APPORT DE L'IRM AU DIAGNOSTIC ANTÉNATAL DES ANOMALIES DU SYSTEME NERVEUX CENTRAL Pr L. Guibaud INTRODUCTION L'imagerie appliquée au diagnostic anténatal a connu un essor considérable avec l'apparition puis l'évolution technique de l'échographie. L'imagerie par résonance magnétique appliquée à l'obstétrique est un mode d'exploration beaucoup plus récent. Cette technique a longtemps était limitée par les mouvements foetaux et la longueur des séquences utilisées. Ces dernières années ont vu réellement se développer une technique complémentaire à l'échographie permettant, dans certaines indications, de suppléer aux limites de cette dernière. Ainsi grâce à une analyse multi-plans, l'IRM permet d'affiner le diagnostic échographique tout particulièrement dans la pathologie cérébrale du troisième trimestre (examen échographique limité par la voûte crânienne), mais ne saurait remplacer l'examen échographique bien conduit. Examen complémentaire à l'analyse ultrasonore, l'IRM est bien souvent indiquée dans un contexte de discussion d'interruption de grossesse; elle permettra ainsi parfois de poursuivre une grossesse avec plus de quiétude après avoir exclu une pathologie clastique grave ou l'existence de malformations associées au signe d'appel échographique (voir indications). TECHNIQUE 1- réalisation en fonction de l'age gestationnel Compte tenu de la résolution spatiale de l'IRM, de la petite taille des structures anatomiques étudiées et du développement encéphalique, l'IRM foetale est un examen réservé quasi exclusivement au troisième trimestre. 2- prémédication et conditions techniques d'examen L'IRM foetale nécessitant l'immobilité du foetus, celle-ci a été initialement obtenue par curarisation après ponction du cordon. Ce type de procédure alourdissait significativement la réalisation de l'IRM, qui apparaissait comme un examen à risque. L'utilisation d'une prémédication maternelle per os par benzodiazépine (Rohypnol) a allégé considérablement la technique, faisant de l'IRM foetale un examen qui peut être pratiqué en ambulatoire, voire en hôpital de jour. Le Rohypnol est utilisé à la posologie d'1 à 2 mg, administré une heure avant l'examen. Il est important de mettre la mère en confiance en insistant sur l'importance de la relaxation maternelle pour obtenir une bonne immobilité foetale. Dans la majeure partie des cas, cette prémédication permet la réalisation d'un examen en limitant au maximum les mouvements foetaux. Le développement des séquences ultra-rapides devrait permettre la réalisation de l'IRM foetale sans prémédication dans un très proche avenir. L'échographie sera pratiquée avant l'IRM pour préciser la position du foetus permettant d'optimiser la position des antennes. Il est important de disposer des données échographiques, tant biométriques que morphologiques (ex pour le pole céphalique : PC, dimension des atrium, présence d'une cavité du septum lucidum, analyse complète de la FCP - vermis, hémisphères cérébelleux, diamètre transverse du cervelet, intégrité de la grande citerne et du V4). L'IRM sera interprétée en connaissance parfaite de l'ensemble des données d'imagerie, conduisant donc à repratiquer souvent l'analyse échographique avant l'IRM, ou à revoir la patiente après réalisation de l'IRM. 3- paramètres techniques Ils sont liés aux contingences techniques de l'IRM disponible : Schématiquement, les séquences seront réalisées en pondération T1 et surtout T2, dans les trois plans de l'espace, en recherchant un compromis "séquence courte""bonne résolution spatiale". Ce compromis qui était particulièrement difficile en pondération T2 -séquences classiquement longues- est maintenant acquis grâce aux séquences rapides et ultra-rapides. 