de la division sexuelle du travail en suisse: entre conformité et solution

DE LA DIVISION SEXUELLE DU TRAVAIL EN
SUISSE: ENTRE CONFORMITÉ ET SOLUTION
Antonio Girardi1
INTRODUCTION:
DIVISION INTERNATIONALE DU TRAVAIL ENTRE FEMMES
Ce travail se propose de vérifier une hypothèse présentée par
Federici dans son texte sur la lutte féministe dans un contexte de
mondialisation économique2. L’auteur part de la division internatio-
nale du travail, dont le moteur serait constitué par l’accumulation
capitaliste en faveur des habitants des métropoles, c’est-à-dire les
1Etudiant en diplôme d'études supérieures à l'iuéd, économiste de formation.
2Federici Silvia, Reproduction et lutte féministe dans la nouvelle division internationale du
travail, 15 p. Pour la définition de mondialisation économique, je me réfère aux consi-
dérations dans Bertrand Maurice, «Les défis conceptuels de la mondialisation»,
Genève: iuéd, 1994, 14 p., p.1. L’auteur soutient que toutes les théories sont d’accord
sur l’évolution techno-économique qui entraîne la transformation de la société, tandis
qu’elles divergent sur la description de ses dangers et ses désavantages d’après leur idéo-
logie. Il envisage la nécessité de trouver une idéologie alternative, comme par exemple
le néostructuralisme, pour une explication objective de la mondialisation qui débouche
sur un nouveau paradigme. Pour les concepts utilisés, il me semble que l’approche de
Federici s’y oriente sans abandonner l’analyse néomarxiste.
pays les plus industrialisés. Cette division internationale du travail
exerce une violence structurelle qui, en créant et en renforçant une
division hiérarchique entre les femmes de ces pays et celles des pays
du tiers-monde, empêcherait une lutte internationale commune
d’émancipation de la femme. Bien que son analyse se concentre sur
le transfert de la main-d’œuvre du Nord au Sud dans le secteur du
travail de la reproduction sociale, Federici mentionne également le
phénomène des femmes qui partent du tiers-monde vers les pays
industrialisés où elles travaillent comme domestiques pour gagner
de l’argent. Dans ces pays, il existerait une demande pour ce type
d’emploi qui, selon l’auteur, aurait permis de résoudre le problème
du travail ménager et de «libérer» des milliers de femmes des classes
moyennes qui peuvent ainsi participer au marché du travail. Malgré
le fait que les tâches ménagères restent une responsabilité des
femmes occidentales, les domestiques leur permettent de se sous-
traire à un travail qu’elles ne veulent pas accomplir. La travailleuse
domestique immigrée est souvent mal payée, éloignée de sa «vraie»
famille, vivant dans une situation de solitude, soumise aux dangers
d’exploitation liés à une position sociale et légale très vulnérable,
d’abord en tant qu’immigrée et (de plus en plus) en tant que tra-
vailleuse sans papier3.
Cette nouvelle division hiérarchique entre les femmes du Nord et
celles du Sud empêche de remettre en question le système d’exploi-
tation des femmes au sein des ménages.
Mon travail entend vérifier l’hypothèse énoncée par Federici pour la
situation actuelle en Suisse. A une esquisse descriptive des responsa-
bilités au sein du ménage, succédera une analyse de la dimension
symbolique, sociale et individuelle.
134 ANTONIO GIRARDI
3Neue Zürcher Zeitung (NZZ) Online, Der Preis für die Arbeit ist «ein Leben im
Gefängnis», 16. Januar 2002. Sans-papier, ou clandestin, est le concept qui décrit les
hommes et les femmes dont le séjour n’est pas réglé sous le point de vue du droit des
étrangers: réfugiés qui ne quittent pas le pays, saisonniers qui restent sans permis, per-
sonnes qui n’ont jamais disposé de permis.
