Le raid sur Hamburg le 25 juillet 1943

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Missions de nuit à la Luftwaffe – Peter Spoden
Le récit d'un chasseur de nuit allemand lors des bombardements de 1943-1945
ISBN 3-934173-22-5
Extraits du chapitre IX
Le raid sur Hamburg le 25 juillet 1943
Cette nuit-là, la ville de Hamburg fut la cible de 791 bombardiers dont neuf furent abattus par les
chasseurs de nuit et trois par la Flak, c’est-à-dire 1.5 % (d’après « Geschichte der Nachtjagd » de
Ader). Les Anglais larguèrent dans la même nuit 92 millions de bandelettes en aluminium, que nous
appelions Düppel, coupées par les Anglais à une longueur permettant aux échos de ces bandelettes de
perturber plusieurs radars de la défense allemande ainsi que nos appareils embarqués de type
Lichtenstein. Ce qui en un instant aveugla et anéantit la chasse de nuit. Il en était de même pour les
appareils de conduite de tir et les radars de guet de la Flak rendus inutilisables, et par conséquent tout
tir efficace était devenu impossible. Cette nuit marqua pratiquement la fin de la chasse de nuit telle que
l’avait envisagée Kammhuber.
La fréquence des radars Lichtenstein était connue des Anglais depuis déjà décembre 1942. Mais les
renseignements précis relatifs à ce détecteur ultra secret, les Anglais le durent à l’Oberleutnant Schmitt
de la NJG 3 qui avait déserté ; le 9 mai 1943, dix semaines avant le désastre de Hamburg, il était parti
de Scandinavie, occupée alors par les Allemands, aux commandes d’un Junkers 88 D5+EV pour
atterrir sur la côte est de l’Ecosse, à Dyce. On peut d’ailleurs toujours voir cet appareil au Hendon
Museum à Londres. Les raisons de cette trahison sembleraient être d’origine politique et personnelle
(des histoires de femme, dit-on).
L’équipage du Ju 88 avait préparé sa fuite sur l’île britannique avec beaucoup de minutie. Ils volèrent
à très basse altitude ; à mi-chemin, le radio de bord lança un SOS, dans lequel il annonçait qu’un
moteur brûlait et qu’ils allaient effectuer un amerrissage forcé. Un radeau pneumatique fut jeté à l’eau,
mais l’équipage fila vers la côte anglaise, de toute la puissance des moteurs. La Luftwaffe envoya
aussitôt des avions de sauvetage, qui trouvèrent également les canots pneumatiques à la dérive, mais
ne virent évidemment plus de trace de l’avion.
Peter Hinchliffe, un pilote de la RAF, abattu par un chasseur de nuit allemand, relate de manière
objective dans son livre paru en République Fédérale d’Allemagne sous le titre « Luftkrieg bei
Nacht », que l’atterrissage inattendu de cet appareil de chasse de nuit allemand fut pour les
scientifiques et tacticiens britanniques un coup de chance inespéré et permit un énorme pas en avant.
En juin 1943, quelques semaines après cet événement, apparurent des chasseurs de nuit anglais à long
rayon d’action équipés d’un nouveau détecteur le « Serrate » qui repérait les antennes d’émission des
appareils Lichtenstein. La situation fut alors subitement renversée : les chasseurs allemands étaient à
leur tour pourchassés. En juillet 1943, le 141ème groupe de chasseurs de nuit à long rayon d’action de
la RAF, les « Beaufighter », revendiqua à lui seul 23 chasseurs de nuit allemands détruits.
De plus, le Ju 88 qui avait été pris à l’ennemi, en parfait état de vol, fournit à la RAF la possibilité
d’étudier au cours de plusieurs vols d’essai avec des bombardiers quadrimoteurs de nouveaux
mouvements de défense lors des missions de nuit, afin d’échapper au radar Lichtenstein. C’est alors
qu’apparut l’évolution dite du Corkscrew (tire-bouchon), manoeuvre très prisée par les pilotes de
bombardiers britanniques, qui consistait en une vrille serrée. C’était presque une figure de voltige.