4- limites techniques de l'examen La difficulté d'obtenir des plans de coupes stricts (par ex, sagittal médian dans l'analyse du corps calleux), les mouvements de la tête foetale soit spontanés soit liés à la position sous le diaphragme maternel (présentation transverse ou siège), la claustrophobie de la mère représentent les principales limites de l'examen. ANATOMIE CÉRÉBRALE NORMALE 1- Analyse en fonction de la pondération 1-1 Pondération T1 Les séquences en pondération T1 font apparaître le cortex en hypersignal (blanc) par rapport à la substance blanche (SB). Les ventricules, les espaces sous arachnoïdiens (ESA), et les structures kystiques apparaissent en hyposignal (noir). La différenciation cortex-SB et les espaces sous arachnoïdiens (ESA) sont moins bien individualisables que sur les séquences pondérées T2. Les tubers sousépendymaires, les remaniements hémorragiques subaigus et les lésions de leucomalacie périventriculaires sont individualisés en hypersignal par rapport au parenchyme cérébral. 1-2 Pondération T2 Les séquences en pondération T2 font apparaître le cortex en hyposignal (noir) par rapport à la substance blanche (blanc). Les ventricules, les espaces sous arachnoïdiens (ESA), et les structures kystiques apparaissent en hypersignal. Ces séquences permettent une bonne différenciation cortex-SB et une bonne individualisation des espaces sous arachnoïdiens (ESA), du système ventriculaire, ainsi que des lésions kystiques. Les tubers sous épendymaires et les hémorragies au stade subaigu apparaissent en hyposignal T2 relativement au parenchyme. 2- Parenchyme cérébral L'analyse du parenchyme cérébral, en dehors de la description lésionnelle, doit comprendre l'étude des éléments suivant : 2-1 La migration cellulaire De 22 à 28 SA, le parenchyme cérébral est caractérisé par 5 couches, comprenant du système ventriculaire à la périphérie : la zone germinative péri ventriculaire, la substance blanche profonde, la couche de cellules migrantes, la substance blanche sous corticale et le cortex. Cet aspect lamellaire disparaît au delà de 28 SA pour ne laisser individualisable que le cortex et la SB sous-jacente. 2-2 La gyration Au début du troisième trimestre de grossesse, aucun sillon n'est individualisable correspondant à un aspect de lissencéphalie physiologique. Dès la 30ème SA, le cortex apparaît marqué par l'apparition des sillons primaires, limitant les circonvolutions. Ces sillons se ramifient alors en sillons secondaires, puis tertiaires en fin de grossesse. A 38 SA, la profondeur des sillons devient égale ou supérieure à l'espace qui sépare deux sillons successifs. 2-3 La myélinisation Ce phénomène est caractéristique de la maturation cérébrale. Débutant en fin de deuxième trimestre de gestation, la myélinisation ne sera achevée que vers 18 à 24 mois après la naissance. Anatomiquement, elle se fait dans le sens caudo-rostral et de la profondeur vers la superficie, à travers le bras postérieur de la capsule interne. On peut distinguer une phase de "pré-myélinisation", caractérisée par une diminution de la teneur en eau de la substance blanche et la multiplication de cellules gliales (oligodendrocytes), qui se chargent en précurseurs lipidiques de la myéline. Cette phase dite aussi de "gliose de myélinisation" correspond à un hypersignal relatif en T1. Il s'y associe dans un deuxième temps un hyposignal T2, caractéristique de la phase de myélinisation, correspondant à la maturation de la myéline et à une réduction encore plus marquée de la charge hydrique de la SB. A titre de repère, un hypersignal T1 caractéristique est retrouvé à la partie postérieure du tronc cérébral (voies sensitives) dès le début du troisième trimestre. Cet hypersignal est individualisable sur les bras postérieurs de la capsule interne vers 31-32 SA et sur les radiations optiques, dans la substance blanche sous corticale para centrale et en regard de pédoncules cérébelleux inférieurs en fin de grossesse. 