L'autre vertu de l'immigration Q par Pierre-Antoine Delhommais ÉDITORIAUX

ÉDITORIAUX
L'autre
vertu
de
l'immigration
L'
argent
envoyé dans leur
pay
s
par
les migrants est plus efficace
que
l'aide publique au
développement.
par
Pierre-Antoine Delhommais
Qu'elle est loin, l
poque
les
dirigeants
de
la
g
au
c
he
fran-
ç
ai
se
applaudi
ss
ai
ent,les larmes aux
ye
ux,
la
rock-star
Bono
et
son engagement en faveur
des
pays
pauvre
s.
L'aide
publique
au
développement
(APD)
de
la
Fran
ce,
qui avait augmenté de
2,5 milliards de dollars entre
2007
et
2011
so
us
la
pr
és
id
e
nce
de
Ni
co
la
s
Sarkozy,
a
bai
ssé
dans
le
s mê
me
s proportions depuis
l
lection de
François
Hollande.
Selon
le
s statistiqu
es
de l
'OC
DE
,
e
ll
e est tombée
de
n,52 milliards
de
dollars en
2012
(0,45
%
de
notre revenu national brut) à
10,3
milliards
en
20
14
(0
,
36
%).
La
France
se
montre
bi
en moins généreuse
qu
e
nos
deux grands
vo
i
si
ns pourtant dirigés par dpouvantables gouvernements
de
droite libérale: l'Allemagne d
'A
ngela
Merkel
(1
5,94
milliards
de
dollars d'aide en
2014
,en hausse
de
2,3
milliards depuis
2012)
et
le
Ro
yaume-U
ni
de
David
Cameron
(18
,08
milliards en
2014,
en
hausse
de
4,1
milliards depuis
2012).
La
baisse
du
soutien financier
de
la France aux
pa
ys
pauvres
fait
toutefois
figure
d'
ex
ception parmi
les
grandes nations indus-
trialisées.
L'Allemagne
a par exem
pIe
promis d'augmenter
de
8 milliards
de
dollars son
aide
d'ici à
2019
et,
en
dix
an
s,
malgré
la
crise économique,
le
montant global
de
l'APD
a progre
ssé
de
38
% pour atteindre
en
2014lemontantrecordde
135.2
milliards.
Cette hausse est d'autant plus remarquable que l'efficacité
me
de
l'aide publique, conçue au départ dans
les
ann
ées
60
comme un
moy
en de
faire
décoller économiquement l
es
pay
s
pauvres en renfor
ça
n t leur épargne domestique
et
leurs r
ése
rves
en devises, est r
ég
ulièrement remise en qu
es
tion.
De
fait,
personne n
'a
jan1ai
s réussi à établir
de
co
rrélation
so
lid
e entre
le
taux de
cro
iss
an
ce
et le niveau
de
l'
aide.
Ce
rtains
éco
no
mi
st
es
ontmêm
ju
sq
u'à
accuser
leurs
co
ll
ègues
du
FMl,de
la
Banqu
e
mondia.l
e
et
d
es
ONG
de sur
es
timer l
es
effe
ts
po
sitifs de l'
APD
pour
ju
s
tifi
er l
'ac
tion de leurs institutions dans
le
s
pay
s pauvr
es.
Pi
s, b
ea
u
co
up
estiment
qu
e l
'APD
pr
ése
nte de nombreu
ses
co
n
séq
uen
ces
gatives:
co
rruption, inflatio
n,
gasp
illa
ge,
pres-
sion politique de
la
part d
es
pays
donateur
s,
hau
sse
artificielle
de
s taux
de
chan
ge
pénalisant l
es
ex
portation
s,
épargne décou-
En Ouganda, les
transferts
de
fonds des
mi-
grants
sont
deux
fois plus élevés
que
les recettes
tirées
de
l'expor-
tation
de
café.
ra
gée
au profitde
la
co
n
so
mm
a
ti
o
n,
irresponsabilité
des
gouve
rn
emen
ts
a
ss
ur
és
de
toucher une
aide
d'autant
plus élevée que
le
s perfo
rm
ances
éco
nomiques
de
leur
pa
ys
so
nt plus
mauv
aises
. Dans un livre choc
pu
-
blié en
2009,
«
L'aide
fata.le
», l'éco-
nomiste zambienne
Dam
bi
sa
Moyo
exp
l
iq
uait
que
c'était l'aide
pubLique
elle-même qui
avait
enfermé
l'
Afrique
dans le
piège
de
la
pa
uvret
é.
«
L'aide
a
été
et
continue
d'être
un
d
és
astre
total
sur le pl
an
politique,
économique
et
humanitaire.
De
s
milliollS
de
gellS
en
Afrique
so
nt
pl
us
pauvre
s
aujourd
'
hui
à
cause
de
l
'aide
int
e
rnationale.
