Dyskinésie Ciliaire Primitive chez le Bobtail. F. Billen1, A.C. Merveille2, G. Bataille2, D. Peeters1, AS. Lequarré2, M. Georges2, C. Clercx1. 1 Département des Sciences Cliniques, Service de Médecine Interne des Animaux de Compagnie, Faculté Vétérinaire, Université de Liège, Boulevard de Colonster, 20 (B44), 4000 Liège, Belgique. 2 Département des Productions Animales, Service de Génomique Animale, Faculté Vétérinaire, Université de Liège, Avenue de l’Hopital, 1 (B34 GIGA-R), 4000 Liège, Belgique. La Dyskinésie Ciliaire Primitive Introduction : La Dyskinésie Ciliaire Primitive (DCP) (Primary Ciliary Dyskinesia : PCD) est une maladie héréditaire qui a été rapportée dans une vingtaine de races de chiens (Springer Spaniel, Setter anglais, Border Collie, Bobtail, Doberman, Golden retriever, etc.). Elle est également appelée « Syndrome d’immobilité ciliaire primitive » car il s’agit d’un dysfonctionnement des cils rencontrés principalement au niveau de la muqueuse respiratoire (du nez, de la trachée et des bronches). Les cils : Le cil est constitué de 9 paires de microtubules périphériques reliés entre eux et reliés à une paire centrale. Sur chaque paire, on trouve 2 petits bras de dynéine à l’extérieur, et 2 à l’intérieur. Ces bras de dynéine sont indispensables au battement du cil. Les cils de la muqueuse respiratoire. A. vue microscopique de la muqueuse respiratoire qui est constituée de cellules épithéliales ciliées (c.-à-d. que leur surface apicale est recouverte de cils) B. Gros plan sur la partie apicale d’une cellule épithéliale ciliée. C. Schéma d’une coupe transverse d’un cil montrant son architecture interne. Le système respiratoire. La muqueuse respiratoire sécrète du mucus qui capture des poussières et des agents pathogènes (bactéries, etc.) inhalés. Le mucus produit dans la trachée et les bronches est ensuite remonté vers le pharynx où il est dégluti, alors que le mucus provenant de la partie postérieure des cavités nasales est également transporté vers le pharynx). Le transport du mucus est possible grâce aux battements coordonnés des cils de la muqueuse respiratoire, pour autant que le mucus ne soit pas trop épais. Lorsque l’ascenseur mucociliare est déficient, le mucus n’est plus éliminé correctement et s’accumule dans les bronches, la trachée, les cavités nasales et les sinus. Les bactéries ne sont plus éliminées et des infections respiratoires chroniques apparaissent (rino-sinusites, otites moyennes, bronchopneumonies) débutant le plus souvent dès le plus jeune âge. Des infections pulmonaires récurrentes affectent l’élasticité des bronches et provoquent l’apparition d’une dilatation des bronches appelée « bronchiectasie ». Le système génital. On peut observer un dysfonctionnement au niveau du flagelle du spermatozoïde, dont la structure interne est similaire à celle du cil. La mobilité du spermatozoïde est affectée et l’individu mâle présente de l’infertilité. Chez la femelle, l’oviducte est recouvert d’une muqueuse ciliée, la migration de l’ovocyte peut dès lors être compromise se traduisant également par des problèmes de fertilité. Autres systèmes. Un dysfonctionnement des cils peut également être responsable d’hydrocéphalie (accumulation de liquide dans le cerveau suite à une mauvaise évacuation de celui-ci) et de polykystose rénale (accumulation d’urine, sous forme de petits kystes, dans les reins). Le syndrome de Kartagener. Au cours du développement de l’embryon, le positionnement des organes internes (cœur à gauche, foie à droite, estomac à gauche, …) dépend également du mouvement de cils. En cas de dyskinésie ciliaire primitive, il se peut que les organes internes se placent « en miroir » ; c’est ce que l’on appelle un « situs inversus » (cœur à droite, etc.). Le « situs inversus » peut atteindre l’ensemble des organes de l’individu, ou uniquement les organes intrathoraciques (cœur à droite). Lorsqu’un individu atteint de DCP présente simultanément 1) une rhinosinsite chronique, 2) de la bronchiectasie et 3) un situs inversus complète ou