurs produits aux passants.
- Anonyme, enluminure extraite du Livre d’heures de Marie de Bourgogne, Ms.78B12, f°220v°, Berlin,
Cabinet des estampes  La scène représente Marie de Bourgogne à cheval, poursuivie par la mort. La
mort accidentelle de l’héritière de la dynastie de Bourgogne fut tragiquement ressentie par la population
des Pays-Bas.
- Anonyme, enluminure Cod. 2583, f°349, Vienne, Bibliothèque nationale  Après l’écrasante défaite
des rebelles gantois à Gavere le 23 juillet 1453, Philippe le Bon obligea plus de deux mille habitants en
chemise à s’agenouiller devant lui.
- Anonyme, Présentation par Jean WANQUELIN de sa “Chronique de Hainaut”, en 1448, à Philippe le
Bon, en présence du jeune Charles le Téméraire, du chancelier Nicolas Rolin, de Jean Chevrot, président
du Grand Conseil, et de chevaliers de la Toison d’or, frontispice de la Chronique de Hainaut, Bruxelles,
Bibliothèque royale Albert Ier, composition, attribuée à Rogier DE LE PASTURE dit VAN DER WEYDEN.
- Chroniques de Hainaut : Paveurs et bûcherons à l’ouvrage  Les payements de la mise par écrit des
trois prestigieux volumes s'échelonnent de 1448 à 1453. Le duc de Bourgogne en surveilla de près
l'avancement. Des enlumineurs de renom, Willem Vrelant et Loyset Liédet, furent chargés d'illustrer les
volumes II et IIIde la Chronique.
- Chroniques de Hainaut : Un copiste à l’ouvrage.
- Chroniques de Hainaut : Les rois Bavon et Priam contemplant Troie détruite. f°20v°  Cette chronique
écrite à l'origine dans le cercle des comtes de Hainaut de la maison de Bavière magnifiait en trois parties
l'histoire du comté, de la chute de Troie à la mort de Jeanne de Constantinople en 1244.
- Chroniques de Hainaut : Les vaisseaux du roi Bavon repoussant les pirates et les sirènes. f°24 v°.
- Chroniques de Hainaut : Autels et temples des dieux Baal et Bacchus. f° 174 v°.
- Chroniques de Hainaut : L’annonciation. f° 243 v°.
- Chroniques de Hainaut : Annonce publique de la levée d’impôts sous l’empereur Commode. f° 274 v°.
- Frères LIMBOURG, Petites Heures du duc de Berry, Jean de Berry part en voyage, 1415, Paris.
b. La peinture sur panneau :
En France : L’École d'Avignon
Pendant l'exil des papes au XIVe siècle, Avignon joue un rôle important. La cour pontificale mobilise les
artistes italiens pour la décoration des palais et des églises. Les peintres siennois, comme Simone di
Martino (1280/5-1344), s'installent à Avignon et, dans leurs tableautins, multiplient des scènes de
dévotion peintes avec une minutie miniaturiste sur fond d'or pour aviver la luminosité des tons. Quant au
portrait anonyme de Jean Le Bon (1350, Louvre), il constitue un témoignage important comme premier
99
portrait isolé et réaliste au nord des Alpes.
Jean FOUQUET (1420-1477/81) prolonge ce réalisme dans le vérisme du portrait de Charles VII, tandis
que le Livre d'Heures d'Étienne Chevalier témoigne de sa volonté de concevoir la miniature comme un
tableau. Il en va de même pour Charles VII et Juvénal des Ursins ainsi que le diptyque dit de Melun
représentant Étienne Chevalier présenté par saint Étienne et, au centre la Vierge à l'Enfant, où la Vierge
emprunte peut-être les traits d'Agnès Sorel (v. 1450, tous trois au Louvre).
École des Primitifs italiens (cf. chapitre sur la Renaissance) :
Si la peinture murale septentrionale pâtit de l'essor de la miniature, de la tapisserie, de l'enluminure et du
vitrail, elle s'émancipe en revanche dans le sud. Du XIe au XIVe siècle, les œuvres sont hiératiques,
sévères, marquées par les styles roman et byzantin. Aux XVe et XVIe siècle, l'image du Christ, âgé,
solennel, barbu et à cheveux longs, s'humanise. L'influence de François d'Assise permet à l'iconographie
de se libérer de la sujétion byzantine comme en témoignent les écoles de Sienne et de Florence.
Pepo CIMABUE (v. 1240-v. 1301/1302) peint encore des Madones sur un fond d'or dégagées de leur
hiératisme byzantin. Il est plus soucieux d'exprimer que de représenter.
Après Cimabue, deux écoles engagent la peinture dans des voies nouvelles : l'école de Sienne avec
Duccio, Simone de Martine, les Lorenzetti et l'école de Florence avec Giotto.
Simone DI MARTINE (1280 ou 1285-1344) vise à plus de douceur en peignant des Vierges en majesté,
tendres et pathétiques, sur fond d'or.
Pietro LORENZETTI (1305-1350) peint des madones gracieuses mais frêles, aux poses maniérées, drapées
dans des vêtements luxueux.
Ambroggio LORENZETTI (1310-1345) peint les fresques du palais public de Sienne représentant le Bon et
le Mauvais gouvernement : le mouvement et l'observation du cortège, le grain battu avec un sens du
rythme constituent des chroniques de la vie quotidienne du temps.
Le vrai créateur de l'école nationale est GIOTTO DI BONDONE (1266-1337). Célèbre également comme
architecte (le Campanile de Florence), il déploie à l'église San Francesco d'Assise et à Santa Croce à
Florence des scènes de la vie de St François d'Assise rappelant dans maints épisodes le cadre précis et
pittoresque où ils se sont déroulés. À la chapelle de l'Arena à Padoue, ce sont les cycles de la Vie du Christ
et de la Vierge (1303-1306). Il confère au dessin une grande expressivité. Ses personnages aux attitudes
variées présentent des physionomies impassibles, aux yeux bridés. Il annonce la Première Renaissance du
Quattrocento par son intérêt pour l'anatomie, la perspective. À Sienne, les peintres exécutent des retables
de dévotion, de facture précieuse dans leurs coloris tendres sur fond d'or. Ils répondent à l'appel des papes
résidant à Avignon.
Les Pays-Bas : La naissance de la peinture de chevalet au XVe siècle
Le Gothique international
- Triptyque de la Trinité, Pays-Bas, fin du XIVe s., 64 x 36 cm, Berlin, Gemäldegalerie.
- Calvaire des tanneurs avec sainte Catherine et sainte Barbe, Bruges, église Saint-Sauveur.
- Jean MALOUEL (Nimègue, ? - Paris, 1415), Grande Pietà ronde, 1400, chêne, Louvre.
- Henri BELLECHOSE (Bréda, ? – Dijon, 1445), Retable de saint Denis, 1416, Louvre.
100
- Quadriptyque d'Anvers-Baltimore, Annonciation et Crucifixion, Baltimore, Walters Art Gallery  attr.
À M. Broederlam ?
- Jacques DE BAERZE, Retable de la Crucifixion, Dijon, Musée des Beaux-Arts.
- Melchior BROEDERLAM (actif à Ypres de 1381 à 1410), Retable de la Crucifixion, Dijon, Musée des
Beaux-Arts.
Les Primitifs flamands
Le rendu scrupuleux de la matière par l'observation attentive de la réalité, celui de la psychologie du
modèle, la minutie du dessin, la peinture à l'huile, les tons chauds et frais caractérisent les scènes
religieuses et le portrait. L'école flamande incarne ces caractères, individualisés par chacun des peintres
qui signent leurs œuvres.
En 2000, une étude pointilleuse d’historiens, d’historiens de l’art et de scientifiques internationaux,
unanimement reconnue, a complètement réorganisé le catalogue des artistes majeurs de l’art flamand.
Certaines œuvres ont été déclassées, d’autres, au contraire, ont été reconnues et les erreurs longtemps
répétées ont été corrigées.
La première génération :
Hubert VAN EYCK (Maaseik, vers 1366 – Gand, 1426)
Frère aîné de Jean, il décède néanmoins au moment où le nom des van Eyck commence à être connu. On
sait très peu de chose de lui. A noter, que le troisième frère, Lambert van Eyck, de même, semble-t-il, que
leur sœur Marguerite auraient repris l’atelier de Jean après son décès.
Hubert et son frère Jean VAN EYCK (Maaseik, 1390-1440 – Bruges, 1441), Triptyque de l’Agneau
mystique, livré en 1432, 375 x 520 cm ouvert, Eglise Saint-Bavon, Gand. Ce polyptyque recèle des
morceaux de bravoure, l'expression culpabilisée d'Adam et d'Eve, un Dieu le Père pontifical et
luminescent, encadré de la Vierge humble, douée, glorifiée par sa couronne exubérante de pierreries, et un
saint Jean robuste et sobre. Panneau central (l’Agneau mystique encadré par les prophètes juifs et les
patriarches en présence des membres de l’Eglise) et Adam et Eve de la main de Jean. L’Annonciation, les
sibylles païennes et les prophètes juifs de l’Ancien Testament sont plutôt l’œuvre de Hubert, de même que
le Christ en majesté entre la Vierge et saint Jean-Baptiste.
D’Hubert van Eyck également, Les trois Marie au tombeau, Rotterdam, Musée Boymans-van Beuningen.
Jean VAN EYCK
Connaît le succès dès 1522 en travaillant pour Jean de Bavière, Prince-Evêque de Liège, puis trois an plus
tard pour le duc de Bourgogne. Avant de se fixer à Bruges, il séjourne à Lille et Tournai. Son œuvre se
réparti entre trois thèmes : les portraits, les épitaphes et les tableaux de dévotion.
Les portraits :
- Les époux Arnolfini, 1434, 82 x 60 cm, Londres, National Gallery. Cette œuvre figure parmi les
premières peintures d'intérieur profane, ombré discrètement comme pour faire saillir le lustre, le lit, les
pantoufles, le miroir convexe. Autoportrait et signature.
- Homme au turban, Londres, National Gallery.
- Cardinal Nicolo Albergati, 34 x 27 cm, 1438, Vienne, Kunsthistorisches Museum et dessin à la pointe
argent, 21 x 18 cm, 1438, Dresde, Kunsthistorisches Museum.
- Baudouin de lannoy, Berlin, Staatliche Museen.
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- Portrait de Giovanni Arnolfini, Berlin, Staatliche Museen.
Les épitaphes :
- Vierge au Chancelier Rolin, 1429-37, 66 x 62 cm, Louvre. si le tableau en impose par le visage du
chancelier, la préciosité de son manteau et celle, arachnéenne de la couronne de la Vierge, le paysage du
fond du tableau retient l'attention par la perspective aérienne qui, en subtil dégradé de tons, permet une
juxtaposition de plans : un jardin suspendu, deux personnages vus de dos, un pont, un tronçon de fleuve,
une île, des collines, le tout bordé par une ville sur deux rives. Insertion du réel dans la vue téléscopique.
- Vierge au chanoine van der Paele, 1436, 122 x 157 cm, Bruges, Musée Groeninge. La Vierge contraste
avec le visage adipeux du chanoine, l'aumusse ou étole (ici de fourrure en petit-gris) et les besicles
semblant sortir de la toile. Reflet du peintre dans l’armure.
- Triptyque de Dresde, 1437, Dresde, Staatliche Kunstsammlunge.
Les œuvres de dévotion :
- Vierge d'Ince Hall, Melbourne, National Gallery of Victoria
- Vierge dans une église, 1439, Berlin, Staatliche Museen.
- Diptyque de l’Annonciation, 1439, Collection Thyssen, Madrid.
- Saint François recevant les stigmates, Philadelphie, Collection John G. Johnson
En conclusion, l’art de Jean van Eyck peut se résumer à ces caractéristiques :
- Gestes arrêtés
- Lumière douce et diffuse
- Symétrie générale
- Rendu et imitation des matières
- Souplesse des drapés
- Maîtrise de la perspective
- Art du paysage
Le Maître de Flémalle : Robert CAMPIN (Tournai, 1375/79 – 1444)
Parfois identifié à Van der Weyden, les sciences permettent aujourd’hui de voir dans le peintre de
Flémalle, la personnalité de Campin. Peintre de peintures murales et de statues polychromes, il ouvre à
Tournai en 1426 un important atelier. Il a quatre élèves, dont Jacques Daret et peut-être Van der Weyden.
Cet artiste se distingue des van Eyck par :
- Les gestes arrêtés mais attitudes maladroites diverses et réalisme plus populaire
- Lumière moins douce et diffuse
- Composition verticale
- platitude et pâleur des visages féminins de face
- Drapés gratuits
- Paysage « opaque »
Première période : 1410-25
- Triptyque Seilem, Londres, Institut Courtauld
- Mariage de la Vierge, Prado
- Nativité, Dijon, Musée des Beaux-Arts
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- Annonciation, Bruxelles, MRBA
- Annonciation, Madrid, Prado
- Tryptique de l‘Annonciation de Mérode, volet central, New York, Metropolitan
- Vierge à l'écran d'osier ou Salting, Londres, National Gallery
- Portrait d'une dame, Londres, National Gallery et Robert de Masmines, Madrid, coll Thyssen.
Seconde période : 1430-32
- Sainte Véronique, la Trinité et la Vierge debout, Francfort, Städelsches Kunstinstitut
- Le mauvais larron, Francfort, Städelsches Kunstinstitut
Troisième période : 1438
- Volets Werl, Heinrich von Werl et saint Jean Baptiste et sainte Barbe, 101 x 47 cm, Prado, Madrid
Jacques DARET (Tournai, 1403 – 1468 ?)
Habite chez Campin à tournai après le décès de sa mère. Puis s’installe à Arras. Il est connu comme
portraitiste, peintre de sculptures, enlumineur, doreur et cartonnier pour tapisserie. Proche de l’art de
Campin et de Van der Weyden.
Ses grandes caractéristiques :
-
atmosphère simple et tranquille
bon rendu des matières
attachement aux détails naturalistes
Quatre tableaux connus dont :
- Adoration des Mages, Berlin, Staatliche Museen.
- Visitation, Berlin, Staatliche Museen.
Rogier DE LE PASTURE ou VAN DER WEYDEN (Tournai, 1399/1400 - ?)
Tournaisien établi à Bruxelles comme peintre officiel, Rogier de le Pasture dit van der Weyden était à la
tête d’un atelier de réputation internationale. Memlinc y fut sans doute apprenti, de même que des artistes
étrangers tel Zanetto BUGATTO, de la Cour ducale de Milan. Van der Weyden travailla à Rome en 1450.
L’artiste s'attache davantage à l'élégance de la composition et au rendu des sentiments. Ses compositions
religieuses tendent au pathos, d'où sa préférence pour les scènes de la Passion (Le Christ en Croix,
Descente de Croix, Musée du Prado à Madrid) ou du Jugement Dernier (retable des Hospices de Beaune).
Il scrute le regard énergique de Philippe le Bon et celui, résolu, de Charles le Téméraire.
Ses principales caractéristiques sont :
- Sens du drame, expression des sentiments, attitude théâtrale
- Diversité des genres et des influences (influence des maîtres, ascétisme, italianisme et période
gracieuse).
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Première période : Influence des maîtres (J. van Eyck et R. Campin)
- Retable de Miraflores, Berlin, Staatliche Museen.
- Descente de Croix des Arbalétriers de Louvain, Prado.
Deuxième période : Style ascétique
- Diptyque du Christ en croix avec Marie et saint Jean, Philadelphie, Coll John G Johnson
- Crucifixion, Escurial, Madrid
- Madonne Duran, Madrid, Prado
Troisième période : L’italianisme (autour de 1450)
- Déploration, Offices, Florence  Modèle du tombeau à l’Italienne
- Diptyque de la Vierge et l'Enfant avec Laurent Froimont, Caen MBA et Bxl, MRBA  Beauté idéalisée
- Pietà avec saint Jérôme, saint Dominique et un donateur, Londres, National Gallery  type italien de la
Pietà
- Triptyque du Calvaire, Vienne, Kunsthistorisches Museum  simplification du paysage
- Saint Yves, Londres, National Gallery
Quatrième période : Période gracieuse
- Retable de sainte Colombe, Munich, Ancienne Pinnacothèque
- Polyptyque du jugement dernier, intérieur, Beaunes, Hôtel-Dieu
- Retable de saint Jean Baptiste, Berlin, Staatliche Museen
- Retable des sept sacrements, Anvers, MRBA
- Triptyque de Pierre Bladelin, Berlin, Staatliche Museen
Petrus CHRISTUS (Baere-le-Duc, Hollande – actif dès 1444 à Bruges )
On connaît de lui six œuvres signées datées d’entre 1446 et 1457 et deux tableaux de 1452 mais fort
retouchés. Sur la vingtaine d’œuvres qu’on lui attribue, seule une, à ce jour, semble être authentique.
1. Le Christ à la couronne d'épines (Christ de piété, rois des rois et Vera Icona), NY, Metropolitan  à la
fois Christ de piété, roi des rois et Vera Icona (image miraculeuse), interpellation puissante et silencieuse.
2. Portrait d'un chartreux, 1446, NY, Metropolitan  opposition entre le réel et l’illusoire, le matériel et
l’immatériel.
3. Portrait de jeune fille, 1468, Berlin, SM et Portrait d'un jeune homme, Londres, NG
4. Saint Eloi, 1449, NY, Metropolitan  à la fois portrait, image de dévotion, espace intérieur et extérieur,
scène de valeur chrétienne et profane.
5. Vierge à l'arbre sec, 1462, Collection Thyssen, Madrid  arbre de la connaissance du Bien et du Mal
meurt avec la chute de l’humanité, les branches sont les épines de la couronne et le tronc, la Croix, A =
Ave = parole de l’ange à Marie.
6. Lamentation, Bruxelles, MRBA
 Attr. à la même période: Vierge à l'Enfant dans un intérieur gothique, Kansas City, Nelson-Atkins
Museum of art.
7-8. Retable démembré, Nativité et Jugement dernier, 1445-50, Berlin, Staatliche Museen
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Deuxième génération des Primitifs flamands :
Thierry Albout dit BOUTS (Haarlem, vers 1400 – Louvain, 1476)
Chef de l'école de Louvain, il en impose par son art de la chronique dans son souci du détail, ce dont
témoignent la Dernière Cène (collégiale St-Pierre à Louvain) ou la Justice d'Otton III de Bruxelles. Si son
Martyre de saint Érasme est tout d'ascétisme et de dévotion, sa Déposition de la Croix souscrit plutôt à la
manière de van der Weyden pour son style pathétique.
Première période : Influence de Van Eyck:
- Retable de la Vierge, Prado, Annonciation, Visitation, Nativité et Adoration (influence de van Eyck dans
la conception de l’espace, la lumière dorée, douce, unificatrice et influence de De Le Pasture pour le
modèle).
- Triptyque du Martyre de saint Hippolyte, Bruges, église Saint-Sauveur (Influence de Van Eyck: collines
rondes à bosquets, arbres isolés sur le ciel).
- Ecce Agnus Dei, Munich, ancienne Pinacothèque
- Repas chez Simon le Pharisien, Berlin, Staatliche Museen.
Deuxième période : La maturité (dès 1450-60): atmosphère calme, élongation des figures
- Triptyque de la dernière Cène, Elie nourri par l'Ange, la Pâque juive, Rencontre d’Abraham et de
Melchisédeh et la Récolte de la manne, 1464-67, Louvain, église St-Pierre.
- Triptyque de la dernière Cène, Louvain, église Saint-Pierre.
- Triptyque du martyre de saint Erasme, Louvain, église Saint-Pierre.
- Portrait d’homme, 1462, National Gallery, Londres  Volonté d’originalité dans l’ouverture vers un
paysage
- Vierge à l’enfant, National Gallery, Londres  Recherche d’originalité dans le fond et refus de
l’idéalisation des traits
- Justice d'Othon, Epreuve du feu et Exécution de l’Innocent, Bruxelles, MRBA (Paysage achevé après sa
mort dans le volet gauche.
JUSTE DE GAND (Giusto da Guanto,vers 1400 - Urbino, ap. 1475?)
- La Communion des Apôtres, maître-autel de l’église Corpus Domini d’Urbino, 238 x 320 cm.
- Saint Augustin et saint Jérôme, deux des 28 portraits qui ornaient le studiolo du duc de Montefeldre,
Louvre et Galleria Nazionale delle Marche d'Urbino.
- Pedro BERRUGUETTE (sur un projet de J. de Gand?), Le duc Francesco de Montefeldre et son fils
écoutant une conférence, Hampton Court.
Hugo VAN DER GOES (? 1420/25 – Bruxelles,1482)
Gantois, frère convers à l'abbaye du Rouge Cloître à Auderghem, il rend la douleur ressentie par les
Apôtres lors de la Mort de la Vierge (Musée de Bruges). Les yeux hagards, les attitudes empruntées, la
Vierge étendue entrouvrant les yeux pour contempler le ciel se profilant dans le registre supérieur
semblent présager la fin tragique d'aliéné mental du peintre. Le retable de Portinari (Offices à Florence)
innoverait dans la représentation des bergers se référant à des modèles du monde populaire.
Première période : La formation, 1450-65 (chez Bouts à Haarlem?)
- Vierge à l‘Enfant avec un ange, Nuremberg, Germanisches Nationalmuseum.
105
- Vierge à l’Enfant, Cassel, Staatliches Kunstsammlung, huile sur toile.
- Diptyque démembré, Déploration du Christ, Berlin, Staatliche Museen et Diptyque démembré,
Déposition du Christ, New York, Université de Yale  Décors ? Projets ? Cartons de tapisserie ?
- Crucifixion, Bruxelles, MRBA  Accentuation de l’émotion au détriment de la beauté des formes.
Période d’épanouissement: Dès 1465 à son arrivée à Gand. Vers un équilibre de l’émotion et de la forme.
- Diptyque de Vienne, Sainte Geneviève, revers de la Déploration face au Pêché originel, Vienne,
Kunsthistorisches Museum
- Crucifixion, Bruxelles, MRBA
- Mort de la Vierge, vers 1470, Bruges, Musée Groeninge
- Adoration des Bergers, Berlin, Staatliche Museen  Vers une impression de plénitude.
- Adoration des Mages dite de Monforte, Berlin, Staatliche Museen  Vers une impression de plénitude
des formes et une liberté spatiale.
- Triptyque Portinari, 1474-78, volets extérieurs: Gabriel et la Vierge, Florence, Offices  Aboutissement
à une virtuosité technique.
- Triptyque Portinari, volets intérieurs: Adoration des Bergers et les Donateurs et leurs saint(es), Florence,
Offices.
Troisième période : La retraite au Rouge-Cloître à Bruxelles dès 1472
- Portrait d'un moine, Metropolitan, NY.
Troisième génération des Primitifs flamands :
Jan van Mimmelinghe dit Hans MEMLINC (Seligenstadt, vers 1440 – Bruges, 1494)
Memlinc s'impose par ses tons lumineux comme maître de l'école de Bruges. Il représente de nombreuses
Vierges à l'Enfant, notamment une Madone entourée d'anges. La facture miniaturiste du Mariage
mystique de sainte Catherine caractérise également la célèbre châsse de Sainte Ursule, joyau de l'hôpital
St-Jean à Bruges.
- Triptyque du Jugement dernier, 1467, Gdansk, Musée Narodowe (pour les Tani)  Reflet des troubles
politiques (fin du duché de Bourgogne), art de la narration
- Passion du Christ, 1470, Turin, Galerie Sabauda (pour les Portinari)  lui assure un succès international
immédiat (prend la place de De Le Pasture, son maître?)
- Tommaso Portinari et Maria Baroncelli, 1470, Metropolitan, NY  Succès international et commandes
privées, développement du commerce de l’art.
- Vierge montrant l'Homme de douleur, 1475, Melbourne , National Gallery of Victoria  vers un art plus
narratif que réaliste, plus rationnel qu’idéal.
-Triptyque de l’Adoration des Mages, 1479, Bruges hôpital Saint-Jean, Bruges
- Retable des deux saints Jean, 1479,Bruges, Hôpital Saint-Jean  ces deux œuvres témoignent d’une
production nombreuse, à la mode: synthèse des styles des Primitifs plus anciens.
Triptyque de Sir John Donne of Kidwelly, 1479-80, Londres, National Gallery  Répétition du modèle
« figuration-statue » dans des décors « espace arrangés ».
- Les sept joies de la Vierge, 1480, Munich, Ancienne Pinacothèque  Goût du paysage « vedute » à
l’italienne
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- Triptyque de saint 1484, Christophe, Bruges, Musée Groeninge
- Annonciation, 1482, Metropolitan, NY.
- Diptyque de Martin van Nieuwenhove, 1484, Bruges, hôpital Saint- Jean  Avec ces trois œuvres,
affirmation de la puissance du dessin vers 1480, effets monumentaux.
Les commandes de prestige des années 1480 :
- Châsse de sainte Ursule, Bruges, Hôpital St-Jean, Musée Memling, avant 1489: épisodes de son martyre,
Vierge à l’Enfant, Saintes et Anges musiciens.
- Triptyque de la Passion, Lübeck, 1491, Musée Ste-Anne.
Gérard DAVID (Hollandais?, né vers 1450? – Bruges,1523)
Gérard David accorde plus d'importance au paysage dans lequel il découvre les sous-bois, comme dans le
Baptême du Christ (Musée de Bruges), recherche une représentation miniaturiste (Vierge entre les
Vierges, Musée de Rouen), allie idéalisme et poésie avec ligne d'horizon basse (Calvaire au Palazzo
Bianco de Gênes).
Œuvres de jeunesse influencées ou copies de Bouts :
- Nativité, NY, Metropolitan.
- Adoration des mages, Bruxelles, MRBA (copie d’un Bouts).
Les œuvres documentées :
- Jugement de Cambyse, Arrestation du Juge et Sisamnès écorché, Bruges, Musée Groeninge (décor
Renaissance refait tardivement par David lui-même).
- La Vierge entre les Vierges, 1509, Rouen, MBA: don de David à un couvent brugeois.
- Triptyque du Baptême du Christ, 1502-08, Bruges, musée Groeninge: Intériorité des personnages, le
paysage devient naturaliste avec insertion de scènes secondaires.
- Triptyque de la Madone trônant dit Sedano, Louvre  nombreuses références aux van Eyck.
Les œuvres « commerciales » :
- Vierge à la soupe au lait, Gênes, Palais Bianco.
- Repos pendant la fuite en Egypte, Washington, National Gallery of Art: plusieurs exemplaires.
Rayonnement de l'art flamand (cf. chapitre sur la Renaissance en Europe)
Des étrangers se mettent à l'école des maîtres flamands : le Maître de Moulins et Martin SCHONGAUER
passent par l'atelier de Van der Goes. Les cours étrangères invitent des peintres, comme Juste de Gand
(vers 1435-après 1480) convié à la cour de Frédéric de Montefeldre à Urbino. D'autres, comme celle de
Philippe II, collectionnent nombre de tableaux flamands.
Stephan LOCHNER (1405/15-1451), chef de l'école de Cologne, est un des derniers représentants du style
international courtois, représentant sur fond d'or des Vierges poupines entourées d'anges musiciens et de
fleurs.
Mathis NEITHARDT dit GRÜNEWALD, mystique ardent, s'inspire des visions de sainte Brigitte dans son
retable d'Issenheim (Musée de Colmar) où le Christ est recouvert d'ulcères dus à l'ergotisme.
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Fernando GALLEGOS s'apparente au style de Memling dans le Retable de sainte Catherine à la cathédrale
de Salamanque.
Nuño GONÇALVES se veut précis et minutieux dans le triptyque de saint Vincent (vers 1460, au Musée de
Lisbonne).
E. Les arts décoratifs
E. 1. Le vitrail :
Délaissant le rouge rubis en faveur au XIIe siècle, les maîtres verriers produisent davantage au XIIIe
siècle des mosaïques de verre teinté dans la masse, les ombres étant bistrées, le tout serti de plomb. Le
dessin dispose dans des médaillons des scènes religieuses ou des scènes de la vie des métiers avec des
personnages isolés. Il contraste avec le fond en damier ou en motifs géométriques répétés bordés
d'encadrements de feuillages et de rinceaux schématisés. Les tons lie-de-vin augmentent en force, le bleu
devient profond, le blanc se réduit et le vert se raréfie, enchantant les cathédrales de Paris, de Chartres,
de Reims, de Bourges, de Tours et de la Sainte-Chapelle de Paris.
Le XIVe siècle se différencie par le rendu du modelé et une nette préférence pour le jaune paille ou le
jaune d'argent qui tranche sur les rouges, bleus, verts plus clairs que précédemment. Les formes
mosaïquées font place à des figures aux draperies simulées inscrites dans des encadrements
architecturaux, comme à Saint-Urbain de Troyes, à la cathédrale d'Evreux et à Saint-Ouen de Rouen.
Le XVe et le début du XVIe siècle rivalisent avec la peinture de chevalet par leur sens de la composition,
le rendu de l'espace et le réalisme des personnages. De nouvelles tendances se manifestent à la cathédrale
d'Evreux dans le rendu de la profondeur et dans le réalisme des visages et des étoffes. Le vitrail cesse
d'être décoratif pour devenir figuratif, comme la verrière de Jacques Cœur à la cathédrale de Bourges.
E. 2. La tapisserie (cf. le cours d’histoire de la tapisserie occidentale en 2e année)
La tapisserie de haute lisse (métier vertical) et de basse lisse (métier horizontal) fournit des tentures
historiées pour revêtir les murs des palais, des châteaux et des églises aux pierres appareillées nues pour
en absorber le suintement. Vu leur caractère déplaçable, elles étaient tendues là où la cour résidait, dans
les campements royaux lors des campagnes militaires de manière à recréer un cadre familier et à structurer
l'espace en cellules plus petites et plus aisées à chauffer.
Vers 1360, les documents mentionnent des tapisseries aux sujets historiés. À la fin du XIVe siècle,
Nicolas Bataille (en activité de 1363 à 1400) est connu à Paris comme l'auteur de la tapisserie dite
l'Apocalypse d'Angers. Arras durant la première moitié du XVe siècle. Tournai, au milieu du XVe siècle,
Bruxelles à la fin du XVe siècle s'imposent successivement comme centres internationaux de production.
Le mouvement de laïcisation s'accentue, les sujets religieux faisant place aux sujets profanes. Des foules
de personnages, chacun ayant son attitude et son expression propres, évoluent dans des paysages où la
nature, les collines, les églises et les châteaux apparaissent sous forme de schémas simplifiés de façon
décorative. Parfois, ce sont des mêlées hérissées de lances.
E. 3. L’ornementation :
Des motifs floraux s'insinuent entre les nervures des voûtes. Des rosaces ponctuent les clés de voûtes,
tandis que les rinceaux s'adaptent à chaque surface. Les bordures des enluminures ou des vitraux
proposent comme syntaxe symétrique des jeux de fonds formés de motifs géométriques répétitifs disposés
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en semis, en entrelacs, en quinconce, en frise ou en compartiments formés de médaillons, de mandorles ou
de quadrilobes.
Le vocabulaire déploie une végétation indigène dans les feuilles de cresson, de fougère, de plantain, de
potentille, de trèfle, de hêtre, de marronnier, de houx, d'érable, de vigne, de laurier, de sycomore, d'ache
(genre de feuilles de persil), de hêtre, de rumex, d'oseille, de figuier, de chardon. La flore apparaît sous les
formes reconnaissables de la renoncule, de l'ancolie, de l'aristoloche, de la bryone, de la chélidoine, de la
cymbalaire, de la primevère, du teaux, leurs tailloirs étant devenus polygonaux ou circulaires, n'attestent
plus l'évidence de leur fonction.
Dans les gorges des moulures, dans les corniches et dans les cordons se faufilent des rinceaux
ajourés au feuillage varié. Les rosaces du XIVe siècle présentent des rayons constitués de
colonnettes réunies entre elles par des arcs brisés ou trilobés. Au XVe siècle, le chapiteau
disparaît par souci de continuité des lignes élancées. Les remplages des fenêtres imitent celles de
la flamme, d'où le nom de style flamboyant.
La flore prête ses formes épineuses et chantournées dans le choix des choux frisés ou épineux, la fleur et
les feuilles de chardon, la vigne frisée, le varech, l'armoise grandie. Leur usage abondant engendre un
style fleuri. Les frises, les crochets - sortes de bourgeon disposés sur un ou deux rangs dans les
chapiteaux-, les fleurons, les rosaces, les clefs de voûte ne sont plus que des bouquets de rosés, de
branches de vigne, de choux frisés. Les fleurons, motifs allongés à un ou deux niveaux de quatre crochets,
disposés de façon alternée, couronnent les parties élancées.
