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Dossier Maladies et ravageurs émergents : soyons vigilants ! - Jardins de France 633 - Janvier-février 2015
FIGURE 2 : SYMPTÔMES D’ENROULEMENT EN CUILLÈRE
SUR DES FEUILLES DE TOMATES INFECTÉES PAR LE TOMATO
YELLOW LEAF CURL VIRUS (TYLCV) – © INRA, C. DESBIEZ
Depuis la découverte du premier virus chez le ta-
bac à la fin du XIXe siècle, plus de 1000 espèces
virales ont été décrites chez les plantes supé-
rieures. Certaines provoquent de graves épidé-
mies préjudiciables à la qualité des récoltes. Les
émergences virales sont particulièrement préoccu-
pantes chez les plantes horticoles même si elles
sont moins fréquentes chez les espèces ligneuses
(arbres fruitiers), comparativement aux espèces
herbacées (maraichères et ornementales). Pour
les cultures légumières, la fréquence d’apparition
a été estimée à 1 virus par an depuis ces 15 der-
nières années.
Une maladie émergente est une maladie nouvellement
apparue ou prenant une nouvelle importance pour une
culture donnée et dans une aire géographique donnée.
Nous parlerons de réémergence à propos de maladies déjà
décrites mais qui resurgissent après plusieurs années. Les
causes de ces émergences sont très variées : la mondiali-
sation, l’évolution des pratiques culturales et les change-
ments climatiques favorables aux pullulations de certains
vecteurs de virus. Enfin, elles sont favorisées par le fort
potentiel évolutif des virus qui s’adaptent facilement à de
nouveaux hôtes, y compris résistants.
— TRANSMISSION PAR LES SEMENCES
OU LES PUCERONS —
Voyons quelques situations qui ont conduit à l’instal-
lation de virus dans les cultures horticoles en France
depuis ces 20 dernières années.
Le Pepino mosaic virus (PepMV) est apparu dans les
cultures de tomate en Europe en 1999. L’utilisation de
semences infectées a certainement initié l’émergence
de ce virus mais la grande stabilité du PepMV et sa
LES MALADIES VIRALES ÉMERGENTES EN HORTICULTURE,
UNE MENACE PERMANENTE
Par Éric Verdin et Hervé Lecoq
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facilité de transmission ont contribué à sa dissémina-
tion en France par l’intermédiaire de fruits contaminés.
Ce virus, présent dans de nombreuses serres de tomates,
occasionne des baisses de rendement souvent limitées.
Néanmoins, les professionnels doivent rester vigilants
car des souches particulièrement agressives ont été
décrites dans des pays voisins et pourraient être intro-
duites en France.
L’émergence de nouvelles souches d’un virus déjà pré-
sent a pu être suivie ‘en temps réel’ au cours des années
2000. Le Watermelon mosaic virus (WMV), virus trans-
mis par les pucerons, a été décrit en France dans les an-
nées 1970. Or depuis le début des années 2000, de nou-
velles souches de WMV provoquant des symptômes très
sévères, sont apparues dans le Sud-Est et ont presque
totalement remplacé les souches autochtones (figure 1).
Les outils de biologie moléculaire utilisés pour suivre
l’histoire évolutive de ce virus ont montré l’origine
extrême-orientale des nouvelles souches sans que l’on
connaisse aujourd’hui leurs voies d’introduction.
MATÉRIEL GÉNÉTIQUE OU PULLULATIONS
SOUDAINES —
Les émergences virales peuvent également être liées à
des introductions de matériel destiné à l’amélioration
génétique. C’est particulièrement le cas pour les arbres
fruitiers à noyaux des infections ont pu être observées
de manière ponctuelle sur le cerisier (Cherry necrotic
rusty mottle virus), l’abricotier (Apricot latent ringspot
virus) ou le pêcher (maladie des anneaux de suie et mala-
die des mouchetures étoilées).
D’autres maladies virales peuvent émerger lors de pul-
lulations soudaines d’un vecteur jusque-là peu fréquent.
