1 Thème 5A : Source de matériel : statut moral des cellules souches embryonnaires humaines et des cellules souches adultes 1. Qu'est-ce que les stagiaires et les chercheurs doivent savoir au sujet des cellules souches embryonnaires humaines et des cellules souches adultes? Malgré les avantages potentiels des cellules souches embryonnaires (cellules SE) humaines dans le traitement des maladies, leur utilisation demeure controversée car la production de ces cellules SE humaines implique généralement la destruction de l'embryon. 1Tout le monde convient que l'embryon est un organisme vivant, mais le débat fait rage quant à savoir s'il est effectivement un être humain de plein droit. Il n'y a pas de consensus sur l'importance que l'on devrait accorder à l'embryon humain. Les positions adoptées à cet égard par divers pays décrivent toute l’étendue d’un spectre allant du plein statut moral jusqu'à l’absence complète de statut moral. Il est important de déterminer la valeur morale de l'embryon, car il en découle des implications directes concernant le caractère admissible de la recherche sur les cellules SE humaines et les conditions dans lesquelles cette recherche devrait se dérouler. 2. Connaissances essentielles requises sur la mise en banque du sang de cordon ombilical (y compris les aspects éthiques) Parvenir à un compromis entre deux valeurs opposées: La recherche sur les cellules SE humaines suscite un conflit entre deux valeurs morales importantes dans la société. la prévention ou le soulagement des souffrances dues aux maladies, et le respect et la valeur de la vie humaine. Les politiques adoptées par chaque pays, dans le contexte de la recherche sur les cellules SE humaines, découlent en partie de la façon dont ces valeurs sont pondérées et si les embryons humains sont considérés comme représentatifs de la vie humaine. Statut moral de l'embryon humain: Il y a essentiellement trois façons de voir le statut moral de l'embryon humain: A. Les embryons humains ont un statut moral à part entière. Argument: Les embryons devraient se voir accorder le même niveau de respect et de protection que tout autre être humain. Dès le moment de la conception, les embryons humains méritent d'être protégés du simple fait qu'ils sont biologiquement humains ou parce qu'ils ont le potentiel de devenir des personnes. Par conséquent, ce serait une mauvaise action que de détruire un embryon humain, quel que soit son stade de développement et dans n'importe quel but. Exemples de politiques adoptées à partir de cette façon de voir: interdire toute recherche qui impliquerait de détruire ou d'endommager l'embryon humain ne permettre que des recherches qui comportent essentiellement des observations et ne présentent pas de risque pour l'embryon interdire la création d'embryons à des fins de recherche favoriser les recherches sur d'autres sources de cellules souches 1 Pour la Canadian Assisted Human Reproduction Act (2004), embryo est défini comme un “human organism during the first 56 days of its development following fertilization or creation.” Section 3 of the Act. Assisted Human Reproduction Act, S.C. 2004, c.2. 2 B. Les embryons humains n'ont aucun statut moral avant la naissance Argument: Avant sa naissance, l'embryon humain n'a aucun droit particulier; on devrait donc permettre l’utilisation et la destruction des embryons à des fins de recherche. L'embryon humain n'est pas considéré autrement que comme un amas de cellules et il est comparable aux autres parties du corps. L'embryon n'est qu'une possession de la personne du corps de laquelle il est issu et en tant que tel, il a droit au respect que l’on manifeste à l'égard des possessions personnelles. Exemples de politiques adoptées à partir de cette façon de voir: permettre l'utilisation des embryons pour la production de cellules SE humaines permettre la création d'embryons à des fins de recherche C. En tant que forme de vie humaine, les embryons humains méritent un certain niveau de respect et de protection, qui augmente graduellement au fur et à mesure de leur développement2 Argument: Bien que les embryons humains ne puissent prétendre au statut moral à part entière des humains adultes, on devrait néanmoins leur accorder une certaine "valeur morale" parce qu'ils représentent la vie humaine. Aucune utilisation frivole ou injustifiée des embryons ne devrait être permise. Selon cette manière de voir, on soutient que l'embryon acquiert un statut moral par étapes graduelles au cours de son développement, de la conception à la naissance3 (cependant, il y a débat concernant la forme de respect qu'il convient de lui accorder et le niveau de protection requis à différents stades du développement embryonnaire). Exemples de politiques adoptées à partir de cette