partiel ; on dit qu’il présente le syndrome de Kartegener. Diagnostic. Les symptômes habituellement rencontrés sont essentiellement respiratoires : apparition dès le plus jeune âge d’éternuements, de jetage nasal muqueux à purulent, de toux grasse avec expectoration de mucus. Lors d’infection sévère, on observe de la température, de l’intolérance à l’effort, de la dyspnée (difficulté pour respirer) et de la cyanose (muqueuses bleues). Vue endoscopique de la trachée d’un chien atteint de DCP. On observe une muqueuse enflammée (rouge) et une quantité abondante de mucus immobile dans la trachée. La mesure de la vitesse de clairance mucociliare, par examen scintigraphique par exemple, est utile au diagnostic. La confirmation du diagnostic repose cependant sur la détection, par examen en microscopie électronique des cellules ciliées à partir de biopsies de muqueuse respiratoire, d’anomalies spécifiques de la structure des cils. Cependant, la structure des cils peut également être affectée secondairement à de l’inflammation chronique. Pour différencier des anomalies primitive (c.-à-d. d’origine génétique) des anomalies secondaires à de l’inflammation chronique, il faut avoir recourt à la culture cellulaire in vitro des cellules ciliées. En effet, après culture, seules les anomalies primitives persistent. Microscopie électronique d’une coupe transverse d’un cil de la muqueuse respiratoire de chien. a. Cil normal d’un chien sain avec neuf paires de microtubules périphériques (tête de flèche) et une paire centrale (flèche) b. Cil d’un chien atteint de DCP présentant un déplacement central d’une paire de microtubules périphériques (tête de flèche) et une localisation excentrique de la paire centrale (flèche). Traitement. Puisqu’il s’agit d’une maladie génétique, les traitements sont purement symptomatiques. Ceux-ci consistent principalement en l’administration d’antibiotiques bactéricides actifs contre la bactérie responsable de l’infection (sur base d’une culture bactérienne de liquide de lavage broncho-alvéolaire). Maintenir une bonne hygiène du système respiratoire est également important : environnement propre, humidification du système respiratoire (aérosols +/- mucolytiques), kinésithérapie (« clapping ») pour favoriser la mobilisation et l’expectoration des sécrétions. Le seul traitement étiologique serait l’éradication de la maladie. Grâce à un dépistage génétique on pourrait identifier les individus porteurs de la maladie et éviter leur reproduction. Pronostic. Le pronostic est mauvais car la maladie progresse malgré une prise en charge précoce des infections et la réponse aux divers traitements devient généralement moins bonne avec le temps. Généralement, les chiens sont euthanasiés. La Dyskinésie Ciliaire Primitive chez le Bobtail. Fin 2006, un éleveur de Bobtail observe l’apparition des symptômes respiratoires similaires (bronchopneumonie et rhinite récurrentes) chez plusieurs chiots de deux portées apparentées. L’éleveur prend contact avec la Faculté Vétérinaire de l’Université de Liège. Les examens réalisés à la Faculté Vétérinaire chez ces chiots (radiographie, endoscopie, culture bactérienne, biopsie, culture de cils, microscopie électronique) permettent de poser un diagnostic de DCP. L’analyse des pédigrées des deux portées atteintes montre que le père d’une portée est le grand-père de l’autre portée, faisant suspecter une origine génétique à la maladie chez ces Bobtails. sexe statut d’après les analyses génétiques mâle chien sain femelle chien porteur inconnu chien malade chien porteur probable selon le mode de transmission génétique identifié (chien non testé) chien non testé chien malade mort ? ? Grâce à l’analyse de pédigrées et les informations récoltées par l’éleveur, 6 portées de Bobtails atteintes et apparentées sont identifiées. L’analyse de l’ensemble des pédigrées est compatible avec une maladie génétique héréditaire dont la transmission est de type récessif. Cela signifie que le croisement entre un chien malade et un chien sain ne donne pas