Quinze bombardiers m’ont échappé de cette façon, alors que je me croyais moi-même en bonne
position de tir.
Schmitt ne se remit pas à voler pour les Anglais, ce qu’il eut aimé faire. A vrai dire, comme les
vétérans de la RAF me l’ont rapporté, il a été discrédité. Schmitt et son équipage eurent l’autorisation
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Le récit d'un chasseur de nuit allemand lors des bombardements de 1943-1945
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de participer sous un pseudonyme aux émissions germanophones de la radio anglaise « Calais ».
D’après l’enquête d’un reporter allemand, ils résidèrent plus tard, non pas en République Fédérale
d’Allemagne, mais dans le Sud de l’Europe.
Les nuits suivantes, la RAF poursuivit le lâcher de bombes sur les nuages de fumée de la ville
agonisante. Ce n’était plus un bombardement de précision ! La navigation était très simple, on vit
pendant des jours au-dessus de la ville des champignons de fumée et des brasiers, comme on les
connaîtra par la suite avec les bombes atomiques, s’échapper de la ville, on les voyait du ciel à plus de
200 km. Les Américains aussi participèrent à ce carnage en y envoyant 252 forteresses volantes.
Nous, les chasseurs de nuit, apprîmes bien plus tard que des tempêtes de feu, auxquelles nul ne put
échapper, avaient dévasté la ville. On n’a jamais pu identifier le nombre exact de morts, comme ce fut
d’ailleurs le cas dans les villes allemandes qui subiront le même sort les années suivantes.
Dans son livre « The battle of Hamburg », l’historien anglais Martin Middlebrook révèle qu’au cours
de ces attaques environ 45400 Hambourgeois y perdirent la vie, 50 % de femmes, 38 % d’hommes et
5400 enfants (12 %). Un sort bien plus cruel et terrible fut celui infligé aux habitants de Dresden.
Middlebrook écrit aussi qu’au Royaume-Uni 51509 civils périrent au cours de cette guerre suite aux
attaques allemandes (en y incluant les armes de représailles V1 et V2). Les Américains ont frappé
Tokyo encore plus fort la nuit du 9 au 10 mars 1945, si l’on excepte Nagasaki et Hiroshima. En effet,
dans la capitale du Japon, on estime à plus de 90 000 morts, le résultat d’une attaque courante de
bombardiers Boeing. Des chiffres qui étaient loin d’être portés à la connaissance des pays européens.
Les bombes atomiques ne furent lancées que bien plus tard.
Comment traduire ces chiffres bruts ? Ils signifient une mort effroyable, l’asphyxie, le feu,
l’ensevelissement et l’anéantissement pour chaque victime. A Hamburg, plus de 2000 corps ensevelis
n’ont jamais été retrouvés.
Nous vîmes après la guerre ces photos terrifiantes de cadavres de femmes calcinées et dans leurs bras
dévorés par le feu des bébés brûlés, méconnaissables. Nous vîmes les cadavres entassés par centaines
sur la place du marché de Dresden et les images atroces des camps de concentration. Et c’est à peine si
nous voulions y croire.
Pourquoi le vieil homme que je suis se révolte-t-il ? Tout cela est terminé depuis bien longtemps et est
entré dans les carnets de l’histoire. Presque comme la guerre de Trente Ans.
Je l’ai écrit pour mes petits-enfants. Ils doivent connaître le passé et savoir ce qu’a fait leur grand-père
à cette époque ténébreuse de l’histoire allemande.
J’espère qu’ils ne seront plus jamais confrontés à de tels évènements. J’espère qu’ils éprouveront de la
compassion envers les souffrances de leurs semblables, peu importe la couleur de leur peau et peu
importe leur religion.
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