Le bestiaire zoomorphe se manifeste sous la forme de gargouilles chimériques chargées de rejeter les eaux
des corniches. Plus élancées au XVe siècle, elles se couvrent d'écaillés ou de plumes. Des rosés ouvrent «
en majeur » façade et transept ou égaient « en mineur » le sommet des fenestrages. Des éléments précis
sont traités en encorbellement pour soutenir les statues surmontées de dais, petits édicules à pinacles et à
crochets. Blasons et inscriptions rehaussant banderoles ou phylactères avoisinent des serviettes plissées
appelées aussi parchemins déployés pour panneauter coffres, bahuts, cathèdres, chaires dites aussi
faudesteuils ou vantaux des crédences. À côté des pentures et des heurtoirs forgés en enroulements ou en
fleurs de lis, les clôtures de chœur s'imposent par leurs claires-voies toutes de jaillissement d'enroulements
tirés d'une barre commune en fer plat. Au XVe siècle, les gables se terminent en fleuron, les fenestrages se
compliquent de remplages en forme de flammes. Le faîte des édifices, des théothèques ou tourelles du
Saint Sacrement, des stalles ou des objets religieux tels les reliquaires, ostensoirs, calices, ciboires,
crosserons terminant le bâton épiscopal, se hérisse de clochetons, de tourelles, de pinacles à crochets. Le
XVe siècle impose le chou frisé, le chardon et la chicorée pour leurs échancrures décoratives.
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Partie IV : La Renaissance
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Introduction:
La Renaissance (en italien Rinascità) est une période historique de notre civilisation qui va marquer un
tournant fondamental pour l'Homme dans sa conception du monde et de lui-même.
Ce mouvement à la fois politique, philosophique et artistique va naître en Italie dès la fin du XIIIe siècle
avant de s'étendre à toute l'Europe au cours du XVIe siècle.
Pourquoi l'Italie ?
L'Italie, malgré les invasions qu'elle connaît dès la fin de l'Empire romain va rester marquée par la
civilisation antique de Rome. Au contraire de l'Europe, qui avait vu l'héritage gallo-romain dissout dans
les cultures dites "germaniques", les envahisseurs ostrogoths et lombards ont maintenu en Italie une bonne
part des institutions, de la culture et des traditions romaines.
Le Moyen Age italien sera donc très différent du reste du continent car il va maintenir l'idée de cité-état,
c'est-à-dire d'un territoire centré autour d'une ville (comme l'Athènes antique par exemple). Ailleurs, les
rares villes gallo-romaines avaient disparus pour ne réapparaître qu'au XIIe siècle. Toute la pensée
italienne va donc être urbaine et bourgeoise.
Des familles aristocratiques et bourgeoises vont profiter de la position géographique unique de la
péninsule pour s'enrichir et contrôler le commerce italien puis européen. Cet enrichissement va leur
garantir le pouvoir, directement ou en coulisse.
Pourquoi le XIVe siècle ?
Profitant de la crise papale du XIVe siècle et de sa désertion de Rome au profit d'Avignon, ces familles
vont s'émanciper de la tutelle spirituelle et politique des états pontificaux qui freinaient toute tentative
d'enrichissement en contradiction avec le Catholicisme.
Princes et ducs des villes favorisent alors une nouvelle politique, une nouvelle philosophie correspondant
à leur situation particulière. Ils s'entourent de penseurs (Pétrarque (1304-1374), Boccace (1313-1375),
Leone Battista Alberti (1404-1472), Marsile Ficin (1433-1499), Jean Pic de la Mirandole (1463-1494)), de
savants et d'artistes qui vont consacrer leurs talents à la mise sur pied d'un nouvel idéal. Il s'agit de
restaurer, de revaloriser la civilisation antique gréco-romaine dans sa vision de l'homme rétabli dans sa
dignité d'être libre et conscient de sa destinée. Cela doit se faire par un retour aux sources et à l'œuvre
des humanistes antiques. La Renaissance part à la découverte du monde et de l'Homme par lui-même,
développe le pouvoir de l'Homme sur ce monde, fait confiance en les possibilités et les capacités de cet
Homme qui n'est plus un être social obligé (vivant obligatoirement au sein d'un groupe) mais un
individu libre (individualisme).
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Pourquoi un tel engouement pour l'Antiquité ?
- Parce que l'Antiquité n'avait jamais quitté l'Italie et qu'elle continuait à être présente au quotidien (dans la
religion, dans les vestiges, dans l'identité...).
- Parce que l'Empire romain d'Orient, c'est-à-dire l'Empire byzantin (autour de Constantinople, aujourd'hui
Istanbul) était depuis toujours le partenaire commercial privilégié des Italiens et, tout au long du Moyen
Age, la référence artistique.
- Car à la disparition de l'Empire de Byzance sous les coups de boutoir des Turcs (1453), l'Italie va
s'estimer légitime héritière de la civilisation byzantine. Cet héritage se concrétise avec les nombreux
savants grecs qui s'abritent en Italie après la chute de Constantinople.
Cela correspondait aussi pour les Italiens à (re)prendre conscience de leur propre identité.
Quelles sont les grandes idées défendues par les Humanistes ?
- la mise en application du droit romain défendant l'indépendance du politique par rapport à l'Eglise.
- la suppression du servage médiéval et la reconnaissance (théorique !) du droit des gens.
- favoriser le développement économique et le travail pour trouver une indépendance sociale.
- pratiquer la vertu (dans le sens virtù), c'est à dire développer ses talents et cultiver les qualités
intellectuelles.
- refuser la tyrannie.
- s'intéresser à sa cité et être citoyen du monde.
- trouver dans l'étude des anciens ses raisons de vivre.
La supériorité économique et intellectuelle de Florence :
La République de Florence s'affirme, tout comme le Duché de Milan (aux Visconti puis aux Sforza), le
Royaume de Sicile (domination aragonaise), celui de Naples (aux Anjou puis aux Aragon), et d'autres
cités-états comme Bologne (aux Bentivoglio), Ferrare (aux Este), Mantoue (aux Gonzague), Padoue (aux
Carrare), Parme et Plaisance (aux Farnèse, à Milan puis aux papes), Rimini (aux Malatesta), Urbino (aux
Montefeldre) et Vérone et Vicence (aux Della Scala, puis sous domination de Venise) à partir du XIIeXIIIe siècle. Cette époque correspond en effet à la fin du règne des empereurs du Saint Empire
germanique sur l'Italie, trop éloignés, trop étrangers et en butte à l'hostilité des papes, eux-mêmes
contestés à l'intérieur des cités.
On assiste au Trecento (XIVe siècle) à une lutte incessante entre ces nouveaux petits états et les plus
anciens comme les républiques de Venise et de Gênes. C'est à ce moment qu'apparaissent les condottieri,
mercenaires indépendants à la solde des plus offrants, combattant avec leurs armées privées, s'adjugeant
aussi des territoires (par exemple Federico de Montefeltro à Urbino) et se livrant même à des actes de
piraterie. En 1454, la Paix de Lodi consacre l'équilibre entre les cinq grands: Milan, Venise, Florence,
Naples et les Etats pontificaux.
Florence dans ce cadre est sans doute l'état le plus florissant. Ce prestige, la république le doit à une
famille, indissociable de son histoire, celle des Médicis (en italien Medici). A l'origine apothicaires
romains, les Médicis s'enrichissent grâce à Giovanni Medici (1360-1429), qui à Rome crée la banque
familiale en spéculant sur la victoire de la papauté romaine sur celle d'Avignon. Installé à Florence en
1397, il devient en respect des lois gonfalonier de justice ou magistrat suprême de la cité en 1421. Son
fils Cosme l'Ancien (Florence, 1389 - Careggi, 1464), va renforcer la puissance de la famille pendant son
exil à Venise en 1433. En plus de la banque, dont il installe des filiales dans les grandes villes
européennes (Avignon, Genève, Lyon, Bruges, Londres), il s'assure le monopole des industries florentines
de la laine et de la soie, celui de l'alun (indispensable aux teintures) et du fret des marchandises (huile,
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épices, fourrures) en louant des navires génois et vénitiens. La Seigneurie de Florence (le gonfalonier et
huit prieurs renouvelés 6 fois par an par tirage au sort sur des listes) le rappelle en 1434. A partir de cette
date, Cosme l'Ancien ne quitte plus le pouvoir mais gère la ville indirectement en fixant à l'avance des
listes composées de fidèles qu'il contrôle et ainsi, sans heurter de front l'esprit démocratique cher aux
humanistes, il vide les institutions de leur substance. Il fut le premier grand mécène de la Renaissance et
établit une monarchie officieuse à Florence. Son fils Pierre le Goutteux lui succède en 1464 et gouverne
la ville sans jamais quitter sa demeure jusqu'à sa mort cinq ans plus tard. Son héritier, Laurent le
Magnifique (1449-1492) est le plus prestigieux représentant de la dynastie. Durcissant la stratégie de son
ancêtre Cosme, le gouvernement de Laurent est ouvertement absolu. S'attirant l'opposition des grandes
familles florentines, dont les Pazzi, apparentés au pape, il échappe de peu en 1478 à un attentat qui coûtera
la vie à son frère cadet, Julien. Homme d'esprit, poète, il est le mécène des plus grands et les Humanistes,
alors plus préoccupés par les arts et le culte de la beauté que par les questions politico-sociale, le
considèrent comme l'un des leurs. La fin de son règne est marquée par les prêches exaltées du moine
Savonarole, dominicain et prieur de San Marco, qui transformera Florence en théocratie dès le mort de
Laurent (1492) et la fuite de son successeur Pierre II Médicis en 1494. Savonarole, de concert avec le
Nouveau Conseil de la République, conduira une réforme politique et judiciaire de la cité dont les fameux
bûchers des vanités, où sont jetés bijoux, miroirs, jeux de cartes, images de nudité, instruments de
musique... seront l'expression. Excommunié par le pape Alexandre VI, Savonarole sera condamné à mort
en 1498 tandis que Julien Médicis, duc de Nemours, reprend le pouvoir en 1512 avec l'appui du pape
Léon X, fils de Laurent le Magnifique.
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Chapitre 1 : La peinture en Italie du XIIIe au XVe siècle.
A. Le XIIIe s., le Trecento (XIVe s.), le début du Quattrocento (XVe s.):
Pendant tout le Moyen Age, l'Italie est marquée par l'art byzantin qu'elle combine entre le Xe et le XIIe
siècle au style roman péninsulaire. Les principales productions picturales jusque là sont essentiellement
des miniatures (enluminures), quelques panneaux peints et des peintures murales. A cela s'ajoutent encore
des mosaïques byzantines. A partir du XIIIe siècle, la peinture sur panneau tend à se développer tandis
que la fresque renaît. Avec, cette "renaissance" technique, une nouvelle génération d'artistes, sortant pour
la première fois de l'anonymat, inaugure un nouveau style.
A.1. Les peintres renaissants en Toscane:
A.1.a. La première génération: Les Primitifs italiens (le XIIIe siècle et le Trecento).
Bonaventura Berlinghieri, de Lucques, est un des premiers à réintroduire une définition spatiale
(différente du fond doré ou décoratif) dans le panneau « Six scènes de la vie de saint François », 1235,
église San Francesco de Pistoia (Toscane).
Guido da Sienna lui emboîte le pas en rompant avec la frontalité et la platitude des personnages dans sa
« Maestà » (Vierge en majesté) de 1275-80 au Palazzo pubblico de Sienne.
Pietro de' Cerroni dit Cavallini (actif entre 1273-1321) se voit confié par le pape le soin de redécorer les
anciens sanctuaires paléochrétiens (IVe-Ve s.) de Rome. Dans l'église Santa Cecilia in Trestevere à Rome,
les fresques qu'il exécute en 1298-1300, témoignent de son intérêt pour la peinture antique romaine,
autrement dit pour le réalisme. Ses personnages voient leurs attitudes libérées, le modelé de leur corps
rendu sculptural par l'attention au jeu de la lumière et des ombres, et les lignes assouplies rompant ainsi
avec l'impassibilité intemporelle byzantine au profit d'une grande puissance.
Cenni di Pepo dit Cimabue (actif de 1272 à 1302), florentin, poursuit le lent travail de libération des
conventions de Byzance par une meilleure observation du corps humain qui se traduit par la plastique
anatomique dans sa « Crucifixion », Musée Santa Croce de Florence et sa « Maestà », 1280, peinte sur
bois (385 x 223 cm) du Musée des Offices de Florence, montre une nouvelle disposition scénique, une
quête de naturel des personnages et une plus grande fidélité des proportions.
Ambrogio di Bondone dit Giotto (1267?-1337): fils d'un paysan toscan, le petit Ambrogiotto est placé
très tôt dans l'atelier de Cimabue. Il se familiarise à l'art antique à Rome et à Assise, où il découvre aussi
l'art paléochrétien et l'art byzantin. Il travaille très tôt (1280) à l'église supérieure d'Assise (« Scènes de
l'Ancien et du Nouveau Testament »), où il collabore vraisemblablement à la « Légende de saint
François » (partie inférieur des murs de la nef) *. Sa réputation établie, il est invité par le pape Boniface
VIII pour travailler à la loggia du Palais du Latran à Rome. Il part ensuite pour Florence (« Polyptyque de
la Badia », Offices) et Rimini (« Crucifix du Temple Malatesta »). Entre 1303 et 1306, il décore la totalité
de la « Chapelle funéraire de l'Arena » pour Enrico Scrovegni à Padoue (« Jugement dernier, vie du
Christ et de la Vierge »).
Giotto fut considéré dès le XVe siècle comme l'initiateur de la peinture renaissante tant son apport et son
talent sont incalculables. A Cimabue, il reprend la liberté spatiale et l'aisance des personnages et à
Cavallini, la puissance plastique antique. La plénitude et la densité des personnages atteignent chez
l'artiste le monumental, répondant ainsi à la question du réalisme humain cher aux humanistes. Mais il y
113
ajoute le sentiment et s'attache à représenter les élans intérieurs de ses personnages tout en conservant une
austérité sacrée proche de Byzance.
En effet, chez Giotto, tout est mesuré, grave et grand grâce au
dépouillement de ces scènes, refusant toutes fioritures, tout détail distrayant. A cela, il préfère placer ses
sujets dans des cadres spatiaux précis, redécouvrant ainsi la perspective, le trompe-l’œil et réintroduisant
aussi le paysage. Son dessin est pur et la ligne nette, sa palette, volontairement réduite à deux gammes (le
bleu et le brun) compte une infinité de nuances qu'accentue encore sa maîtrise du dégradé.
* Le 26 septembre 1997, le Sacro Covento et la basilique saint François d'Assise ont subi de graves
dommages suite à un tremblement de terre qui a détruit les fresques de Giotto exécutées à l'entrée de
l'église et celles de Cimabue dans la croisée du transept. La restauration rapide a déjà permis de
restituer les voûtes et une partie des peintures.
A.1.b. La seconde génération: La fin du Trecento et la 1ère moitié du Quattrocento.
Masaccio (1401-1428) et son formateur Masolino da Panicale dit Masolino (1383-1440):
La carrière de Masaccio fut brève puisqu'il peint pendant un peu moins de 7 ans. Son œuvre la plus
célèbre reste la « décoration à fresque de la chapelle de la famille Brancacci » dans l'église du Carmine à
Florence (v. 1427). Son professeur, Masolino semble plus avoir été un assistant qu'un maître pour lui tant
l'apport de Masaccio à l'art du Quattrocento est grand. Prenant comme point de départ les acquis de
Giotto, Masaccio y ajoute un réalisme des personnages mieux rendu en supprimant le cerne du dessin et
en accentuant le jeu de la lumière et des ombres, nuançant ainsi le modelé. Il diversifie également les
attitudes en s'inspirant des sculptures de son contemporain Donatello (cf. chapitre sur la sculpture).
L'autre préoccupation de Masaccio est d'insérer le plus vraisemblablement possible ces personnages dans
l'espace. A cet effet, il perfectionne mathématiquement la perspective et il baigne ses scènes dans une
luminosité réelle. En combinant ces deux méthodes, Masaccio arrive à une vérité de l'atmosphère et
s'approche non plus de la vérité qu'on pense mais de la réalité qu'on voit.
Guido di Pietro, Fra Giovanni di Fiesole dit Fra Angelico (v. 1400-1455). Le Frère angélique, comme
le surnommaient ses frères dominicains, doit son surnom à la douceur lumineuse et à la sérénité qui
baignent ses scènes. Fra Angelico, comme Masaccio, place la figure humaine au centre de son œuvre.
Comme lui-aussi, il la pose dans un espace partagé entre des architectures en perspective et des paysages.
Toutefois, chez Fra Angelico, la tendresse des gestes et la sinuosité des corps rappellent l'art gothique, de
même que l'attachement aux détails. Cela aboutit à l'atténuation de la monumentalité chère à Masaccio et
à une image de la merveilleuse Création, mais néanmoins terrestre, de Dieu. Dans ses œuvres sur bois
(« Retable du Prado » (1430-1432), bois (154 x 194 cm), Prado (Madrid) ; « Tabernacle des Linaioli »
(1433), bois, Musée de San Marco à Florence), Fra Angelico se montre beaucoup plus soucieux des
détails, ce que lui permet la technique, contrairement à celle de la fresque (« Annonciation » (1449), 230 x
321 cm, Couvent de San Marco, Florence ; « Noli me tangere » (1440), 180 x 146 cm, San Marco.), que
l'artiste met à profit pour créer des œuvres sobres et dépouillées.
A. 2. Les peintres courtois de Toscane:
A côtés des primitifs italiens, une autre école, souvent appelée « Ecole de Sienne », regroupe des artistes
qui, sans rejeter les découvertes de la Renaissance, puisent leurs sources dans l'art gothique. Ainsi, ils
apprécient l'utilisation de la feuille d'or, le détail, les gestes délicats et précieux, la ligne ondulante et
l'arabesque, la poésie et la grâce, l'idéalisation des corps.
114
A.2.a. La première génération: Le XIIIe siècle et le Trecento (XIVe s.).
Duccio di Buoninsegna (1255-1313/19) dit Duccio: Ce siennois, contemporain des primitifs toscans,
conserve la tradition des icônes grecques mais la libère du hiératisme en diversifiant les attitudes raffinées
et en introduisant le mouvement. Il s'attache aux petits détails narratifs.
Exemples: ses madones comme la « Madonne Rucellai » (1285),bois (450 x 290 cm), Offices de Florence
; « Maesta » (1308-1311), bois (210 x 470 cm), Sienne, Museo dell'Opera del Duomo.
Simone Martini (1280/90-1344), fidèle élève de Duccio, trouve son langage propre dans la culture
raffinée des cours transalpines. Toutefois, il cherche à dépasser la simple élégance pour approcher une
véracité psychologique chère aux Humanistes, mais aussi à l'art du portrait européen. Cela lui vaudra de
travailler pour le roi de Naples, Robert d'Anjou, mais aussi à la cour pontificale d'Avignon dès 1340 et son
œuvre sera connue dans le milieu de la cour du Duché de Bourgogne. Son œuvre la plus remarquable est
« Le retable de l'Annonciation » (1333), bois (184 x 210 cm), Offices ; « Siège de Monte Massi par le
condottiere da Fogliano », 1328, Sienne, Palazzo Pubblico.
Ambrogio Lorenzetti (1285-1348): Siennois dont le frère aîné, Pietro (1280-1348), était aussi peintre.
Avec sa fresque « Allégorie du Bon et du Mauvais Gouvernement et de leurs effets à la ville et à la
campagne » (14 m) (v. 1337-1339) du Palazzo pubblico de Sienne, il nous présente une des toutes
premières œuvres civiles de la Renaissance. Lorenzetti, s'il reprend la perspective, le modelé des chaires
et une certaine aisance spatiale aux primitifs renaissants, choisit la ligne souple, la dorure, la grâce, le
détail et l'anecdote narrative pour composer ses scènes.
A.2.b. La seconde génération: La fin du Trecento et la 1ère moitié du Quattrocento.
Lorenzo Monaco (1370-ap. 1425), moine siennois connu comme miniaturiste au Couvent des
Camaldules à Florence entre 1409 et 1413. Il en garde le goût des couleurs vives et la richesse des fonds
d'or. Il aime les contours fluides et raffinés, les compositions grandioses et les effets de luxe. « Le
couronnement de la Vierge » (1413), bois (450 x 350 cm), Offices.
Gentile da Fabriano (1370-1427), peintre itinérant formé en Lombardie mais qui a travaillé à Rome,
Venise, Florence et Sienne. Il tire les leçons des primitifs italiens mais il choisit aussi volontairement de
rompre avec l'humilité franciscaine dans ses scènes religieuses. Ainsi, son « Adoration des Mages »
(1423), bois (300 x 282 cm) conservée aux Offices, nous expose le déploiement d'un faste cérémonial bien
plus proche des cours princières que du dépouillement cher à Giotto.
Stefano di Giovanni dit Sassetta (v. 1400-1450) reste, par exemple dans son « Adoration des Mages »
(1429 ou 1437), bois (32 x 35 cm), Collection Chigi-Saracini de Sienne, attaché à l'idéal gothicisant (fond
d'or, grâce raffinée, ligne courtoise, format miniature) allié à la sensibilité naturaliste des tendances
renaissantes florentines.
Antonio Pisano dit Pisanello (1395-1455), de Pise, a été formé chez Gentile di Fabriano. Il travaille dans
de nombreuses cours princières (Milan, Rimini, Naples, Ferrare et Mantoue) tant son style plaît au goût de
la clientèle aristocratique. Il enjolive ses tableaux de fruits, de fleurs et de papillons ou autres animaux
symboliques, ornementaux et élégants. Mais il confère aussi à ses personnages un expressionnisme qui en
fait des masques participant à une comédie féerique et chevaleresque. Sa fresque « Saint Georges
combattant le dragon » (1433-1438) de l'église Sant'Anastasia de Vérone en est la meilleure illustration.
A retenir également de lui qu'il réalise un des plus beaux premiers portraits italiens: le « Portrait d'une
princesse d'Este » (v. 1438), Louvre.
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B. La peinture des 2e et 3e tiers du Quattrocento :
La tendance amorcée aux siècles précédents par Giotto, puis par Massacio se confirme: les recherches
restent centrées sur la perspective, l'insertion spatiale, le paysage ainsi que l'aisance, le mouvement et la
consistance des personnages. Les Toscans Paolo Uccello, Andrea del Castagno, Antonio del Pollaiolo,
Piero della Francesca, Melozzo da Forli (Rome) et Le Pérugin (Ombrie) en sont les plus célèbres
représentants.
A côté de ces recherches qui aboutissent certes à un grand réalisme mais également à un classicisme
quelque peu déshumanisé et vide de sentiment, deux "écoles" différentes voient le jour.
La première est centrée autour des duchés de Mantoue (à la cour des Gonzague) et de Ferrare (aux Este).
Andrea Mantegna puis plus encore Cosme Tura et Francesco del Cossa réintroduisent tantôt un réalisme
psychologique, tantôt une exacerbation des sentiments allant parfois jusqu'au pathétique et au drame
même notamment par leurs contacts avec l'art gothique.
La seconde est florentine, mais s'inscrit dans la lignée du néo-platonicisme de plus en plus marqué chez
les humanistes de la fin du Quattrocento. La poésie, l'érudition, l'idéalisation et une certaine virtuosité
apparaissent. Elles s'annoncent déjà avec Benozzo Gozzoli et Verrocchio puis s'affirment avec Lorenzo di
Credi, Filippo Lippi, Sandro Botticelli et Piero di Cosimo.
B.1. L'affirmation théorique du réel :
Paolo Uccello (1397-1475), florentin, d'abord mosaïste et dessinateur de cartons de tapisseries à Venise.
Il reprend la perspective mise au point par Masaccio et cherche avec d'autres peintres à définir l'espace et
le corps humain par un dessin puissant, dominant la couleur au sein d'un monde harmonisé par de savants
calculs. Uccello est en fait l'exemple extrême du courant artistique de son époque si attaché à la
représentation savante (l'anatomie) et mathématique (la géométrie, l'optique) du réel qu'il en oublie la
réalité du sentiment et de la vie.
Uccello est avant tout un personnage fantaisiste et indépendant (il inspire de la méfiance et meurt dans
l'isolement), qui marie ses souvenirs fantastiques et merveilleux du Gothique qu'il a connu à Venise avec
la rationalité nouvelle de la Renaissance. Ucello construit ses personnages avec des volumes
géométriques marqués et sculpturaux, son trait est incisif, sa perspective sans concession. Son œuvre la
plus célèbre reste « La Bataille de San Romano » composée à l'origine de trois panneaux alignés situés à 2
m de haut dans le palais Médicis en 1452. Ils sont conservés actuellement dans trois musées différents:
« La contre-attaque de Micheletto da Cottignola », bois, 180 x 315 cm, (1450-1456) est conservée au
Louvre, « Niccolo da Tolentino à la tête des Florentins », bois, 182 x 320 cm est à la National Gallery de
Londres et « Bernardino della Ciarda désarçonné », 182 x 323 cm, aux Offices. Autre œuvre:
« Monument équestre de Sir John Hawkwood », fresque, 820 x 515 cm, 1436, Duomo de Florence.
Andrea del Castagno (1421-1457) est proche du dessin autoritaire d'Uccello mais apporte à son oeuvre
une lisibilité et une clarté plus grande. Del Castagno cherche à parvenir à une impression de force, de
lourdeur, de majesté et de grandeur grâce à une ligne accusée qui fige aussi des expressions résolues sur
les visages. Il subordonne la couleur à son trait et n'en fait plus qu'un élément décoratif. Cela lui vient de
son inspiration qu'il puise dans les sculptures de son époque (surtout celle de Donatello). Dans le même
ordre d'idée, il réduit ses fonds et le cadre spatial de ses scènes à une imitation de la réalité par le trompel’œil (et donc une haute maîtrise de la perspective mathématique) tandis que ses compositions sont quasi
systématiquement toujours symétriques afin de répondre à son désir d'équilibre et d'ordre. Del Castagno
traduit donc parfaitement ce courant humaniste du Quattrocento qui veut résoudre le problème de la
représentation de la réalité à partir de règles et de lois scientifiques strictes. Comme beaucoup de ses
116
contemporains, il refuse donc la sensibilité et vide son œuvre de vie. « Fresques du réfectoire de
Sant'Apollonia à Florence: la Cène », 470 x 975 cm, 1457 ; « Fresques de la villa Carducci à Legnaia:
série des Hommes et des Femmes illustres », 250 x 154 cm chacune, 1450, replacées aux Offices ;
« Monument équestre de Niccolo da Talentino », fresque, 833 x 512 cm, 1456, Duomo de Florence.
Antonio del Pollaiolo (1431-1498) cherche à résoudre de manière savante un autre problème de la réalité
que ses contemporains avaient ignorés : celui de donner des effets de réalité à une scène, non pas en
plaçant des personnages statiques dans un espace illusionniste (comme Masaccio ou del Castagno), mais
en travaillant sur les corps des personnages par l'étude stricte de l'anatomie et du mouvement musculaire.
Toutefois, cette recherche se fait au prix d'une composition systématique, peu originale voire maladroite
dans la juxtaposition des plans par exemple ou dans la rupture entre le fond et l'avant-plan. Exemple:
« Le martyre de saint Sébastien », bois, 289 x 200 cm, v. 1475, National Gallery. Par ailleurs, l'outrance
théorique qui menace les artistes dans l'étude du mouvement conduit del Pollaiolo à des effets certes
dynamiques mais surtout décoratifs et inutiles dans sa « Danse de nus », fresques de 1464 à la villa La
Gallina à Florence.
Piero della Francesca (v. 1416-1492), fils d'un marchand aisé de Borgo San Sepolcro, reçoit une
formation humaniste de haut niveau, notamment en mathématique. Formé à Florence, il assimile
rapidement toutes les grandes découvertes du Trecento et des premiers maîtres du Quattrocento et il se
passionne pour le traité « De la peinture » d'Alberti (1436) mais encore plus pour celui de Vitruve (latin
du Ier s. av. J.-C.), « De architectura ». De cette passion, della Francesca en sort encore plus convaincu
que le monde est tout entier de l'ordre et de la raison, même dans ce qu'il peut avoir de plus sensuel. Pour
lui, l'art est fait d'équilibre et d'une mesure universelle qui le pousse à accroître encore la science de la
perspective, et notamment dans les rapports d'éloignement entre les objets par la réduction d'échelles de
grandeur. Il est donc le premier à véritablement travailler et penser en trois dimensions en accordant son
point de vue à celui des spectateurs et en créant ainsi, selon lui, une forme de magie, celle du temps
suspendu laissant dans le doute le devenir du monde... d'où l'arrêt de la vie, les gestes figés et les
expressions impénétrables dans un moment que l'artiste veut éternel. Son œuvre la plus grandiose reste le
« cycle de fresques de l'église San Francesco d'Arezzo » (v. 1454-1458). Très connues également sont sa
« Flagellation du Christ », bois, 58,4 x 81,5 cm, (v. 1447-1449), Galerie nationale des Marches à Urbino
et le « Pala Brera ou Sainte Conversation », tempera et huile sur bois, 251 x 172 cm, 1475, Pinacothèque
de Brera (Milan).
Piero della Francesca est l'auteur de trois traités consacrés à la perspective, aux formes et aux corps
réguliers ainsi qu'à différents points mathématiques. Sa renommée très grande ne l'empêche pas de passer
pour archaïque à la fin des années 1470, époque à partir de laquelle d'ailleurs le peintre est frappé de
cécité.
Il laisse cependant de nombreux élèves, appelés vers 1470 par Sixte IV à Rome (qui se relève) dont Piero
Vannucci dit Le Pérugin (1445-1523), de Pérouse, qui garde de della Francesca le sens du déploiement
spatial qu'il allie avec une luminosité claire et douce proche de la Vénétie et qui annonce Raphaël. « La
remise des clefs à saint Pierre », fresque, 1481-82, Chapelle Sixtine, Vatican. Melozzo da Forli (14381494), fidèle élève de della Francesca reprend lui aussi sa maîtrise de l'architecture et la corporalité aisée
de ses personnages mais en y ôtant l'aspect impénétrable des œuvres de Francesca pour se limiter à une
ampleur un peu gratuite. « Inauguration de la bibliothèque de Sixte IV », fresque, 1477, Vatican.
B.2. L'introduction du sentiment :
Andrea Mantegna (1431-1506) passe l'essentiel de sa carrière dans le nord de l'Italie où le souvenir du
Gothique est resté plus présent qu'à Florence. Mantegna en conservera le goût du détail. Portant, comme
ses confrères, un intérêt pour l'héritage grec et romain, Mantegna en conserve surtout le spectacle étrange
117
et sinistre des atteintes du temps plus que l'exemple d'un équilibre à méditer. Ce sentiment d'un monde
qui passe et le goût pour le détail et le décor font de Mantegna un peintre très expressif, rendant
parfaitement l'atmosphère du moment et de la situation dans lesquels les personnages vivent. Avec son
"Christ mort", toile, 66 x 81 cm, v. 1470-80, Pinacothèque de Brera, Milan, sa "Prière du Christ au jardin
des oliviers", bois, 63 x 80 cm, v. 1455, National Gallery de Londres ou encore son "Saint Sébastien",
toile, 255 x 140 cm, 1481, Louvre, Mantegna atteint le pathétique. Avec le décor de "La chambre des
époux", fresque, v. 1473, au palais ducal de Mantoue, la cour des Gonzague est une paisible assemblée où
chacun vaque à ses occupations naturellement, sans excès sentimentaux, ni la froideur rigide de della
Francesca.
Cosme Tura (v. 1430-1495), originaire de la vallée du Pô, est le peintre de la cour ducale de Ferrare entre
1457 et 1486. Marqué lui-aussi par l'art de la fin du Moyen Age et par l'art de Mantegna, il donne une
vision dramatique et pathétique du monde, dans lequel les personnages sont grimaçants, déformés et
éclairés par une lumière angoissante. Plus qu'insuffler la vie à son œuvre, Cosme Tura y introduit la mort,
la souffrance ou le chagrin.
"Saint Georges et la princesse de Trébizonde", bois, 413 x 388 cm, 1469, Musée de la cathédrale de
Ferrare ; "Pietà", bois, 48 x 33 cm, Musée Corer de Venise ; "Saint Antoine de Padoue", bois, 178 x
80, 1484, Musée Estense de Modène.
Francesco del Cossa (v. 1436 - v. 1478), installé à Bologne, reprend les influences de Mantegna mais
plus encore de Tura (lumière, tons) en y ajoutant toutefois une grande noblesse, un calme plus présent en
fuyant les effets d'éclats métalliques de Tura au profit d'un dessin enveloppant et d'un aspect mat de sa
peinture. Del Cossa cherche ainsi l'harmonie entre d'une part, l'inquiétude et le passé médiéval et d'autre
part, l'équilibre et la sérénité de la Renaissance. Sa plus belle œuvre est le décor à fresque du "Salon des
mois" au palais Schifanoia de Ferrare, 1458-69.
Domenico Ghirlandaio (1449-1494) est à la tête d'un atelier familial de peinture à Florence. Fort
apprécié de la haute société florentine et du pape Sixte IV, son activité est importante et éclectique. Il faut
retenir de lui la très grande réalité du sentiment qu'il apporte dans certaine de ses œuvres, même au prix
d'une certaine idéalisation, comme dans "Les funérailles de saint François", fresque de 1483-85 dans la
chapelle Sassetti de l'église Santa Trinita à Florence. Dans son "Portrait d'un vieillard et d'un jeune
garçon", sur bois, v. 1490, au Louvre, Ghirlandaio nous propose le témoignage d'une sensibilité simple et
réelle.