SUISSE: INÉGALITÉ DANS LA RÉPARTITION SEXUELLE
DU TRAVAIL RÉMUNÉRÉ ET DOMESTIQUE4
La répartition traditionnelle des responsabilités entre l’homme et la
femme prévaut toujours dans les couples suisses. Pour 63% des
hommes, l’activité professionnelle constitue l’activité principale
contre 37% des femmes (graphique 1, page suivante). Dans 70%
des couples et 90% des familles comptant des enfants de moins de
15 ans, c’est la femme qui assume principalement les tâches domes-
tiques et familiales (graphique 2). Seulement un quart environ des
femmes qui exercent une activité professionnelle à plein temps peu-
vent compter sur une contribution équitable de leur partenaire.
L’éducation et les soins aux enfants, ainsi que les soins dispensés à
d’autres membres du ménage, sont les tâches domestiques et fami-
liales qui prennent le plus de temps (graphiques 3 et 4). Les femmes
travaillent en moyenne deux fois plus pour le ménage et la famille
(31 heures) que les hommes. Quel que soit leur âge, les hommes
n’investissent en aucun cas davantage de temps dans les tâches
domestiques et familiales que les femmes (graphique 5).
Les femmes, avec enfants de moins de 15 ans, accomplissent le plus
de tâches domestiques et familiales5(graphique 6): 52 heures par
semaine contre 22 heures pour les hommes. Dans le même type de
famille, les hommes exercent généralement une activité profession-
nelle à plein temps, tandis que les femmes sont souvent sans emploi
ou employées à temps partiel, surtout lorsque les enfants sont en bas
âge. Malgré une répartition peu équitable entre le travail domes-
tique et l’activité professionnelle, les hommes et les femmes vivant
135
ECONOMIE MONDIALISÉE ET IDENTITÉS DE GENRE
4 Ce chapitre descriptif se base sur les données dans Office fédéral de la statistique, Du
travail, mais pas de salaire, 64 p. Par «travail non rémunéré» on entend toutes les activi-
tés (dont les tâches domestiques et familiales constituent la majeure partie) qu’il serait
possible de faire exécuter contre rémunération par des tiers (principe de la tierce per-
sonne). Le cadre décrit est confirmé aussi dans la nouvelle publication qui vient d’appa-
raître en janvier 2002. Voir Neue Zürcher Zeitung (NZZ), Hausarbeit geht auch Väter
etwas an. Das Gleichstellungsbüro ruft zu «Fairplay at home» auf, 15. Januar 2002.
5La charge ne diminue pas beaucoup pour les personnes élevant seules leurs enfants.
selon cette division traditionnelle travaillent en fin de compte quasi-
ment le même nombre d’heures (graphique 7).
Il en va autrement pour les femmes avec des enfants lorsqu’elles
exercent une activité professionnelle. Il est démontré que la
moyenne des heures consacrées aux activités domestiques ne dimi-
nue pas de manière conséquente avec l’emploi (graphique 8). C’est
une des raisons pour lesquelles une bonne moitié des mères avec des
enfants en bas âge n’exerce aucune activité lucrative, tandis qu’un
quart travaille à moins de 50% (graphique 9). Seulement 20%
concilient les tâches domestiques avec un emploi à plein temps ou à
plus de 50%. Le problème de la réinsertion dans le marché du tra-
vail est souligné par le fait que même les mères avec des enfants de
15 à 24 ans cherchent pour la plupart à être employées à moins de
50% (graphique 9).
136 ANTONIO GIRARDI
So u rce des graphiques 1 à 9: Office fédéral de la statistique, Du tra vail, mais pas de salaire. Le
temps consacré aux tâches domestiques et familiales, aux activités honorifiques et névo l e s
et aux activités d’entraide, Données sociales Suisse, Neuchâtel, 1999, 64p. El a b o r a t i o n
p e r s o n n e l l e .
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ECONOMIE MONDIALISÉE ET IDENTITÉS DE GENRE
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