Ainsi, la conjonction de l’arrivée du Tomato yellow
leaf curl virus (TYLCV) avec les proliférations mas-
sives de son insecte vecteur, l’aleurode Bemisia tabaci,
a créé les conditions d’une crise phytosanitaire majeure
en France dans les cultures de tomates sous abri dans
les années 2000 (figure 2). La prolifération de B. tabaci
et son extension progressive à l’ensemble du bassin -
diterranéen sont probablement liées au réchauffement
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SOUCHE ANCIENNE
FIGURE 1 : SYMPTÔMES DU WATERMELON MOSAIC VIRUS (WMV) CHEZ LA COURGETTE. À GAUCHE, SOUCHE ANCIENNE: MARBRURE FAIBLE SUR FEUILLE ET ABSENCE DE SYMPTÔME
SUR FRUIT - À DROITE, SOUCHE ÉMERGENTE: DÉFORMATIONS SÉVÈRES DES FEUILLES ET MOSAÏQUE SUR FRUIT – © INRA, H. LECOQ
SOUCHE ÉMERGENTE
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climatique. Si la politique de surveillance et d’éradica-
tion a permis d’éliminer ponctuellement certains foyers,
elle n’a pas empêché le TYLCV de s’installer durablement
dans les zones maraîchères des Pyrénées-Orientales. En
effet, la forte densité de serres et certaines mauvaises
herbes offrent de nombreux abris au virus et à son vec-
teur pendant la période hivernale.
L’introduction d’un vecteur efficace peut aussi déclen-
cher une émergence virale. Un des exemples les plus
significatifs est la réémergence du Tomato spotted wilt
virus (TSWV). Les maladies qui lui sont associées sont
décrites en France depuis longtemps sur de nombreuses
espèces florales et maraichères. Jusqu’à la fin des années
1980 les dégâts occasionnés par ce virus restaient limités
en raison de l’efficacité réduite de son vecteur, le thrips
du tabac. La situation a changé vers 1990 de fortes
épidémies ont été constatées suite à l’introduction d’un
vecteur redoutablement efficace, le thrips californien
Frankliniella occidentalis. Le TSWV reste aujourd’hui
un des virus les plus répandus dans les cultures de to-
mates et chez certaines espèces florales.
— LA RESPONSABILITÉ DES PRATIQUES
CULTURALES —
Les évolutions des pratiques culturales peuvent contri-
buer à des émergences virales. En concentrant dans un
même bassin de production des cultures homogènes,
l’homme offre aux virus de plantes des conditions opti-
males pour leur dissémination.
À ce propos, évoquons à nouveau le cas des virus de la
tomate transmis par B. tabaci : le développement de la
contre-plantation, destinée à assurer une continuité de
la production toute l’année, a très probablement favorisé
les pullulations des vecteurs et la survie des virus.
La sélection de variétés résistantes aux virus est une -
thode largement utilisée pour limiter les infections vi-
rales. Or, l’utilisation massive de ces variétés peut créer
une forte pression de sélection et conduire à l’appari-
tion de souches surmontant ces résistances. Déployée en
1999 en Espagne et en Italie, la résistance au TSWV chez
le piment a été contournée dès l’année suivante et les
souches virulentes de TSWV sont actuellement prédo-
minantes dans certains bassins de production méditer-
ranéens.
En France, la généralisation des variétés de tomate pos-
sédant des gènes de résistances à certains Tobamovirus a
eu pour conséquence la disparition de ces virus dans les
cultures. Aujourd’hui, le retour aux variétés anciennes
prisées pour leur valeur gustative, mais dépourvues de
résistances, fait craindre une réémergence de ces virus
toujours présents dans l’environnement, doués d’une
grande stabilité et d’un mode de dissémination particu-
lièrement efficace.
— UNE MENACE MAJEURE —
Évoquons aussi les cas de maladies virales qui n’ont
pas réussi leur émergence. Ainsi, le Cucumber yellow
vein virus n’a été signalé qu’une seule fois en France.
Il semble que l’absence de réservoir efficace et les mesures
d’éradication prises dès sa découverte ont été suffisantes
pour empêcher son installation. Un autre virus trans-
mis par les aleurodes, le Tomato torrado virus, a été
signalé en Catalogne française en 2008 et 2009 avant de
disparaître. Dans ce cas, l’utilisation de variétés natu-
rellement résistantes a permis de stopper l’épidémie.
Il existe enfin des cas de maladies virales dont on ne
parle plus. Il y a quelques décennies, certaines souches
nécrotiques de Cucumber mosaic virus étaient parti-
culièrement surveillées par les producteurs de tomate.
Or de nos jours, ces symptômes sévères ne sont plus
signalés. Les souches ont-elles disparues ? Attendent-
elles des conditions favorables pour émerger à nouveau ?
De multiples facteurs peuvent être à l’origine des émer-
gences virales. La plupart sont la conséquence directe
d’actions humaines, de modifications de l’environne-
ment associées au fort potentiel d’évolution des virus.
L’émergence de nouveaux virus reste, dans les années
à venir, une menace majeure pour l’état sanitaire des
cultures horticoles. Un des principaux défis pour l’ave-
nir sera de disposer d’outils de diagnostic performants
pour identifier les virus dès leur apparition, mais aussi
de développer des modèles épidémiologiques pour mieux
prédire les risques encourus par les cultures.
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