B.3. L'apparition de l'idéalisation:
Benozzo Gozzoli (v. 1422-1497) est formé à Florence par Fra Angelico et est considéré comme le dernier
peintre gothique de Florence. Toutefois, il s'écarte des peintres courtois du Trecento et du début du siècle
en choisissant d'intégrer à son "Cortège des Rois Mages" (1459-1462), fresque de la chapelle du palais
Médicis à Florence, des personnages réels. Ainsi, Laurent le Magnifique, vêtu de dorure, est un
adolescent aux traits fins et au visage d'ange, mais néanmoins déterminé. L'empereur Jean VIII
Paléologue de Byzance à le visage illuminé du Christ, tandis que Cosme de Médicis est figuré de profil, à
la manière des empereurs romains sur les pièces de monnaie antiques.
Andrea di Cione dit Andrea del Verrocchio (1435-1488). Derrière son nom se cache en réalité un
atelier de sculpture, de mosaïque, de peinture, d'armurerie et de création de fêtes. Son œuvre se dégage de
la connaissance théorique du réel grâce à une originalité de la composition, rompant avec la symétrie
stricte, grâce au mouvement de ses personnages et au jeu de la lumière modulant les tons en une palette
variée, l'importance du dessin et de la ligne souple et gracieuse ainsi que la fragilité des gestes et des
visages qu'il n'hésite pas à déformer ou accentuer afin de les idéaliser. "Baptême du Christ", détrempe sur
bois, 1470-1475, Offices ; "Tobie et l'ange" (atelier), détrempe sur bois, 1470-75, National Gallery.
118
Lorenzo di Credi (v. 1459-1537) étudie dans l'atelier de Verrocchio dont il conserve la douceur des
teintes et la joliesse sereine des attitudes et des personnages à l'anatomie idéalisée. Il y apporte une très
grande pureté, une grande fraîcheur en choisissant une optique plus sobre: "Annonciation", détrempe sur
bois, v. 1480-1485, Offices.
Fra Filippo Lippi (v. 1406-1469). Jeune moine, il s'enfuit du couvent du Carmine à Florence pour
pouvoir exercer son art en secret dans le sud du pays. Revenu en Toscane en 1435, il bénéficie vite, grâce
à l'appui des Médicis, d'un grand succès. Lippi propose un monde séduisant dans lequel l'influence de
Masaccio (organisation cohérente de l'espace, volumes clairs, goût des formes pleines, équilibre de la
composition) est enjolivée par des teintes vives, gaies parfois, une beauté des visages, doux et sereins,
ainsi qu'un goût pour la rondeur et la courbe rassurante. "Le couronnement de la Vierge", bois, 220 x 287
cm, 1441, Offices.
Sandro Botticelli (1445-17/05/1510), fils d'un tanneur, confié à un orfèvre, il fait ses classes aux côtés de
Filippo Lippi. Il en garde le goût pour la beauté idéale: son style est fait de grâce (dans le mouvement
léger des draperies, les chevelures, les gestes), sa ligne est légère et son intérêt pour la mythologie antique
passionne ses contemporains et en fait l'interprète des poètes et des humanistes de la fin du Quattrocento.
Il apprécie le détail précis, proche de l'orfèvrerie et il vante les beautés de la nature. Ses personnages, nus
pour la première fois, sont idéaux, tristes et mélancoliques. "Le Printemps", détrempe sur bois, 1477-78,
Offices. ; "La naissance de Vénus", détrempe sur toile, v. 1485, Offices.
Pendant la crise de Florence dès la mort de Laurent le Magnifique (1492), Botticelli marque le doute qui
s'empare de lui dans des œuvres telle "La calomnie d'Apelle", détrempe sur panneau, 1494-95, Offices.
Sous l'influence des sermons de Savonarole, il exprime la détresse spirituelle dans laquelle il se trouve
dans sa "Pietà", détrempe sur panneau, v. 1495, Alte Pinakothek de Munich. Il meurt seul, oublié de tous.
Piero di Cosimo (v. 1462-1521) aime faire des allusions littéraires, savantes et mythologiques dans ses
œuvres. Bohême, malpropre et solitaire, il laisse des œuvres excentriques cédant la place à des animaux et
à la vie sauvage, témoignant ainsi de la crise artistique et morale que connaît Florence au début du XVIe
siècle. "La mort de Procris", huile sur toile, 1506, National Gallery.
B.4. Le renouveau, l'influence des anciens Pays-Bas et les peintres de Venise:
La deuxième moitié du Quattrocento à Florence, aussi riche et talentueuse soit-elle, conduit à des
aboutissements incomplets et à des extrémités diverses: absence de sentiment au profit d'une rigueur
mathématique presque obsédante, exagération du sentiment aux dépens du renouvellement stylistique ou
de l'originalité et enfin idéalisation charmante ou étrange mais néanmoins stérile.
La solution de cet "échec" sera trouvée durant la Haute Renaissance (1480-1527), mais s'annonce déjà
chez les peintres vénitiens de la fin du Quattrocento. En effet, l'art italien a alors besoin d'un nouveau
souffle pour être redynamisé. Cette nouveauté va venir des Flandres bourguignonnes, dont l'art et les
techniques vont être apportés à Venise par le peintre sicilien Antonello da Messina (1430-1479). La
Sicile était alors intégrée au Royaume de Naples dirigé par René d'Anjou puis Alphonse V d'Aragon.
René d'Anjou, captif à Bruxelles puis Dijon, rencontra Van Eyck en 1433. Ce dernier lui aurait dévoilé les
secrets de la peinture à l'huile qu'il aurait ensuite appris, de retour à Naples, à son peintre de cour,
Colantonio (actif v. 1440-1470). Le monarque suivant, Alphonse d'Aragon, possédait une collection de
peintures des anciens Pays-Bas, dont "L'Annonciation" de Van Eyck, qu'Antonello da Messina, élève et
successeur de Colantonio en tant que peintre de la cour, a pu admirer à loisir. Il s'initia donc à la
technique de la peinture à l'huile, mise au point par les peintres des Flandres historiques. Puis, par son
séjour à Venise, mais également par la circulation de plus en plus fréquente d'œuvres de Van Eyck et de
Petrus Christus en Italie, par le séjour à Urbino de Juste de Gand, par la venue en Italie de Robert Campin
et de Rogier De la Pasture (dit Van der Weyden), puis l'arrivée à Florence du
119
"Tryptique Portinari" de Hugo van der Goes, l'art des anciens Pays-Bas bourguignons va stimuler les
italiens.
Cette stimulation se marque par:
- des emprunts directs de modèles. Par exemple, Colantonio reprend dans "Saint François d'Assise
remettant sa règle à ses disciples", Museo di Capodimonte de Naples, des drapés flamands mais plus
encore, pour le visage d'une des clarisses, le portrait d'une "Vierge de l'Annonciation" d'un anonyme
aragonais du XVe s., elle même reprise à une "Vierge couronnée" d'un anonyme de l'école flamandobourguignonne de Provence (Avignon). De même, Colantonio dans son "Saint Jérôme dans son cabinet
d'étude" du Museo Capodimonte reprend le goût des natures mortes aux artistes des Flandres ("Le
prophète Jérémie", par le Maître de l'Annonciation d'Aix, Musées royaux des Beaux-Arts de Bruxelles)
comme da Messina le fera aussi dans son "Saint Jérôme" de la National Gallery. Enfin, dans sa
"Descente de croix" de San Domenico Maggiore à Naples, Colantonio reprend "en négatif" une pleureuse
à une oeuvre de Petrus Christus.
- le goût pour le paysage profond, disparaissant en s'atténuant grâce à la technique du glacis (superposition
de couches transparentes à l'huile) = la perspective atmosphérique. On le voit dans "la Crucifixion" de da
Messina au Musée royal des Beaux-Arts d'Anvers, son "Calvaire" du Museul de Arte de Bucarest et son
"Saint Jérôme en pénitence". On retrouve ce paysage à la manière flamande dans "Le Martyre de saint
Sébastien" de del Pollaiolo (1475) ainsi que dans des œuvres, pourtant à la détrempe, de Lorenzo da Credi
et de Verrocchio ou encore chez Piero di Cosimo.
- le portrait de 3/4, différent du profil de médaille florentin. "Portrait dit de Trivulzio", huile sur bois,
1476, Musée municipal de Turin, par Antonello da Messina.
- la description méticuleuse des traits du visage ("Le Condottiere", 1475, huile sur bois, Louvres, de da
Messina), notamment dans la représentation des donateurs ("Pala Brera" de della Francesca).
- la lumière modulée en tonalités atmosphériques infinies: "St Jérôme dans son cabinet", huile sur toile,
1474, National Gallery ou l' "Annonciation", 1476-77, huile sur toile, Galleria dell'Academia de Venise,
de da Messina. Autres exemples: "Le songe de Constantin", v. 1454-1458, église San Francesco d'Arezzo
par P. della Francesca ou "La remise des clefs à saint Pierre" de Le Pérugin ou encore "Saint Antoine de
Padoue" de Cosme Tura.
- le souci du rendu des matières.
A Venise, la réception de la peinture flamande est source d'inspiration: la ville sur l'eau trouve en effet
dans la technique à l'huile et surtout dans sa possibilité à faire chatoyer la lumière, une solution à la
représentation de sa propre atmosphère vaporeuse. C'est Giovanni Bellini (1430-1516), issus d'une
famille de peintres de la ville qui va le mieux exploiter ces apports et former les maîtres du XVIe siècle
tels Giorgione (1477-1510) et Le Titien (v. 1485-1576). Dans sa "Pietà" (Christ de Piété), détrempe sur
bois, 86 x 107 cm, v. 1460, Pinacothèque de Brera à Milan, Bellini fait la fusion entre la recherche de
réalité physique (anatomie, modelé des chaires, attitudes naturalistes) et la réalité de la vie intérieure
(expression des visages, gestes) mais sans excès dramatique, sans sensiblerie ni idéalisation. Pas non plus
de volumes lourds, de monumentalité excessive, de raccourcis violents, de détails inutiles... Ici, Bellini
travaille tout en sobriété, en simplicité, avec un sens de la mesure étonnant qui procure à la fois une
impression de grandeur et de proximité humaine. Par cette œuvre, ce sont toutes les recherches du
Quattrocento qui s'unissent enfin pour donner la véritable réalité humaine.
Le paysage de Bellini est tout à fait différent de tout ce que l'Italie avait produit jusque là. Dans "Le
Christ au mont des oliviers", v. 1460, National Gallery, Bellini nous propose un paysage ouvert, qui, plan
après plan, s'enfonce tout en douceur vers l'horizon. Grâce à sa compréhension du rôle de la lumière, il
fond les détails lointains (villages) et modèle les reliefs tout en unissant l'espace, à la manière des peintres
des Pays-Bas. C'est toutefois avec son "Allégorie sacrée", huile sur panneau, 1490-1500, Offices, que
120
Bellini nous montre tout son talent. Dans cette allégorie dont on ne sait la signification, la révolution
tonale accomplie par Bellini est remarquable. En accordant par la lumière le paysage et les figures, il
ouvre définitivement la voie aux recherches des futurs grands maîtres.
Chapitre 2 : La sculpture en Italie du XIIIe au XVe siècle.
Introduction:
Contrairement au reste de l'Europe, la tradition de la sculpture en Italie s'est peu développée au Moyen
Age. Encore une fois, cela s'explique par la forte influence byzantine sur la péninsule. Or, à Byzance, la
sculpture ne concernait guère que le travail de l'ivoire, taillé en petits reliefs. Comme en Occident, c'est
l'orfèvrerie qui se développe à partir du Ve siècle ap. J.-C. Toutefois, dès le Xe siècle, la sculpture romane
apparaît partout en Europe, notamment dans le cadre de l'architecture (portail, chapiteaux). En Italie, par
contre, l'architecture romane ne prévoyait que peu de place pour la sculpture architecturale. On connaît
quelques exceptions cependant: façade ouest de la cathédrale de Modène par Wiligelmo (XIIe s.), le
portail principal de la cathédrale de Ferrare (v. 1135) et celui de Saint-Zénon de Vérone par Niccolo
ainsi que la Descente de Croix du jubé de la cathédrale de Parme par Benedetto Antelami en 1178. C'est
donc dans le mobilier liturgique que la tradition de la sculpture va d'abord renaître en Italie au cours du
XIIIe siècle.
A. La sculpture italienne du XIIIe siècle au Trecento (XIVe):
Le pionnier du renouveau en sculpture est Nicola Pisano (v. 1212 - v. 1278/1284) dit Nicola le Pisan. Il
connaît la sculpture gothique à travers des œuvres d'ivoire et d'orfèvrerie diffusées depuis la France et les
pays germaniques notamment (le sud de l'Italie au XIIe siècle est sous la domination de Friedrich II
Hohenstauffen). Parallèlement, il étudie la technique de la sculpture antique, telle qu'il peut l'observer sur
des centaines de sarcophages antiques romains conservés. Il devient donc le précurseur de la synthèse
italienne du Gothique occidental et de la plastique antique. Son œuvre la plus connue est la chaire du
baptistère de la cathédrale de Pise, marbre, 1239. Edifice de forme hexagonale, détails gothiques et
influence romaine s'y mêlent. Les plaques du parapet (5), illustrent l'enfance du Christ, la Crucifixion et le
Jugement dernier.
Autre œuvre: "L'archange Gabriel", 1360-1368, National Gallery de Washington.
Nicola Pisano forme de nombreux collaborateurs tels Fra Giugliemo, Donato et Lapo di Ricevuto ainsi
que Arnolfo di Cambio (1245-1302). C'est avec ce dernier qu'il sculpte la chaire du dôme de Sienne
entre 1265 et 1268. Le contexte siennois, plus attaché au Gothique, explique une occupation spatiale plus
dense et tumultueuse qu'à Pise.
Nicola Pisano forme également son fils Giovanni Pisano (1250-1328) qui préfère toutefois la fidélité au
Gothique et n'exprime que très peu sa connaissance des œuvres antiques, lui préférant une grande
puissance d'émotion dramatique: "Chaire de l'église Sant'Andrea de Pistoia" (1301).
Andrea da Pontedara (1290/95-1348/49) dit Andrea Pisano (à cause de ses origines pisanes), est formé
à Pise mais travaille surtout à Florence où il prend comme référence l'œuvre des Pisano, celle du peintre
Giotto et l'art courtois de l'Europe du nord. En 1330-1336, il sculpte les 28 panneaux polybés en bronze et
bronze doré de la porte sud du baptistère de la cathédrale de Florence. La vie de saint Jean-Baptiste en
occupe 20, des vertus les 8 autres. Travail équilibré, clair, en peu de couches en profondeur sur une
surface plane. Assimilation de l'élégance gothique et du contexte renaissant. Il poursuit le travail de
121
Giotto (mort en 1337) au campanile du dôme Santa Maria delle Fiore de Florence par des sculptures
alliant l'art de Giotto et sa recherche d'effets gracieux.
B. La sculpture à Florence au début du Quattrocento (XVe s.):
En 1401, un concours est organisé à Florence par l'"Arte di Calimala" (corporation de riches marchands)
pour la réalisation de la deuxième porte du Baptistère San Giovanni de la cathédrale. Les artistes y
participant disposaient d'un an pour fondre en bronze une version du Sacrifice d'Isaac. Ce concours
permit à de nombreux sculpteurs de se faire connaître, mais c'est Lorenzo Ghiberti (1378-1455) qui
l'emporta.
Fils d'un orfèvre de la ville et grand ami des artistes et des érudits, il étudie les classiques et collectionne
l'art antique. Dirigeant un atelier que fréquente la jeune génération, le sculpteur célèbre dans ses
"Commentaires" (v. 1447-1448), une base théorique pour les œuvres; il s'y réfère à l'Antiquité et à la
nature en unissant des études sur l'art antique et les formes gothiques.
Dans cette porte (1402-1403), Ghiberti se conforme au format gothique des quatre-feuilles (constitué de
quatre lobes) tandis que ses personnages sont inspirés du Gothique international (élégance, virtuosité,
richesse des détails ciselés).
Autres œuvres: Saint Jean Baptiste pour Or San Michele, 1441, bronze, 255 cm de haut ; Saint Etienne,
Or San Michele, 1425-1426.
Nanni di Banco (v. 1390-1421) travaille avec son père à la cathédrale de Florence et fait partie de la
corporation des tailleurs de pierre. Fort influencé par la statuaire antique, il manie le raccourci avec
audace. Il s'inspire d'un philosophe antique pour son "saint Luc", 1408-1413, dans la cathédrale. De
même, son "saint Philippe" d'Or San Michele, 1411-1414, voit sa toge antique rythmée par un contraposto
(déhanchement) antique. Toujours à Or San Michele, en 1410-1414, il donne le prototype du groupe de
figures avec ses "Quatre saints couronnés". Enfin, avec son "Assomption", portail de la Mandorle de la
cathédrale, 1414-1421, di Banco apporte un élan dynamique dans une composition centrifuge.
Donatto di Betto Bardi dit Donatello (v. 1386-1466) travaille dans l'atelier de Ghiberti qu'il assiste pour
la deuxième porte du baptistère Saint-Jean de Florence. Il participe également à la décoration de la
cathédrale, notamment dans les figures franches, presque brutales des statues des "Douze petits prophètes
juifs", marbre, v. 1427-1436, aujourd'hui au Museo dell'Opera del Duomo. Il voyage à Rome, très jeune,
et visite les chantiers de fouilles en compagnie de l'architecte Brunelleschi qui l'initie à la perspective et
dont il gardera le goût pour l'articulation entre la sculpture et l'architecture. Ainsi, le cadre architectural de
son "Saint Georges" d'Or San Michele, aujourd'hui au Musée du Bargello à Florence, 1415-1417,
marbre, est étudié en fonction de la statue. Son personnage est un héros idéal, statique, jeune, vêtu à
l'antique mais conservant une finesse et une élongation toutes gothiques. Sur le socle, Donatello utilise
pour la première fois le schiacciato ou relief écrasé, presque plat.
Autres œuvres: "David", marbre, Bargello ; "Annonciation du Tabernacle de Santa Croce", 1435.
C. La sculpture à Florence des 2e et 3e tiers du Quattrocento (XVe s.) :
Contrairement à l'art de la peinture, la fusion entre la tradition des siècles précédents et l'art antique va se
faire tout en douceur en sculpture.
122
Ghiberti, près de 25 ans après la deuxième porte du baptistère de Florence, est mandé pour sculpter la
troisième, dite du Paradis (1425-52). Cette fois, il change radicalement de conception: la porte est divisée
en 10 grands panneaux comptant chacun plusieurs scènes en une répartition souple. Il peut créer grâce à
la forme des panneaux et à leurs dimensions, une illusion puissante de profondeur en utilisant le
schiacciato pour les fonds comme si l'espace se perdait au loin et détacher les formes du premier plan.
Donatello continue sa riche activité en accentuant encore ses recherches techniques et sa découverte de
l'Antiquité. Son "David" de bronze, 1430-1438, 159 cm, Bargello est la première statue en ronde-bosse de
nu depuis 1000 ans. L' adolescent proche de l'art grec hellénistique est fragile dans sa pose en
contraposto, son sourire et sa grâce, renforcés encore par la grande épée, le chapeau et les bottes.
A Padoue, entre 1443-1453, Donatello sculpte sur le modèle de la statue équestre de l'empereur romain
Marc Aurèle, le condottiere Erasmo da Narmi dit le Guattamelata, bronze, sur la piazza del Santo. Image
universelle du pouvoir, ce condottiere devient un empereur décidé qui ne doit rien à l'art gothique mais
représente un chef digne, calme et serein. Prouesse technique de la fonte en bronze. Reprenant le type du
putto antique (bambin espiègle ailé ou non), Donatello dans "La chaire extérieure de la cathédrale de
Prato", 1428-38, les transforme en bambins paillards aux drapés diaphanes ne dissimulant rien de
l'anatomie des joyeux amours.
A son retour de Padoue, à 65 ans, Donatello abandonne les références au passé pour figer dans d'ultimes
figures la représentation de la détresse humaine, telle sa "Sainte Madeleine", bois, 1454-1455, Museo
dell'Opera del Duomo de Florence.
Beaucoup plus serein que Donatello est Luca della Robbia (1400-1482), à l'origine d'un atelier familial
de terre cuite émaillée. Conçue au départ pour des reliefs extérieurs devant résister à l'humidité, cette
technique a été brillamment adaptée à la sculpture monumentale.
D'abord sculpteur sur marbre ("La cantoria" -tribune des chanteurs- cathédrale de Florence, marbre,
1431-38, aujourd'hui au Museo dell'Opera del Duomo), della Robbia adapte son style soigné, son
classicisme équilibré, son souci de mise en perspective simple du relief à la terre cuite. Ainsi sa "Vierge à
l'enfant et les saints", La Rufina à Piere di Pomino, à la fois sereine et simple conjugue à l'esprit pieux
l'influence de l'Antiquité. Sa "Vierge à l'enfant", 1450, 74 cm de haut, Musée Jacquemart-André, Paris,
est un autre exemple de cet art accessible que l'on retrouvait dans tous les foyers prospères.
Autre œuvre :
"Vierge au buisson de roses", vers 1450, Bargello, Florence.
Mino da Fiesole (1429-1484) pour sa part, redonne vie à la tradition romaine du buste qui devait à la fois
offrir une image ressemblante et idéalisée ("Buste de Pietro Medici", marbre, 1453, Offices ; Buste de
Nicolo Strozzi). Avec l"Autel de Diotisalvi Neroni", marbre, 1464, église de la Badia, Florence, da
Fiesole révèle une haute habilité du relief dans lequel intervient la perspective presque picturale et
l'architecture.
Autre célèbre sculpteur de bustes, Benedetto da Maiano (1442-1497). Son "Buste de Pietro Mellini",
marbre, 1474, Bargello, s'apparente par son hyperréalisme au portrait romain naturaliste.
Ce désir d'éternité motivant la multiplication des portraits explique aussi l'essor de l'art du tombeau
funéraire. Les frères Bernardo (1409-v. 1460) et Antonio Rossellino (1427-1479) sont des spécialistes
de cet art. Souvent, il convient de parler de cénotaphe et non de tombeau car il ne contient pas le corps du
défunt. Celui-ci est généralement représenté couché, les yeux clos, avec le visage très réaliste, voire
expressif. Le tombeau est complété par une urne ou un sarcophage antiquisant. Le type le plus courant
est le tombeau adossé (vertical). Le "Tombeau du cardinal Juan de Portugal", marbre d'Antonio
123
Rossellino et reliefs de terres cuites de Luca della Robbia, 1461-1466, église San Miniato al Monte,
Florence ; "Tombeau de Leone Bruni, marbre de Bernardo Rossellino, 1443-1445, Santa Croce,
Florence.
Andrea del Verrochio pour sa part va réagir contre la tendance douce des della Robbia ou de Mino da
Fiesole et rompre avec le réalisme simple au profit d'une aisance nouvelle dans la pause et l'équilibre des
sculptures ("L'amour au dauphin", bronze, v. 1478-1479, Palazzo Vecchio, Florence), ou bien d'une force
monumentale obtenue par l'élimination des détails ("Dame au bouquet", marbre, v. 1478, Bargello).
Son "David", bronze, 1476, Bargello, est très différent de celui de Donatello. Ici, l'adolescent est fier et
rayonnant, extroverti. De même, sa "Statue équestre de Bartolomeo Colleoni", bronze, 1479-1788,
Campo Santi Giovanni e Paolo, Venise, est une œuvre de tension, avec un condottiere dressé sur ses
étriers, retenant son cheval, enfermé dans une armure aux ombres marquées et aux larges plans sans détail,
qui dépasse de loin en énergie, en puissance, en fureur même, le "Guattamelatta" de Donatello.
Chapitre 3: L'architecture en Italie du XIIIe au XVe siècle.
Introduction:
L'architecture religieuse:
Pendant tout le Moyen-Age, les références architecturales de l'Italie restent le premier art chrétien antique
(le style paléochrétien) et l'art byzantin. La quasi totalité des édifices chrétiens (paléochrétiens ou
byzantins) étaient d'ailleurs conservés en Italie et certains le sont toujours.
Les arts architecturaux médiévaux européens (le Roman et le Gothique) vont donc connaître peu de succès
en Italie, sauf dans le nord (Milan, Venise) et seront toujours intégrés à la tradition byzantinopaléochrétienne.
Exemples byzantino-paléochrétiens (IVe- Xe s.):
Plan basilical ou longitudinal:
Basilique Saint-Pierre de Rome (démolie au XVe s.)
Façade de Saint-Apollinaire-le-Neuf, Ravenne, Ve s.
Façade de San Simpliciano, Milan, IVe s.
Abside de l'église San Salvatore à Spolète, IVe s.
Intérieur de la basilique Sainte-Sabine, Rome, 422-432.
Intérieur de Saint-Apollinaire in Classe, Ravenne, Ve s.
Plan central sous coupole:
Saint-Vital, Ravenne, VIe s.
Mausolée de Galla Placidia, 425 ap. J.-C.
Exemples romans (Xe-XIIIe s.):
Façade de l'église abbatiale de Casamari (Rome), XIIe s.
124
Façades de la basilique Ste-Claire, 1257-1265 et de St-François, Assise.
San Sepolcro, Milan.
Santa Maria delle Grazie, Milan, 1463.
Cathédrale et tour de Pise, 1063-XIIIe s.
San Miniato al Monte, Florence, 1140.
Exemples gothiques (XIIIe-XVIe s):
Eglise San Marco, Milan, XIIIe s.
Façade de la cathédrale Saint-Marc, Venise.
Dôme de Milan, XIVe s.
Architecture civile:
Avant le XIIIe siècle, on connait peu de choses de l'architecture civile italienne, si ce n'est qu'avec la prise
en main des villes par les grandes familles bourgeoises, vont se développer les types du palais communal
(une salle destinée au commerce au rez-de-chaussée, une autre pour l'administration au premier étage puis
une tour pour affirmer la puissance communale par rapport à la puissance religieuse) et du palais familial
(un bâtiment massif fait de murailles fermées encerclant une cour comme les châteaux forts).
Exemple:
Vue de San Gimignano (Toscanne) et des tours de ses palais familiaux.
Vue de Gênes et de son Castelletto, panneau, par Cristoforo Grassi, 1480, Musée naval de
Pegli.
Palazzo della Ragione, Piazza Mercanti, Milan, 1228.
A. L'architecture dans la République de Florence au Trecento (XIVe s.).
Le Palazzo Vecchio de Florence ou palais de la Seigneurie, 1299-1314, attribué à Arnolfo di Cambio,
reprend la tradition médiévale. C'est un donjon à plusieurs étages surmonté de créneaux puissants et d'une
tour, comparable à nos beffrois. Néanmoins, de multiples ouvertures géminées élégantes le différencie
d'une forteresse.
Le Palazzo Pubblico de Sienne, 1298-1310, est une construction gothique élégante et pittoresque à
campanile elle-aussi.
L'église Santa Croce (1252, 1295-1413) attribué à Arnolfo di Cambio ainsi que le baptistère Saint-Jean
(XIe-XIVe siècle), tous deux à Florence présentent déjà une régularité rythmique et une grande lisibilité
par leur jeu de panneautages colorés dans la tradition romane toscane.
De même, la cathédrale de Sienne (1196-fin du XIVe s.), reprend une alternance romane de marbres
blanc et gris pour couvrir ce bâtiment mélangeant façade et baies gothiques, plafond et charpente
paléochrétiennes et coupole à la croisée du transept, ce qui deviendra une tradition jusqu'au Baroque
(XVIIe s.).
La cathédrale Santa Maria delle Fiore, à Florence, voit son élévation confiée à Arnolfo di Cambio (qui
meurt en 1302) puis à Giotto (entre 1334 et 1337) avant que Brunelleschi ne l'achève au XVe s. Plus
élégante et mieux proportionnée que celle de Sienne, la cathédrale, tout en reprenant la tradition
polychrome du panneautage, ainsi que des détails gothiques, marque l'apparition de la Renaissance dans
l'articulation des murs par des horizontales et des verticales marquées ainsi que des formes géométriques
claires et une rythmique équilibrée.
125
L'oratoire florentin d'Or San Michele, 1337-1404, est un édifice hybride d'apparence civile au décor
surchargé qui résume bien les tâtonnements architecturaux du Trecento, hésitant entre traditions locales et
apports étrangers, dans le cadre desquels aucun grand architecte ne s'impose et où les formes de
l'Antiquité romaine ne sont guère qu'effleurées.
B. L'architecture à Florence et en Italie au Quattrocento (XVe s.).
Au début du Quattrocento, le chantier florentin le plus important est celui de la cathédrale Santa Maria
delle Fiore. Le principal problème à résoudre est alors celui de la couverture de l'édifice par une coupole.
Celle-ci avait été conçue dès 1367 par un comité d'architectes. Toutefois, aucun d'eux, durant 50 ans
n'avait été capable de trouver la solution pratique tant l'entreprise était démesurée. En 1418, c'est Filippo
Brunelleschi (1377-1446) qui relève le défit: il choisit de construire un dôme sur ogives formé par deux
coquilles se renforçant mutuellement. Il conçoit également un échafaudage appuyé non pas sur le sol,
mais à la base de la coupole, à plus de 56 m de hauteur ainsi que des modèles révolutionnaires de montecharge. Ses lignes sont pures et sa structure claire et élégante est soulignée par le ressaut saillant des
ogives en pierre. Brunelleschi donne enfin à la cathédrale l'unité qui lui manquait.
Pour l'église San Lorenzo à Florence, 1418-1421, Brunelleschi reprend le type longitudinal de la basilique
paléochrétienne avec nef centrale à plafond plat et bas côtés (ici couverts de coupoles) séparés de la nef
par des arcatures en cintre soutenues par des colonnes corinthiennes. L'espace est ordonné et clair,
harmonieusement modulé et rigoureusement rationnel (il en ressort un caractère froid).
Avec l'ancienne sacristie de San Lorenzo, 1422-1442, Brunelleschi choisit un plan carré entouré de
sacristies et d'un chœur, sous coupole. Il articule ses murs à la manière d'un arc de triomphe antique, de
même qu'il reprend des éléments antiques simples et clairs pour la décoration. Il recherche avant tout
l'harmonie de l'espace par un calcul des proportions et une volonté de cohésion entre tous les éléments.
Enfin, il n'oublie pas d'apporter une dimension humaine à son oeuvre en reprenant les formes et les
éléments décoratifs monumentaux et en les adaptant à échelle humaine.
Dans la chapelle de la famille Pazzi de l'église Santa Croce, Florence, 1429/30-1446, Brunelleschi
reprend le plan de la sacristie de San Lorenzo mais en y affirmant encore plus les formes antiques et les
articulations par l'opposition entre les murs blancs et la pietra serena (pierre sombre). Il allie ainsi tout en
souplesse la tradition bichromatique toscane ainsi que les médaillons en terre cuite vernissée de Luca della
Robbia avec l'apport antique. Il ressort de cet intérieur une grande harmonie, une fraîcheur, une clarté et
une dimension humaine parfaitement rendues.
Autre œuvre: "L'Hôpital des enfants trouvés", Florence, 1419-1421.
Bartolomeo di Michelozzo (1396-1472), est l'élève et l'héritier de Brunelleschi. Sa tâche sera d'adapter le
style de son maître à des constructions laïques. Cela se fera à travers le palazzo, à la fois maison de
négoce, bureau et entrepôt des riches familles de bourgeois. Le palais Médicis (Riccardi depuis le XVIIe
siècle), 1444-1459, à Florence, construit pour Cosme l'Ancien et sa famille va ainsi être le prototype du
palazzo renaissant.
Extérieurement, il s'agit d'un bloc rectangulaire à quatre ailes d'aspect massif et fermé, terminé par une
large corniche saillante rappelant les forteresses médiévales. Ce qui est nouveaux, c'est l'accent horizontal
du bâtiment, renforcé par des entablements marqués, le bossage décroissant de bas en haut, de larges baies
cintrées disposées rythmiquement et symétriquement. Bref, Michelozzo apporte une unité et une
régularité nouvelles dans ces bâtiments civils.
126
A l'intérieur des quatre ailes, Michelozzo conçoit une cour à ciel ouvert entourée d'une galerie, dans la
tradition des péristyles de villas romaines antiques. L'architecture se fait plus légère, plus délicate dans sa
décoration. Souci de luminosité, d'un monde clos et protecteur. A l'origine, cette cour servait à
l'exposition des collections de fragments antiques des Médicis.
