Islam. Pourquoi il fa
ut
r
ef
user le
déb
at
Sarkozy
de «
rappeler
des
choses
simples»
co
mm
e le
fait
que
«
la
laïcité doit s'imposer à tous
».
Une véritable gifle po
ur
le
chef
de
l'Etat.
Ce
n'est
pas
tout.
S'il s'agissait d'
un
e
prise
de
parole
isolée, Nicolas
Sarkozy
aura
it
pu
se
dire
qu
'Ala
in Ju
ppé
fai-
sait,
une
fois de p
lu
s,
to
ut
pour
se f
air
e
remarquer.
Il
n'en
est
rien.
La
d
ro
it
e
bruisse
d'âmes
en
colère. En
mat
i
ère
de
« débats », ils
sont
no
mb
reux
à reproch
er
à Nicolas Sarkozy la
pa
n
ta
l
onna
de sur
l'identité
nationale.
P
lu
sieurs
min
is
tr
es,
aujo
urd
'hui
à des p
ostes
importa
nt
s,
comme
François
Baro
in
(B
u
dget)
ou
Bruno
Le
Maire (Agriculture), n'avaient,
à
l'é
p
oque,
pas
cac
hé l
eur
gêne,
vo
ir
e
leur
franche
opposit
ion, à la façon dont
le
d
ébat
avait
été
conduit.
Ils
le
ren
-
daie
nt
d'ailleurs
responsable de l'échec
de la
dr
oite
aux
régionales
et
de la
mon
-
tée
du
Front
nat
i
ona
l.
Les
mêmes
so
nt
au
jourd'hui
hostiles à
un
nouveau de
oat
à
ha
uts
risques
.
Bruno
Le
Maire a ai
nsi
mis
en
garde
cont
re «
les
écuei
ls
de
la stig-
matisation et
de
l'aveuglement
».
«
Ce
la
ne
doit certainement
pas
être
un débat
en
l'air,
cela
doit
être
un deoat respectueux,
respec-
tueux
des
musulmans
de
France,
respectueu
x
aussi
des
principes
de
la République », a-t-il
averti, au Talk Orange/le
Figaro.
Alors
qu'
il
n'a
pas
encore
officielle-
ment
démarré
, le
débat
sur
l'islam divise
jusqu'au
sein
du
gou
vernement
.
C'est
une
véritable boîte de Pan
dore
qu'o
uvre
là Nicolas Sarkozy : les ministres se déc
hi
-
rent
déjà
pour
savoir s'il faut ou n
on
to
u-
cher
à
la
loi
de
1905
qui
régit
la
sépara
-
tion
des Eglises
et
de l'Etat.
Ai
nsi,
Be
noist
Apparu, le secrétaire d'Etat
au
Loge
men
t,
esti
me
qu'
« il faut faciliter
la
construction
de
mosquées
dans
notre
pays
, quitte à
ce
que
l'Etat y participe,
même
si
c'est
contraire
à la
loi
de
1
905
». « S'il
le
faut », il
sera
néces
-
saire d'« aménager»
cette
loi, avance-t-il.
Pas question, lui a répo
ndu
,
sur
Europe
1,
François Baroin, le
porte
-
parole
du
gou-
221
Marianne
1
26
fé
vrier
au
4 mars
2011
vernement : «
TI
n'y a
pas
da
ns
l
'agenda
go
u-
vernemental
de
texte portant sur
une
modifi-
cation
de
la l
oi
de
1905
et,
comme
responsable
politique,
conseiller
politique
de
l'
UMP
et
en
charge
du
deoat,
je
ne
serai
pas
favorable à
une
modification
de
la
loi
de
1
905.
»
Boekel,
Devedjian,
Dati
...
La
qu
erelle ne
touche
pas que les
minis
-
tres.
Les
p
ar
l
ementa
ires s'y m
ettent
au
ss
i.
Ainsi, les 28 députés
du
collectifLa Droite
popula
ire,
l'a
ile d
ure
de l'
UMP
, dénonce
la
propo
s
itio
n de
Beno
ist
Appar
u
qui
« risque
de
mettre un terme à notre pacte
majoritaire ». «
Nos
compatriotes demandent
aux ministres
de
gérer l'argent public dans
l'intérêt général
du
pays et non
de
faire
du
proselyt
is
me
» .