3- Fosse cérébrale postérieure Anatomiquement, il convient d'apprécier le volume global de la FCP, d'analyser le cervelet (vermis et hémisphères), le V4, la grande citerne et la tente du cervelet. INDICATIONS 1-Indications cérébrales (+++) 1-1 Anomalies échographiques Elargissement ventriculaire Un élargissement ventriculaire supérieur à 12 mm en regard des atrium est justifiable d'une IRM d'autant que celui-ci paraît être isolé. Un élargissement compris entre10 à 12 mm peut justifier d'une surveillance échographique simple, à condition que son caractère isolé soit bien authentifié. Si l'élargissement ventriculaire s'accentue l'IRM sera réalisée. L'IRM permettra de préciser le caractère localisé ou global de l'élargissement et son caractère symétrique ou asymétrique (lésions clastiques, hémimégalencéphalie). Elle a pour but de distinguer - un élargissement isolé sans anomalie du parenchyme sous jacent, - d'une colpocéphalie (dilatation isolée des cornes occipitales), la colpocéphalie peut être physiologique mais est retrouvée dans les agénésies du corps calleux totale ou partielle, dans la malformation de Chiari (associée aux myélomingocèles), - d'une hydrocéphalie, -d'une atrophie (lésions clastiques en hypersignal T1 caractéristiques avec caractère unilatéral ou asymétrique de l'élargissement), - d'une hémimégalencéphalie. Anomalies du BIP - microcéphalie Les microcéphalies réalisent une bonne indication d'IRM, d'autant que le chevauchement des sutures limite notablement la visualisation des structures intracrâniennes en échographie (parenchyme, espaces sous-arachnoidiens, système ventriculaire). Dans une communication à la Société Française de Radiologie en 1996, P. Sonigo a étudié 34 foetus référés pour microcéphalie (BIP< 5ème percentile). 44% des examens ont révélé une microcéphalie associée à une malformation cérébrale sous jacente et une association à une foetopathie à CMV dans 9% des cas. Il est intéressant de noter que dans 23% des cas, le cerveau et le PC étaient normaux et que l'anomalie du BIP était le fait d'une dolichocéphalie (importance donc des 2 mesures : BIP et PC). Par ailleurs 15% des microcéphalies présentaient un cerveau normal dans le cadre d'un RCIU harmonieux. Dans 9% des cas, la microcéphalie était réelle et restait inexpliquée. - macrocéphalie L'IRM permettra une analyse du système ventriculaire et recherchera une formation tumorale cérébrale. Elle confirmera l'intégrité des structures cérébrales dans le cas d'une craniosténose. Anomalies de la ligne médiane Les atteintes suivantes sont toutes caractérisées par l'absence de cavité du septum lucidum, à l'exception de l'agénésie partielle du corps calleux. - holoprosencéphalie Par l'analyse de la scissure inter hémisphérique, l'individualisation des thalamus, la présence d'un ventricule unique ou d'un kyste dorsal, l'IRM permet de faire le diagnostic de défaut de clivage du prosencéphale et d'en préciser son type (lobaire, semi-lobaire, alobaire) - agénésie calleuse L'IRM précise le caractère partiel ou complet de l'agénésie et fera le bilan des lésions associées (kyste inter hémisphérique, anomalie de la FCP...). La présence ou l'absence du corps calleux sera au mieux appréciée sur les coupes coronales et sur une coupe sagittale médiane. A noter que le corps calleux se développant globalement d'avant en arrière, une agénésie partielle sera toujours postérieure, expliquant ainsi la présence d'une cavité du septum lucidum dans les agénésies partielles. On recherchera par ailleurs les signes indirects d'agénésie comme la colpocéphalie, l'ascension du plancher du troisième ventricule, l'écartement des cornes frontales en "cornes de taureau". - agénésie septale Elle se définie comme l'absence complète ou partielle du septum lucidum. Mieux appréciée en échographie, l'IRM recherchera les lésions associées telles qu'une anomalie du chiasma (dysplasie septo-optique), une schizencéphalie ou une dilatation ventriculaire. Anomalies de la FCP Par l'analyse des éléments anatomiques précédemment cités, l'IRM pourra faire la distinction entre les malformations suivantes, en insistant sur les caractéristiques spécifiques de la malformation de Dandy-Walker : - malformation de Dandy-Walker Association d'un élargissement global de la FCP avec ascension de la tente du cervelet, d'une dilatation kystique du V4 (sans connexion avec les ESA), et d'une agénésie partielle ou complète du vermis. Seront recherchés des facteurs de mauvais