Leone Battista Alberti (1404-1472) est le grand théoricien de l'architecture renaissante. Pour lui,
l'essentiel réside dans l'idée et dans les plans qui la traduisent. Il recherche, dans le respect des formes
antiques qu'il étudie dans les "Dix livres d'architecture" de Vitruve (Ier siècle av. J.-C.), une idée de
perfection et de beauté idéale par la plus grande harmonie possible entre toutes les parties d'un édifice
entre elles et avec l'ensemble. Il impose le respect des formes antiques mais encore plus le respect de
l'esprit antique plutôt que la simple reprise ou copie de vestiges du passé. Il préconise avant tout la
"digestion" de la tradition gréco-romaine puis de renouveler originalement ses formes. Grâce à ses traités
dont "De la peinture" (1436) et "De l'architecture" (1485), son influence sera considérable.
Avec la façade de Santa Maria Novella, 1456-1470, Alberti cherche à créer des nouvelles formes
d'articulation entre les différentes parties tout en étant limité par les contraintes liées au fait qu'il s'agit d'un
bâtiment ancien (éléments gothiques) et qu'il doit respecter la tradition polychrome toscane.
Par contre, la conception du temple Malatesta ou église San Francesco, 1450, Rimini, est tout à fait
nouvelle. Alberti reprend les mesures et le répertoire antiques mais réorganise le tout pour créer un art
original, monumental et éternel. Autres œuvres: "Palazzo Ruccellai", Florence, 1446-1451.
Avec Alberti, on reproduit la même évolution qu'en peinture, c'est-à-dire qu'à force de mesure, de volonté
de perfection et d'idéal, on finit par produire des œuvres monumentales dénuées de dimensions humaines
(>< Brunelleschi), semblant figées pour toujours et laissant une impression de très grande froideur.
Bernardo Rossellino (1409-1464) est l'exemple parfait de cet excès artistique, où la raison prend la pas
sur la sensibilité humaine puisqu'il décide de réaliser le rêve de Pie II, à savoir faire reconstruire son
village natal de Pienza (50 km au sud de Sienne). Ce projet n'aboutira qu'à la reconstruction du centre
urbain (cathédrale, palais Piccolomini, hôtel de ville, évêché) entre 1459 et 1464 mais fera néanmoins
apparaître le souci de l'urbanisme.
Francesco di Giorgio Martini (1439-1501), architecte, peintre et sculpteur de Sienne nous donne une
représentation peinte sur panneau (bois, 60 x 200 cm, Galerie nationale des Marches d'Urbino) de cette
cité idéale, pensée mais jamais réalisée.
En dehors de Florence, on note également la présence d'architectes florentins tels Lorenzo
Laurana (1420-1479) qui avec F. di Giorgio Martini, transforme la façade du palais d'Urbino à la
manière d'un portail à trois étages avec tours et loggias mais surtout conçoit une remarquable cours à
portique du plus pur style Renaissance en 1468 puis 1472.
A Rome, le palais Venezia agrandi en 1464 et le palais de la Chancellerie (1489-1517)
témoignent du même style.
Dans le nord de l'Italie, par contre, on observe une résistance aux formes pures de la Renaissance
au profit d'un goût pour la décoration. L'architecte Amadeo représente dignement cette tendance avec la
chartreuse de Pavie, 1473/77-1522.
A Venise, on note une grande activité de Tullio Lombardo
reconnaissable par son style inimitable que le palais Vendramin-Calergi, ap.1509 et surtout l'église Santa
Maria dei Miracoli, 1481-89, illustrent.
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Partie V : La Haute Renaissance
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Introduction:
Aire d'épanouissement des arts du Quattrocento et d'essor artistique incroyable, cette période n'est
néanmoins pas la meilleure. En effet, on assiste à une ruine politique (invasion française à Milan en 1494,
à Naples en 1495, le sac de Rome en 1527, la chute de la dernière République de Florence en 1530), une
ruine religieuse (début de la Réforme luthérienne) et bien sûr aussi une ruine économique de l'Italie.
Florence perd sa prédominance artistique au profit de Rome avec les papes Alexandre Borgia (14921503), Jules II ( 1513), Léon X ( 1521), Adrien VI ( 1523) et Clément VII ( 1534).
Chapitre 1 : L'architecture.
Contrairement au Quattrocento, l'architecture va prédominer durant la Haute Renaissance. Dans la lignée
d'Alberti, on rédige de nombreuses théories architecturales et on continue à s'en référer au traité de
Vitruve mais sans copier l'architecture antique. On inventorise et sauve les ruines antiques et on en ressort
les éléments et les mesures qui vont guider tout l'art de cette courte période.
Donato di Angelo Bramante (1444-1514), originaire de Monte Asdruvaldo (Urbino), apprend d'abord le
métier de peintre avec Pierro della Francesca et Mantegna, puis découvre l'architecture paléochrétienne à
Milan où il travaille aux côtés de Leonardo da Vinci dès 1481 pour le duc Ludovic Sforza. A la chute des
Sforza en 1499, il s'installe définitivement à Rome où il rentre aux services des papes en 1503.
Les chantiers milanais:
A partir de 1481, Bramante entreprend la reconstruction de l'église Santa Maria presso San Satiro. Il
reste fidèle au plan basilical à trois nefs avec coupole à la croisée du transept mais il rompt avec la
tradition du plafond plat paléochrétien au profit du voûtement des espaces. L'édifice étant encastré dans
un tissu urbain dense, Bramante conçoit un choeur en trompe-l'oeil en stuc qui est une prouesse de la
perspective. Dès 1490, Bramante élève la croisée du transept et le choeur de Santa Maria delle Grazie
afin d'en faire un mémorial à la gloire de la famille Sforza. Il les greffe au bout d'une nef gothique de
1460. Décor unitaire basé sur l'utilisation du disque en terre cuite et extrême sobriété des murs
proportionnés et ajourés à la manière de la chapelle des Pazzi de Brunelleschi à Florence. Bramante
conçoit également le charmant petit cloître de l'église.
Les chantiers romains:
La première commande romaine à Bramante et l'édification du cloître de Santa Maria della Pace en 1504.
Cette oeuvre par sa simplicité décorative et sa perfection rythmique annonce la rigueur monumentale mais
aussi la fluidité et le parfait équilibre qui vont distinguer Bramante. C'est avec son "Tempietto San Pietro
in Monterio", en 1503, que Bramante jette les fondations du style Classique. Dressé à l'endroit où la
tradition situait à tort le martyre de saint Pierre, cet édifice circulaire allie l'idée du temple antique
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circulaire, le tholos, avec celui du monument chrétien. Synthèse thématique mais aussi synthèse des
proportions et des mesures idéales.
Pour le pape Jules II, Bramante est nommé ingénieur en chef des travaux pontificaux. Il conçoit d'abord
la Cour du Belvédère entre 1503 et 1514 entre la villa privée du pape et le Vatican. Pour contourner la
dénivellation du terrain, il relie trois terrasses par des escaliers monumentaux et termine la perspective par
un exèdre en s'inspirant des complexes monumentaux antiques et en jetant ainsi les bases de l'organisation
des jardins italiens du XVIe s. Vers 1513, l'architecte dessine la Cour de Saint-Damase en superposant
quatre étages de galeries au rythme régulier et sobre. Le troisième étage abrite les Loges peintes par
Raphaël et les verrières sont postérieures.
Jules II, devant l'état déplorable de la basilique Saint-Pierre qui date du IVe siècle ap. J.-C., décide de sa
reconstruction. Bramante envisage de placer au centre de l'édifice un nouveau bâtiment en croix grecque
(aux quatre bras égaux) coiffé d'un énorme dôme et entouré par quatre chapelles elles-mêmes en croix
grecque. En façade, Bramante comptait élever deux hauts campaniles aux angles à la manière des
mosquées orientales. A sa mort, les travaux sont à peine commencés.
Rafaele Santi dit Raphaël (1483-1520), s'il est connu comme peintre fut aussi architecte à Rome et grand
décorateur. Neveu de Bramante, il lui succède en tant qu'ingénieur en chef du Vatican en 1514. Son
premier travail sera de reprendre la construction de la basilique Saint-Pierre pour laquelle il prévoit un net
épaississement des murs et des piliers, l'ajout de trois déambulatoires, celui d'une longue nef et d'une
façade. Son projet ne sera jamais réalisé.
Pour le pape Léon X, Raphaël exécute les dessins de la Villa Madama (qui doit son nom à Marguerite
d'Autriche, fille de Charles Quint). Là, Raphaël parvient à créer un accord étroit entre la structure
architecturale et la décoration inspirée de la Domus Aurea de Néron. Ce bâtiment bien qu'inachevé
témoigne néanmoins d'une grande liberté des formes dans l'alternance de formes classiques et anticlassiques.
Autres œuvres : Chapelle Chigi à Santa Maria del Popolo, 1512-1513 ; Palais Vidoni-Caffarelli à Rome.
Baldassare Peruzzi (1481-1536), de Sienne, est collaborateur de Bramante en 1503, puis adjoint
d'Antonio da Sangallo le Jeune pour Saint-Pierre de Rome en 1520. On connaît peu ses œuvres si ce n'est
la Villa Agostini Chigi ou la Farnésine, 1509-1511. Edifice extrêmement gracieux et d'une simplicité
harmonieuse des proportions, du rythme et des décors extérieurs qui en font un des plus beaux édifices
italiens.
Pour Saint-Pierre, Peruzzi tente un compromis peu intéressant entre le plan en croix grecque et un plan
orienté par l'adjonction d'un narthex (vestibule transversal).
Le florentin Antonio da Sangallo l'Ancien (1455-1534) contribue lui-aussi au développement du
Classicisme en dessinant le plan en croix grecque centré sous coupole de l'église San Biagio à
Montepulciano en 1518. A la rigueur de sa conception (rappelant d'ailleurs le projet de Bramante pour
Saint-Pierre), répond la symétrie des décors intérieurs et extérieurs.
Giulianio da Sangallo (1445-1516), frère aîné d'Antonio l'Ancien, se perfectionne à Rome de 1465 à
1472 mais revient travailler à Florence. Sa principale œuvre est la Villa Poggio à Caiano qu'il transforme
à la demande de Laurent le Magnifique à la fin du Quattrocento. Il ouvre le soubassement par des arcades
créant ainsi une galerie surmontée d'une terrasse à laquelle on accédait par deux escaliers droits
(remplacés par une rampe curviligne au XVIIIe s.) et reproportionne la façade en soulignant les fenêtres
par des entablements en pietra serena et en y enchâssant un portique antique ionique.
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Antonio da Sangallo le Jeune (1483/5-1546), neveu des deux précédents, succède à Rome à Raphaël. Il
laisse une maquette de Saint-Pierre réalisée en 1539, qui unit plan central et basilical, mais avec une
façade au poids excessif.
Paul III, ancien cardinal Farnèse, lui commande en 1513 la restauration du palais familial du Campo dei
Fiori, dit Palais Farnèse (Palazzo Farnesiano) à Rome. Il suit les règles strictes élaborées par Bramante
dans le rythme, les proportions et le répertoire décoratif. Michel-Ange achève et transforme le bâtiment
en 1546.
Michelangelo Buonarroti dit Michel-Ange (1475-1564), originaire de Caprese (Arezzo), dans ses
productions architecturales va s'opposer à la conception classique. Agé de 71 ans lorsqu'il est nommé par
Paul III, l'artiste fait de l'architecture un moyen d'expression personnelle en sortant des sentiers battus.
Ainsi au Palais Farnèse, il choisit de décrocher sa loggia de la façade en accentuant l'épaisseur de ses
décors et en ouvrant le dernier étage par des hautes baies. Dans le même ordre d'idée il fait courir une
épaisse corniche tout autour du bâtiment en créant ainsi des effets de lumière.
Dans son projet de façade pour l'église San Lorenzo (maquette en bois à la Casa Buonarroti de Florence)
en 1517, Michel-Ange projette des décrochements de support et des niches en profondeur afin de faire
vibrer dans la lumière cette façade.
Nous retrouvons cette articulation en relief des parois à l'intérieur de la bibliothèque Laurentienne (15241527) de l'église San Lorenzo à Florence, ainsi qu'une grande force plastique et une forte énergie
dynamique tant dans le vestibule que dans l'escalier de l'édifice.
Le dynamisme plastique de Michel-Ange va être sollicité pour l'agencement urbanistique de la place du
Capitole à Rome dès 1536. Michel-Ange retravaille la place en la fermant par le Palais des Musées
(construit après sa mort) accessible par un double escalier monumental. Les palais des sénateurs et des
conservateurs sont englobés dans une nouvelle enveloppe faite de supports d'ordre colossaux, traversant
de haut en bas les étages sans interruption. Cette enveloppe resserre la place à son entrée et la transforme
en un trapèze ouvert vers le fond auquel on accède par une rampe colossale. Enfin, le sol autour de
l'antique statue équestre de Marc Aurèle est articulé par un dessin rendant l'espace mouvant.
Michel-Ange va faire aboutir la reconstruction de Saint-Pierre de Rome (1547-1564) en retournant au plan
original de Bramante mais avec une puissance et une épaisseur des supports internes jamais vues jusquelà. A l'extérieur, Il utilise l'ordre colossal, les jeu de lumière, l'alternance des décors et surtout un jeu sur
le concave et le convexe dans les parois qui annonce le Baroque du siècle suivant.
Chapitre 2 : La sculpture.
La sculpture du début du XVIe siècle ne présente pas de rupture par rapport à l'art de la deuxième moitiè
du Quattrocento, mais les artistes peaufinent leur connaissance de la sculpture antique par le recensement
et les collections d'antiques et surtout par la copie. De purement religieuse, on glisse vers une sculpture
également officielle, de décoration et de plein air (jardins, places). Toutefois, les années 1480-1527
correspondent à la disparition des grands artistes à Florence suite à l'expulsion des Médicis. Seuls Andrea
Sansovino et Michel-Ange s'imposeront. Au nord, en Lombardie et en Vénétie, la mode est aux petits
objets, aux bibelots. A Rome, seule la personnalité de Lorenzetto s'émancipe d'une sculpture visant
principalement à imiter les antiquités romaines. Essoufflement général de cet art.
Andrea Sansovino (v. 1470-1529) était après Michel-Ange, le sculpteur le plus réputé d'Italie au début du
XVIe siècle. Ses maîtres sont, comme Michel-Ange, Bertoldo et Antonio del Pollaiolo. Toutefois, si
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Sansovino se révèle un excellent technicien, son œuvre fait montre d'immobilité et de retenue et semble
bien dépourvue de vie. Tel est le cas de son "Baptême du Christ", 1502-1505, au baptistère de Florence
ou de la décoration sculptée de la basilique de Santa Casa à Lorette, 1520-1524.
Lorenzo Lotti dit Lorenzetto (1490-1541) conforte un classicisme sans surprise attaché à l'imitation des
antiques. Ainsi sa célèbre "plaque de bronze conçue pour orner l'autel de Santa Maria del Popolo à
Rome", vers 1520 semble la copie d'une frise antique. De même, son "Jonas" pour la même église, à la
même époque, a la pureté des traits et l'équilibre idéal des marbres grecs hellénistiques.
Michel-Ange, élevé chez un tailleur de pierre est placé en apprentissage à Florence chez le peintre
Domenico Ghirlandaio puis auprès du sculpteur Bertoldo (1440-1491), conservateur des collections grecoromaines des Médicis au jardin de San Marco. A 15 ans, le jeune Michelangelo y sculpte deux reliefs.
Dans "Le combat des Centaures et des Lapithes", marbre, 1490, 84,5 x 90,5 cm, Casa Buonarroti de
Florence, inspiré manifestement d'un sarcophage antique, Michel-Ange témoigne déjà de son goût pour
l'innachevé, la force et le mouvement. Avec "La Vierge à l'escalier", marbre, 1490, Casa Buonarroti, il
reprend le schiacciato réinventé par Donatello et donne à sa vierge un regard pathétique perdu hors de
l'oeuvre. De la même époque et peut-être même antérieur, date le "Crucifix de Santo Spirito", bois peint et
étoupe durcie au plâtre, 135 cm, Casa Buonarroti, récemment redécouvert. Introduit à l'Académie
platonicienne des Médicis, Michel-Ange parfait son éducation. Sentant la fin des Médicis, il anticipe leur
chute et se sauve à Bologne puis à Rome pour échapper à la répression. C'est là qu'en 1496, il sculpte son
"Bacchus ivre", marbre, 203 cm, Bargello et pour la première fois illustre sa caractéristique de la
confusion des sexes. Au Vatican, il sculpte l'année suivante la "Pietà", marbre, 174 cm, basilique SaintPierre, qui est la première sculpture de sa maturité. De retour à Florence, après la mort de Savonarole, il
sculpte dans un seul bloc son colossal "David" pour la place de la Seigneurerie, 4,10 m, aujourd'hui à la
Galleria dell'Accademia. En 1503, c'est la consécration: il est appelé à Rome pour sculpter le tombeau de
Jules II. Hélas, des altercations violentes avec Jules II, les rivalités entre Florence et Rome qui réclament
l'artiste, les fresques de la Sixtine, la mort de Jules II, etc. réduise le projet de départ (une immense
composition pyramidale ornée de 40 sculptures à l'intérieur de laquelle on circulait) à un tombeau mural
de 7 statues même pas toutes du maître en 1542. Parmi les sculptures prévues, le Moïse, les Esclaves
mourant et rebelle, Léa et Rachel. En 1502, il sculpte "La Vierge à l'Enfant" de Notre-Dame de Bruges.
De retour à Florence, grâce au pontificat de Léon X, fils de Laurent le Magnifique, Michel-Ange est
chargé de la réfection de San Lorenzo. Outre la façade, il conçoit une chapelle funéraire en face de
l'Ancienne Sacristie de Brunelleschi, la "Nouvelle Sacristie" à partir de 1520, à l'intérieure de laquelle il
sculpte les tombeaux de Julien et de Laurent de Médicis. En proie à une crise mystique importante et à
des conflits internes, Michel-Ange ne sculptera quasiment plus si ce n'est sa "Pietà avec Nicodème et
Joseph d'Arimathie", 1550-1556, 2,26 m, au Museo dell'Opera del Duomo de Florence et la "Pietà
Rondanini", marbre, 1552-1564, 195 cm, Castello sforzesco à Milan.
Chapitre 3 : La peinture.
Le sommet de la peinture classique à la Haute Renaissance est incontestablement Rome et plus
particulièrement les chantiers pontificaux. Ailleurs, les peintres restent au second plan en tentant de saisir
les apports nouveaux de la technique à l'huile et de ses effets stylistiques. Seule la République de Venise,
dans la lignée de Bellini, abrite des peintres exceptionnels capables de rivaliser avec les maîtres romains
(ou romanisés!).
131
A. Rome :
Leonardo da Vinci (1452-1519) doit son nom à la petite ville qui l'a vu naître (entre Florence et Empoli).
Fils illégitime de ser Pietro, notaire de son état, et d'une paysanne, Caterina, Léonard est d'abord laissé à sa
mère qui ne lui porte que peu d'intérêt. Son père et son épouse, donna Albiera, ne pouvant pas avoir
d'enfants, vont donc choisir de l'élever. Toutefois, son statut d'enfant né hors mariage le tiendra à l'écart
des milieux sociaux privilégiés et ne lui permettra pas une bonne formation. Placé en formation
adolescent dans l'atelier florentin d'Andrea Verrocchio, il apprend son métier de peintre en côtoyant
Botticelli, Ghirlandaio et Le Pérugin. En 1472, il s'inscrit à la Confrérie des peintres de Florence.
Décelant très tôt son talent, Andrea Verrocchio invite Léonard à collaborer à son Baptême du Christ, peint
en 1470-1475 et conservé aux Offices où il se charge de l'ange de la gauche du tableau. Son premier
grand panneau, "L'Annonciation", huile sur bois, 98 x 217 cm, 1472-1475, Offices, témoigne encore de
l'influence de Verrocchio dans la précision du dessin, dans les gestes et les visages expressifs ainsi que
dans l'aspect calculé, soumis à la raison des éléments. Sa première œuvre réalisée hors l'atelier de
Verrocchio: "L'adoration des Mages", 243 x 246 cm, 1481-1482, Offices annonce pour sa part le besoin
d'unité naturelle de l'œuvre. En effet, Vinci a pour obsession de réunifier tous les éléments d'un tableau
afin de conduire à une réalité de la vision: les hommes ne voient pas les détails de loin, l'horizon n'est
jamais une ligne nette, les axes de la perspective ne sont pas détectable au premier regard, etc. Vinci
s'efforce donc à son arrivée à Milan, en dehors des travaux militaires pour lequel Ludovic le More Sforza
le paie, de parvenir à cette synthèse. "La Vierge aux rochers", huile sur toile, 199 x 123 cm, 1483, Louvre
est la toute première de ses compositions caractéristiques: le trait et le détail sont subordonnés à la
lumière, ses effets et l'atmosphère qu'elle crée. Ses portraits des années 1490: "Dame à l'hermine", 54 x
39 cm, Musée Czartoryski de Varsovie mais plus encore le "Portrait d'un musicien", 43 x 31 cm et "Dame
à la résille de perles, 51 x 34 cm, tous deux à la Pinacoteca Ambrosiana de Milan témoignent de cette
consistance cuivrée un brin mystérieuse. Sa "Cène", 8,60 x 4,51 m, peinte à fresque en 1496-1498 pour le
monastère de Santa Maria delle Grazie à Milan procède du même effet, dans un intérieur cette fois, et
avec un équilibre et une réponse des gestes entre eux de haut niveau. Cette science de l'unité
atmosphérique va bientôt s'accompagner par la plus belle expression du Néoplatonicisme (l'image
extérieure doit révéler la beauté intérieure de l'âme et de l'esprit des êtres) comme dans le "Portrait de
Mona Lisa", 77 x 53 cm, Louvre. Ensuite, c'est l'utilisation systématique du sfumato (enfumé) qui vise à
fondre les choses entre elles et dans l'espace par le flou qui va achever de rendre incomparable l'œuvre de
Vinci comme dans "La Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne", huile sur bois, 1508-1510, Louvre et encore
plus dans "Saint Jean Baptiste", 69 x 57 cm, 1513-1516, Louvre.
Rafaele Santi (1483-1520) dit Raphaël naît à Urbino en Ombrie dans une famille d'artistes (son père
Giovanni est peintre). Il apprend donc les rudiments de la peinture dès son plus jeune âge et, un peu avant
la mort de son père (1494), il étudie déjà chez Le Pérugin (il a alors 7 ans !). Grandissant dans le milieu
raffiné des Montefeldre, Raphaël étudie ses illustres prédécesseurs et leurs traités (Alberti, della
Francesca...) mais retient surtout la grâce et la douceur des attitudes et des tonalités de son maître. Admiré
par toute l'Ombrie, il est déjà magister (chef d'atelier) en 1500 (il a 17 ans)! Après avoir travailler à
Sienne avec Le Pinturicchio aux fresques de la bibliothèque Piccolomini en 1502-1503, il peint son
"Mariage de la Vierge", 1504, Pinacoteca Brera, Milan, qui vient clore sa période d'apprentissage et qui
montre déjà une très grande souplesse et une très grande grâce dans des compositions des plus rigoureuses
pourtant. Malgré la parenté inévitable avec l'œuvre du Pérugin, l'élève a dépassé le maître et est près pour
voler de ses propres ailes. Il part quatre ans pour Florence en 1504 où il s'intéresse à l'art de Masaccio et
de Vinci. Ce dernier va influencer Raphaël à deux points de vue. Il affine et sensibilise sa conception de
la perspective toujours basée l'art de della Francesca ("Saint Georges et le dragon, huile sur panneau,
1505, Louvre) et apprend à donner une vie intérieure à ses personnages ("Portrait d'Agnolo Doni", huile
sur panneau, 1506, Palazzo Pitti, Florence). Mais l'observation de Vinci et de ses Vierges à l'Enfant va
l'amener aussi à répondre à de nombreuses commandes privées de madones, sujet dans lequel il se
132
spécialise. Il en peindra plus de 40! ("La Vierge au chardonneret", huile, 107 x 77, 1507, Offices ; "La
Belle Jardinière", huile sur bois, 1507-1508, Louvre ; "Sainte famille avec sainte Elisabeth et saint
Jean", huile sur panneau, 132 x 98 cm, 1506, Alte Pinakothek de Munich).
En 1508, sa réputation lui vaut d'être invité par Jules II à Rome. Il est chargé de décorer à fresque 3 pièces
des appartements papaux. Chacune illustre un niveau de l'unité entre les doctrines chrétienne et
platonicienne: le Vrai, le Beau et le Bien. A l'intérieur de chacune d'entre elles, quatre lunettes d'arc sont
peintes.
- Chambre de la Signature (1508-11):
. Dispute du Saint-Sacrement (triomphe de la religion et affirmation du dogme).
. Ecole d'Athènes (arts libéraux et philosophie).
. Le Parnasse (la poésie).
. Le Droit.
- Chambre d'Héliodore (1511-1514):
. Messe de Bolsène (rappelle les miracles du XIIIe s.).
. Héliodore chassé du temple (triomphe de Jules II sur les Vénitiens).
. Libération de saint Pierre (Jules II faillit être prisonnier à Bologne).
. Rencontre de Léon I et Attila (arrêt des invasions étrangères grâce à Jules II).
- Chambre de l'Incendie (1514-1517):
(exécutée essentiellement par Giulio Romano et Giovanni Penni)
. L'incendie du Borgo (quartier de Rome sauvé par un signe de croix de Léon IX).
. La bataille d'Ostie.
. Le couronnement de Charlemagne.
. Le sermon de Léon III.
A Rome, à la fin de sa vie, Raphaël acquiert une maîtrise technique incomparable et passe
progressivement de la douceur et la plénitude au drame et à l'inquiètude avec "La Transfiguration", huile
sur panneau, 1518-1520, pinacothèque du Vatican.
Michel-Ange arrive à la peinture par hasard car lui-même place la sculpture par-dessus tous les arts.
D'ailleurs, sa peinture n'est en quelques sortes que la traduction picturale de sa pensée sculpturale. Pour
lui, c'est le dessin qui doit tout soutenir et il n'y a pas de place dans son art pour le paysage, la perspective
et le détail. Seul le corps humain compte. Une de ses premières œuvres, le "Tondo Doni", peinture sur
bois, 120 cm, 1504-1506, Offices, révèle cette plastique puissante et outrancière. Alors qu'il vient de
commencer ses sculptures pour le Tombeau de Jules II, le pontife lui commande aussi "la peinture de la
voûte (40 x 13 m) de la chapelle vaticane de Sixte IV, la Sixtine".
Restaurées à partir de 1980 jusqu'au milieu des années 1990 grâce au mécénat de la chaine télévisuelle
japonaise Nippon Television Network Corporation (4.175.000 de dollars = environ 150.000.000 BEF) et
du baron THYSSEN (280.000 dollars = un peu plus de 8.000.000 BEF) pour le matériel informatique, le
plafond a retrouvé aujourd'hui ses teintes violentes et tranchées (que l'on retrouvait déjà dans le Tondo
Doni d'ailleurs).
133
Par ailleurs, il semble, selon Federico ZERI, le plus grand historien de l'art renaissant, que la plupart des
œuvres commandées par Jules II a été composée iconologiquement par le bras droit du pape, le père
augustinien, Fra Egidio da Viterbo, du couvent de Santa Maria del Popolo.
Toujours au Vatican, Clément VII demande à Michel Ange de peindre "le Jugement dernier" (17 x 13 m)
dans la Sixtine en 1536. En quatre ans, Michel Ange compose une œuvre inquiétante et angoissante
emportée dans un mouvement tourbillonnant.
Enfin, entre 1542 et 1746, Paul III commande à Michel-Ange deux fresques pour la Chapelle pauline, "La
chute de saint Paul", 6,25 x 6,61 m et "La crucifixion de saint Pierre", 6,25 x 6, 62 m.
B. Venise :
Dès la fin du Quattrocento, les artistes vénitiens, suivant l'exemple de Giovanni Bellini, s'éloignent
définitivement du rationalisme florentin (Pierro della Francesca par exemple). Grâce à l'apport de la
peinture à l'huile, ils apprennent à peindre directement avec les couleurs sur la toile sans le support d'un
dessin, à utiliser la lumière pour fondre dans une même atmosphère formes, volumes et espace. Cette
prédominance nouvelle accordée aux capacités expressives de la couleur et de la lumière donne son nom
au luminisme vénitien.
Giorgio Barbarelli dit Giorgione (1477-1510), natif de Castelfranco, entre Vicence et Trévise, est un
homme raffiné appréciant et apprécié des milieux humanistes vénitiens. Formé par Giovanni Bellini,
Giorgione conserve de son maître dans "La vieille", huile sur toile, 1502-1503, Galleria dell'Accademia
de Venise, la riche palette, le cadrage, l'éclairage velouté et le fond sombre utilisés par Bellini dans son
"Portrait du doge Leonardo Loredano", huile sur bois, 1501, National Gallery. Il y ajoute toutefois, sous
l'influence des peintres bourguigno-flamands, un réalisme humain et détaillé ainsi que, sous l'influence de
Vinci cette fois, les contours estompés. Giorgione dépasse même Léonard de Vinci dans cette utilisation
du contour flou, transformant ainsi radicalement la relation du paysage et des figures qui y prennent place.
Ainsi, dans "Les trois philosophes", huile sur toile, 1504-1505, Kunsthistorisches Museum de Vienne et
dans "La tempête", huile sur toile, 1502-1503, Galleria dell'Accademia, Giorgione accorde autant si pas
plus d'intérêt au paysage, qui finit par devenir le véritable sujet de la peinture. D'ailleurs, la signification
de ces toiles reste toujours inconnue. A 33 ans, Giorgione décède lors de l'épidémie de peste de 1510. Il
laisse deux tableaux inachevés: " Vénus endormie", huile sur toile, 1509-1510, Gemäldegalerie de Dresde
et "Le concert champêtre", huile sur toile, 1510, Louvre, qui seront terminés par Le Titien. Nous y
retrouvons la poésie de l'atmosphère et la virtuosité chromatique chère à Giorgione.
Tiziano Vecellio (1485-1576) dit Le Titien va donc poursuivre le travail luministe de Giorgione. Cela est
particulièrement visible dans "L' Amour sacré et l'Amour profane", huile sur toile, 1515, Galleria
Borghese à Rome. Puis, Titien part à la découverte de sa propre personnalité, moins mystérieuse et calme
que Giorgione, mais au contraire plus exubérante, dynamique et vibrante ("La Bacchanale", huile sur
toile, 1518-1519, Prado). Avec "L'Assomption", 1516-1518, huile sur toile, église Santa maria Gloriosa
dei Frari à Venise, Titien gagne en densité des masses et en densité dramatique en supprimant les
contours estompés et en réintoduisant le graphisme, conciliant ainsi le langage graphique romain (Michel
Ange) et le chromatisme vénitien.
Cette expérience, qu'il conduit de 1520 à 1540 (il est alors peintre officiel de la République Sérénissime),
le mène à un classicisme nouveau lui assurant un rayonnement européen. Cette union classicique se
reflète dans "La Vénus d'Urbino", huile sur toile, 1538, Offices, tandis que la consécration internationale
du maître se traduit dans son "Portrait de Charles Quint", huile sur toile, 1532-1533, Prado et le "Portrait
de Paul III avec ses neveux", huile sur toile, 1546, Musée Cappodimonte de Naples. Avec "Vénus et
Cupidon avec un organiste", huile sur toile, 1547, Prado, Le Titien montre qu'il n'est pas hermétique au
Maniérisme dans le souci du détail précieux, les positions tordues, la composition asymétrique et le canon
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féminin. Puis avec "Le Paradis ou la Gloire", huile sur toile, 1551-1554, Prado, l'artiste réalise une
synthèse de son évolution en amalgamant luminisme vénitien, plasticité romaine et agitation maniériste.
De retour à Venise dans les années 1550, Le Titien revient à la source de son art: la capacité de la couleur
par rapport au dessin. Ainsi, dans "Danaé", huile sur toile, 1553-1554, Kunsthistorisches Museum de
Vienne, la couleur, brossée rapidement, absorbe tous les autres éléments et le jeu du clair-obscur apparaît.
La tension et la dramatique amenées par ce contraste ombre-lumière prennent toute leur force dans les
dernières années du peintre, marquées par la douleur. Il peint ainsi une œuvre toute d'ombre et de lumière
vibrante pour sa propre chapelle funéraire, la "Pietà", huile sur toile, vers 1770-1776, Galleria
dell'Accademia.
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Partie VI : Le Maniérisme (1527-1614)
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Introduction:
Le Maniérisme est un terme inventé à la fin du XVIIIe siècle pour désigner l'ensemble des arts qui en
Italie fait suite à la grande période classique de la Haute Renaissance.
En effet, la douce harmonie de la Haute Renaissance (Raphaël, Vinci, Giorgione) a été de courte durée, et
dès la fin du premier quart du XVIe s., les sources d'interrogations, de doutes et d'angoisse sont bien trop
nombreuses pour que continue à régner dans les esprit le beau rêve humaniste d'un monde paisible, serein
et réconcilié (dans la lignée du néo-platonicisme). Les artistes ne peuvent rester insensibles au
changement de climat social (guerres hispano-franco-italiennes) et religieux (corruption de l'Eglise dès
Clément VII et réforme luthérienne).