»
La
question
de
l'utilité
de
l
'APD
se
po
se
d'autant plus que
la
mondialisation a boulever
la donne
avec
l'essor s
pec
t
ac
ulaire
et paraIlèle
de
s financements privés.
Les
investissements
di
-
rects étrangers vers
les
pays
émergents. c'est·à-dire tous
ces
ca
-
pitaux apportés par
de
grandes entreprises multinationales
pour y créer
ou
y
dév
elopper leurs activit
és,
se
sont envolés:
De
nouvelles
mesu
r
es
visaien
t à
facili
t
er
le
travail
des
(hirurg
i
ens.
8 1 4 Juin 2015 1 Le Point
2230
35
milliards de dollars
en
1990,778
milliards en
2013.
En
Asie
,
ils
so
nt
pas
sés
au
co
urs
de
cet
te
riode
de
22
milliards à
426
mil-
liards
de
dollars et en
Afriq
ue
de
2,8
milliards à
57
milliard
s.
Autre r
esso
ur
ce
fmancière majeure pour l
es
pa
ys
en d
éve
-
loppement:
le
s en
vo
is de fonds
de
s migrants vers leurs
pa
ys
d'origine
(po
ur aider
la
famille restée surplace ou pour y
inv
es
-
tir), qui représentent
des
montants
co
lossaux et prog
re
sse
nt
rapidement:
60
milliards
de
dollars en
19
90,
123
milliards en
2000
et
435
milliards
en
2014
,soit trois
foi
s
le
montant
de
l
'A
PD
.
L'Inde,
qui
possède
au
monde le plus grand nombre
d'
émigr
és
(14
million
s),
se
retrouve logiquement en tête d
es
pays r
ece
-
va
nt
le plus d'argent de
sa
diaspora
(71
milliards
de
dollar
s),
de-
van
t
la
Chine
(64
milliards), l
es
Philippines
(28
milliards),
le
Mexiq
u
e(24
milliards)
et
leNigeria(2I milliards).
Dan
s un
pa
ys
comme le Tadjikistan,
le
s envois
de
fond
s
de
s émigrés att
eig
nent
52
%
du
PIB
.
En
Ind
e,
leur montant passe
le
s exportations
de
logiciels e
t,
en Ouganda,
ils
so
nt deux
foi
s plus é
lev
és
que l
es
recettes tirées
du
premier produit d
'ex
portation
qu
'est
le
café
.
Ces
envois d'argent pr
ése
ntent l'avantage
de
procurer
de
s
res
so
urces réguliè
re
s aux
pays
pauvres, donc d
'y
favori
se
r
la
stabilité macroéconomique et d
'y
éq
uilibrer naturellement
la
balance d
es
paiement
s.
Le tout en
am
é
li
orant
le
bi
en-être
de
s
populations
grâce
à d
es
dépen
ses
de
co
n
so
mmation (alimenta-
tio
n, habitation, voiture)
mai
s aussi en stimulant
les
investis-
se
ments productifs, le
co
mmer
ce
et
le
sec
teur
de
la
co
nstruction.
Dan
s une r
éce
nte étud
e,
l
'éco
no
mi
ste de
la
Banqu
e mondiale
Dil
ip Ratha a propo
plu
sie
urs
pi
st
es
pour accroître encore
l'efficacité
éco
nomique
de
ces
envois de fonds de la part
de
s
émigr
és
. D'abord, diminuer l
es
frais exorbitants
de
transaction
(8
% en moyenne dans
le
monde
et
jus
qu
II
% vers l'Afrique)
grâce aux transferts d'argent en ligne
et
sur téléphone mobil
e.
Ramener leur coût à 3 % permettrait
de
dégager
20
milliards
de
dollar
s.
Autre
id
ée
: mo
bili
se
r l'éparg
ne
peu rémunér
ée
de
s
migrants dans leur
pa
ys
d'accueil pour l
es
placer dans d
es
ob
li
-
gations d'
Etat
é
mi
ses
par
leur
pays
d
'o
rigine.
Ces
«
obligat
i
ons
-
dias
-
pora
» pourraient,
se
lon Ratha,
nérer
50
milliards
de
dollar
s.
11
y a quelque ch
ose
de tr
ès
sa
in dans l'
id
ée
que
les
mi
grants
so
ien
t
au
fond
l
es
mi
e
ux
plac
és
pour stim uler à
di
stance
la
crois-
sance
éco
nomique
de
leur
pays
d
'o
rigine.
Mais
ce
la
met aussi
en
lumière une vérité
éc
onomique pour
le
moins dérangeante:
le
mo
y
en
le
plus
efficace
d'aider l
es
pa
ys
pauvres est
de
favoriser
l'accueil et l'intégration
dan
s l
es
pa
ys
riches
de
leurs émigr
és
_
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