L'ancien secrétaire d
'E
t
at
d'ouvert
ure
Jean
-Marie Bockel,
présent
autour
de
la
tab
le
du
pet
it déje
un
er de la
major
it
é,
est
allé plus loin qu'Alain Ju
ppé
en
oppo-
sant
un
ni
et
catégori
qu
e au deoat. «
Sans
réflexion
préa
l
able
et
interne », la
major
ité
s'engage dans
un
débat
qu
i
peut
« prêter
à toutes
les
mauvaises interprétations », a
fortiori
avant
les éch
éa
nces
de
2012
avec,
à la clé,
un
«
risque
de
montée
en
puissance
du
FN
)J,
a
-t-
il expliqué. S
ur
la forme, il e
st
to
ut aussi
critique
. Le
zapping
per
ma-
nent
du
pr
ésident
et
sa d
éter
min
ation
à
faire
main
basse
sur
l'age
n
da
pol
itique
n
'est
visi
bl
em
ent
pl
us
du
goût
de
l'a
n-
cien
socialiste. En
la
nçant « un sujet par
jour
ou
p
ar
semaine
»,
on
p
rend
la respon-
sabili
té
de
ne
pas avoir « un vrai
deoat
qui
fasse
progresser
les
questions
de
notre
société
et
qui
nous
permette
de
trouver
ensemble
des
solutions
»,
a-t-il poursuivi.
Dans ce
concert
de
cr
i
ti
qu
es, Patrick
Devedjian, présid
ent
du
c
on
seil gén
éra
l
des Hau
ts
-d
e-
Seine,
ta
pe
du
r à
pro
pos
du
déba
t sur l'isl
am
: «
Non
seulement
c'est
injuste, mais c'est désastreux,
car
nos
com
-
patriotes musulmans sont destinés à vivre
durablement
avec
nous
»,
écrit
-il,
dans
son
blog. Rachida Dati, elle aussi, s'est
rappe
-
lée
au
bon
sou
venir
de Nicolas Sarkozy.
L'ex-
garde
des Sceaux a
émis
de
sérieu-
ses réserves
quant
au
projet
prés
i
de
n-
tiel.
«
Le
delJat
sur l'islam, moi,
ça
ne
me
pose
aucun
problème,
ce
débat est pertinent,
a-t-elle ass
ur
é s
ur
France
2.
Mais
il faut
fa
i
re
attention
de
ne
pas
stigmatiser l'islam
en
tant
que
religion
et
de
ne
pas
stigmatiser
les
musulmans,
qui
sont d'abord français.
TI
faut
que
les
musulmans,
comme
pour toutes
les
autres religion
s,
aient
des
lieux de
cu
l
te
et
de
prière
déce
n
ts
. » Selon l
'ancienne
ch
ouc
hou
te
du
prési
den
t, «
ce
n'est pas
l'islam qui
pose
un problème.
Le
problè
me,
aujourd'hui, c'est
de
combattre ceux qui
dévoient l'islam, qui l'utilisent pour défier
l
es
va
l
eurs
de
la
Ré
publique
».
Sous
couver
t d'isl
am,
les st
ra
t
èges
de l'Elysée ont
un
e au
tre
préoccupation
en tête, la
mon
tée de Mar
in
e
Le
Pen. Ils
mi
sent s
ur
des th
èmes
comme
l'i
nsé-
cu
rité,
l'
immi
gration
ou
l'
islam
po
ur
occ
up
er
l
'e
sp
ace
de la
droite
dure
et
re
nouveler
la
prouesse de 2
00
7, lor
sque
Nicolas Sarkozy avait
ré
ussi à s
iph
on
n
er
l'él
ectorat
du
FN.
Mais ce
tt
e analyse, elle
aussi, divise l'UMP. Proche
de
Jean-Fran-
çois Copé, qui a
fait
sie
nne
la
tacti
qu
e
du
ch
ef
de l'Etat, la
député
e des Alpes-
M
aritimes
Mic
hèle Tabarot explique
que
« si
on
ne
traite pas la question,
en
2012
les
elect
eurs iront
vers
ceux
qui
le
font
».