Parti de Toscane, le Maniérisme s'épanouit rapidement à travers l'Italie dès 1520 puis redouble encore de
vigueur à partir de la Contre-Réforme catholique vers 1550-1560.
Art de fantaisie et d'excès dans lequel les artistes jouent avec une franchise arrogante sur des
représentations délibérément inexactes des corps humains, sur les accords stridents d'une couleur libérée
(dans la lignée de Michel-Ange) et sur les effets dynamiques d'une composition chaotique. Déformation,
démesure, déséquilibre où tout est fait pour créer la surprise et où seuls importent l'expression intense et
l'effet appuyé. Chacun creuse son propre sillon en affirmant sa subjectivité. Chacun doit montrer son art,
sa manière, laisser libre cours à son inspiration intime et personnelle sans chercher la ressemblance, les
règles et l'harmonie. On aime les thèmes et les atmosphères précieux, sensuels, étranges, macabres,
érotiques, féériques, violents. On représente un monde fictif, théâtral, imaginaire, mythologique,
intellectuel et anti-naturel.
A. La peinture.
A.1. La Toscane:
Importance à Florence de l'atelier de Andrea del Sarto (1486-1530), qui assure la transition entre l'esprit
classique de la Haute-Renaissance et le nouveau style et où vont être formés les grands maniéristes
florentins. Del Sarto propose dans une sorte de passivité rêveuse et mélancolique, une version intimiste
plus sensible de l'art classique florentin. Il reprend la vision grandiose de Michel-Ange, le fondu de Vinci
et la clarté lumineuse de la période florentine de Raphaël. Grâce à cette luminosité et à l'utilisation du
sfumato, il exacerbe une sensibilité et une élégance affectée qui annonce le Maniérisme. Ainsi en est-il de
sa "Madonne au sac" peinte à fresque pour l'entrée de l'église de l'Annunziata à Florence, entre 1509 et
1514. Dans le "Sacrifice d'Isaac", 98 x 69 cm, v. 1529, Prado, le mouvement des figures et l'apparent
déséquilibre relèvent d'une esthétique maniériste. Avec sa "Vierge à l'Enfant avec un saint et un ange", v.
1522, 177 x 135 cm, Prado, il peint un moment précis, capté par surprise. Dans son "Portrait de jeune
femme", 73 x 56 cm, v. 1525, Prado, del Sarto reprend l'élégance paisible de Raphaël et le fondu délicat de
Vinci, mais transforme son modèle en allongeant ses traits.
136
Le premier élève de del Sarto, le siennois Domenico Mecherino dit Beccafumi (1486-1551), va dans un
premier temps travailler sur les couleurs et la lumière. Ses couleurs flamboient et sont incandescentes
sans soucis d'harmonie d'ensemble tandis qu'un luminisme étrange confère à ses figures précieuses un
aspect irréel et onirique. Cette tendance à l'irréalisme s'accentue encore lors de son voyage à Rome où
Beccafumi reprend à Michel-Ange le déséquilibre tourmenté et dynamique des figures. Les corps s'étirent
et se disproportionnent, les positions deviennent invraisemblables et contorsionnées tandis que des accents
lumineux irréalistes parsèment la composition. Il en ressort un monde inquiet et fantasmagorique ("Moïse
brisant les tables de la Loi", huile sur toile, 197 x 139 cm, 1538-1539, Dôme de Pise).
Un autre élève de del Sarto, Jacopo Carucci dit Le Pontormo (1494-1556) réagit lui-aussi à l'art serein
de la Haute Renaissance. Fasciné par les dessins de Michel-Ange, il trouve dans la puissance du contour
un moyen d'expression à part entière et cherche à insuffler un mouvement aux lignes tracées avec
précision autour de ses formes. Quant à ses couleurs, bien qu'irréelles, elles sont aussi pâles que celles de
Beccafumi étaient intenses. Dans "Vertumne et Pomone" , fresque de la Villa de Poggio à Caiano
(Florence), v. 1521., nous retrouvons les positions tordues en équilibre instable ainsi qu'une ligne
marquée dessinant les contours et des plis irréalistes sans souci de vraisemblance. Puis, grâce aux
encouragements de Michel-Ange, il peint en 1526 pour l'église Santa Felicità de Florence, la "Déposition
de Croix". Sa composition sinueuse et artificiellement étagée sans fond accentue le pathétisme. La netteté
sculpturale des corps tordus et difformes confère une théâtralité douloureuse et tragique à la scène de
déposition, que des accents lumineux et des colorations irréelles transforment en véritable ascension.
Dans ses portraits, Pontormo fait œuvre de géométrie, affirme les contours linéaires et anguleux et
recherche une pureté abstraite grâce au clair-obscur ("Portrait de Maria Salviati", 87 x 71 cm, av. 1543,
Offices).
Après avoir traversé plusieurs ateliers florentins sans conviction, Giovanni Battista di Jacopo di
Gasparre dit Le Rosso (1494-1540) ou Le Rosso Fiorentino se fixe dans celui de del Sarto, où il devient
le condisciple de Pontormo. Aimant les couleurs incandescentes (d'où son surnom) étendue en larges
plages sans nuances et le dessin fragmenté et géométrique, il accumule les corps, les tord, les enchevêtre
avec excès dans "Moïse défendant les filles de Jethro", huile sur toile, 160 x 117 cm, 1523-1529, Offices.
A partir de 1530, Rosso travaille exclusivement en France où il décore de scènes mythologiques à fresque
et de stucs la Galerie François Ier à Fontainebleau (1534-1540). Francesco Primaticcio (1504-1570) dit
le Primatice le seconde dans sa tâche puis lui succède pour les décors de la Chambre de la duchesse
d'Etampes (1541-1544). Niccolo dell' Abbate (1506-1566/71) clôt la trilogie maniériste italienne de
Fontainebleau avec le décor de la salle de bal du château (v. 1550).
Dell'Abbate est par ailleurs aussi le décorateur à fresque du Palazzo Poggi à Bologne, v. 1550 et de la
Galerie de la victoire de César sur Pompée au château d'Ancy-le-Franc.
Agnolo de Cosimo de Meriano dit Bronzino (1503-1572), élève du Pontormo, instaure l'art intellectuel
et sophistiqué d'un Maniérisme officiel, devenu art de cours et d'académies. On rejette le drame et le
tourment au profit d'une perfection froide et d'une impassibilité des visages dans l'art du portrait
("Lucrezia Panciatichi", 140 x 85 cm, v. 1540, Offices ; "Laura Battiferri", Palazzo Vecchio, Florence).
Dans "Vénus et Cupidon entre le Temps et la Folie", 1540-1545, National Gallery, Bronzino choisit le
contraire de la logique, du réalisme, de l'équilibre au profit d'une juxtaposition sans fond, sans transition,
sans communication ni unité, de personnages déformés ou de parties de personnages. Art singulier, d'une
lecture malaisée et à la symbolique mystérieuse.
Giorgio Vasari (1511-1574) est à l'humanisme du XVIe siècle ce que Leone Battista Alberti était à celui
du Quattrocento; à savoir, le plus grand théoricien et le premier historien de l'art. Il publie en 1550 "Les
Vies des plus Excellents Architectes, Peintres et Sculpteurs italiens". Architecte, Vasari est aussi peintre
137
et décorateur. A Florence, il remanie l'intérieur du Palazzo Vecchio. Au premier étage, il couvre en un
temps record de quatre mois, le plafond et les murs du Salon des Cinq Sens, au premier étage du bâtiment.
En 1550, il se charge des fresques de la Salle des Eléments représentant des allégories savantes et élitistes.
Entre 1570 et 1573, il décore la salle dite Lo Studiolo pour le duc Francesco primo de Médicis. On retient
de son œuvre au Palazzo Vecchio l'image d'un art savant et alambiqué, fade, trop souvent surchargé de
références, d'allusions et de citations...
A.2. Rome:
Rome réunit à partir de 1550 toute une série d'artistes dont le plus important est un fils de la ville, Giulio
Pippi dit Giulio Romano (1499-1546). Clément VII lui confie la décoration en 1520-1524 de la
"Chambre de Constantin au Vatican". Sur un des murs, il peint la "Bataille du Ponte Milvio" lors de
laquelle l'empereur Constantin bat Maxence. C'est le prototype maniériste de la bataille où tout est confus
et agité.
En 1524, les écrivains L'Arétin (1492-1556) et Baldassare Castiglione (1478-1529) conseille à Romano
d'aller à Mantoue. Là, il édifie et décore autour de 1534 le Palais du Te. Le nombre impressionnant de
fresques qu'il y réalise est inspiré par la mythologie antique (Salle de Psyché et Cupidon, Salle des
Géants).
Disciple de Raphaël, Giovanni Antonio Bazzi dit il Sodoma (1477-1549) doit son surnom à sa vie de
débauche et à ses nus érotiques. Il peint les fresques la Chambre des amours d'Alexandre et Roxanne
dans la Villa Farnésine à Rome.
Francesco de Rossi dit Cecchino Salviati (1510-1563) travaille à Rome dès 1537 dans le goût, typique
du style, du fantastique ("Vie de Paul III", Salle des Fastes du Palais Farnèse à Rome).
A la fin du siècle,
Ludovico (1555-1619), Agostino (1557-1602) et Annibale (1560-1609) Carracci dit les frères
Carrache représentent l'aboutissement mais aussi l'extinction du Maniérisme. En effet, ils réagissent
vivement contre les exagérations "boursouflées" de leurs collègues en retournant vers la composition,
l'équilibre et l'unité. Pour transmettre leurs valeurs artistiques, il fonde à Bologne "l'Académie des
Acheminés". Leur œuvre la plus célèbre reste la décoration de la Grande Galerie du Palais Farnèse à
Rome vers 1595.
 Avec les Carrache, à la fin du XVIe s., les bases et les principes de la peinture de style Classique
qui va s'épanouir au XVIIe siècle sont jetés.
A.3. L'Emilie:
Antonio Allegri dit il Correggio ("Le Corrège") (1489-1534) doit son surnom à la petite ville d'Emilie où
il est naît, Correggio. Marqué d'abord par Mantegna, il subit ensuite l'influence de Vinci (fondu et ombres
cuivrées), puis, après un voyage à Rome, de Raphaël (douceur des coloris) et Michel-Ange (amour du
corps humain nu). Toutefois, Corrège se tiendra volontairement toujours à l'écart des grands centres
artistiques et de la vie culturelle italienne. Son style est unique: figures d'une aisance aérienne à la
sensualité douce, impression de grâce heureuse et d'émotion bien différente des préoccupations
intellectualisantes de l'époque. Corrège ne veut pas "peindre à la manière de" mais cherche - comme ses
contemporains d'ailleurs - à construire son propre style. Chez lui toutefois, il est fait de sensibilité et de
douceur, plutôt que de violence et d'agitation. De même, il refuse les exagérations et les excès au profit de
l'équilibre et de la retenue d'un monde serein. "Vision de saint Jean à Patmos", fresque de la voûte de la
138
coupole de l'église San Giovanni Evangelista (1520-1523), Parme ; "Léda", "Danaé", "Io et Ganymède"
1531, Staatliche Museum de Berlin, Galleria Borghese à Rome, Kunsthistorisches Museum de Vienne.
Francesco Mazzola (1503-1540) dit Le Parmesan devient le disciple du Corrège. Toutefois, son œuvre
se différencie de celle de son maître par les concessions qu'il fait au style maniériste, dans les
disproportions des corps par exemple ou le clair-obscur plus appuyé: "Madone au long cou", huile, 220 x
132 cm, 1534, Offices. ; "Cupidon fabriquant son arc", huile, 135 x 65 cm, 1531-1534, Kunsthistorisches
Museum de Vienne.
A.4. Venise:
Paolo Caliari (1528-1588) dit il Veronese ("Véronèse") est formé par un peintre local dans sa ville de
Vérone puis est vivement frappé par les œuvres de Giulio Romano au Palais du Te à Mantoue dont il
gardera le goût décoratif. Familiarisé avec l'œuvre de Titien, il en apprécie la chaleur de la lumière
ambrée. Enfin, à Venise, il découvre le goût pour le faste et le luminisme ainsi que la poésie de
Giorgione. Ses "Noces de Cana", huile, 666 x 990 cm, 1562-1563, Louvre, témoignent d'un univers
féérique et mondain à l'intérieur duquel une masse compacte de figurants (typique du Maniérisme) est, et
c'est une innovation de Véronèse, organisée grâce à la composition structurée sous un éclairage diffus et
lumineux. Dans "Moïse sauvé des eaux", huile, 50 x 43 cm, 1580, et "Vénus et Adonis", 212 x 190 cm,
1580, Prado, la lumière cuivrée reprise à Giorgione est décomposée par Véronèse en une myriade de
points lumineux qui marquera tout l'art de l'artiste.
Véronèse peint à fresque les décors de la Villa Barbaro à Trévise: Salon de Bacchus, Salon du Tribunal
de l'Amour, Salon de l'Olympe, Vestibule...
Jacopo Robusti dit il Tintoretto ("le petit teinturier") ou le Tintoret naît et meurt à Venise (1518-1594).
Adhérant dès le début au principe vénitien de la domination de la composition par la couleur, il se montre
néanmoins réservé quant à une certaine recherche de pureté et d'un idéal de beauté comme dans certaines
œuvres de Giorgione ou Le Titien ("La Femme qui montre son sein", huile, 61 x 55 cm, 1545-1550,
Prado). Tintoret préfère la simplicité, la recherche d'un sentiment plus ordinaire et spontané. Cette
capacité à produire des images simples et d'une vibrante émotion lui vaut l'intérêt des nombreuses
confréries religieuses de Venise qui lui passent commande. Dans "Le lavement des pieds", huile, 210 x
533 cm, 1547, Prado, Tintoret crée à la fois une succession de petites scènes simples en même temps
qu'une théâtralité ample. Sensible à l'art des autres régions italiennes, il reçoit le Maniérisme avec
complaisance, notamment les personnages tortueux, à la position déséquilibrée, situés dans des paysages
sans cohésion avec eux, éclairés par un violent éclairage. Il y ajoute dès 1550 des atmosphères
ténébreuses à forts contrastes ("Suzanne et les vieillards", huile, 193 x 243, 1555-1560, Kunsthistorisches
Museum ; "Suzanne au bain", huile, 167 x 238 cm, 1550, Louvre). Conservant cette dernière
caractéristique, il la mêle à l'ampleur théâtrale dont il est capable en dramatisant de plus en plus ces scènes
par le clair-obscur et la composition diagonale ("Enlèvement du corps de saint Marc", 398 x 315 cm,
1562-1566, Galleria dell'Accademia à Venise ; "La Cène", huile sur toile, 365 x 568 cm, 1592-1594,
église San Giorgio Maggiore de Venise). Au Palais des Doges, Tintoret peint les gigantesques toiles des
salles de l'Anti-Collège, du Collège, du Grand Conseil et du Sénat.
Jacopo Bassano (1515-1592) réhabilite à Venise, dans la suite du Tintoret, les tons plus froids arrangés
dans des harmonies sombres et accentue le jeu de la lumière en "peignant l'obscurité". Bassano est aussi
rude et naturel que Véronèse semble frivole et mondain ("L'Adoration des bergers", huile, 128 x 104 cm,
Prado).
Tintoret et Bassano annoncent par leurs choix picturaux la peinture baroque du XVIIe siècle.
139
B. La sculpture :
Jacopo Tatti (1486-1570) doit à son maître, Andrea Sansovino, son nom, Jacopo Sansovino. Vers 1530,
il s'installe à Venise, alors en mauvais état. Il consolide bon nombre de bâtiments puis reprend son métier
de sculpteur. Ses premières œuvres ne se distinguent pas des productions de la Haute Renaissance (à
l'exception de Michel-Ange) et consistent en des copies ou des réinterprétations de sculptures antiques
("Bacchus", 1511-1514, Bargello de Florence). Par la suite, il adopte un style nerveux en compliquant les
volumes avec une nuée de détails et d'effets de surface (plis, sillons, bosses et creux). C'est ainsi la
version maniériste de la sculpture qu'il donne dans les bas-reliefs composés pour la Basilique Saint-Marc
en 1543.
Bartolomeo Ammannati (1511-1592), sculpteur et architecte, se borne dans ses œuvres, à la reprise de la
force et du mouvement de Michel-Ange. Dans sa "Fontaine de Neptune", marbre et bronze, 1564-1571,
place de la Seigneurie à Florence, l'alternance des matières indique la tournure décorative que prend la
sculpture. De même, son Neptune, bien que musclé est mou. Quant à ses figures de bronze, elles sont
contorsionnées et semblent glisser vers l'intérieur du bassin. Destiné à rivaliser avec le David de MichelAnge sur la place, le Neptune par sa pesanteur ne suscite aucun sentiment colossal. Cela vaudra à l'artiste
de disparaître progressivement de la scène culturelle et de se contenter de sculptures de jardins tels son
"Apennin" de 1565 pour l'isola du parc de la Villa Castello à Careggi (Florence).
Benvenuto Cellini (1500-1571) est un orfèvre mondain se partageant entre Florence, Bologne et Rome.
Virtuose de son art, il laisse "La salière de François Ier", 1540, 26 x 33 cm, or, argent, pierre précieuse et
émail, Kunsthistorisches Museum de Vienne, représentant face à face la Terre et l'Océan dans une position
déséquilibrée et avec un canon et une mollesse typiquement maniéristes. Nous retrouvons son goût pour
l'ornement et le détail dans son "Buste de Cosme Ier de Médicis", 1548, Bargello. Le duc présente ici le
même visage aux yeux grands ouverts et fixes que dans les portraits de Pontormo ou Bronzino. Toujours
décorative, anecdotique et à la déformation corporelle typique est aussi sa "Nymphe de Fontainebleau",
bronze, vers 1540, Louvre. Il conserve son amour du détail décoratif dans son "Persée", 3,20 m, 15451554, Loggia dei Lazzi de Florence, dans lequel on retrouve le traitement maniériste du corps. Puis
progressivement, Cellini s'oriente vers un style plus dépouillé ("Narcisse", marbre, 1548-65, Bargello ;
"Christ en Croix", marbre, 1555-1562, Monastère de l'Escurial) qui reste proche des canons et des
positions des figures maniéristes mais qui s'enrichit d'une nouvelle émotion.
Giambologna (1529-1608) ou Jean de Bologne, est un français de Douai, ayant été formé chez notre
compatriote Jacques Du Broeucq (1505-1584) à Anvers. Installé à Rome en 1550 afin d'étudier les
vestiges antiques, il est invité à travailler à la cour de Francesco primo de Médicis.
Concurrent
d'Ammannati pour le Neptune de la place de la Seigneurie, il échoue pour mieux triompher à Bologne où
sa "Fontaine de Neptune", bronze, 3,35 m, 1563-1567, place de Neptune, tout en adoptant le canon
maniériste, révèle une grande force et une haute tension. Cette puissance et ce mouvement vont être les
principales caractéristiques de Jean de Bologne. Son "Mercure volant", bronze, 177 cm, 1564-1565,
Bargello, est une prouesse d'équilibre et de mouvement, de même que son "Enlèvement des Sabines",
Marbre, 3,97 m, 1583, Loggia dei Lazzi de Florence, qui mêle effet théâtral et composition
tourbillonnante annonçant le Baroque. Avec "La Vertu triomphant du Vice", marbre, 2,85 cm, 1567,
Bargello, nous retrouvons la composition vrillée ainsi qu'un fort rappel de l'Antiquité. Enfin, la passion de
Bologne pour les fontaines le conduira à sculpter une de ses œuvres les plus étanges, son "Apennin",
jardin de la villa de Francesco primo de Médicis à Pratolino (Florence). Dans la grotte du jardin de la
villa Castello à Carreggi, il sculpte également tout un bestiaire naturel et mythologique en 1565-1569.
La fin du XVIe siècle va voir se confirmer la tendance de la sculpture virtuose aux effets appuyés, alliant
le mouvement emprunté à Michel-Ange à une fantaisie décorative visant le maximum d'expression. Le
Lombard Leone Leoni (1509-1590) développe des qualités de ciseleurs qui en font le responsable des
140
monnaies pontificale et du Saint Empire romain germanique. Favorable à la domination de Charles Quint,
Leoni le représente dans un imposant groupe de bronze: "Charles Quint écrasant la Fureur", 1549-1555,
Prado, où il assimile l'empereur à un héros antique nu à la musculature fortement appuyée. Pour "le
tombeau de Giovanni Jacopo de Médicis dans la Cathédrale de Milan", il sculpte en 1560-1563 des
figures ornementales en marbre solidement arc-boutées, un brin fantaisistes et grotesques mais à la même
musculature appuyée.
Alessandro Vittoria (1525-1608) s'impose à Venise comme le successeur de Jacopo Sansovino. Son
"Saint Jérôme", marbre, 190 cm, 1565, Santa Maria Gloriosa dei Frari de Venise, frappe par la variété
des effets qu'il combine: athlétisme, passion, vigueur. Toutefois, Vittoria se fera connaître pour ses décors
en stuc (Voûte de l'escalier d'or - conçu par J. Sansovino - du Palais des Doges, 1554-1558 ; voûte du
grand escalier de la Bibliothèque San Marco (avec Battista del Moro)) ainsi que pour ses portraits de
riches vénitiens ("Mercantonio Grimani", marbre, 1564, église San Sebastiano de Venise) très en vogue à
l'époque.
C. L’architecture :
L'architecture maniériste prolonge les originalités de Raphaël et de Michel-Ange: le goût pour le
paradoxe, le contresens, l'effet de surprise et l'infidélité aux normes classiques.
Annibale Lippi et la "Villa Médicis" (1544) à Rome ainsi que Pirro Ligorio et son "Casino de Pie IV" au
Vatican (1560) conçoivent des architectures subordonnées à l'accumulation de décors: des reliefs antiques
pour la Villa Médicis et des stucs de Rocco da Montefiscone pour la Casina Pia. Ici, l'Antiquité a disparu
tant des proportions que dans le respect des ornements. Leurs architectures préfigurent celle des
nymphées, des grottes et des fontaines de jardins.
De même, Giacomo della Porta (1540-1602), utilise l'éclatement du volume et les multiples ouvertures
que la Villa Médicis dans sa "Villa Aldobrandini" à Frascati (Latium), 1598-1602 tandis que son "teatro
delle acque" reprend l'accumulation de décors et la composition en courbe inventée par Raphaël à la Villa
Madama.
Giacomo Barozzi (1507-1573) dit Giacomo Vignole reprend ces caractéristiques pour le "nymphée de la
Villa Giulia" (1553) construite à Rome pour Jules III, ainsi que pour sa "loggia", elle aussi incrustée de
vestiges de reliefs antiques. Dans sa façade par contre, Vignole conserve l'esprit des architectes de la
Haute-Renaissance (volume compact et équilibré, symétrisme, rythme régulier des ouvertures, sobriété du
décor). Seule l'ouverture en double arc de triomphe et l'utilisation de supports rustiques témoignent d'une
originalité nouvelle par rapport au début du siècle.
Pour "l'Eglise du Gesù", 1568-1575, Rome, Vignole témoigne de sa passion pour les maîtres du passé en
s'inspirant d'Alberti pour sa façade qui deviendra le prototype de la façade Baroque créée dans l'esprit de
la Contre-Réforme (jésuite notamment) du Concile de Trente: désir de monumentalité grandiose. Vignole
est l'auteur de plusieurs traités visant à définir des principes clairs et académiques dérivés de Bramante et
de l'Antiquité.
Giulio Romano, conçoit le "Palais du Te à Mantoue" en 1525-1534 pour Federico Gonzaga comme un
quadrilataire récapitulant les éléments classiques hérités d'Alberti mais poussés à un haut degré de tension
par le rythme irrégulier des colonnes et des baies et par le contraste entre les éléments bruts et façonnés.
Dans la "Maison de l'artiste", 1554, Rome, on est frappé par le renoncement aux ordres antiques et la
liberté prise par rapport aux proportions classiques.
141
Cosme Ier de Médicis charge Bartolomeo Ammannati de reconstruire la "façade côté jardin de Boboli
du Palais Pitti à Florence en 1558-1570". Le sculpteur reprend l'aspect sévère et régulier de la façade
avant, plus ancienne, pour animer la cour et les ailes arrières par l'utilisation de l'ordre rustique (à fort
bossage), inventé à cette époque, pour marquer le rythme des travées d'ouverture. Il ferme cette cour par
une fontaine. On retrouve dans l'architecture d'Ammannati la lourdeur qui caractérise aussi sa sculpture.
Le peintre et théoricien Giorgio Vasari, crée quant à lui, à la demande de Cosme Ier, "la Cour et la
Loggia sur l'Arno des Offices", entre le Palazzo Vecchio et la Loggia dei Lanzi, à Florence entre 1560 et
1574. Etrangement, peut-être par souci d'intégration ou de restauration des valeurs anciennes, Vasari
reprend systématiquement la sobriété et la clarté classique de Bramante dans ce bâtiment, mais plus
encore peut-être, l'exemple de Michel-Ange de la Bibliothèque Laurentienne.
A Venise, le sculpteur Jacopo Sansovino, introduit pour la première fois le style romain dans la cité, plus
habituée jusque là à un style éclectique, reflet de son indépendance et de son cosmopolitisme. A l'instar
du forum antique, il conçoit en 1526-1544 la "Biblioteca Marciana" ou "Bibliothèque de la Place SaintMarc" selon une scénographie précise: il dégage le campanile qui devient la charnière entre la place
proprement dite et la "Piazzetta", située face au Palais des Doges au bord de la lagune, dont l'entrée se fait
entre les deux colonnes du quai. Sa bibliothèque est un chef d'œuvre de rythme et d'harmonie élégamment
ornée. Avec le "Palazzo Corner della Ca' Grande", Sansovino crée à partir de 1537 le modèle des
demeures urbaines des grandes familles vénitiennes jusqu'au XVIIIe siècle.
Andrea di Pietro dit Palladio (1508-1580), padouan formé à la sculpture, voyage à Rome grâce à sa
rencontre avec l'humaniste Giangiorgio Trissino. Eblouit par l'Antiquité, il en tirera un traité en 1570:
"Les quatre livres de l'architecture" dans lequel il recommande de se fonder à tous points de vue sur une
réinterprétation conforme des mesures antiques. Passionné par les écrits antiques de Vitruve, il est aussi
un grand admirateur de Giulio Romano.
Il reste célèbre pour ses nombreuses villas "rustiques" (à la campagne), dont la plus fameuse et la plus
représentative est la "Villa Capra ou La Rotonda", Vicence, 1550. Son plan superpose le rond (un salon
central sous coupole), le carré (qui correspond au volume d'occupation) et une croix (dont chacune des
extrémité correspond à un portique de temple précédé d'un escalier). Symétrie et ordre concourent ici à
créer une simplicité harmonieuse et sereine. La "Villa Manin", Passariano (Vénétie), fin XVIe s., au décor
plus maniériste (frontons interrompus et portique verticaux) est plutôt une suite de pavillons reliés par des
bras. La "Villa Barbaro", Maser (Vénétie), 1559-1561 combine un plan carré à portique antique en
façade, avec deux pavillons latéraux reliés par des galeries. La "Villa Foscari ou della Malcontenta",
Mira (Venise), 1560, reprend quant à elle le plan de la Rotonda.
Pour "San Giorgio Maggiore" sur la minuscule île San Giorgio (face au Palais des Doges) à Venise
(1566-1580), Palladio combine et équilibre les formes de deux temples anciens. Sur l'île voisine, de la
Giudecca, l'architecte bâtit selon le même principe "l'église du Redentore (1577) et "l'église des Zitelles".
A Vicence, Palladio exécute de nombreux palais (Palazzi Chiericati, Iseppo-Porto...) mais également deux
édifices publics remarquables, la "Basilique (Palazzo della Ragione) de Vicence", 1549-1580 et le
"Théâtre olympique", 1580-1584.
- La basilique était un vieux bâtiment des XIIIe et XIVe siècles menaçant de s'écrouler. Palladio va
l'envelopper par une galerie à deux niveaux jouant le rôle de contreforts tout en parvenant à faire oublier
les cassures de rythmes dues au respect de la succession des anciennes ouvertures du bâtiment.
142
- Pour le Théâtre Olympique, Palladio dessine un théâtre à l'antique à l'intérieur d'un monument existant,
composé d'une scène rectangulaire ouverte en profondeur par des couloirs rayonnants décorés en stuc et
bois en trompe-l'œil, tandis que les gradins sont disposés en hémicycle.
Vicenzo Scamozzi (1552-1616), qui réalise le théâtre de Vicence sur les plans de Palladio après sa mort,
se voit confié par le duc Vespasiano Gonzaga de Mantoue l'édification du "Théâtre olympique de
Sabbioneta (Lombardie)" en 1588-1590. Scamozzi reprend l'idée de son maître et couronne les gradins
par une colonnade ornée de statues en stuc, formant ainsi une loggia à l'intérieur de laquelle seuls les
Gonzague pouvaient s'asseoir.
143
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Partie VII : La Renaissance hors d’Italie
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A. La France.
A.1. L'Avignon papale (1309-1417):
Les papes, installés à Avignon dès 1309, s'entourent d'une cour qui fait pénétrer en France pour la
première fois la révolution artistique italienne. Le peintre Simone Martini et l'humaniste Pétrarque
(1304-1374) sont par exemple les hôtes des papes. Le goût italien et particulièrement le goût siennois
plaît alors beaucoup. Ainsi en témoigne la décoration profane et courtoise de la Chambre de la GardeRobe au Palais des Papes, vers 1343 où l'on voit des seigneurs se livrer aux plaisirs de la chasse.
A.2. L'Ecole de Provence (XVe siècle):
L'installation des papes dans le Comté de Provence, qui appartenait alors au Royaume de Naples, va
favoriser l'éclosion d'une école grâce à la personnalité humaniste du roi René Ier d'Anjou (1409-1480), qui
avait déjà introduit la "manière flamande" en Italie avec Colantonio et Antonello da Messina. Autour
d'Aix-en-Provence, le bon roi René va parvenir à fusionner la peinture flamande du Duché de Bourgogne
et les influences renaissantes italiennes. Son peintre de cour, Enguerrand Quarton (1410-1466), était
d'ailleurs originaire des Flandres bourguignonnes (Laon). Sa "Pietà de Villeneuve-lès-Avignon", 1455,
163 X 218,5 cm, Louvre, est une merveilleuse synthèse des deux courants. Les visages, les attitudes,
l'inconsistance des volumes, la position du donateur, les drapés "cassés" sont autant de traits flamands.
Par contre, la sobriété générale, le désintérêt pour le détail, la composition triangulaire, l'importance
accordée uniquement aux personnages - humanisés d'ailleurs - ainsi que le fond doré sont tout italiens.
Nicolas Froment (1435-1483), son successeur, fait ses classes en Flandres et séjourne à Florence. Dans
son "Triptyque du Buisson ardent", 1475-1476, 305 x 321 cm, cathédrale Saint-Sauveur d'Aix-enProvence, Froment consolide sa peinture par une aisance des personnages et une corporalité nouvelle et
reprend même le paysage florentin, au réalisme pourtant plus archaïque que le paysage flamand! Avec
"Le Couronnement de la Vierge", 1498-1500, 157 x 283 cm, cathédrale de Moulins par le Maître de
Moulins, la consistance intense des personnage, les raccourcis aisés et la monumentalité de la Vierge sont
également florentins.
En dehors du Comté de Provence, l'influence italienne reste faible jusqu'au début du XVIe siècle.
Toutefois, on en retrouve des traces chez quelques maîtres exceptionnels tels Jean Fouquet (1425-1480),
peintre des rois Charles VII puis Louis XI, dont l'intérêt pour la peinture italienne se manifeste à travers la
monumentalité de ses personnages, la sculpturalité de leurs visages et la reprise d'architectures
antiquisantes ("Diptyque de Meulin", 1451, 93 x 85 cm, Staatliche Museum de Berlin).
A.3. Les Ecoles de Fontainebleau (1528 - v. 1550/ v. 1550 - 1610):
Avec le règne de Louis XI (1461 à 1483), la France se dote de ses frontières presque définitives, voit la
fin de l'instabilité politique et connaît un grand essor économique. Raffermie, la royauté entreprend
d'étendre sa souveraineté par des conquêtes. Le nouvel objectif est de récupérer l'héritage de René
d'Anjou (la Provence et Naples). Cela conduira aux guerres d'Italie (1494 à 1544) sous les règnes de
144
Charles VIII (1483 à 1498), Louis XII (1498 à 1515) et surtout François Ier (1515 à 1547). Echec
politique, cette guerre sera néanmoins le déclencheur de l'intérêt français pour l'art de la Renaissance.
Grand collectionneur d'œuvres italiennes, François Ier va faire venir en France Léonard de Vinci, Andrea
del Sarto, Le Rosso, Le Primatice, dell'Abbatte et Cellini. Ils forment la "Première Ecole de
Fontainebleau" ou première Renaissance française (1528 - v. 1550).
A.3.a. L'architecture:
Au XVIe siècle, la vallée de la Loire est pour les châteaux à la France ce que la Vénétie était à l'Italie pour
les villas. Cette concentration exceptionnelle de bâtiments indique le changement de fonction du château.
