LES GRANDS TABLEAUX - PREMIER
EMPIRE
L'ascension, la gloire, la chute : le Premier Empire raconté par les plus grands peintres.
1 - Bonaparte à Arcole
GROS Antoine-Jean (Baron) (1771-1835)
Le général Bonaparte au pont d'Arcole, 17 novembre 1796
Versailles, musée national du château
Première image emblématique du mythe napoléonien, ce tableau exalte les
vertus du chef militaire, celles qui s'incarnent dans le jeune général Bonaparte
à la tête de l'armée d'Italie. Dans la réalité, le pont d'Arcole n'a pas été franchi.
Qu'importe, l'artiste embellit l'épisode et le fait entrer dans la légende.
Fougue, courage, volonté émanent tout à la fois de cette peinture nerveuse et
passionnée due aux pinceaux de Gros, jeune peintre qui assiste à la bataille
d'Arcole et qui, par l'entremise de Joséphine, obtient quelques séances de pose
de Bonaparte à Milan. C'est le sauveur providentiel que magnifie Gros,
le conquérant héroïque qui entraîne ses troupes, étendard* et sabre à la
main, pour arracher la victoire par sa seule bravoure.
* Il s'agit du drapeau du 2e bataillon de la 51e demi-brigade de ligne (qui
portait encore le numéro de la 99e demi-brigade dont la 51e était issue).
2 - Bonaparte visitant les pestiférés de Jaffa
GROS Antoine-Jean (Baron) (1771-1835)
Bonaparte visitant les pestiférés de Jaffa, 11 mars 1799
Paris, musée du Louvre
Ce chef-d'oeuvre qui annonce le romantisme est une commande de
Napoléon pour répondre aux rumeurs l'accusant d'avoir fait
empoisonner des soldats français atteints de la peste lors de la
campagne de Syrie. Réalisée et exposée en 1804, au moment de la
création de l'Empire, cette oeuvre de propagande prend alors une autre
dimension. En touchant les plaies des malades au mépris de la
contagion, Bonaparte s'inscrit dans la lignée des rois thaumaturges,
guérisseurs d'écrouelles et intercesseurs entre Dieu et les hommes.
L'évocation de ce pouvoir divin dans une scène qui se déroule en Terre
sainte pond parfaitement à la volonté de Napoléon d'asseoir sa
légitimité.
3 - Le coup d'Etat de brumaire
BOUCHOT François (1800 - 1842)
Le général Bonaparte au Conseil des Cinq-Cents à Saint-Cloud, 10
novembre 1799
Versailles, musée national du château
La représentation la plus connue du coup d'Etat est une commande du
roi Louis-Philippe pour le musée historique de Versailles, institution
créée en 1837 dans un esprit de réconciliation nationale. Le tableau
met en scène le moment le plus critique de l'événement. Bonaparte,
conspué au Conseil des Cinq-Cents, bousculé, menacé, est finalement
évacué de la salle des séances par quelques grenadiers. Une
intervention militaire est alors nécessaire pour faire aboutir le coup
d'Etat parlementaire.
L'oeuvre, exposée au Salon de 1840, l'année du retour des cendres,
témoigne de la résurgence de la légende napoléonienne sous la
Monarchie de Juillet.
4 - Bonaparte au col du Grand-Saint-Bernard
DAVID Jacques Louis (1748-1825)
Le Premier Consul franchissant les Alpes au col du Grand-Saint-
Bernard
Musée national du château de Malmaison
Sans doute le tableau le plus célèbre de la légende napoléonienne. David
y glorifie une alité qui fut bien plus prosaïque. C'est en effet à dos de
mulet que Bonaparte franchit le col portant, non ce magnifique manteau
flottant au vent, mais une simple redingote grise !
Véritable personnification du héros romantique, le Premier Consul
triomphe sur sa monture cabrée dans une composition en diagonale,
symbole même de son irrésistible ascension personnelle. Chef-d'oeuvre de
propagande, l'oeuvre fait de Bonaparte l'égal des plus grands
conquérants - Annibal, Charlemagne - dont les noms sont gravés sur les
rochers au tout premier plan.
Il existe quatre autres variantes du tableau original commandé par Charles
IV d'Espagne. Réalisées par David et son atelier, elles diffèrent par la
couleur du cheval et du manteau.
5 - Le sacre
DAVID Jacques Louis (1748-1825)
Sacre de l'Empereur Napoléon Ier
Paris, musée du Louvre
Composition ambitieuse représentant le couronnement du 2 décembre 1804
dans la cathédrale Notre-Dame de Paris, cette toile a nécessité trois années
d'un travail minutieux. David, qui depuis 1804 porte le titre de « Premier
Peintre de l'Empereur », commémore la cérémonie officielle en réalisant un
monumental portrait de groupe tout concourt à ramener le regard vers la
scène centrale. C'est finalement le couronnement de Joséphine, et non celui de
Napoléon, qui est choisi comme sujet du tableau. La composition n'en est que
plus harmonieuse, s'articulant de part et d'autre de la grande croix d'or centrale.
Cette gigantesque reconstitution (six mètres de hauteur sur dix mètres de
largeur), permet avec un incroyable luxe de tails l'identification de chaque
personnage. Même celle de Madame Mère, absente lors de la cérémonie, qui
trône au premier plan de la tribune ! Pour exprimer sa satisfaction devant
l'oeuvre, Napoléon aura ce mot : "Ce n'est pas de la peinture, on marche dans
ce tableau.
