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Hervé LE TREUT
Directeur de lâInstitut Pierre Simon Laplace et Review editor du rapport du
Groupe 2 du Groupe dâexperts intergouvernemental sur lâĂ©volution du climat (GIEC)
Jâai Ă©voquĂ© lors de ma derniĂšre discussion
avec Jacques Weber la difïŹcultĂ© de faire des
prĂ©visions Ă lâĂ©chelle de 4°C. Lâavenir est
en effet pétri de risques plus que de phéno-
mÚnes entiÚrement prévisibles. Le rapport
du Groupe 2 du GIEC insiste sur la méthodo-
logie pour appréhender ces impacts territo-
riaux et systémiques du changement clima-
tique ainsi que la maniĂšre de sâen protĂ©ger.
On appelle ainsi « adaptation » le développe-
ment dâune capacitĂ© Ă rĂ©duire notre dĂ©pen-
dance vis-à -vis des aléas climatiques.
Cette adaptation a souvent été considérée
comme un processus défensif dangereux
Ă Ă©voquer, parce que certains risqueraient
dây voir une alternative nous dispensant
de réduire les émissions de gaz à effet de
serre. Mais elle devient nécessaire face au
caractÚre inéluctable des changements, qui
découlent inévitablement de la croissance
continue des Ă©missions de CO2, elle-mĂȘme
liĂ©e Ă lâaugmentation de la population ca-
pable de produire ces Ă©missions.
Bien sĂ»r lâadaptation ne sufïŹt pas : selon
les résultats de modélisation présentés dans
le dernier rapport du GIEC, limiter le réchauf-
fement à 2°C implique de ne pas dépasser le
niveau actuel dâĂ©missions de gaz Ă effet de
serre et mĂȘme de les rĂ©duire par trois dâici
à 2050, voire de passer en émissions néga-
tives Ă partir de 2080.
Mais lâadaptation permet dâenvisager les
conséquences concrÚtes du réchauffement
climatique Ă lâĂ©chelle dâun pays comme la
France, ce qui fait lâobjet de ma prĂ©sentation
- mĂȘme si le passage dâun diagnostic global
aux consĂ©quences locales est difïŹcile, car
les incertitudes inhérentes aux différentes
Ă©chelles dâespace se cumulent.
Tous les modĂšles sâaccordent Ă projeter
un réchauffement climatique qui sera pré-
sent partout, sauf peut-ĂȘtre dans la rĂ©gion
du Gulf Stream. Les conséquences directes
de ce réchauffement sont multiples (fonte
des glaces, relĂšvement du niveau de la mer,
impacts sur la végétation et le vivant) et cor-
respondent à la part la plus prévisible des
changements Ă venir. Elles sont dâautant plus
prĂ©visibles que les changements observĂ©s Ă
lâheure actuelle conïŹrment les prĂ©visions
des modĂšles depuis 50 ans. Il est par contre
beaucoup plus difïŹcile de prĂ©voir des consĂ©-
quences indirectes comme les précipitations
locales, mĂȘme si les modĂšles, qui sont en
large dĂ©saccord sur les consĂ©quences dâun
réchauffement modéré de 2°C, convergent
davantage dans le cas dâun rĂ©chauffement
de 4°C.
Cela tient au fait que le changement cli-
matique va perturber la variabilité naturelle
du systĂšme climatique (et des circulations
atmosphériques), créant des risques nou-
veaux qui se manifesteront souvent comme
des Ă©vĂšnements surprises. Câest pourquoi
le rapport du GIEC insiste sur la notion de
vulnérabilité à des risques climatiques conti-
nentaux ou locaux, lâadaptation se dĂ©ïŹnis-
sant par rapport Ă des risques plutĂŽt que des
prévisions certaines.
Jâai choisi dâillustrer cette approche en
Ă©voquant rapidement un travail collectif
Ă lâĂ©chelle de lâAquitaine, qui met en Ă©vi-
dence une série de ces risques de maniÚre
concrĂšte. Il existe par exemple des risques
sanitaires, qui peuvent recrĂ©er et ampliïŹer
des situations connues dans un passé plus
ou moins lointain : lors des canicules esti-
vales, Bordeaux est souvent la région la plus
chaude de France, par exemple. Une situa-
tion appelée à se répéter de maniÚre fré-
quente. On ne peut oublier que les Landes
ont connu le paludisme par le passé, et
quâun rĂ©chauffement peut recrĂ©er les condi-
tions de maladies Ă vecteur. A lâĂ©chelle dâune
région tous les risques sont interconnectés :
les risques de santé, les risques hydriques
recouvrant des problĂšmes Ă©conomiques, de
pollution, etc. Dans ce cadre, lâun des enjeux
majeurs pour lâAquitaine, outre la prĂ©ser-
vation dâun patrimoine agricole rare avec
la vigne et la forĂȘt, porte sur la protection
de milieux fragiles comme la montagne et
le littoral, dont lâĂ©volution naturelle peut ĂȘtre
modiïŹĂ©e de maniĂšre forte dans le cadre du
changement climatique.
Pour le littoral par exemple, mĂȘme sâil est
difïŹcile de dĂ©tailler les changements de ma-
niĂšre Ă©vĂšnementielle, sâadapter au change-
ment climatique implique dâabord de mieux
respecter les conditions naturelles, avec no-
tamment des dunes préservées permettant
de protéger les villes. Ainsi, Lacanau, conçue
pour avoir les pieds dans lâeau, envisage
aujourdâhui de reculer derriĂšre un cordon
dunaire. Le littoral illustre aussi les limites
de lâadaptation : dans un monde 4°C plus
chaud, beaucoup de zones basses en Aqui-
taine ou ailleurs, encourent un risque réel de
submersion. La construction de digues nâest
alors souvent quâune solution temporaire : la
seule adaptation réelle consiste à reculer,
une situation qui doit ĂȘtre anticipĂ©e le plus
largement possible.
La montagne est aussi un milieu trĂšs fra-
gile, qui pose de maniĂšre forte le problĂšme
DONNER UN VISAGE CONCRET AUx CHANGEMENTS
CLIMATIQUES : LES MOYENNES LATITUDES
DONNER UN VISAGE CONCRET AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES : LES MOYENNES LATITUDES