De fort défensif, il devient résidence de villégiature.
- La première Renaissance française:
Dans un premier temps, le château féodal va s'ouvrir vers l'extérieur grâce à des larges baies remplaçant
les meurtrières de jadis et les hôtels particuliers apparaissent (Hôtel de Jacques Cœur à Bourges). Puis,
des décors renaissants vont se greffer sur d'anciennes constructions (Château d'Amboise en 1496, Galerie
de l'Hôtel de Cluny à la fin du XVe siècle, Aile et escalier de François Ier à Blois en 1515, châteaux de
Lude et d'Azay-le-Rideau entre 1518 et 1527). Progressivement, la compréhension de la structure
architecturale italienne fera son apparition.
. A Chambord (1519-1537), le plan du château reste médiéval, 4 tours d'angles entourent un donjon
colossal. Toute la structure des murs est néanmoins symétrique et rythmée par de longs bandeaux
horizontaux définissant des espaces à l'intérieur desquels des baies sont séparées par des pilastres antiques.
Les toits par contre sont une pure fantaisie courtoise.
. A Fontainebleau (à partir de 1528), François Ier s'attache surtout à l'aménagement intérieur du château
avec Le Rosso, Le Primatice et dell'Abbatte. Extérieurement, l'ensemble est une confusion de bâtisses
reliées par des bras, des galeries et des pavillons ornés de motifs italiens.
Sebastiano Serlio (1475-1554) réalise un compromis à Ancy-le-Franc en 1546, entre les solutions
italiennes et la tradition française (toit en forte pente et bâtiments d'angles en saillie).
Philibert Delorme (1510-1570) se forme à Rome entre 1533 et 1536 et écrits plusieurs traités
d'architecture. Sa principale création fut le château d'Anet (1547-1552), commandé par Henri II (1547 à
1559) pour sa maîtresse Diane de Poitiers. Détruit, on ne conserve de lui que la façade (Ecole des BeauxArts de Paris) et le portail. Malgré l'utilisation de formes italiennes, il garde plusieurs restes gothiques.
- La seconde Renaissance française:
Avec l'aile sur le Cher du château de Chenonceau, par contre, Delorme réalise une trés belle adaptation de
l'art italien à la tradition française. Structure et décor s'accordent enfin.
Jean Bullant (1510/1520-1578) parfait un peu plus encore cette architecture renaissante française au
château d'Ecouen où il collabore avec Jacques Androuet du Cerceau (1510-1585). Ainsi, l'avant-corps
de l'aile sud et le portique des Esclaves (après 1550), traduisent une évolution vers le monumental avec la
recherche d'effets plastiques et l'utilisation de l'ordre colossal.
Pierre Lescot (1515-1578) travaille à partir de 1546 à la construction du nouveau Louvre et notamment à
l'édification de la Cour carrée où il crée la première et véritable architecture originale française de la
Renaissance. Le goût français s'affirme et s'émancipe de l'art italien.
145
A.3.b. La sculpture:
Si la révolution sculpturale française se fait dans un premier temps grâce à des artistes italiens (Le Rosso,
Le Primatice, Cellini), des artistes locaux font leur apparition dès la deuxième Ecole de Fontainebleau.
Ces artistes vont cependant emprunter à l'Italie, non pas la grande sculpture du Quattrocento, ni celle de
Michel-Ange, mais plutôt les copies d'antiques de la Haute Renaissance et plus encore la sculpture
maniériste. De plus, deux grandes tendances vont présider à l'art statuaire français du XVIe siècle, la
tradition funéraire européenne, différente du tombeau mural italien et la tradition de la sculpture
architectonique et décorative issue du Gothique.
Les précurseurs sont Antoine (1479-1519) et Jean (1485-1549) Juste qui, dans le "Tombeau de Louis XII
et d'Anne de Bretagne", 1515-1531, Basilique Saint-Denis, placent les gisants nus, humbles devant la
mort, dans un édifice renaissant supportant des monarques en prière. Des vertus et prophètes au drapé
antique, avec des torsions maniéristes et un canon trapu (caractéristique du nord) entourent les gisants.
Pierre Bontemps (1506-1570) choisit l'exemple des sarcophages antiques et le répertoire décoratif italien
pour sculpter "l'urne du cœur de François Ier" en 1556, 210 x 65 cm, basilique Saint-Denis.
Jean Goujon (1510-1565) se spécialise dans le travail de bas-reliefs décoratifs inspirés de l'art grec et du
Maniérisme ("décoration en frise du jubé de l'église Saint-Germain l'Auxerrois à Paris", 1544-1545,
aujourd'hui au Louvre ; "Décoration de la Fontaine des Innocents" (à l'origine pour l'arc de triomphe
d'Henri II), Paris, 1547).
Goujon réalise la décoration maniériste du Louvre de Lescot entre 1548 et 1462 (allégories et trophées
pour les frontons et l'architrave ; les cariatides de la salle de bal) ainsi que celle de l'Hôtel Carnavalet
(allégories des saisons et signes du zodiac) vers 1550.
A Goujon, on attribue également la "Diane au cerf du château d'Anet", vers 1549, Louvre, proche des nus
féminins de Rosso et du Primatice dans la Galerie François Ier de Fontainebleau.
Germain Pilon (1528-1590), médailleur virtuose de l'atelier de Bontemps, multiplie les détails brillants, à
l'imitation de l'orfèvrerie, dans les "Gisants d'Henri II et de Catherine de Médicis en costume de
sacre",1583, marbre, Saint-Denis.
A.3.c. La peinture:
Les Ecoles de Fontainebleau trouvent leur origine dans l'activité des nombreux artistes intervenus sur le
chantier du château entre son ouverture par françois Ier en 1528 et la mort d'Henri IV en 1610. Là,
italiens, "flamands" et français s'y côtoient. L'influence de la peinture vénitienne de la Haute renaissante
(Giorgione et Titien) et de la peinture maniériste italienne est évidente dans plusieurs tableaux de nus de la
Seconde Ecole, de même que des souvenirs flamands ("Dame à sa toilette", 1585-1595, Musée des BeauxArts de Dijon, "Gabrielle d'Estrée et une de ses soeurs", 1594, Louvre, "Allégories antiques", Louvre,
"Diane chasseresse", Louvre).
Jean Cousin (v. 1490 - v. 1560), géomètre à l'origine (!) et concepteur de vitraux (cathédrale de Sens par
exemple) laisse quelques beaux panneaux peints tel l'"Eva Prima Pandora", 1549, 97 x 150 cm, Louvre,
superbe nu clairement influencé par les travaux de Giorgione et Titien.
Toussaint Dubreuil (1561-1602), gendre d'un des derniers italiens de Fontainebleau, Ruggiero de
Ruggieri (+ 1597), impose une facture vigoureuse (il dessine des cartons de tapisseries) et une palette vive
inspirées des maniéristes italiens ("Sacrifice antique", 1590, Louvre ; "Angélique et Médor", 1600,
Louvre). Avec sa "Toilette et le lever d'une dame", 107 x 96 cm, Louvre, Dubreuil donne une version
"maniérisée" d'une scène de genre flamande.
146
Antoine Caron (1527-1599), peintre officiel de Catherine de Médicis, reprend quant à lui la tradition
flamande de la vue panoramique d'un espace peuplé de petits personnages (comme Brueghel l'Ancien par
exemple). Créateur d'univers étranges et oniriques à l'intérieur desquels des personnages démonstratifs
jouent des scènes mythologiques entre des sculptures et des architectures romaines, Caron y ajoute
également des allusions politiques ("Auguste et la Sybille de Tibur", 125 x 170 cm, Louvre ; "Le
massacre du Triumvirat", 1566, 116 x 195 cm, Louvre ; "Le Triomphe de l'Hiver", Louvre).
Rare peintre de tableaux religieux, Charles Dorigny témoigne lui-aussi de l'influence de la peinture
flamande, dans sa palette notamment. Avec "La déposition du Christ", 1550, 210 x 220 cm, église SainteMarguerite à Paris, Dorigny donne à Joseph d'Arimathie le visage d'Henri IV et au profil de la vierge, les
traits de son épouse, Marie de Médicis.
L'art du portrait s'enrichit à Fontainebleau grâce aux bruxellois Jean Clouet (1490-1541) et de son fils
François (1510-1572). Véritables maîtres du portrait, ils rivalisent avec les plus grands dont Titien. Leur
prestige réside dans l'équilibre subtil entre le rendu des matières précieuses et celui de la psychologie des
modèles ainsi que dans la précision du touché ("Portrait de François Ier", 1535, Louvre ; "Charles IX",
1561, Kunsthistorisches Museum de Vienne).
Martin Fréminet (1567-1619), peintre du roi Henri IV, clôt enfin cette illustre école en introduisant
largement les premières traces du Classicisme du XVIIe siècle (peintures du plafond de la chapelle de la
Trinité à Fontainebleau, v. 1610).
B. Les anciens Pays-Bas :
Introduction:
A la fin du XVe siècle, nos contrées, alors bourguignonnes, passent sous contrôle autrichien par le
mariage à Gand le 18/08/1477 de Marie de Bourgogne (1457-1482), filles de Charles le Téméraire (14331477), avec Maximilien d'Autriche (1459-1519). La Bourgogne proprement dite devenait, elle, française
(conquête du roi Louis XI).
Les Flandres, culturellement parlant, ne perdent rien au change malgré l'opposition de certaines grandes
villes aux Habsbourg et la répression sanglante du protestantisme sous le règne de Philippe II (15271598), successeur de Charles Quint (1500-1558), sous le règne duquel, au contraire, nos provinces
connurent la paix.
En effet, la créativité et la richesse productive de nos artistes - et notamment des peintres, qui avaient fait
de notre région, avec l'Italie, l'un des centres artistiques les plus admiré d'Europe - restent aussi fécondes,
si pas plus.
Les liens réciproques qui unissaient au XVe siècle les artistes des Flandres et la Renaissance italienne ne
sont pas rompus à tel point que le voyage d'étude en Italie se généralise. Toutefois, contrairement à la
seconde Ecole de Fontainebleau, l'art de nos régions reste fortement fidèle à sa tradition et se sert de
l'apport renaissant pour faire évoluer progressivement les conceptions, sans rupture, ni imitation.
147
B.1. L'architecture:
L'architecture religieuse ne subit pas, au XVIe siècle, l'influence de l'Italie, préférant rester fidèle au style
gothique flamboyant (on achève la Cathédrale d'Anvers en 1533).
L'architecture civile, par contre, va progressivement s'intéresser aux découvertes renaissantes.
Henri van Pede conçoit l'hôtel de ville d'Audenarde en 1520-1537 dans la plus pure tradition du Gothique
brabançon mais y adjoint une galerie tout en marquant une symétrie ainsi qu'une clarté accentuée des
formes et des rythmes.
L'hôtel de maître fait également une lente apparition: l'un des premiers, celui de Louis de Gruuthuse, à
Bruges, est achevé en style gothique, vers 1575 déjà.
En 1517, le palais de Marguerite d'Autriche à Malines est transformé en demeure de plaisance avec
portail à l'antique, cour à colonnade et hautes baies rectangulaires. L'accent horizontal est renforcé par
l'alternance de briques et de pierres sur les murs.
Arnold van Mulcken reconstruit dès 1526 le palais des Princes-Evêques de Liège. Il construit deux
larges cours carrées bordées d'une galerie et des bâtiments d'élévation gothique avec quelques motifs
italianisants.
Le château de Breda, conçu en 1536 par l'Italien Vincidor, est un château médiéval habillé de décors
italiens pour imiter les châteaux français et les palais florentins.
De même, la maison du Saumon à Malines, 1530-1540, reçoit des décors italianisants greffés sur une
ossature gothique.
Corneille Floris De Vriendt (1514-1575) marque avec l'hôtel de ville d'Anvers, 1560-1564, un progrès
certain dans la compréhension des mesures et de la structure renaissantes en harmonisant un avant-corps à
la verticalité gothique orné de détails italiens, avec une façade à l'imitation de celles des villas romaines.
L'hôtel de ville de Gand, 1600-1601, procède du même esprit mais avec une tension plus nerveuse due au
rythme serré des ouvertures.
En vallée mosane, Philippe II offre à la ville de Namur la halle al'chair, édifiée en 1588-1590. L'accent
est mis sur l'horizontalité, indiquée par la séparation marquée des étages par des bandeaux de pierre, tandis
que les baies rectangulaires suivent un rythme régulier. Ici, aucune trace gothique ne subsiste. La maison
Curtius à Liège (début XVIIe siècle) témoigne d'une même optique.
B.2. La sculpture:
L'abandon de la tradition gothique est difficile tant le rôle des ateliers traditionnels de huchiers est grand
(Malines, Bruxelles, Anvers). Toutefois, grâce au mécénat de Marguerite d'Autriche (1480-1530)
installée à Malines, des sculpteurs de haute qualité vont progressivement adopter l'art italien.
L'allemand Conradt Meit (v. 1475-1550) sculpte pour l'église-mausolée de Brou à Bourg-en-Bresse
(construite par le brabançon Louis van Bodeghem en 1513) plusieurs tombeaux dans la tradition du
Gothique flamboyant dont le sien, qui est une véritable baldaquin de dentelle de pierre sous lequel son
gisant repose. Celui de Marguerite de Bourbon est du même type alors que celui de Philippe de Savoie
est une table à la partie inférieure gothique mais dont le gisant est entouré de cartouches italiens et de
148
charmants putti ailés adoptant des positions variées. Il introduit également le portrait sculpté dans les
Pays-Bas avec par exemple "Charles Quint jeune", 1515-1520, musée Gruuthuse, Bruges, où l'empereur
est représenté d'une manière ressemblante malgré une simplicité géométrique évidente.
Lancelot Blondeel (1496-1561) exécute pour la salle du conseil du Franc de Bruges une cheminée de
bois, de marbre et d'albâtre à la gloire de Charles Quint en 1528-1531. Véritable répertoire de motifs
italiens (rinceaux, putti, guirlandes...). Par contre, la statue de Charles Quint est d'une simplicité naïve tant
dans ses volumes que sa position.
Jean Mone (fin XVe s.- 1541), d'origine lorraine, étudie en Italie et voyage en Espagne avant de se fixer
dans les Pays-Bas. De l'Italie, il retient le style, les motifs mais aussi le raffinement de la taille. Ainsi,
pour "l'autel retable de l'église Saint-Martin de Hal, albâtre, 1533", Mone, hormis la forme pyramidale de
la composition, effectue un remarquable travail italianisant. Ses bas-reliefs ont la qualité des reliefs
italiens de la fin du Quattrocento même s'ils adoptent des formes maniéristes. Avec son " Retable de la
Passion du palais du Coudenberg ", 1538-1541, marbre rose et albâtre, chapelle Maes de la
cathédrale de Bruxelles, Mone choisit de s'inspirer de Jacopo Sansovino et du type tombeau mural
entièrement renaissant.
Jacques Dubroeucq (1500/1510-1584), avec De Vriendt, est un maître incontestable. Son atelier
anversois forme notamment Jean de Bologne. Lui-même a voyagé en Italie d'où il revient ébloui par l'art
de Raphaël. Son chef-d'œuvre, hélas démantelé, est le "jubé de Sainte-Waudru de Mons", 1535-1548.
C'est une composition en arc de triomphe surmontée d'une tribune, sculptures et reliefs influencés par le
Quattrocento (Ghiberti, Andrea Pisano, Andrea Sansovino) et le Maniérisme (Jacopo Sansovino, Vittoria).
Sculptures: la Charité, l'Espérance, la Tempérance... et reliefs: Résurrection, Triomphe de la Religion...
Corneille Floris De Vriendt (1514-1575), est un artiste multiple (architecte, peintre, graveur, sculpteur,
écrivain) au talent égal à celui de maints artistes italiens et d'une grande virtuosité. Si son "Tabernacle
eucharistique" de l'église Saint-Léonard de Leau (Zoutleeuw), 1552, 18 m de haut, adopte un schéma
gothique croulant sous des figures et des décors maniéristes, son "Jubé de la cathédrale de Tournai",
1570-1573, par contre, adopte une composition en arc de triomphe orné de sculptures et de reliefs de
couleurs et matériaux différents (marbre, albâtre, stuc) et témoigne d'une compréhension totale de l'art
italien ainsi que d'une finesse totale de la taille. De même, avec "l'Epitaphe de Van Baussel" de l'égise
Saint-Pierre de Louvain, Floris De Vriendt reprend le type du Tabernacle de Santa Croce de Donatello.
Enfin, Floris donne un exemplaire nouveau du tombeau avec le "monument funéraire du baron Jean III de
Mérode et de son épouse Anne de Ghistelle", 1550-1554, église Sainte-Dymphne de Geel, où plus aucun
détail gothique n'apparaît.
B.3. La peinture:
B.3.a. Le XVe siècle, les Primitifs flamands et la Renaissance: (voir chapitre concerné)
Si la peinture des anciens Pays-Bas du XVe siècle (les Primitifs flamands) a été une source d'inspiration et
de renouveau pour les peintres italiens de la fin de ce siècle, pour ceux de l'Ecole de Provence et de la
seconde Ecole de Fontainebleau, on continue néanmoins souvent à l'opposer à la peinture italienne,
comme on oppose Moyen Age et Renaissance.
Pourtant, par bien des aspects, la peinture flamande du Quattrocento, témoigne déjà d'une "renaissance".
Toutefois, elle s'inscrit dans la continuité des siècles précédents et ne marque pas, comme en Italie, une
rupture par rapport au passé, car elle ne renie pas ce passé. Si en Italie, les styles byzantin et gothique,
était considéré comme étrangers, dans les Flandres, il n'y avait pas de raisons de réagir par rapport à un
quelconque style importé car il n'y en avait pas. Cette absence de rupture marquée dans les arts des Pays-
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Bas entre le passé et le XVe siècle ne veut pour autant pas dire absence de créativité, bien au contraire.
Les primitifs flamands sont des gens de leur époque qui traduisent aussi, mais en douceur, les
préoccupations du moment et les nouvelles aspirations.
Ainsi, le désir de réalité ou de réalisme existe dans leurs œuvres, mais il ne fait pas référence à l'antiquité
comme en Italie et ne désire pas s'opposer radicalement à la religion. Ce qui importe, ce n'est pas la
monumentalité affirmée des hommes, ni leur puissance par rapport au divin car l'humain et le divin ne
sont pas opposés. Les personnages bibliques n'ont pas de raisons d'apparaître humains puisqu'ils ne le
sont pas. De même, la représentation des humains appelle de les montrer à la fois reconnaissables (art du
portrait) et d'identifier leur statut social ("Les époux Arnolfini", 1434, National Gallery de Londres ; "La
Vierge au chanoine Van der Paele", 1436, musée Groeninge à Bruges, de Jan Van Eyck (1390-1441)).
A noter néanmoins que dans chacune de ces deux œuvres, l'artiste affirme sa personnalité à travers sa
signature et son image captée par les reflets!
La représentation de la réalité des choses (les tissus, les orfèvreries, les bijoux, le paysage, les
architectures), dans les moindres détails et avec finesse et virtuosité ne constitue donc pas chez les peintres
flamands une "capture de la réalité" mais un exercice technique déterminant le talent et la preuve de la
grandeur et la beauté de la création de dieu ou de ce qu'il permet ( détails de "L'agneau mystique", 1432,
église Saint-Bavon de Gand par J. Van Eyck).
Toutefois, dès la fin du XVe siècle, à la faveur des échanges avec l'Italie, quelques caractéristiques de la
Renaissance apparaissent déjà chez les Primitifs flamands. Ainsi, Hans Memling (1435-1494) sous le
prétexte de peindre l'épisode biblique de Bethsabée et du roi David, réalise un nu, d'ailleurs placé devant
une architecture italianisante ("Bethsabée au bain", 1485, Staatsgalerie de Stuttgart). Hugo Van der
Goes (1437/1442-1482) dans "La mort de la Vierge", v. 1480, musée Groeninge de Bruges, témoigne de
son intérêt pour la réalité visible et l'observation des être humains en peignant une scène poignante de
douleur.
B.3.b. Le XVIe siècle, la diversité de la Renaissance flamande:
. l'évolution de la tradition:
Gérard David (Gouda, 1460 - Bruges, 1523) est considéré comme le dernier grand peintre du XVe
siècle et l'héritier de l'école brugeoise. Inscrit à la gilde des peintres de Bruges en 1484, il en devient le
doyen en 1501-1502 et est également reçu à celle d'Anvers en 1515. Son souci est d'unir la tradition et
l'apport italien qu'il découvre à Gênes. Ainsi, outre les quelques détails ornementaux antiques qu'il utilise,
il place ses personnages dans des situations quotidiennes désacralisées et utilise les contours estompés
proche du sfumato de da Vinci ("La Vierge à la soupe au lait", Musées Royaux des Beaux-Arts (MRBA),
Bruxelles). Son "Repos pendant la fuite en Egypte", 44 x 44 cm, National Gallery of Art, Washington, est
une charmante adaptation des madones de Raphaël.
Quentin Metsys (Louvain, 1466 - Anvers, 1530) est le premier grand maître anversois et va assurer le
passage de la tradition à la Renaissance. Il entre dans la gilde de Saint-Luc en 1491 puis séjourne en Italie
(avant 1508). "Le retable de la lignée de sainte Anne", 1509, MRBA, est un véritable jeu technique, mais
sans âme, mettant en scène des personnages traditionnels dans un espace à l'italienne. Avec "Le prêteur et
sa femme", Louvre, 1514, il inaugure la peinture de genre avec un souci moralisateur dans les Pays-Bas.
Enfin, dans les portraits, Metsys témoigne d'une vie intérieure et d'une sérénité proche du Néoplatonicisme
de Vinci ("Erasme", 1517).
Joos van der Beke dit Josse van Cleve (Clèves?, 1485 - Anvers, 1540) est l'artiste de transition type.
Travaillant des Pays-Bas à l'Italie (1501-1506, 1526) en passant par la France (Ecole de Fontainebleau) et
150
l'Angleterre (1536), ses emprunts au langage pictural de Vinci, Michel-Ange et Raphaël sont nombreux
("L'Enfant Jésus et saint Jean-Baptiste", MRBA).
Barend (Bernard) van Orley (Bruxelles, 1488 - 1541), issu d'une famille de peintres, occupe la position
de peintre attitré de Marguerite d'Autriche, puis de Marie de Hongrie. Beaucoup de ses œuvres sont
perdues mais la plus célèbre, dont il était particulièrement fier puisqu'il la signe deux fois, "Le triptyque
des vertus de patience: l'anéantissement des enfants de Job", 1521, MRBA, est inspiré d'un poème écrit
par Marguerite d'Autriche.
Sa composition spectaculaire de raccourcis italiens audacieux et
d'architectures renaissantes irréalistes pêche néanmoins par maladresse.
Jean Gossart dit Mabuse (Maubeuge, 1478 - Breda, 1532) s'inscrit à la gilde des peintres d'Anvers en
1503. D'un séjour italien, il rapporte, aux dires des chroniqueurs de l'époque, la vrai manière de peindre
des nus. Il est un des premiers à réaliser des tableaux à sujet mythologique avec des nus à la ligne
ondoyante qualifiés de "prérubéniens" (Vénus et l'Amour", MRBA ; "Danaé", 1527, 113 x 95 cm, Alte
Pinakothek de Munich ; « Adam et Eve », MRBA, Bruxelles).
Jan Motsaert (Haarlem, 1472 - ?, 1555/1556) est un artiste pour qui la tradition flamande du portrait
reste majeure, bien qu'il y intègre des éléments décoratifs et architecturaux issus de la Renaissance
italienne. Une autre de ses caractéristique semble être celle des emprunts à d'autres peintres. Ainsi, avec
son "Portrait du chevalier Abel de Coulster", MRBA, des architectures mi-médiévales, mi-renaissantes
prennent place dans des paysages "à la Patinier" peuplés de symboles "à la Bosch".
. Jérôme Bosch et ses émules:
Hieronymus van Aken dit Jérôme Bosch ('s Hertogenbosch, v. 1450 - 1516), originaire d'Allemagne,
est un bourgeois casanier ne se rendant que quelques fois à Anvers. Sa formation est familiale.
Partageant son temps entre sa peinture et la gestion des biens considérables de son épouse et ceux de
l'église de la confrérie Notre-Dame des Frères du Cygne, il en garde un esprit mystique ainsi qu'un sens
critique vis-à-vis de la corruption du clergé.
Enormément appréciée par les hauts dignitaires catholiques, son œuvre est le reflet des conceptions
morales de la bourgeoisie de nos régions. Dans ces tableaux, il allie toute une série de symboles
parfaitement intelligibles à l'époque et dont le sens nous échappe parfois aujourd'hui: pratiques magiques,
traditions populaires, argot, proverbes, tarots et alchimie traduisant les inquiétudes d'un Moyen Age
finissant et les espoirs d'une renaissance annoncée.
Dans "Le chariot de foin", 1500-1502, 45-100-45 x 135 cm, Prado, les grands de ce monde escorte sans le
savoir vers l'enfer le chariot des vanités et des biens matériels tiré par des démons tandis que des paysans,
des ecclésiastiques et des bourgeois tentent au péril de leur vie d'en arracher un brin. Personne ne
remarque le Christ qui regarde, dépité, la scène. Dans "Le jardin des délices", 1503-1504, 97-195-97 x
220 cm, Prado, Bosch représente les vices charnels à travers des centaines de symboles sexuels. Avec
"L'escamoteur", 1475-1480, musée municipal de Saint-Germain-en-Laye, Bosch fait une parallélisme
entre la crédulité des badeaux face à un charlatan et celle du peuple face au clergé corrompu.
Jan Mandijn (Haarlem, 1500 - Anvers, 1560) ouvre un atelier à Anvers en 1530 dans lequel seront
formés de nombreux peintres de talent. Les œuvres de Mandijn sont plus réalistes et moins dramatiques
que celles de Bosch, sa facture est plus appuyée et ses coloris moins riches ("Tentation de saint Antoine",
musée Frans Hals de Haarlem).
151
Pieter Huys (Anvers, 1519-1584) produit des œuvres plus anecdotiques, plus humoristiques, et d'une
facture plus grossière. Son œuvre est répétitive puisqu'il laisse au moins huit versions de la Tentation de
saint Antoine! ("Tentation de saint Antoine", musée Mayer van den Berghe, Anvers).
. La première génération des paysagistes:
Joachim Patenier dit Joachim de Patinir (Dinant, 1480/1585 - Anvers?, 1524) apprend la technique à
l'huile avec son beau-père, le peintre Edouard Buyst de Termonde, et devient franc-maître de la gilde de
Saint-Luc à Anvers en 1515. Il est le fondateur de la peinture flamande de paysage, qui pour la première
fois n'est plus un décor de scène mais, au contraire, dans laquelle la scène devient prétexte au paysage. Il
fixe des caractères immuables: la ligne d'horizon haute et la règle des trois tons: brun-vert-bleu de l'avantplan à l'arrière-plan. Son influence sera considérable.
Œuvres : "Le repos pendant la fuite en Egypte", 1515, 121 x 177 cm, Prado ; "Paysage avec saint
Jérôme", 74 x 91 cm, Prado ; "La vision de saint Hubert", 42 x 32 cm, collection particulière, Bruxelles.
Henri Patenier dit Henri Blés (Bouvignes, v. 1510 - Ferrare (Italie), ap. 1550) est le neveu du
précédent. Formé à Anvers où il est inscrit comme maître en 1535, il fait sa carrière en Italie (après un
détour par la Bohême) où il deviendra Civetta. Ce surnom italien fait référence à la chouette, symbole de
sa ville natale, qu'il utilise comme signature. Son surnom de "blé" lui vient quant à lui d'un épis de
cheveux blancs qui tranchait dans sa coiffure. Digne héritier de son oncle, il perfectionne encore sa vision
du paysage en lui apportant une amplitude et une profondeur nouvelle ("Paysage avec la prédication de
saint Jean-Baptiste", MRBA).
. Les romanistes:
En 1517, arrivent à Bruxelles les dix cartons des "Actes des apôtres" de Raphaël destinés à être exécutés
en tapisseries. Terminées en 1519, elles sont exposées le jour de Noël dans la Chapelle Sixtine. En 1520,
d'autres dessins de Raphaël arrivent encore à Bruxelles. Le choc de ces cartons, demeurés en Brabant,
provoque un grand effet chez les peintres flamands. Profitant du court règne papal (1522-1523) de
Adriaan Floriszoon d'Utrecht sous le nom d'Adrien VI, toute une cour de "fiamminghi" s'installe à Rome
et y reste sous Clément VII, séduit par l'art du nord.
Pieter Coeck d'Alost (Alost, 1502 - Bruxelles, 1550) est formé chez Van Orley, puis s'installe à Anvers
avant de partir à Rome en jusqu'en 1525. Devenu peintre de Charles Quint et de Marie de Hongrie, il
donne de nombreux projets de vitraux et des cartons de tapisseries. Il participe à la décoration des rues
d'Anvers pour la Joyeuse Entrée de Philippe II et publie avec son épouse, Mayke Verhulst, miniaturiste et
éditrice malinoise, les traductions allemande, flamande et française de Vitruve et Sebastiano Serlio. Sa
peinture le révèle pourtant comme assez moyen et conservateur, ne réalisant qu'une bonne synthèse des
différents courants flamands et de l'influence italienne ("Adoration des Mages", musée des Beaux-Arts de
Valenciennes).
Michiel Coxcie dit le Raphaël flamand (Malines, 1499-1592) est formé chez Van Orley à Bruxelles,
avant d'entreprendre un long séjour à Rome (1530-1539). Ami de Giorgio Vasari, il s'initie à la peinture à
fresque avant d'en décorer la chapelle Sainte-Barbe de Santa Maria dell'Anima en 1531-1534. Revenu au
pays, il s'inscrit à la gilde des peintres de Malines en 1539, avant de devenir bourgeois de Bruxelles.
Travaillant pour Charles Quint, il est fait peintre de la Cour par Philippe II. Dans sa peinture, il synthétise
l'art de Raphaël au Vatican (Chambres d'Héliodore et de l'Incendie du Borgo), celui de Vinci à une
influence du Maniérisme ("Triptyque de la Crucifixion", musée communal de Louvain).
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Lambert Lombard (Liège, 1505-1566), peintre du prince-évêque Erard de la Marck en 1532, part pour
Rome en 1537, puis fonde une académie à Liège dès son retour, dans laquelle seront formés notamment
Frans Floris De Vriendt, William Key (oncle de Adriaan Thomasz Key) et bien d'autres. Si sa peinture
semble parfois trop sèche et théorique ("Saint Denis et saint Paul devant l'autel du dieu inconnu", musée
de l'art wallon, Liège), c'est que l'artiste est à la recherche de beauté idéale. Les centaines de dessins que
l'on conserve de lui (musée de la vie wallonne à Liège) ont été décisives pour l'évolution de l'art dans nos
contrées.
Jan Van Scorel (1495-1562) démontre dans ses œuvres la fascination pour les artistes renaissants qu'il a
observé lors de ses nombreux séjours italiens. Dans la "Présentation au Temple", 1530-1535, 114 x 85
cm, Kunsthistorisches Museum de Vienne, Van Scorel fait preuve d'une meilleure compréhension sensible
de l'atmosphère maniériste italienne en fondant ses personnages dans une luminosité dorée et en utilisant
les tons tranchés et les attitudes propres aux maniéristes de la péninsule.
. Le réalisme anversois:
Dès le début du XVIe siècle, la prospérité matérielle dont jouit Anvers pousse nombre de ses artistes à
traduire la réalité qui les entoure.
Pieter Aertsen (Amsterdam, 1508-1575) accomplit sa carrière à Anvers, où il demeure chez Jan
Mandijn. Reçu franc-maître en 1535, il devient bourgeois de la ville en 1542. A la tête d'un atelier
florissant, il gère aussi les différents immeubles qu'il possède en ville. Aertsen est surtout connu pour ses
"cuisinières", personnages monumentaux, traités avec des coloris francs (vert et rouge) devant des fonds
neutres. Il donne une monumentalité majestueuse à ces maîtresses de maisons, témoignant ainsi pour la
première fois, d'un sens de la dignité du travail quotidien ("La cuisinière et ses aides", MRBA).
Joachim Beuckelaer (Anvers, 1530-1573), élève et neveu de Aertsen, peint des œuvres caractérisées par
un amoncellement de victuailles, ce qui semblait excessivement bien plaire à sa clientèle, inquiète de voir
des troupes de "maraudeurs" transformer le pays en désert! Aussi peint-il de nombreuses scènes de
marché comme "La pourvoyeuse de légumes", musée des Beaux-Arts de Valenciennes, où l'on retrouve
les coloris soutenus et les tons contrastés que Beuckelaer appréciait particulièrement.