Faux,
archifaux.,
ré
po
nd
ent
d'autres
person
na-
lités de l'
UMP
! Le conseiller
nationa
l
du
p
ar
ti
, Dom
inique
Paillé,
est
con
va
incu
qu
e l'
ag
i
ta
ti
on de ces
thémati
qu
es «
ne
fera
en
rien
baisser le
FN.
S'il
s'
agit
de
delJat
-
tre
de
la
laïcité,
je
suis
d
'accor
d.
S'il
s'agit
de
parler
de
la pl
ace
d
es
musulmans,
ce
n'est
pas
la
peine
». Plus v
irul
ent encore,
l'a
n
cien
P
remier
mi
ni
s
tr
e
Dom
inique
de V
ill
e-
pin
s'étrangle:
« A
quoi
jouons-nous ? j'ai
beaucoup
de
sympathie pour
les
apprentis
sorciers
, mais je n'
ai
pas
le
sentim
ent,
que,
dans un pays démocratiqu
e,
cela
puisse
se
faire sans
co
ns
équence.
No
us avons eu
le
delJat
sur l'identité national
e,
nous
avons
eu
le
delJat
sur
la
burqa,
nous
avons
eu
la
ques
-
tion des
Roms
,
et,
au
terme
de
tout
cela,
nous
avons
un
Front
national à 20 %. » Marine Le
Pen
appro
uve : «
Encore
un effort, e
ncore
un
petit bla
-bl
a sur l'islam
»,
d
it
-elle,
~
t
le
FN
t
erm
i
nera
« à
25
% ! » . •
V.S
.
Lire
aussi
sur
tlilfil
/lillf
U
«
Sarkozy
et
l'Islam
:
César
veut
se
mêler
des
affaires
de
Dieu
»,
par
T
éfy
Andriamanana
.
«
Débat
UMP
sur
l'islam:
un
cocktail
à r
isques
»,
par
J.-C.
Siovar.
«
Après
l'affaire
Jacob
:
ma
is
pourquoi
les
sarkozystes
sont-ils
dé
jà
dans
cet
état-là?
»,
par
Maurice
Sz
afran.
«
Laïcité:
la
gau
che
na
vi
gue
à
vue
»,
par
Variae
.
Quatre
intellectuels
protestent
Jean-Pierre
Mignard*:
Les
tables
de la laïcité
foulées
aux pieds
Ce débat est absurde,
«
un
vrai non-sens.
C'est intolérable et
aberrant.
Que
l'on débatte
de
la
la"icité,
de
la
loi
de
séparation
de
l'Eglise
et
de
l'Etat, après tout, pourquoi
pas?
Mais
au
nom
de
quoi
le
président d'un Etat laïc
lancerait-il
un
débat sur
une religion
en
particulier?
Le
débat sur l'identité
nationale relevait
de
la
même
absurdité. Nicolas Sarkozy
foule aux pieds
les
tables
de
la
laïcité.
La
France,
c'est
avant
tout
l'adhésion à
des
valeurs.
La
nation, c'est
un
concept éminemment
politique et
en
aucune
manière
un
concept
territorial
..
.0
ou
ethnique.
Ce
nouveau
débat met
e
c
.;;;
'"
finalement
en
évidence
la
faiblesse
de
culture et
la
faiblesse politique
de
Nicolas
Sarkozy.
Il
révèle
un
immense
décalage entre lui et
la
pl
ace
que devrait pourtant occuper
la
France, pays des Lumières
et
de
la
laïcité.
Et
voilà
qu
'
on
nous ressasse
la
même
rengaine réactionnaire. A
l'évidence, lorsqu'on
n'a
plus
rien à dire, lorsqu'
on
n'a
plus
de
projets, lorsque les paroles
ont été contr
ed
ites par les
faits, que les masques ont
été arrachés,
il
ne
reste plus
qu
'à plonger dans
de
vieux
bouillons
peu
honorables et
à inventer des débats.
)}
•
Avocat,
memb
re
de
la
Haute
Autor
i
té
du
Parti
so
~
i
aliste.
chargée
de
v
eiller
au
bon
dérou
l
eme
nt
des
primaires.
Plusieurs
penseurs
interrogés
par
«
Marianne)}
mettent
en
doute
la
pertinence
du
débat
présidentiel,
sur
la
forme
comme
sur
le
fond.