façon de voir: permettre l'utilisation des embryons pour la recherche dans des conditions particulières D'où devraient provenir les embryons pour la recherche? Il y a différentes manières de produire des cellules SE humaines. Certaines sont plus controversées que d'autres. A. Cellules SE humaines produites à partir de lignées déjà existantes de cellules SE (la moins controversée) La production de cellules SE humaines à partir de cellules souches déjà créées élimine la nécessité de détruire d'autres embryons par le processus de récolte. Cependant, les lignées de cellules souches existantes, qui sont stockées dans des banques nationales ou internationales de cellules souches en vue d'une utilisation partagée, laissent à désirer en ce qui concerne la qualité et la diversité génétique. Il est par conséquent nécessaire de se tourner vers d'autres moyens de produire des cellules SE humaines afin d’obtenir une compatibilité tissulaire pour chaque patient ayant besoin d'une thérapie à base de cellules souches. Problèmes éthiques connexes: les lignées de cellules souches devraient provenir de banques ou de réserves fiables, qui en assurent le contrôle de la qualité et garantissent la nature éthique de leur origine obtention du consentement éclairé adéquat de la part du donneur garantir le respect de la vie privée et de la confidentialité des donneurs et de leurs renseignements 4 assurer la traçabilité des sources 2 On fait souvent référence à cette façon de voir comme à la « vision gradualiste », une position intermédiaire entre les deux autres perspectives extrêmes, qui soutient que le développement embryonnaire se déroule selon une évolution continue. L'embryon primitif est moins développé et se voit donc accorder un statut moral limité. À mesure que l'embryon poursuit son développement, manifestant des traits plus « humains » (notamment le développement d'un système nerveux central), il se voit accorder plus de respect. 3 Par exemple, les différents stades auxquels on pense qu'un embryon pourrait acquérir un statut moral à part entière comprennent : le moment où il est implanté dans l'utérus; après l'apparition du sillon primitif; après qu'il se soit montré viable. 4 Traçabilité : afin de garantir la qualité et la sûreté de ces lignées de cellules souches destinées à être largement utilisées et partagées par la communauté des chercheurs, il est nécessaire de maintenir une documentation sur 3 B. Cellules SE humaines provenant d'embryons surnuméraires après les traitements de fécondation in vitro (méthode quelque peu controversée) Des couples qui entreprennent des procédures de fécondation in vitro (FIV) se retrouvent souvent avec plus d'embryons qu’ils n’en ont besoin pendant toute la durée de leur traitement. Les couples se voient alors offrir le choix entre plusieurs options: stocker les embryons excédentaires en vue d'une utilisation future, les détruire ou en faire don à des fins de recherche. L'argument mis en avant consiste à dire qu'il est moralement admissible d'utiliser les embryons surnuméraires provenant des traitements de FIV, puisqu'ils seraient de toute façon détruits et puisque ces embryons seraient utilisés pour des recherches susceptibles de sauver des vies. Un contre-argument consisterait à dire qu'en autorisant de telles recherches, on ferme malgré tout les yeux sur la destruction de l'embryon. Problèmes éthiques connexes: obtenir le consentement éclairé adéquat de la part de la donneuse les dons devraient être volontaires et ne pas faire appel à des incitations (les donneuses ne devraient jamais être indemnisées pour les dons) risques en ce qui concerne l'exploitation des donneuses C. Cellules SE humaines créées à partir d'embryons par transfert de noyau d'une cellule somatique (TNCS) (méthode la plus controversée) Le TNCS consiste à prendre un ovocyte énucléé et à le fusionner avec une cellule somatique adulte pour produire une lignée cellulaire à partir de laquelle des cellules SE humaines peuvent être obtenues. Bien que cette technique permette de produire une lignée cellulaire qui correspond génétiquement à la cellule somatique du donneur (ce qui réduit les chances de rejet tissulaire), l'application de la technique nécessite un grand nombre d’ovocytes. Problèmes éthiques connexes: risques pour les donneuses d'ovocytes associés à la récolte d'un grand nombre d'ovocytes risque concernant l'exploitation des donneuses la création d'embryons humains à de seules fins de recherche suscite des risques de "réification" de l'embryon humain (c.-à-d., le fait de traiter l'embryon comme un objet ou un moyen pour parvenir à une fin) le statut moral que l'on devrait accorder aux embryons obtenus par TNCS est discutable. 