Jan Van Hemessen (Hemiksen, 1500 - Haarlem, 1556), est franc-maître à Anvers en 1524 où il connaît
une confortable situation grâce à son épouse. Il semble séjourner en Italie, notamment à Florence. Dans
"L'Enfant prodigue", MRBA, l'architecture italienne ainsi que les poses et les éclairages de ses
personnages rappellent le Maniérisme florentin. Néanmoins, le réalisme rébarbatif dont il use pour
opposer beauté factice, laideur et vulgarité qu'elles engendrent est tout anversois. A l'aide d'un thème
d'inspiration religieuse, Hemessen propose sa vision moralisatrice contre la luxure, l'avarice et la
gourmandise.
Marinus Van Reymerswaele (Zélande, 1490/1495 - av. 1567) manifeste un caractère tourmenté et
agressif qui lui vaudra d'ailleurs des condamnations. Probablement formé à Anvers où il mène une grande
partie de sa carrière, l'artiste présente une parenté certaine avec Metsys. Moralisateur, Reymerswaele
donne des œuvres moralisatrices d'une expression féroce, proches de la caricature en usant d'un trait incisif
et détaillé proche des nombreuses gravures qui circulaient à l'époque ("Les percepteurs d'impôts, National
Gallery").
. Un talent isolé:
Pieter Bruegel l'Ancien (Breda ?, 1525/1530 - Bruxelles,1569), proche de la pensée chrétienne de
Jérôme Bosch, est formé chez Pieter Coeck d'Alost à Bruxelles avant de se rendre à Anvers où il est reçu
153
franc-maître en 1551. Il entreprend ensuite le voyage en Italie entre 1552-1553. Une "Vue de la Ripa
Grande", dessin à la plume, collection du duc de Devonshire à Chatsworth et "La vue de Naples",
Galleria Doria Pamphili de Rome, en attestent. A partir de 1563, il s'installe définitivement "rue Haute" à
Bruxelles.
La production artistique de Bruegel étant très variée, on peut la diviser en plusieurs tendances.
Les œuvres moralisatrices permettent au peintre d'exprimer sa philosophie du monde et de traduire une
pensée profonde qui rejoint celle des grands humanistes du XVIe (Erasme entre autre) comme Bosch
l'avait déjà fait. Dans ces œuvres, il témoigne du pouvoir de la folie humaine qui fait surgir des drames
inutiles. "Dule Griet" (Margot la folle), musée Mayer van den Berghe à Anvers, symbolise la folie
guerrière déchaînée sur le monde. Dans "Le pays de Cocagne", 1567, 52 x 78 cm, Alte Pinakothek de
Munich, l'idéal humain est un monde de paresse; les hommes (le paysan, le bourgeois, le soldat), esclaves
de leur appétit, se livrent à leurs instincts primaires. Dans la "Parabole des Aveugles", 1568, 86 x 154 cm,
museo nazionale di Capodimonte de Naples, les aveugles mal guidés symbolisent la société moralement
infirme dirigée par des hommes qui conduisent le monde à sa perte. A noter dans cette œuvre le talent de
paysagiste de Bruegel.
Les œuvres d'inspiration religieuse servent de prétexte pour l'évocation de scènes contemporaines. Dans
le "Dénombrement de Bethléem", 1566, 115 x 163 cm, MRBA, Marie et Joseph sont perdus parmi les
paysans dans un village qui est aussi un superbe paysage d'hiver à l'atmosphère réchauffée par les détails
anecdotiques joyeux. "Le Massacre des Innocents", v. 1567, 116 x 160, Kunsthistorische Museum de
Vienne, illustre la transposition d'une histoire sainte à celle de son époque: la furie espagnole des armées
du duc d'Albe faisant régner la terreur par le massacre de la population et surtout des enfants.
Avec les tableaux d'inspiration paysanne, Bruegel interprète avec bonhomie les ébats des paysans, leurs
fêtes, leur vie... Ce sont des scènes populaires où éclate une franche gaieté: les danses ont un rythme
visibles, les musiques et les rires sont presque audibles... ("Le repas de noces", 1568, huile sur bois, 114 x
163 cm, Kunsthistorisches Museum de Vienne ; "La danse des paysans", 1568?, huile surr bois, 114 x
163 cm, Kunsthistorisches Museum de Vienne).
Dans plusieurs tableaux, c'est le paysage qui est souvent le thème; l'artiste cherche à y donner une vision
globale du monde où chaque chose est à sa place et joue son rôle. Ici, le peintre joue avec les couleurs et
la technique à l'huile avec un souci de luminosité et de poésie. Les "Chasseurs dans la neige", 1565, huile
sur bois, 117 x 162 cm, Kunsthistorisches Museum de Vienne, est une prouesse technique de la
composition et de la perspective atmosphérique. Avec la "Chute d'Icare" 73,5 x 112 cm, MRBA ou 63 x
90 cm, musée Van Buuren à Uccle, Bruegel illustre un message qui lui est cher: la témérité présomptueuse
des hommes n'interrompt pas le rythme immuable de la nature. L'artiste nous offre ici une marine
admirable.
. les italianisants et les maniéristes de la seconde génération:
Dans la seconde moitié du siècle, le voyage vers la péninsule italienne se généralise et s'accompagne
souvent d'un détour vers Fontainebleau.
Jan Massys (Anvers, 1509-1575), est le fils et l'élève de Quentin Metsys. Chassé d'Anvers pour cause
d'hérésie en 1544, il en profite pour voyager en Italie et se rendre à Fontainebleau avant de réintégrer la
ville en 1558. Son œuvre ("Loth et ses filles", MRBA), témoigne d'un italianisme maniéré proche de
l'esprit de Fontainebleau dans ses personnages, tandis que ses paysages conservent les acquis de Patenier,
Blés ou Bruegel.
154
Pierre Pourbus (Gouda ? 1523 - Bruges, 1584), peintre le plus important de Bruges, ne semble pas avoir
effectué le voyage en Italie. Toutefois, sa position sociale lui permet de multiples rencontres avec des
étrangers présents dans la ville. Son "Jugement dernier" du musée Groeninge de Bruges, témoigne d'une
influence des figures de Michel-Ange et du Maniérisme florentin arrangées telle une mosaïque à l'unité
contestable.
Bartholomeus Spranger (Anvers, 1546 - Prague, 1611) est l'exemple type de l'artiste maniériste
international. Formé chez Mandijn, il rencontre Le Primatice et dell'Abbatte à Paris, puis voyage à Milan
et à Parme où il travaille avec un élève du Corrège. Peintre officiel du Vatican, il part en 1575 pour la
cour de Vienne, puis pour celle de Prague. Il est le chef de "l'Ecole du Danube". Ses œuvres ne
présentent plus aucun rappel de l'art flamand.
Œuvres: "Angélique et Médor", Alte Pinakothek de Munich ; "Vénus et Adonis", "Hercule, Déjanire et
Nessus", 1581 ; "Salmacis et l'hermaphrodite", Kunsthistorisches Museum de Vienne ; "Vénus et
l'Amour", Troyes.
Issu d'une famille de peintres anversois, Adam van Noort (1562-1641) malgré un caractère difficile jouit
d'une bonne considération dans sa ville. Maître d'un certain Pierre-Paul Rubens et d'un certain Jacob
Jordaens, qui deviendra son beau-fils, le peintre adopte l'esthétique purement maniériste et laisse de très
bonnes oeuvres comme "La prédication de saint Jean-Baptiste", maison de Rubens à Anvers.
. Les portraitistes:
Traditionnel depuis le XVe siècle, l'art du portrait continue naturellement à être un pôle d'intérêt pour les
peintres de la seconde moitié du XVIe siècle.
Antoon Mor van Dashorst hispanisé en Antonio Moro (Utrecht, 1517 - Anvers, 1577) est formé par
son oncle, Jan Van Scorel puis s'établit à Anvers. Rapidement apprécié, il fait carrière aux quatre coins de
l'Europe (Angleterre, Italie, Autriche, Espagne, Portugal) où il côtoie les plus grands personnages de
l'époque. Ses portraits sont remarqués grâce à la profondeur de son observation psychologique
("Autoportrait", 1558, 113 x 87 cm, Offices de Florence), rendant précisément l'effet qu'on lui demande de
traduire ("Guillaume Ier d'Orange Nassau", Staatlische Gallerei de Kassel).
D’Adriaen Thomasz Key (Anvers, 1544-1590), nous ne connaissons que peut de choses, sinon qu'il
occupa la fonction de peintre de la bourgeoisie anversoise dans les années 1580. On s'accorde pour
trouver à ses portraits autant de qualités que ceux de Moro ("Portrait d'homme", MRBA).
Fils de Pierre Pourbus, Frans I Pourbus (Bruges, 1540 - Anvers, 1581) est formé par son père, puis par
le fils de Corneille Floris De Vriendt dont il deviendra d'ailleurs le beau-frère. Peintre de la bourgeoisie
de Bruges et d'Anvers, il confirme le style des portraits collectifs qui connaîtra un grand succès en
Hollande au siècle suivant: "Les noces du peintre Georges Hoefnagel" (détail), MRBA.
. Les paysagistes de la seconde génération:
La peinture de paysages connaît un immense succès partout en Europe dans la seconde moitié du XVIe
siècle. Le nombre de peintres paysagistes en Flandres augmente d'une façon incroyable. Toutefois,
beaucoup ne sont que de pâles "copieurs" des maîtres du passé tels Patenier, Blés ou Bruegel. Quelques
artistes valent néanmoins le détour:
Gillis III van Coninxloo (Anvers, 1544 - Amsterdam, 1607), est issu d'une famille d'artistes anversois
célèbres. Il va initier un type nouveau de paysage qui s'épanouira au XVIIe siècle en Hollande et dans les
155
Pays-Bas espagnols. Bien que maître à Anvers en 1570, ses convictions réformées le poussent à l'exil à
Francfort où sont installés plusieurs artistes flamands protestants. Il y dirige cette "école" influencée par
l'art du paysage des vénitiens (voir "La Tempête" de Giorgione en 1502-1503 ou "Les trois philosophes",
1503-1504) où l'on rompt avec la tradition de Patenier au profit d'une nouvelle manière de rendre l'espace:
à l'avant-plan, des frondaisons d'un brun chaud enveloppent une percée de ciel bleu jouant dans une
clairière avec l'or d'un soleil couchant sur un horizon abaissé. Quelques personnages, plantes ou oiseaux
exotiques au premier plan apportent une touche de poésie ("Elie nourri par le corbeau", MRBA).
Paul Bril dit il Brilli (Anvers, 1554 - Rome, 1626) est formé à Anvers mais accomplit sa carrière en
Italie où il sera un membre influent de "l'Accademia di San Lucca" à Rome. A partir de 20 ans, il travaille
à fresque au Vatican et dans les villas des hauts dignitaires du pape. Il collabore avec les Carrache : les
paysages lui reviennent tandis que les personnages les peuplant sont de la main des trois frères. A partir
de 1590, sa notoriété lui permet d'oser exprimer son propre style à travers des paysages sur bois ou toile à
la manière des trois tons de Patenier (brun, vert, bleu), peuplés de figurations abondantes et à la ligne
d'horizon haute ("Paesaggio con la Conversione di San Paolo", huile sur toile, 95 x 123 cm ; "Paesaggio
con eremiti" et "Paesaggio con pastori et pellegrini", détrempe sur toile, 120 x 216 cm, collection du
cardinal Federico Borromeo, Pinacotecca Ambrosiana, Milan). A partir de 1600, sous l'influence
d'Annibal Carrache, Bril s'assagit et ses oeuvres deviennent des visions idéalisées d'un monde plongé dans
une sérénité dorée et vaporeuse ("Paesaggio con rovine e pastori" et "Paesaggio con il martirio di San
Pietro da Verona", huile sur toile, 65 x 42 cm, Pinacotecca Ambrosiana, Milan ; "Le port", MRBA).
Paul Bril va être le maître de Agostino Tassi qui sera lui-même le professeur de Claude Gelée dit le
Lorrain, le plus grand paysagiste classique français du XVIIe siècle!
Abel Grimmer (Anvers, 1570-1619) reste lui fidèle à nos régions et à la tradition "bruegélienne". Il
produit de nombreuses œuvres de petit format, dans lesquelles il utilise le tondo (cadre circulaire) pour
traiter des séries des quatre saisons ou des 12 mois de l'année. Dans ses œuvres sympathiques, Grimmer
temporise l'agitation des figures "à la Bruegel" et combine l'ancienne technique de Patenier à celle
découverte par Coninxloo ("Les quatre saisons", MRBA).
C. L’Allemagne.
C.1. Introduction:
Si l'Allemagne traverse dans la première moitié du XVIe siècle une crise spirituelle et sociale dont Martin
Luther (1483-1546) incarne les contradictions, elle est aussi le théâtre d'une intense activité économique:
Francfort, Augsbourg, Nuremberg sont des centres commerciaux importants. Des bourgeois cultivés,
rompus aux affaires sont les maîtres de la cité. Tous favorisent la carrière d'artistes qui au génie
germanique allient le renouveau venu d'Italie.
Les empereurs du Saint-Empire, Maximilien Ier (1459-1519) d'abord, puis Charles Quint (1500-1558)
ensuite sont également des mécènes dont l'étendue des possessions favorise la circulation des talents et la
diffusion de leur art.
C.1.a. L'architecture:
La très grande diversité culturelle de l'empire, véritable mosaïque territoriale, induit en architecture une
différence marquée entre le nord et le sud. Ainsi, l'Allemagne méridionale reçoit facilement l'art italien
tandis que les régions du nord sont réticentes si ce n'est via l'influence des Pays-Bas. L'aile de OttoHeinrich du château d'Heidelberg, 1556-1559 représente une des premières tentatives d'intégration
architecturale italienne grâce aux nombreux décors. L'église Saint-Michel de Munich, 1583-1597, inspirée
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de l'église du Gesù de Rome due à l'architecte Giacomo Vignole fait, également par sa décoration abondante et grandiose ici - disparaître l'austérité et établit la jonction avec le Baroque du siècle suivant.
C.1.b. La sculpture:
En sculpture, importance du Spätgotik (= gothique tardif) apparu à la fin du XVe s. qui freine la lente
introduction de la Renaissance: Hans Leinberger (1480-1531/35), Saint Georges, bois polychromé, 1525,
Munich. ; Arrestation du Christ, panneau du Retable de Moosburg, 1513-1514.
La Renaissance se fera d'abord à Augsbourg et Nuremberg puis à Munich.
A Augsbourg, un collaborateur de Jean de Bologne, Adrian De Vries (1545-1625) marque la ville d'un
style italien maniériste jusqu'à son départ pour Prague à la Cour de Rodolphe II (1576-1611). On lui doit
entre autres les fontaines de la ville, 1596-1599, mais aussi un Vénus et Adonis, 1598, bronze, ainsi qu'un
portrait de Rodolphe II de vers 1609 en bronze également.
A Nuremberg, Peter Vischer le Jeune (1760-1528/29), adapte l'art italien à la tradition germanique
(Monument funéraire de Otto IV von Henneberg, 1515-1520, bronze) en reprenant le modelé réaliste venu
d'Italie. Il s'inspire des gravures italiennes de Jacopo de Barbari pour confectionner ses œuvres (Enfant au
dauphin, 1515, bronze, National Gallery of Art de Washington).
A Munich enfin, Hubert Gerhardt (1550-1622/23) originaire des Pays-Bas et ancien élève de Jean de
Bologne, découvre un style maniéré et solennel en s'approchant du mouvement de Baroque (Diane
chasseresse, Rezidenzmuseum, Munich, fin XVIe s., bronze, 230 cm).
C.2. La peinture:
C.2.a. Première étape: de l'influence flamande à un art original.
Le Gothique international du milieu du XVe s. prend en Allemagne peu avant 1500 la forme d'un réalisme
prononcé en se développant parallèlement à la réflexion des maîtres flamands. Au nord, Rueland
Frueauf l'Ancien (1445-1507) travaille l'expressivité et la force dramatique des physionnomies (Ecce
Homo, ap. 1491, 182 x 116 cm, Alte Pinakothek de Munich). A Bâle, Konrad Witz († 1547) développe
quant à lui le réalisme minutieux hérité de sa formation en Souabe, dans le paysage notamment, qu'il veut
différent du paysage ornemental gothique tardif et du paysage imaginaire des maîtres flamands (les
Patenier ou Brueghel l'Ancien par exemple). Ainsi dans La pêche miraculeuse du Retable de Saint-Pierre,
1444, 132 x 154 cm, Musée d'Art et d'Histoire de Genève, on reconnaît l'extrémité occidental du lac
Léman. Martin Schongauer (1453-1491) dit Martin Schön (= le beau Martin), vient d'une famille
d'orfèvres dans laquelle il découvre l'art de la gravure sur cuivre. La minutie de ce travail ainsi que le
tracé ferme du contour se retrouvent d'ailleurs dans sa peinture (La Vierge au buisson de roses, 1473, 200
x 115 cm, église Saint-Martin de Colmar, Alsace).
C.2.b. Le fondateur de la peinture renaissante allemande: Dürer.
Personnage le plus important de la Renaissance germanique, Albrecht Dürer (Nuremberg, 1471-1519),
fils d'orfèvre cultivé d'abord initié à la gravure par son père, est formé ensuite dans l'atelier de Mikael
Wolgelmut où il acquiert les bases de la peinture flamande et surtout le sens du détail typiquement
germanique. A 19 ans, son apprentissage terminé, il visite les grands centres artistiques germaniques
(Colmar, Bâle, Strasbourg). Le Portrait de son père, 1490, huile sur bois, 47,5 x 39,5 cm, Offices,
Florence, témoigne du modèle flamand, de la précision du trait proche de la gravure et du souci du
réalisme allemand. Son Autoportrait de 1493 (huile s/parchemin, 56,5 x 44,5 cm, Louvre) illustre l'intérêt
157
que Dürer va porter au réalisme psychologique du modèle ainsi que l'influence du modèle flamand.
L'Autoportrait de 1498 (52 x 41 cm, huile s/bois, Prado) renforce cette importance de traduire la vérité
profonde de la nature humaine en même temps qu'une technique picturale plus aboutie ainsi que d'une
influence du modèle italien.
En effet, en 1494, après s'être marié, il visite une première fois Venise, voyage sans précédent pour un
artiste allemand! Il y découvre les thèmes antiques et exotiques (les Turcs sont nombreux dans la cité des
Doges) mais surtout la technique de la gravure au burin sur cuivre, qui remplacera le bois dans ses
gravures. Ainsi, on constate une nette différence dans la précision du trait et ses effets en comparant Les
Quatre Cavaliers de l'Apocalypse, 1497-98, grav. s/bois, 39,3 x 28,3 cm, Gabinetto dei Disegni e delle
Stampe de Florence, avec La Chute de l'homme, 1504, grav. s/cuivre, Cabinet des Estampes de Berlin.
Sa peinture se transforme également: les couleurs s'éclaircissent selon la palette de Giovanni Bellini qu'il
rencontre lors de son second séjour en 1505. Le modelé au tracé ferme s'est assoupli au contact des
œuvres de Vinci (rôle du sfumato). L'influence de la peinture italienne transparaît ainsi magistralement
dans deux œuvres proches datant de la même année, 1504. Il s'agit de La Nativité du retable
Paumgartner, 155 x 126 cm, Alte Pinakothek de Munich, et de L'Adoration des Mages, 100 x 111 cm,
Offices de Florence. Avec le panneau de La Fête du Rosaire, 1505-1506, 162 x 194 cm, Musée national
de Prague, l'apport italien est parfait tandis que ses Adam et Eve, chacun 209 x 203 cm, Prado, sont les
premiers nus grandeur nature réalisés en Allemagne!
Dès son retour à Nuremberg, les commandes affluent mais sa peinture minutieuse étant d'un rapport
financier médiocre, il se consacre de plus en plus à la gravure. Il peint néanmoins en 1511 une superbe
Adoration de la Sainte Trinité, 135 x 123 cm, Kunsthistorisches Museum Gemäldegalerie de Vienne,
réfléchie d'après la Dispute du Sacrement de Raphaël (1509, Vatican).
En 1520, il se rend à Aix-la-Chapelle afin de se faire confirmer par le nouvel empereur une pension que
lui avait accordée Maximilien. Il en profite pour accomplir un périple d'un an dans les anciens Pays-Bas.
Il rencontre Joachim Patenier, Lucas de Leyde, Bernard van Orley et admire les œuvres des primitifs,
s'intéresse à celles de Jérôme Bosch, de Quentin Metsys et de Jean Gossart. Il rencontre également
Erasme. Malgré l'offre de la ville d'Anvers de lui donner une maison, il rentre à Nuremberg où il passe les
sept dernières années de sa vie à peindre, des portraits notamment (Jacob Muffel, 1526, 48 x 36 cm,
Staatliche Museen de Berlin) et à rédiger des traités théoriques.
C.2.c. Les peintres visionnaires allemands du début du XVIe siècle.
Au XIXe s., les artistes redécouvrent une personnalité obscure, celle d'un certain Mathis Neithardt
Gothardt (vers 1480-1528) connu sous le nom de Matthias Grünewald. En réalité, on ne sait rien de sa
formation si ce n'est que les règles de la perspectives et les proportions justes du corps humain ne lui sont
pas étrangères mais qu'il n'en fait pas l'axe de sa recherche. Ses œuvres traduisent la hantise de la mort
qu'exprime le plus souvent le corps torturé et putréfié du Christ mort ou souffrant devant des paysages
sinistres. C'est le cas d'une des faces du Retable d'Issenheim (la Crucifixion), 1512-1516, Musée
Unterlinden de Colmar, Alsace, et d'une autre Crucifixion, 1500-1506, 72 x 52 cm, Kunstmuseum de Bâle.
En revanche, l'autre face du Retable d'Issenheim, figurant l'Annonciation, la Résurrection et l'Incarnation,
frappe par l'éclat radieux et surnaturel de ses couleurs intenses. Symbole de la paix de la grâce libératrice
et de l'espoir de la résurrection, cette vision renforce encore le désespoir de la mort charnelle et des
souffrances de la vie en échos aux interrogations portées par la Réforme protestante. Le visage du Christ
du Portement de Croix du Retable de Tauberbischofsheim, 1553, Musée de Karlsruhe, illustre ce
sentiment partagé entre douleur et libération, souffrance et espoir. On dit de Grünewald qu'il est un
"expressionniste" avant l'heure.
158
Il en est de même avec Albrecht Altdorfer (1480-1538), que l'on dit précurseur du "Romantisme
allemand". En effet, il propose des paysages immenses et fantastiques, ramenant l'humain à bien peu de
chose et s'opposant ainsi à la vision réaliste si chère à ses contemporains. La Bataille d'Alexandre, 1529,
158 x 120 cm, Alte Pinakothek de Munich et Saint Georges et le dragon, 1510, 28 x 22 cm, Alte
Pinakothek de Munich, l'illustrent à merveille. Dans Paysage avec famille de satyres, 1507, 28 x 20,3 cm,
Berlin et Paysage avec un pont, National Gallery de Londres, Altdorfer témoigne encore plus de cet
amour du paysage.
C.2.d. Trois maîtres de la Renaissance allemande: Cranach, Holbein et Baldung Grien.
Formé dans l'atelier de son père à Kronach près de Bamberg, Lukas Sunder Müller (1472-1553) dit
Lucas Cranach l'Ancien, se rend à Vienne à l'extrême fin du XVe s. jusqu'en 1504. Il peint durant cette
période des oeuvres pathétiques (surtout des crucifixions: Lamentation sous la Croix, 1503, 138 x 99 cm,
Alte Pinakothek de Munich et quelques portraits remarquables (Portrait de Johannes Cuspinian,
1502/1503, 60 x 45 cm, Museum Stiftung Sammlung de Wintherthur).
Il se fixe ensuite à Wittenberg, siège des princes électeurs de Saxe, dont il devient le familier, membre du
conseil de la ville, propriétaire d'une pharmacie et d'une imprimerie, puis bourgmestre en 1537 et 1540.
Ami intime de Luther qui est parrain d'un de ses fils, et malgré son attachement professionnel au cardinal
de Brandebourg (Le Cardinal Albrecht von Brandeburg avec le Crucifix, 1520/1525, 158 x 112 cm, Alte
Pinakothek de Munich), il devient le peintre attitré de la Réforme (Portraits de Luther et de son épouse,
Katarina von Bora, 1529, 37 x 23 cm, Offices) critiquant dans ses œuvres le relâchements des mœurs. Ses
Vénus et ses Eve par la souplesse de leur corps agrémentés de chapeaux, de voiles ou de colliers suggèrent
un érotisme ambigu et le péché de la chair (La nymphe de la source, 1518, 54 x 85 cm, Leipzig Museum
der Bildenden Kunste ; Vénus dans un paysage, 1529, 53 x 26 cm, Louvre ; Le Jugement de Pâris, 1530,
119 x 85 cm, Landesmuseum de Gotha).
Sous l'ordre de l'électeur Friedrich le Sage (La Chasse de l'électeur Friedrich le Sage, 1529, 80 x 114 cm,
Kunsthistorisches Museum de Vienne), Cranach l'Ancien effectue en 1508 une tournée dans les Pays-Bas
pour faire "parade de son talent" à la cour de Maximilien. Il y visite les grandes villes d'art et y rencontre
les romanistes flamands, Quentin Metsys et Jean Gossart dont l'influence est sensible dans le Retable de la
Sainte Famille ou Retable de Torgau, 1509, 120 x 99 cm, Francfort Städelches Kunstistitut peint à son
retour.
Fidèle à ses convictions et à ses amitiés, il partagera la captivité de l'électeur Hans Friedrich le
Magnanime, prisonnier de Charles Quint. Il meurt à Weimar où résidera le prince après sa libération.
Hans Baldung Grien (1484-1545) est formé dans le milieu alsacien avant de voyager à Nuremberg et
Fribourg pour ensuite revenir à Strasbourg. Bien que connaisseur des principes de la Renaissance,
Baldung Grien exprime d'abord un intérêt pour l'art courtois de la chevalerie du Gothique international
(spätgotik) mêlé à des préoccupations moralisatrices avec un aspect morbide proche de Grünewald: Le
chevalier, la jeune fille et la Mort, 35,5 x 29,6 cm, Louvre ; La Mort et la jeune fille, 1517, 130 x 145 cm,
Musée des Beaux-Arts de Bâle. Il donne aussi quelques portraits originaux: Le Margrave Kristofer von
Baden, 1515, 47 x 36 cm, Alte Pinakothek de Munich. Puis à partir de 1520 environ, l'influence italienne
s'affirme: La Nativité, huile s/toile, 105,5 x 70,4 cm, Alte Pinakothek de Munich.
La vie de Hans Holbein le Jeune (Augsbourg, 1497-Londres, 1543) est celle de l'artiste talonné par les
bouleversements de la Réforme, dont l'œuvre - essentiellement des portraits - glorifie la dignité de
l'individu à la manière des peintres renaissants. Il travaille dans l'atelier de son père jusqu'en 1514, puis il
se rend à Bâle pour collaborer avec l'imprimeur Froben. Il peint quelques portraits au trait incisif et au
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modelé peu rendu: Portraits de Jakob Meyer zum Hazen et de Dorothea Kannengiesser, 1516, 38,5 x 31
cm, Öffentliche Kunstammlung de Bâle.
Il élargit son horizon esthétique en Italie du nord en 1518 et 1519 (prédelle du Christ au tombeau et
panneaux de l'Adoration des bergers et de l'Adoration des Mages du Retable Obberied (détruit),
1521/1522, Öffentliche Kunstsammlung de Bâle et Cathédrale de Fribourg), puis en 1523 à la cour des
Valois en France où les bruxellois Clouet père et fils lui permettent de se perfectionner dans l'art du
portrait.
A son retour en Suisse, il rencontre enfin Erasme (Portrait d'Erasme, 1523, 43 x 33 cm, Louvre), dont il
devient l'ami. En 1526, les violences iconoclastes de la Réforme et la crise économique le poussent à
partir pour l'Angleterre où il devient un des portraitistes les plus en vue.
Après un bref retour à Bâle entre 1528 et 1532 (Le retable Meyer, 1526/1530, 146,5 x 102 cm, Collection
des princes von Essen und bei Rhein de Darmsdadt), lassé de son existence et de sa femme (La femme du
peintre et ses aînés, 1528, 77 x 64 cm, Öffentlische Kunstsammlung de Bâle), il s'installe définitivement en
Angleterre au service du roi Henri VIII, où il prend maîtresse et fonde un second foyer.
Portrait des ambassadeurs Jean de Dinteville et Georges de Selves, 1533, 207 x 209,5 cm, National
Gallery, Londres ; Portrait d'Henri VIII, 1539/1540, 57 x 44 cm, Galleria nazionale de Rome ; Portrait
d'Edouard, prince de Galles, bébé, 1539, 57 x 44 cm, National Gallery de Washington ; Edouard, prince
de Galles, enfant, 1543, Ø 32,4 cm, Metropolitan Museum of Art de New York.
D. L’Espagne.
D.1. Introduction:
Le XVe siècle est synonyme pour l'Espagne de misère politique (division du territoire), économique et
d'occupation arabe. Avec le mariage de Ferdinand, roi d'Aragon et d'Isabelle, reine de Castille, en 1469,
on assiste au début d'une période glorieuse pour l'Espagne. Les rois catholiques entreprirent de regrouper
le pays sous leur pouvoir. La "Reconquista" se termine en 1492 par la prise de Grenade qui valut aux
souverains espagnols le titre de rois catholiques. Le retentissement de cette prise fut énorme: après des
siècles de croisades, les Maures étaient enfin boutés hors d'Europe et l'Espagne trouvait une unité
territoriale et religieuse.
Après la victoire de 1492, Juifs et Maures eurent à choisir entre conversion et exil: 300.000 choisirent
l'exil. Ce fut un désastre économique pour l'Espagne car les Juifs tenaient le commerce et les Maures
étaient artisans et agriculteurs. L'"Inquisition" (tribunal ecclésiastique) fut alors établie comme moyen de
coercition vis-à-vis de ces juifs et de ces Maures afin de réussir la politique unificatrice. Ainsi en mourant
en 1516, Ferdinand laissait à son successeur, Charles Quint, un royaume unifié et riche. En effet, dès
1492, Christophe Colomb (1451-1506) avait entrepris, pour le compte d'Isabelle, ses voyages vers
l'Amérique qui apportèrent à l'Espagne grandeur et richesse sans précédent.
D.2. L'architecture:
Dès la fin du XVe siècle, l'architecture participe au mouvement de renouveau qui se manifeste dans toute
la vie intellectuelle et artistique. Les monuments religieux et civils s'inscrivent dans un premier temps
dans la tradition hispano-mauresque, sans toutefois se fermer aux apports extérieurs, italiens notamment.
Ainsi, en réaction à l'exubérance ornementale de ce style dit art plateresque qui triomphe aux temps des
rois catholiques, se développe sous le règne de Charles Quint, une forme d'art plus austère, inspirée de
160
l'Antiquité (1ère Renaissance espagnole), qui aboutira sous Philippe II au style sévère dit desornamentado
(dépouillé de décor, 2ème Renaissance espagnole).
D.2.a. Le style plateresque:
Tiré de platero (orfèvre) et parfois appelé style Isabelle, son originalité réside dans l'ornementation d'une
extraordinaire exubérance et d'une complexité déconcertante. Les éléments du Gothique flamboyant venu
du nord s'y mêlent aux motifs de l'art mudéjar, œuvre des Maures convertis au Catholicisme.
Salamanque est considérée comme la capitale du style plateresque, qui illustre les préoccupations des rois
catholiques, davantage orientés vers les institutions religieuses et caritatives que vers le faste des
luxueuses demeures aristocratiques. Le Portail de l'Université (1516-29) est sans doute le plus connu. Le
Portail de l'Hôpital royal de Saint-Jacques de Compostelle (1501-1511) par Enrique Egas en constitue
un autre exemple remarquable.
Le maître de l'art plateresque sera cependant le fils d'un sculpteur flamand de Burgos, Diego da Siloé.
Son œuvre magistrale, l'Escalier doré de la cathédrale de Burgos (1519-23) fait déjà la part belle aux
ornements maniéristes antiquisants, de même que la façade et le portail de l'église San Salvador de Úbeda
(province de Jaén), 1536-1556.
Dans la même veine, Rodrigo Gil de Hontañón dans sa façade de l'Université de Alcalá de Henares
(1543), remplace peu à peu le souvenir du Gothique par des éléments renaissants. Lorenzo Vázquez
donnera quant à lui bien plus tôt déjà le Portail de la façade du collège de Santa Cruz de Valladolid
(1487-91).
D.2.b. La première Renaissance espagnole:
Dans le domaine religieux, Diego da Siloé, qui a exécuté un voyage à Naples en 1517, élève une
audacieuse coupole à 45 m de haut sur le chœur de la cathédrale de Grenade en 1528 et plaque sur la
structure gothique des décors de style corinthien.
A Jaèn, Andrés de Vandilvira assimile les règles gréco-romaines et abandonne la surcharge décorative
au profit de lignes et de volumes purs lorsqu'il conçoit l'intérieur de la cathédrale vers 1550.