6 - L'Empereur législateur
DAVID Jacques Louis (1748-1825)
Napoléon dans son cabinet de travail aux Tuileries
Washington, National Gallery of Art
Ce portrait en pied, en rupture avec la repsentation traditionnelle du souverain
en habits d'apparat, s'apparente à une algorie réaliste évoquant l'oeuvre civile
de l'empereur. Napoléon porte l'uniforme bleu à larges revers blancs de colonel
des Grenadiers à pied de la Garde, celui qu'il mettait ordinairement le dimanche,
réservant l'habit vert des chasseurs à cheval à un usage quotidien. Dans une
attitude passée à la postérité, il glisse sa main droite dans son gilet. Les bougies
consumées, l'horloge marquant quatre heures sonnées, la plume et les papiers
épars sur le bureau, tout indique qu'il a passé la nuit à travailler au Code civil.
L'aube se ve et Napoléon s'apprête maintenant à passer ses troupes en revue.
L'intention du tableau est claire : le chef militaire est aussi un puissant homme
d'Etat, un administrateur et un législateur à la force de travail incomparable.
7 - La bataille d'Austerlitz
GERARD François (baron) (1770-1837)
Bataille d'Austerlitz, 2 décembre 1805
Versailles, musée national du château
Commandée pour commémorer la plus célèbre bataille de la Grande
Armée et exposée au Salon de 1810, cette gigantesque toile était à
l'origine destinée à la décoration du plafond de la salle du Conseil
d'Etat. L'oeuvre met en scène l'instant solennel de la victoire, celui où
le général Rapp vient présenter à un Napoléon olympien les drapeaux
pris à l'ennemi. La composition, ample et équilibrée, reste cependant
compliquée voire encombrée et Gérard montre là ses limites de
peintre d'histoire. Mais le "Soleil d'Austerlitz" irradie toute la scène
d'une lumière quasi-surnaturelle qui correspond bien au caractère
symbolique que revêt la date du 2 décembre dans l'épopée
napoléonienne.
8 - La bataille d'Eylau
GROS Antoine-Jean (Baron) (1771-1835)
Napoléon visitant le champ de bataille d'Eylau, 9 février 1807
Paris, musée du Louvre
Le sujet de ce tableau fut mis au concours en mars 1807, moins d'un
mois après la terrible bataille qui fit plus de quarante mille victimes
françaises et russes. Tout en confirmant la victoire française, il
s'agissait surtout d'exprimer l'émotion de Napoléon face à l'horreur
d'un tel carnage. "Si tous les rois de la terre pouvaient contempler un
pareil spectacle, ils seraient moins avides de guerres et de conquêtes",
avait déclaré l'Empereur.
Gros, vainqueur du concours, atteint ici le sommet de son art. Il élève
la peinture d'histoire à un niveau jamais égalé. Sous un jour lugubre,
le visage blême, le regard empli d'une immense pitié, Napoléon
traverse le champ de bataille où gisent les cadavres. Face à la sombre
silhouette de Murat, inquiétante personnification du guerrier,
l'Empereur incarne une figure toute d'humanité, de compassion. C'est
ici l'envers de la victoire qui, pour la première fois, est dépeint dans
sa cruelle réalité.
9 - L'Impératrice et le roi de Rome
GERARD François (baron) (1770-1837)
Marie-Louise Impératrice des Français et le roi de Rome
Versailles, musée national du château
Surnommé par ses contemporains le "peintre des rois et le roi des peintres",
Gérard fut le portraitiste attitré de Napoléon, de la famille impériale et des grands
dignitaires du Premier Empire. Cette spécialisation lui valut tous les honneurs.
Chevalier de la Légion d'honneur en 1802, premier peintre de l'impératrice
Joséphine en 1806, professeur aux Beaux-Arts en 1811, membre de l'Institut en
1812, il poursuivit sa brillante carrière après la chute de l'Empire en devenant
premier peintre de Louis XVIII en 1817.
S'inscrivant dans la tradition du grand portrait de cour, Gérard peint des effigies
officielles qui, notamment dans les représentations féminines, se teintent souvent
de charme. La grâce du dessin, la richesse des coloris, les décors évoquant le
cadre de vie de chacun, produisent cette impression d'intimité qui nous les rend
plus proches.
10 - La retraite de Russie
CHARLET Nicolas-Toussaint (1792-1845)
Episode de la retraite de Russie, 1812
Lyon, musée des Beaux-Arts
C'est la génération romantique, ces "enfants du siècle" se nourrissant
avec nostalgie de l'épopée napoléonienne, qui illustre en peinture le
désastre de la retraite de Russie. Charlet, un élève de Gros
essentiellement connu pour ses lithographies, présente au Salon de
1836 cette toile d'une poignante intensité dramatique. On y voit les
restes de la Grande Armée, troupes débandées et anonymes, sombrer
peu à peu sous les rafales de neige. Musset, bouleversé par l'oeuvre,
écrivit : "C'est la misère humaine, toute seule, sous un ciel brumeux,
sur un sol de glace, sans guide, sans chef, sans distinction, c'est le
désespoir dans le désert".
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