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Dossier Maladies et ravageurs émergents : soyons vigilants ! - Jardins de France 633 - Janvier-février 2015
climatique. Si la politique de surveillance et d’éradica-
tion a permis d’éliminer ponctuellement certains foyers,
elle n’a pas empêché le TYLCV de s’installer durablement
dans les zones maraîchères des Pyrénées-Orientales. En
effet, la forte densité de serres et certaines mauvaises
herbes offrent de nombreux abris au virus et à son vec-
teur pendant la période hivernale.
L’introduction d’un vecteur efficace peut aussi déclen-
cher une émergence virale. Un des exemples les plus
significatifs est la réémergence du Tomato spotted wilt
virus (TSWV). Les maladies qui lui sont associées sont
décrites en France depuis longtemps sur de nombreuses
espèces florales et maraichères. Jusqu’à la fin des années
1980 les dégâts occasionnés par ce virus restaient limités
en raison de l’efficacité réduite de son vecteur, le thrips
du tabac. La situation a changé vers 1990 où de fortes
épidémies ont été constatées suite à l’introduction d’un
vecteur redoutablement efficace, le thrips californien
Frankliniella occidentalis. Le TSWV reste aujourd’hui
un des virus les plus répandus dans les cultures de to-
mates et chez certaines espèces florales.
— LA RESPONSABILITÉ DES PRATIQUES
CULTURALES —
Les évolutions des pratiques culturales peuvent contri-
buer à des émergences virales. En concentrant dans un
même bassin de production des cultures homogènes,
l’homme offre aux virus de plantes des conditions opti-
males pour leur dissémination.
À ce propos, évoquons à nouveau le cas des virus de la
tomate transmis par B. tabaci : le développement de la
contre-plantation, destinée à assurer une continuité de
la production toute l’année, a très probablement favorisé
les pullulations des vecteurs et la survie des virus.
La sélection de variétés résistantes aux virus est une mé-
thode largement utilisée pour limiter les infections vi-
rales. Or, l’utilisation massive de ces variétés peut créer
une forte pression de sélection et conduire à l’appari-
tion de souches surmontant ces résistances. Déployée en
1999 en Espagne et en Italie, la résistance au TSWV chez
le piment a été contournée dès l’année suivante et les
souches virulentes de TSWV sont actuellement prédo-
minantes dans certains bassins de production méditer-
ranéens.
En France, la généralisation des variétés de tomate pos-
sédant des gènes de résistances à certains Tobamovirus a
eu pour conséquence la disparition de ces virus dans les
cultures. Aujourd’hui, le retour aux variétés anciennes
prisées pour leur valeur gustative, mais dépourvues de
résistances, fait craindre une réémergence de ces virus
toujours présents dans l’environnement, doués d’une
grande stabilité et d’un mode de dissémination particu-
lièrement efficace.
— UNE MENACE MAJEURE —
Évoquons aussi les cas de maladies virales qui n’ont
pas réussi leur émergence. Ainsi, le Cucumber yellow
vein virus n’a été signalé qu’une seule fois en France.
Il semble que l’absence de réservoir efficace et les mesures
d’éradication prises dès sa découverte ont été suffisantes
pour empêcher son installation. Un autre virus trans-
mis par les aleurodes, le Tomato torrado virus, a été
signalé en Catalogne française en 2008 et 2009 avant de
disparaître. Dans ce cas, l’utilisation de variétés natu-
rellement résistantes a permis de stopper l’épidémie.
Il existe enfin des cas de maladies virales dont on ne
parle plus. Il y a quelques décennies, certaines souches
nécrotiques de Cucumber mosaic virus étaient parti-
culièrement surveillées par les producteurs de tomate.
Or de nos jours, ces symptômes sévères ne sont plus
signalés. Les souches ont-elles disparues ? Attendent-
elles des conditions favorables pour émerger à nouveau ?
De multiples facteurs peuvent être à l’origine des émer-
gences virales. La plupart sont la conséquence directe
d’actions humaines, de modifications de l’environne-
ment associées au fort potentiel d’évolution des virus.
L’émergence de nouveaux virus reste, dans les années
à venir, une menace majeure pour l’état sanitaire des
cultures horticoles. Un des principaux défis pour l’ave-
nir sera de disposer d’outils de diagnostic performants
pour identifier les virus dès leur apparition, mais aussi
de développer des modèles épidémiologiques pour mieux
prédire les risques encourus par les cultures.