3. Règlements et lignes directrices essentiels pour la recherche sur les cellules SE humaines ou l'utilisation des embryons à des fins de recherche au Canada Loi sur la procréation assistée S: 5(1)a)&b), 7(1)(2), S 10(1)(2)(3) Lignes directrices en matière de recherche sur les cellules souches pluripotentes humaines, mises à jour le 30 juin 2010 (S 8.1.1, 8.1.2., 8.1.5, 8.1.7, 8.2.1, 8.2.2, 8.2.3) EPTC 2 - Énoncé de politique des trois Conseils : Éthique de la recherche avec des êtres humains (12 – E, A 12.6 – 12.8) l'origine et l'historique de chaque lignée cellulaire (à savoir les antécédents ethniques et médicaux du donneur, les tests de dépistage de maladies infectieuses, la manutention et le stockage). La lignée cellulaire doit être accompagnée d'un maximum de renseignements associés au donneur, en vue de son utilité pour de futures applications thérapeutiques, mais les échantillons de donneurs et les lignées cellulaires devraient néanmoins être rendus anonymes au moyen de systèmes de codage normalisés, afin de protéger la vie privée des donneurs. 4 Importants sujets connexes Cellules germinales embryonnaires humaines obtenues à partir de foetus avortés: Les cellules germinales embryonnaires humaines peuvent être obtenues à partir de foetus avortés (tissu foetal cadavérique). Bien que l'obtention de cellules souches à partir de foetus avortés soit moins sujette à controverse, les chercheurs doivent s'assurer que la décision d'avorter de la femme enceinte est complètement distincte de sa décision de faire don de tissu foetal pour la recherche. Les femmes ne devraient en aucune manière être influencées ou contraintes à faire des dons. Par conséquent, il doit y avoir une séparation claire entre le processus de consentement pour l'avortement et le processus de consentement pour le don de tissu foetal à des fins de recherche (EPTC 2 Article 12.9.and CIHR Guidelines 8.1.2). Consentement éclairé Vie privée et confidentialité Propriété et intérêt permanent dans les cellules/tissus Protection des sujets et des donneurs humains 4. Procédures normales, pratiques et compétences spécifiques à la recherche sur les cellules SE humaines ou l'utilisation des embryons pour fins de recherche La création d'embryons à de seules fins de recherche est interdite La recherche impliquant le transfert de noyau d'une cellule somatique pour produire un embryon est interdite L'achat d'ovocytes ou de spermatozoïdes à un donneur est interdit L'achat ou la vente d'embryons in vitro sont interdits Un consentement éclairé doit être obtenu de la part des donneurs de gamètes La recherche impliquant les embryons ne devrait être entreprise qu'au cours des 14 premiers jours suivant leur formation (à l'exclusion de la durée éventuelle de suspension du développement embryonnaire) 5. Étude de cas pour la recherche sur les cellules SE humaines ou l'utilisation des embryons à des fins de recherche L'État de New York a annoncé qu'il allait désormais permettre les paiements aux femmes qui donnent leurs ovocytes pour la recherche. C'est le premier État des États-Unis à adopter cette politique dans l'intention d'aider à réduire la pénurie d'ovocytes à laquelle sont confrontés les scientifiques qui conduisent des recherches sur les cellules embryonnaires humaines. La logique de cette décision est que la loi fédérale américaine autorise déjà les paiements pour les ovocytes humains utilisés dans les traitements de FIV et que par conséquent il conviendrait de permettre également les dons d'ovocytes à des fins de recherche. The New York Times: “New York State Allows Payment for Egg Donations for Research” (online at: http://www.nytimes.com/2009/06/26/nyregion/26stemcell.html) 5 6. Ressources importantes pour la recherche sur les cellules SE humaines ou l'utilisation des embryons à des fins de recherche Knoppers BM, Bordet S, Isasi R. The Human Embryo: Ethical and Legal Aspects. Human Embryogenesis: Methods and Protocols (New York: Humana Press, 2009) Stem Cell Network, Ethics Whitepaper: The Use of Human Embryos in Stem Cell Research (Lori Knowles) CIHR Guidelines for Human Pluripotent Stem Cell Research Tri-Council Policy Statement: Ethical Conduct for Research Involving Humans Assisted Human Reproduction Act International Society for Stem Cell Research (ISSCR): Guidelines for the Conduct of Human Embryonic Stem Cell Research National Academy of Sciences: Final Report of the National Academies’ Human Embryonic Stem Cell Research Advisory Committee and 2010 Amendments to the National Academies’ Guidelines for Human Embryonic Stem Cell Research Autorités et experts concernant la recherche sur les cellules SE humaines ou l'utilisation des embryons à des fins de recherche Bartha Knoppers, Université McGill Rosario Isasi, Université McGill Timothy Caulfield, Université de l'Alberta