Verbatim.
lîiij'11aiuMMIP
·
i;'13;"i!.'.ili.l;
li
i"
Dominique
Schnapper*
:
Le
combat
pour
l'islam
républicain
mérite mieux
Il est
tout
à fait normal
« qu'en démocratie des
débats soient organisés
à des fins purement
électoralistes.
Le
président
de
la
République a sans doute
senti le retournement des
opinions contre les solutions
multi-
culturalistes.
Mon
sentiment
est qu'il n'est
pas
de
la
vocation des
intellectuels
d'y prêter leur concours.
J'avais déjà marqué
ma
réticence face
au
débat sur
l'identité nationale.
Je
me
sens très libre
de
réitérer
mon désir
de
rester à l'écart
de
celui que le président
s'apprête à lancer.
Les
chercheurs qui
ont
produit
des travaux raisonnables qui
reflètent
la
complexité
de
ces
questions délicates n'ont
rien à gagner à descendre
dans une arène
où
le sens
de
la
complexité n'a
pas
sa
place, car les simplifications
démagogiques vont donner
le
ton.
Le
combat pour
un
authentique islam
républicain mérite mieux.
})
*
Socio
l
og
u
e.
ancien
membre
du
Conse
il
constitutionnel.
..
. s
s
~
.c
ou
c
c
,;g
Alain-Gérard
Slama*:
Il
y aura
des chocs
en
retour
A
ffirmer
la
laïcité,
« comme
le
fait
aujourd'hui Nicolas
Sarkozy, est
un
acquis
heureux. Refuser, comme il
le
fait,
les
appels à
la
prière
dans
la
rue est judicieux.
Mais je trouve dangereux et
excessif
de
se
focaliser sur
l'islam.
Le
débat, tel qu'il est
posé, risque
surtout
de
provoquer
des chocs
non désirables
en
retour.
La
focalisation
su
r l'islam
va
donner
le
sentiment
que la religion musulmane
est
la
seule responsable
de
la
confusion actuelle,
et c'est très malencontreux.
Car,
comme
on
l'a vu lors
du
précédent débat sur
l'identité nationale, cela
servirà
de
prétexte à des
islamistes militants pour
se
poser
en
boucs émissaires.
})
• Pr
ofesseu
r à
Sciences-Po.
éditorialiste
au
Figaro.
Juliette
Minces*:
Une
manipulation
malsaine
Ce débat est une
« connerie, une
de
plus.
Il
s'annonce
extrêmement malsain,
tout
comme l'avait été le débat
sur l'identité nationale.
Ce
n'est que
de
la
démagogie.
Car qU'espèrent-ils? Calmer
les
esprits?
Ils
ne
vont
réussir qu'à les échauffer.
Je
ne
suis même pas sûre
que Nicolas Sarkozy sache
vraiment
de
quoi il parle
quand
il
s'intéresse à l'islam.
Il
n'y a d'ailleurs pas
de
débat à avoi
r.
Il
nous faut
simplement reconnaître
qu'il y a des musulmans
en
France, et qu'ils n'ont ni
moi
ns
ni plus
de
droits que
les autres croyants.
Il faut,
en
définitive, que les
musulmans s'adaptent
à
la
laïcité, et qu'en retour
l'islam soit considéré
comme une religion
comme une autre.
Evidemment, nous n'avons
pas
à accepter que
des personnes s'étalent dans
la
rue pour prier et
montrer
à quel point elles sont
maltraitées
pa
r leur pays.
Mais il est
tout
aussi mauvais
d'empêcher des musulmans
d'acquérir des terrains
pour construire des
mosquées. Car il est
inacceptable que des gens
soient obligés
de
prier
dans des garages.
Ça
n'est
évidemment
pas
un
hasard
que
ce
débat resurgisse.
Il
est facile
de
comprendre
qu
'il s'agit
là
d'une manière
de
s'approprier des voix
d'extrême droite. Et
il
est
dégoûtant
de
jouer avec
des gens fragilisés et
manipulés pour y parven
ir
.
})
.
Ecriva
in
et
soc
i
ologue
.
spécia
li
ste
de
l"immig
r
at
i
on
et
de
l'is
l
am.
26
févr
ie
r
au
4
mars
2011
1
Marianne
1 23