de chien malade mais peut donner des chiens porteurs sains. Le croisement entre 2 chiens porteurs d'apparence sains peut donner un certain nombre de chiens malades (en théorie 25%) ainsi que des chiens porteurs "sains" (en théorie 50%) et aussi des chiens complètement sains non porteurs (en théorie 25%). Un examen clinique et une prise de sang sont réalisés chez une vingtaine de Bobtails dont 5 malades. Des analyses génétiques, à partir de l’ADN présente dans le sang, sont entamées au service de génétique de la Faculté Vétérinaire de l’Université de Liège, grâce à un financement consenti par un projet européen de génétique canine, le projet LUPA. Grâce aux premières analyses génétiques, il est maintenant possible de différencier avec une certitude quasi totale les chiens sains, les chiens porteurs et les chiens malades. Ces premiers résultats montrent clairement qu’un grand nombre de chiens cliniquement sains, utilisés pour l’élevage, sont porteurs de la maladie. Chaque fois qu’un de ces chiens porteurs se reproduit avec un chien sain, il peut théoriquement transmettre le gène malade à 50% de sa descendance (c.-à-d. qu’un chiot sur deux sera porteur). Par contre, chaque fois que deux parents porteurs se reproduisent ensemble, en théorie ; 25% des chiots seront malades, 50% des chiots seront porteurs et 25% des chiots seront sains. Il est donc très probable que nous n’avons identifié que la partie émergée de l’iceberg et que de nombreux autres chiens porteurs, voire malades, soient présents en Europe. ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? Le but des ces analyses génétiques est d’identifier la mutation du gène responsable de la maladie. Actuellement nous avons identifié la région du chromosome (chromosome 34) au sein de laquelle se trouve le gène responsable de la maladie. Cependant, cette région contient +/- 150 gènes et l’analyse détaillée de chacun de ces gènes, afin d’identifier précisément la mutation, prendrait plusieurs années et couterait également très cher (comparable à chercher une aiguille dans une botte de foin). Il existe néanmoins un moyen pour accélérer les recherches. En effet, l’analyse de tissus pulmonaire prélevé chez un chien malade nous permettrait de concentrer les recherches sur un petit groupe de gènes candidats, et d’accélérer ainsi l’identification de la mutation génétique responsable de la maladie. L’identification de la mutation génétique responsable de la maladie est une étape incontournable à la mise au point d’un test génétique, financièrement abordable, capable d’identifier avec certitude les chiens malades, porteurs et sains sur base d’une simple prise de sang, et de garantir l’éradication de la maladie de la population des Bobtails. En résumé, nous faisons appel aux éleveurs de Bobtails de toute l’Europe pour deux raisons. 1) acquérir une idée plus précise de l’incidence de la maladie dans la population des Bobtails. 2) identifier des chiots malades chez lesquels nous pourrions prélever des tissus respiratoires. Nous demandons donc à tous les éleveurs et propriétaires de chien Bobtail de prendre contact avec nous en cas de suspicion de DCP chez un chiot. Nous demandons également aux propriétaires de chiot atteints de DCP de considérer le don de tissus respiratoires. Le prélèvement doit impérativement se faire dans les minutes qui suivent la mort de l’animal. Notre équipe est prête à se déplacer pour effectuer les prélèvements nécessaires dans les meilleures conditions possibles. Il est néanmoins nécessaire que le propriétaire nous contacte dans les jours/semaines qui précèdent la décision d’euthanasie d’un chien malade. Nous vous remercions d’avance pour votre précieuse collaboration. Frédéric Billen, DVM, PhD, DipECVIM-CA Pour plus d’informations, n’hésitez pas à contacter les vétérinaires responsables du projet : Partie clinique Partie génétique Dr F. Billen : - +32(0)43664200 Dr A-C. Merveille : - +32(0)43664200 - [email protected] - [email protected] ou à consulter le site internet : www.eurolupa.org LUPA