C'est toutefois dans le domaine civil que l'art italien est le plus visible:
En Espagne, à la différence de la France de François Ier à Fontainebleau, ce n'est pas autour de la cour du
roi que va se regrouper une "école" renaissante mais plutôt dans le sillage des puissantes familles tel les
Mendoza, qui à la manière des aristocrates ou des grands bourgeois italiens, subsidient des nouveaux
talents avides d'idées nouvelles.
Les Mendoza font ainsi appel au génois Michele Carlone pour construire leur château à La Calahorra en
province de Grenade entre 1500 et 1513. Il y édifie une cour intérieure à la manière des palais florentins.
La même famille confie à Lorenzo Vázquez le soin d'élever son palais dit des Ducs de Medinaceli à
Cogolludo (prov. de Guadallajara) en 1495 sur le modèle des palais florentins à façade fermée et fort
bossage.
Charles Quint, à son avènement va choisir, à la différence de ses prédécesseurs, de soutenir l'art
italianisant. Pour son Palais de l'Alhambra à Grenade, il choisit en 1527 l'architecte tolédan Pedro
161
Machuca, formé en Italie, et le sculpteur italien Niccolo da Corte. Tout dans ce palais doit évoquer la
puissance et la grandeur impériale à la mode antique, dépouillée des "fioritures" du plateresque.
Andrés de Vandilvera choisit pour sa part le modèle de la villa romaine ou florentine (cf. la Villa
Agostino Chigi en 1509-1511 par Baldassare Peruzzi à Rome) pour édifier le Palais Vázquez de Molina
en 1562 à Úbeda (prov. de Jaén), de même qu'Alonso Covarrubias pour la façade de l'Alcazar de Tolède
(dès 1537) et la cour de l'Hôpital Tavera (1542) dans la même ville. On y retrouve à la fois la régularité
du rythme, la simplicité des volumes et la décoration héritée de la Haute-Renaissance italienne.
D.3.c. L'aboutissement de la Renaissance espagnole: le style desornamentado.
Alors qu'il est encore prince régent, Philippe II, à la différence de son père Charles, manifeste au domaine
artistique une attention minutieuse: il décide de la disgrâce de Covarrubias au profit de l'architecte
rigoureux et théoricien Francesco de Villalpando à qui il confie le projet d'un vaste complexe palaismonastère-nécropole où il souhaite s'enfermer en compagnie de moines hiéronymites auprès des reliques
de ses ancêtres. Il décide de placer cet édifice sous la protection de saint Laurent dès la pose de la
première pierre en 1563 (année de la Contre-Réforme catholique, ce qui explique l'addition d'un centre
d'étude de la doctrine religieuse au complexe). Le lieu choisi représente le centre géographique de
l'Espagne: c'est la sierra de Guadarrama (près de Madrid) près de carrières de granit qui donneront le
nom du complexe, el Escorial (de scorias = scorie en français).
C'est Juan Bautista de Toledo, collaborateur de Michel-Ange à Saint-Pierre de Rome qui donne à
l'édifice en 1561 son plan quadrillé symbolisant le gril, instrument du martyre de saint-Laurent. Son
successeur en 1567, l'asturien Juan de Herrera (1530-1597) dessine le plan central de l'église, inspirée
de Saint-Pierre, et décide de l'austère dépouillement des façades. Rigueur monotone, art solennel et
froideur deviennent alors le bon goût espagnol. Nous le retrouvons d'ailleurs à la cathédrale de Valladolid
élevée par de Herrera peu avant sa mort en 1597, un an avant celle de Philippe II, arrêtant ainsi la
diffusion de ce style au profit du Baroque du siècle suivant.
D.4.c. L'architecture au Portugal:
- Le style manuélin:
Des explorations maritimes fructueuses, ainsi que le commerce avec l'Inde, l'Extrême-Orient et l'Amérique
enrichissent aussi le Portugal. Comme le style plateresque ou Isabelle est lié au règne de la reine de
Castille, le style manuélin doit son essor au règne du roi Manuel Ier du Portugal (1495-1521). On sait
toutefois très peu de choses des architectes portugais, si ce n'est l'importance des frères Diego (av. 15081531) et Francisco (av. 1510-1547) Arruda, maîtres de ce style fantastique, mêlant dans des
enchevêtrements inextricables la faune marine, les attributs de la pêche, éléments maures, orientaux et
renaissants. Fenêtre de la salle du chapitre du couvent du Christ à Tomar (1510-1514) et Cloître de
Belém à Lisbonne (1514-1517).
- L'ouverture à la Renaissance:
C'est sous les successeurs de Manuel Ier, dont Jean III (1521-1557) puis Philippe II d'Espagne - qui
s'empare du Portugal dès 1780 - que l'architecture de la Renaissance fait son entrée en terres portugaises.
Diego de Torralva commence en 1558 la reconstruction du cloître dit "de Philippe" du couvent du Christ
de Tomar qu'achèvera l'italien Filippo Terzi († 1587) sur le modèle d'une cour de palais italien alliant la
majesté de Donato Bramante à l'élégance théâtrale d'Andrea Palladio.
162
Dans la lignée du style desornamento cher à Philippe II, Terzi, nommé architecte royal pour le Portugal,
fait preuve d'une plus belle harmonie des proportions qu'Herrera lorsqu'il édifie la façade de l'église SaintVincent-de-Fora (1582-1627) à Lisbonne.
D.3. La sculpture:
Art ostentatoire par excellence, rien de mieux que la sculpture ne pouvait exprimer l'orgueil et la puissance
de l'Espagne. L'or des Amériques, les marbres importés d'Italie, les polychromies somptueuses brillent
d'un éclat sans pareil dans les cathédrales: retables, monuments funéraires et tombeaux s'y multiplient
comme jamais auparavant.
A l'école des maîtres des Pays-Bas bourguignons et d'Italie, se formeront les maîtres de la sculpture
espagnole.
D.3.a. Le goût du matériau riche:
Natif de Langres, Philippe Biguerny connu en Espagne comme étant Felipe Bigarny (1470-1542),
confectionne pour le pourtour du choeur de la cathédrale de Burgos en 1499 un Portement de Croix
alliant l'ampleur du volume bourguignon et le répertoire décoratif renaissant. Cette œuvre lui apportera le
succès et de nombreuses commandes officielles. A partir de 1519, Biguerny s'associe de plus en plus
souvent avec les maitres espagnols formés en Italie, sans pour autant se départir de son style nordique.
Ainsi, en 1521, son relief de la Prise de Grenade par les Rois catholiques pour le maître-autel de la
Chapelle royale de la cathédrale de Grenade en témoigne avec son style narratif et sans perspective. De
même, son Tombeau de l'évêque Diego de Avellaneda, 1536, marbre, Musée national de la sculpture de
Valladolid, reste fidèle aux proportions trapues, aux volumes massifs et aux larges plans sculptés
caractéristiques de l'art bourguignon.
L'influence des Italiens dans la première moitié du XVIe siècle est considérable en Espagne. Ainsi, quand
les tombeaux ne sont pas directement importés d'Italie, ce sont les Italiens qui se déplacent.
Le Tombeau de Ramón Folch de Cordona, église paroissiale de Bellpuig (prov. de Lérida), œuvre de
Giovanni Marliano da Nola (de la cour des vice-rois de Naples) qui fut remonté entre 1522 et 1525,
introduit le goût et le modèle italien en Espagne.
Italien exilé en Espagne, Giovanni (dit Juan) di (de) Lugano introduit l'hyperréalisme de la Renaissance
italienne (individualisation) et l'aisance du travail du marbre mais avec une abondance du détail dans le
goût plateresque dans ses Gisants du connétable de Castille et de son épouse, 1530, cathédrale de Burgos.
C'est toutefois Domenico di Sandro Fancelli (1469-1519), de Settignano, qui fut le plus renommé artiste
italien en Espagne grâce aux commandes royales qu'il exécuta pour la cour. Pour Diego López de
Mendoza, second comte de Tendilla, il exécuta d'abord le tombeau de son frère, Diego Hurtado de
Mendoza, archevêque de Séville, 1508-1510, cathédrale de Séville: œuvre murale, dans la plus pure
tradition italienne, inspiré des œuvres du Quattrocento, particulièrement de Mino da Fiesole et des frères
Rosselino mais néanmoins adaptée au goût du décor plateresque. Le comte de Tendilla, exécuteur
testamentaire de la reine Isabelle, commande également à Fancelli le tombeau de l'infant don Juan, fils de
la reine, mort avant celle-ci. L'œuvre exécutée à Gênes est placée en 1512 dans le couvent de Santo
Tomás à Ávila. Proche des œuvres de Pollaiuolo, d'une grande sobriété correspondant à l'austérité
religieuse du couple royal, il servira de modèle pour leurs gisants ainsi que ceux de leurs successeurs,
Philippe le Beau et Jeanne la Folle.
163
C'est Fancelli qui est à nouveau chargé de sculpter ces deux œuvres, mais il aura uniquement le temps de
finir celui de Ferdinand et d'Isabelle, 1514-1517, chapelle royale de la cathédrale de Grenade. C'est en
effet un de ses fidèles disciples, Bartolomé Ordóñez, de Burgos qui exécutera sur ses plans celui de
Philippe et Jeanne, 1519-1525, placé juste à côté du précédent dans la cathédrale. C'est lui aussi qui
assurera la poursuite du tombeau du cardinal Cisneros, 1518-1524, pour la chapelle de l'Université
d'Alcalá que Fancelli avait projeté.
A la fin du siècle, Charles Quint va lui-aussi faire appel à des italiens, les milanais Leone Leoni (15091590) et son fils Pompeo († 1608) afin de réaliser en bronze doré les deux groupes funéraires de l'église
du monastère de l'Escurial (Charles Quint, son épouse, sa fille et ses sœurs, 1592-98 ; Philippe II, ses
trois épouses et son fils, dès 1592), apogée de la sculpture funéraire royale espagnole.
Si Ordóñez tire les leçons de sa formation par un italien, il en est tout autre pour Vasco de la Zarza,
imagier castillan à qui on a l'habitude d'attribuer les Tombeaux d'Alonso Carillo de Albornoz, v. 1515,
cathédrale de Tolède et d'Alonso de Madrigal "El Tostado", 1518, cathédrale d'Ávila. Dans le premier
cas, il semble toutefois plus raisonnable d'attribuer le gisant à Fancelli ou un de ses élèves, le décor plus
populaire et polychromé étant lui bien de de la Zarza. On retrouve dans la statue d'El Tostado là aussi les
caractéristiques de Fancelli, mais avec une maladresse indiquant qu'il doit plus probablement s'agir d'une
œuvre de de la Zarza.
A mi chemin entre art populaire et art noble se situe également le valencien Damián Forment, spécialiste
du retable, qui donne une vision plateresque de la Renaissance dans son Retable du maître-autel de la
cathédrale Santo Domingo de la Calzada, 1537 (prov. de la Rioja).
D.3.b. Le goût de la couleur:
Ce sont les sculpteurs flamands qui à la fin du Moyen Age ont introduit l'art de la sculpture en bois
polychromé en Espagne. Cette tradition va continuer tout au long du XVIe siècle à côté de la sculpture en
matériau noble et sera réservée aussi bien à l'art populaire qu'à l'art religieux.
De plus, l'art du bois polychromé espagnol va rencontrer une autre tradition, celle de la terre cuite peinte si
chère aux italiens dont les della Robbia furent les plus représentatifs. C'est Pietro Torrigiano (14721528), celui qui avait cassé le nez de Michel-Ange lorsqu'ils étaient apprentis dans les jardins de Laurent
le Magnifique à Florence, qui après avoir travaillé pour la cour d'Angleterre, va introduire cette technique
en Espagne (Vierge à l'enfant, 1525, Musée provincial des beaux-Arts de Séville).
Son compatriote Jacopo Torni dit l'Indaco (1456-1526) va faire la synthèse entre les deux traditions.
Admiré par Michel-Ange lui-même, l'art de l'Indaco révèle l'équilibre entre expressivité ibérique et
médiévale et monumentalité italienne et renaissante (Mise au tombeau, 1520, Musée des Beaux-Arts de
Grenade).
La Castille, qui continue d'accueillir des sculpteurs des Pays-Bas bourguignons, reçoit favorablement cet
art et Jean de Joigny (v. 1507-1577) dit Juan de Juni va y fonder une célèbre école de pasos, les statues
promenées en procession. Il en gardera un sens du pathétisme expressif qui va animer toute son œuvre
(Mise au tombeau de la cathédrale de Ségovie, 1571 ; La Vierge aux sept glaives, 1572, église Nuestra
Señora de las Angustias de Valladolid).
C'est le départ d'Alonso Berruguete (1488-1561) de Castille pour l'Italie qui permit à Juni d'y installer
son école. Après avoir étudié les œuvres de Michel-Ange et de ses successeurs maniéristes jusqu'en 1520,
Berruguette, de retour en Espagne, y acclimate le sens du pathétisme de Juni et l'expressivité de l'Indaco
164
avec les formes nerveuses et les torsions du Maniérisme italien (Adoration des Rois Mages et saint
Sébastien du Retable de San Benito el Real, 1527-1532, Musée national de sculpture de Valladolid).
D.4. La peinture.
D.4.a. Avant les rois catholiques (1400-1474): la référence flamande.
Bien avant la fusion des royaumes de Castille et d'Aragon sous les monarques Ferdinand et Isabelle,
l'intérêt pour la peinture flamande était déjà très grand en Espagne. Ainsi, Alphonse V le Magnanime
d'Aragon (1396-1458) avait-il réuni une importante collections de tableaux de maîtres du nord. Il envoya
son peintre de cour, Luis Dalmau, à Bruges en 1431, afin qu'il s'y forme au goût et à la technique
flamande auprès de Jan Van Eyck notamment. L'imitation de Van Eyck est d'ailleurs manifeste dans La
Vierge des Conseillers, 1431-1435, 312 x 311 cm, Musée d'art de Catalogne à Barcelone.
Fernando Gallego, peut-être formé par Diericks Bouts fait quant à lui preuve d'un intérêt considérable
pour Rogier Van der Weyden avec sa Déploration, 1470-1475, Prado.
Production ou imitation flamande est aussi le Retable de Sopetrán, 1475, Prado d'un maître anonyme
flamand, le maître de Sopetrán, à moins qu'il ne s'agisse d'un espagnol formé au Pays-Bas. Quant au
Retable de saint Georges, 1468, 160 x 100 cm, Musée diocésain de Palma de Majorque, il est sans doute
une copie peinte par Pere Nisart d'un tableau de Van Eyck acheté en 1444 par Alphonse V.
A côté des imitateurs flamands, on voit également poindre des artistes sensibilisés à la peinture des PaysBas, mais également à celle d'Allemagne, diffusée par de nombreuses gravures. C'est le cas de Jiménez
avec La Résurection, 1470, 70 x 40 cm, Prado.
L'art italien, si il ne marque par l'Aragon avant la fin du XVe siècle, n'est pour autant pas absent de la
Cour d'Alphonse V. En effet, La Sicile était alors intégrée au Royaume de Naples dirigé par René
d'Anjou puis Alphonse V. Sa collection de peintures des anciens Pays-Bas a donc ainsi pu être admirée à
loisir par le sicilien Antonello da Messina (1430-1479), élève et successeur d'un autre italien, Colantonio,
en tant que peintre de la cour de Naples. C'est donc en partie grâce à cette collection royale que l'art et les
techniques des Flandres bourguignonnes vont être apportés à Venise par Antonello da Messina lorsqu’il y
séjournera.
A l'inverse, des peintres aragonais vont connaître à la cour de Naples et Sicile les particularités de la
Renaissance italienne. C'est le cas du peintre picard Jacomart qui suivit le roi Alphonse V en Italie d'où
il ramènera un art de la consistance et du volume caractéristique (Retable de la Cène, 2ème moitié du XVe
siècle, Musée de la cathédrale de Segorbe, prov. de Valence). De même, Rodrigo Osona l'Ancien tire
directement de l'art italien certaines parties de ses œuvres, comme le groupe d'hommes de son Retable du
Calvaire, 1476, église Saint-Nicolas de Valence.
Au Portugal, c'est sous Alphonse V de Portugal (1438-1481), que Nuno Gonçalves (1425 - Lisbonne,
1491) peint l'œuvre la plus importante de la peinture portugaise: les six panneaux (207 x 129 cm) du
Polyptique de saint Vincent de la cathédrale Saint-Vincent de Lisbonne en 1470-1475 (aujourd'hui au
Musée d'art ancien de Lisbonne). Au fond de paysages flamands ou d'architectures italiennes, Gonçalves
préfère des portraits individualisés des figures du pays, rejoignant ainsi l'esprit civil si important à la
Renaissance.
165
D.4.b. Sous les rois catholiques: la première Renaissance espagnole (1474-1516)
Sous le règne d'Isabelle de Castille et Ferdinand d'Aragon, l'intérêt pour la Flandre ne décroît pas. Le
commerce de la laine entre Burgos et Bruges, le mariage de leur fille Jeanne la Folle avec Philippe le
Beau, archiduc d'Autriche et duc de Bourgogne intensifient au contraire les liens. Isabelle de Castille,
fervente dévote apprécie particulièrement notre culture, plus ancrée dans le Christianisme "conventionnel"
que l'Italie renaissante, c'est pourquoi elle ira jusqu'à collectionner plus de 400 œuvres flamandes!
. les peintres "hispano-flamands":
Toutefois, l'influence italienne se fait néanmoins sentir, dans certains motifs, dans le choix des thèmes,
dans l'attention à la géométrie, et dans un meilleur rendu des volumes anatomiques. Ainsi, en témoigne
La Vierge des Rois catholiques, 1492, 123 x 112 cm, Prado, due à un castillan anonyme et qui décorait la
chapelle privée des souverains au couvent d'Ávila. D'apparence flamande dans un premier temps, on y
voit aussi l'abandon du décor gothique au profit d'un décor renaissant et plus sobre, ainsi qu'une étude
géométrique et de la perspective plus poussée.
Juif converti de Cordoue, Bartolomé Bermejo rapporte de ses voyages en Flandres et en Italie les
modèles nordiques additionnés d'un sens du volume et d'un équilibre de la scène tout italiens avec en plus
une touche de pathétisme (comme en sculpture) bien espagnol (Pietà du chanoine Despla, 1490, 175 x
189, cathédrale de Barcelone).
Quant à Fernando Gallego, il s'inspire des écrits astrologiques italiens que l'humaniste Antonio de
Nebrija avait ramenés en Espagne pour décorer à fresque en 1490 la voûte et la coupole de la
bibliothèque de l'université de Salamanque.
. les peintres flamands:
Si la reine favorise des peintres locaux, elle n'en oublie pour autant pas de faire venir à sa cour des artistes
flamands:
Jean de Bourgogne d'abord, plus connu comme étant Juan de Borgoña, représente, malgré une ouverture
certaine à l'art italien, l'archétype de l'artiste bourguignon lorsqu'il se limite au style miniaturiste et naïf
que l'on retient de lui (fresques de la chapelle mozarabe de la cathédrale de Tolède, 1514).
Michel Sittow (1468-1525) ensuite, estonien formé à Bruges, fait une grande carrière de portraitiste de
cour tant en Espagne, qu'en Angleterre et que dans les anciens Pays-Bas. Par sa maîtrise technique et
l'intériorité de ses visages, il égale les plus grands artistes des Flandres (Portrait de Diego de Guevara,
1515, 33,6 x 23,7 cm, National Gallery of Art de Washington).
Quant à Ayne Bru, son style faisant la part belle à une violence dramatique lui vaudra longtemps le titre
de "peintre allemand", malgré des origines et une formation purement flamandes! Martyre de saint
Cucufa, 1504-1507, 164 x 133 cm, Musée d'art de Catalogne à Barcelone.
Jean des Flandres enfin, dit Juan de Flandes (actif de 1496 à 1619), avec son style apaisé, emprunt de
douceur et de sérénité, renonce au style du XVe siècle au profit d'un équilibre des atmosphères propre aux
paysagistes flamands du XVIe (Patenier, Blès, Bril). Le Christ au jardin des Oliviers, 1510-1518, 60 x 45
cm, Retable principal de la cathédrale de Palencia.
. un espagnol formé en Italie:
Pedro Berruguete (Paredes de Nava, 1450-1503), le père de l'architecte Alonso Berruguete, fut formé à
Urbino, au sein d'un atelier réunissant Pierro della Francesca, Juste de Gand et Giovanni Santi (le père de
166
Raphaël). Il collabore notamment avec l'artiste flamand pour décorer le studiolo du duc de Montefeltre
des portraits des Hommes Illustres (Portrait de Dante, 1480, 111 x 64 cm, aujourd'hui au Louvre). En
1482, il revient en Espagne où il décore le cathédrale de Tolède et peint de nombreuses commandes
officielles (Saint Dominique présidant un autodafé, 1500, 154 x 92 cm, Prado).
. les peintres hispano-italiens:
La formation italienne, comme pour Berruguete, commence à se généraliser dès le début du XVIe siècle,
et ce malgré la réticence des monarques, mais plutôt grâce au goût de la noblesse et de la bourgeoisie
espagnoles. Toutefois, comme ce fut le cas dans la première moitié du XVe siècle avec la peinture
flamande, c'est d'abord l'imitation des peintres italiens qui va se développer.
Deux élèves de Léonard de Vinci, Fernando de Llanos et Fernando Yañez de la Almedina se livrent
plus ou moins heureusement à cette activité, notamment en 1507 pour le Retable du maître-autel de la
cathédrale de Valence (Naissance de la Vierge ; Mort et Assomption de la Vierge).
D.4.c. Le XVIe siècle: la seconde Renaissance espagnole (1516-1598).
- les peintres espagnols:
C'est sous les règnes de Charles Quint et de Philippe II que les artistes espagnols abandonnent
définitivement la manière flamande au profit de l'art italien et plus particulièrement du Maniérisme, qui
correspond si bien au caractère tendu, tourmenté et pathétique qu'apprécie le public ibérique.
Pedro Machuca (1500-1550), formé en Italie est un des adeptes de la maniera: Descente de Croix, 1525,
141 x 128 cm, Prado.
Vincente Masip est un peu moins dépendant de la maniera mais ne se révèle pas être un grand dans ses
compositions par exemple (Adoration des Bergers, 1530, 154 x 170 cm, Musée de la cathédrale de
Segorbe).
Pieter de Kempener, dit Pedro de Campaña (1503-1580) accentue le caractère dramatique par les gestes
et les expressions exagérés (Descente de Croix, 1547-1548, 320 x 191 cm, sacristie de la cathédrale de
Séville).
Luis de Morales (1515-1586) dit El Divino étudie la peinture auprès de Campaña mais ne retient du
Maniérisme italien que les beaux visages et les corps gracieux de Beccafumi et de Sebastiano del Piombo:
Présentation de Jésus au Temple, v. 1560, 146 x 114 cm, Prado.
Luis de Vargas (1506-1568) s'inspire pour sa part du Maniérisme romain de Vasari : composition savante
et touffue, étude académique du dessin, théâtralité des gestes. Le tout marque le triomphe de la forme sur
le sentiment (La Génération temporelle du Christ, 1561, 183 x 175 cm, cathédrale de Séville).
Fresquiste décorateur (Palais du Pardo, Alcazar) témoin d'une autre facette du goût de Philippe II (les
sujets érotico-mythologiques), Gaspar Becerra (1520-1570), formé par Vasari à Rome, s'inspire de la
peinture vénitienne et notamment de Titien comme pour sa Danaé, 1563, au plafond d'une tour du palais
du Pardo à Madrid.
Fils de Masip, Juan de Juanes (av. 1523-1579) interprète des sujets de dévotion populaire à partir des
œuvres de Vinci et Raphaël, dont il ne conserve que la douceur des tons et le jeux des ombres. Il est à
l'origine d'un atelier familial d'images de dévotion. La Cène, 1570, 116 x 191 cm, Prado.
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- les décorateurs italiens de l'Escurial:
Epris d'art italien, Philippe II souhaite confier la décoration de son palais-monastère à des décorateurs
d'Italie. Après avoir abordé plusieurs artistes, son choix s'arrête à contre-cœur au génois Luca Cambiaso
(1527-1785) et au bolonais Pellegrino Tibaldi (1527-1796). Plusieurs fresques de Cambiaso ont
d'ailleurs été retouchées ou tout simplement supprimée tant le style sec, les coloris délavés et le manque de
grâce de l'artiste heurtent le roi (Le Paradis, fresque du chœur de l'église de l'Escurial, 1583-1585).
Le style de Tibaldi plaît davantage au souverain. Disciple de Michel-Ange, Tibaldi dans l'Adoration des
Rois Mages, 1592, huile sur toile, retable de l'église de l'Escurial, montre qu'il dépasse le Maniérisme
pour une vision plus Baroque déjà de la peinture. Sa décoration pour la bibliothèque du palais, 15901591, s'inspire directement de celle de la Chapelle Sixtine et offre une vision plus proche du Classicisme
du XVIIe siècle.
- les portraitistes:
Si Charles Quint et Philippe II n'échappent pas aux pinceaux du Titien, c'est toutefois le flamand Antoon
Mor van Dashorst hispanisé en Antonio Moro (Utrecht, 1517 - Anvers, 1577) qui va gagner les faveurs
de l'empereur, avant d'être remplacé, pour cause de sympathie pour la Réforme, par le valencien Alonso
Sánchez Coello (1531-1588), formé par Moro à Bruxelles entre autre, et qui produit ce qu'on peut faire de
plus parfait dans le genre officiel (Portrait du peintre don Carlos, v. 1557, 129 x 95 cm, Prado).
- un génie singulier: El Greco
Domenikos Theotokopoulos naît à Héraklion, capitale crétoise en 1541. Il fait son apprentissage dans
l'île, partagé entre l'héritage byzantin et l'art occidental. En 1567, il choisit de partir pour Venise, dont
dépend la Crête, pour travailler dans l'atelier du Titien. C'est là qu'il est surnommé il Greco (le Grec).
Installé vers 1570 à Rome, ses nombreuses critiques des disciples de Michel-Ange, l'obligent à regagner la
Cité des Doges. C'est là qu'il entend parler des chantiers de l'Escurial et de la demande de peintres italiens
par Jeronimo Coello, le frère du portraitiste. Fuyant la peste qui ravage la lagune, il s'embarque donc pour
l'Espagne en 1576 où il deviendra El Greco. Il y restera jusqu'à sa mort à Tolède en 1614.
Dans sa première peinture espagnole connue, El Espolio (notre Seigneur se faisant dépouillé de ses
vêtements), 1577, 285 x 173 cm, Sacristie de la cathédrale de Tolède, El Greco témoigne de sa science du
raccourci et de la lumière, mais également déjà de son goût pour les contrastes violents ainsi pour les
physionomie tendues et cadavériques.
Afin de gagner les faveurs de la cour, il s'associe à l'architecte Juan de Herrera, architecte du roi, et réalise
pour le couvent de Santo Domingo el Antiguo les toiles du retable majeur dont La Trinité, 1577-1579, 300
x 179 cm, Prado.
Comme espéré, Philippe II le remarque et lui commande pour le chœur de l'église de l'Escurial Le
Martyre de saint Maurice, 1580-1582, 448 x 301 cm, Nouveaux musées du monastère de l'Escurial.
Hélas, les teintes peu flatteuses du tableau, sa composition trop savante et surtout le choix de rejeter le
martyre à l'arrière-plan n'incitant pas ainsi assez à la dévotion, valent à l'artiste de voir sa peinture refusée!
El Greco se retire alors à Tolède, dans un vieux palais abandonné abritant une élite cultivée - dont de
nombreux ecclésiastiques - pour qui le style brut et franc, sans complaisance, du peintre plaît (Le
Chevalier à la main sur la poitrine, 1580, 81 x 66 cm, Prado).
168
En 1586, le curé de la petite paroisse de Santo Tomé à Tolède lui commande de peindre un miracle
survenu en 1323: lors de l'enterrement du comte d'Orgaz, qui avait financé la reconstruction de l'église,
saint Etienne et saint Augustin étaient descendus eux-mêmes sur terre pour porter le corps du donateur...
Le Greco accepte de se conformer à la légende mais il a le génie d'actualiser son tableau et d'y placer les
portraits de toute la noblesse tolédane! (L'Enterrement du comte d'Orgaz, 1586-88, 480 x 360 cm, église
Santo Tomé de Tolède). Le succès est immédiat et les commandes de portraits tant civils que religieux
affluent (Portrait du cardinal Juan de Tavera, 1610, 103 x 82 cm, hôpital Tavera de Tolède et Portrait de
Fray Hortensio Paravicino, 1609, 113 x 86 cm, Museum of Fine Arts de Boston). Outre des portraits, les
riches mécènes lui demandent également des tableaux figurant des saints (le plus souvent groupés par
deux) fort en vogue à l'époque: Saint Pierre et saint Paul, 1605-1608, 123 x 90 cm, Musée national de
Stockholm.
Dès le début du XVIIe siècle, le succès du Greco lui pèse: l'artiste, âgé et malade ne peut plus honorer ses
trop nombreuses commandes. Il fait appel à son fils Jorge Manuel pour le seconder.
Les tableaux qu'il donne dans les quinze dernières années de sa vie témoignent d'un état d'esprit troublé,
qu'on ne s'explique toujours pas, mais qui fait de lui un créateur isolé et génial. Dans cet art, tout est
distordu, ses teintes acides sont baignées dans une lumière blafarde et l'angoisse qui s'en dégage est
poignante. La Visitation, 1607-1614, 97 x 71 cm, Dumbarton Oaks Research Library and Collections à
Washington. ; Vue de Tolède, 1607, 121 x 109 cm, Metropolitan Museum of Art de New York. ; Laocoon,
1610-1614, 142 x 193 cm, National Gallery of Art de Washington.
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Documentation
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Ordres romains (ajout des ordres toscan et composite aux trois ordres grecs).
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Plan de la domus (maison) romaine antique.
Description d’une colonne
Contreforts romans
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Voûte en berceau et arcs doubleaux
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Systèmes de voûtes gothiques.
Eléments constitutifs d’une architecture gothique.
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Ordres renaissants (toscan, dorique, ionique, corinthien et composite).
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Grille d’analyse esthétique :
PEINTURE
SCULPTURE
1. Impression générale, émotion, sentiment,
idée que donne l’œuvre au public.
Procédés techniques :
2. Composition :
a. Il y a-t-il et quels sont les différents
plans ?
b. b. Le tableau est-il structuré par des
lignes, lesquelles (horizontales,
verticales, les deux, obliques,
courbes,…?) ou peut-on regrouper les
différentes parties du tableau dans
des formes géométriques ?
c. Comment sont les formes du sujet
représenté (géométriques, naturelles,
stylisées, floues, cernées par un trait,
rondes, angulaires …) ?
d. Comment est la perspective (linéaire
ou mathématique avec un point de
fuite, atmosphérique donnée par les
couleurs, par succession de plans,
rabattue en un seul plan vertical …) ?
3. Comment sont les couleurs (vives, douces,
contrastées, complémentaires, froides,
chaudes, pures, salies, d’une palette
monochrome ou non …)
4. Qualifier la lumière : naturelle ou non,
diffuse sur l’ensemble de la scène, avec des
effets « spot », colorées, produisant des
clairs/obscurs …)
5. Comment est la touche picturale (la
manière dont la peinture est posée sur le
support) ? lisse (sans coup de pinceau),
nerveuses, gestuelles, appuyées, …
6. Effets recherchés :
Réunissez les procédés techniques (points 2 à
5) et expliquez comment ils conduisent à
l’impression ressentie au départ (point 1) ?
7. Contexte culturel : Replacez l’œuvre et
son message dans le contexte de sa création.
1. Impression générale, émotion, sentiment,
idée que donne l’œuvre au public.
Procédés techniques :
2. Composition :
a. Quels sont les axes ou l’axe autour
duquel (desquels) la sculpture est
construite ?
b. La sculpture est-elle d’un volume
fermé sur lui-même ou expansive dans
l’espace, laisse-t-elle passer la
lumière, massive, … ?
c. Comment sont les formes du sujet
représenté (géométriques, naturelles,
stylisées, floues, cernées par un trait,
rondes, angulaires …) ?
3. Comment sont les couleurs (vives, douces,
contrastées, complémentaires, froides,
chaudes, pures, salies, d’une palette
monochrome ou non …) s’il y en a …
4. Comment est traitée la surface de la
sculpture (lisse, mate, brillante, brute,
granuleuse …) ?
5. Effets recherchés :
Réunissez les procédés techniques (points 2 à
4) et expliquez comment ils conduisent à
l’impression ressentie au départ (point 1) ?
6. Contexte culturel : Replacez l’œuvre et
son message dans le contexte de sa création.
Bibliographie
Les titres importants sont indiqués par un ou deux *. Le lieu de conservation est mentionné autant que
possible et la plupart des titres est consultable dans une bibliothèque universitaire ; ULB ou UCL.
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Adresse de contact :
Fabrice Giot,
DIAM – bureau b. 316
Unité de didactique et de communication en histoire de l’art, archéologie et
musicologie,
Collège Mercier,
Place du cardinal Mercier, 14
1348 Louvain-la-Neuve
[email protected]
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