pronostic : une hydrocéphalie le plus souvent tardive, une malformation associée (en premier lieu une agénésie du C.C). - hypoplasie et agénésie cérébelleuse (ancien Dandy-Walker variant) Ces atteintes doivent être différenciées de l'entité sus-décrite. Elles touchent soit le vermis, soit les hémisphères. La FCP n'est pas élargie et la tente du cervelet est en place. Il convient d'individualiser le syndrome de Walker-Warburg (transmission R.A.) qui associe une lissencéphalie à l'atteinte cérébelleuse. - méga-grande citerne Le vermis et les hémisphères sont normaux, parfois refoulés par la méga grande citerne. Cette lésion est parfois difficile à distinguer d'un ... - kyste arachnoïdien rétro cérébelleux Anomalie d'échogénicité du parenchyme cérébral Elles sont le fait de lésions ischémo-hémorragiques, à titre très exceptionel d'infiltrations tumorales (tératome). En cas d'atteinte ischémique, elles s'associent souvent à un élargissement ventriculaire asymétrique homo-latéral à la lésion traduisant l'atrophie parenchymateuse secondaire. L'hypersignal T1 intraparenchymateux, signant des lésions de nécrose hémoragique, associé à un élargissement ventriculaire asymétrique, est caractéristique des lésions ischémohémorragiques. Syndrome de masse kystique ou solide - kystique : kyste arachnoïdien, kyste inter hémisphérique, sac dorsal - solide : tératome ou exceptionnelles tumeurs gliales - mixte : papillome des plexus choroïdes (complications hémorragiques) Anomalie de la gyration et dysplasie corticale L'IRM permettra parfois d'individualiser une lisencéphalie, une pachygyrie, une polymicrogyrie, des hétérotopies de substance grise. Ces anomalies sont le plus souvent associées à d'autres anomalies cérébrales, en particulier une microcéphalie. 1-2 Foetus à risque encéphalique Contexte de sclérose tubéreuse de Bourneville (familial, tumeur cardiaque foetale) Un contexte évocateur de STB conduira à la pratique d'une IRM foetale à la recherche de tubers sous-épendymaires précédemment décrits (hypersignal T1 et hyposignal T2) Jumeau monozygote survivant L'IRM sera pratiquée à la recherche de lésions ischémiques cérébrales précoces avant que n'apparaissent des modifications de l'échogénicité du parenchyme cérébral ou un élargissement ventriculaire. Contexte infectieux : cytomégalovirus, toxoplasmose... L'IRM pourra objectiver une microcranie et l'existence de lésions encéphaloclastiques. En revanche, elle ne met pas en évidence la présence d'éventuelles calcifications intracérébrales, mieux visualisées en échographie. 2- Indications neurologiques extra-cérébrales : moelle et rachis Elles sont limitées du fait de la difficultés d'obtenir une analyse dans un plan de référence strict (sagittal ou coronal) et par la bonne qualité de l'imagerie échographique. L'échographie permet en effet de suivre la colonne sur toute sa hauteur. La non ossification des éléments postérieurs offre par ailleurs une analyse du cordon médullaire et de la position du cone terminal. Dans notre expérience, l'IRM a confirmé un diagnostic de diastématomyélie qui était largement étayé par les données échographiques. Dans ce cas particulier et pour l'analyse des anomalies malformatives des corps vertébraux (hémivertèbre, blocs vertébraux), le scanner spiralé avec reconstruction 3D offre une imagerie de qualité et peut être discuté au cas par cas. 2- CONCLUSION Technique encore en évolution, l'IRM est aujourd'hui un complément utile à l'échographie dans l'exploration de la pathologie cérébrale du 3ème trimestre. Elle trouve ses indications dans l'analyse de la FCP, de la ligne médiane, des lésions clastiques, des microcéphalies, des dilatations ventriculaires inexpliquées et dans certains contextes à risque encéphalique. Pouvant visualiser des lésions non objectivées en échographie, l'IRM foetale peut aussi conduire à la poursuite d'une grossesse en confirmant le caractère isolé d'un signe d'appel échographique ayant fait discuter une interruption de grossesse. 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