Éclipses d'hier et d'aujourd'hui
Une éclipse totale de Soleil est l’un des plus spectaculaires phénomènes
naturels. Depuis le 19ème siècle, des astronomes n’hésitent pas à parcourir
des milliers de kilomètres pour observer les quelques minutes précieuses
durant lesquelles la Lune occulte l’astre du jour. Olivier Sauzereau est l’un
de ces « chasseurs d’éclipses ». Il parcourt le monde depuis une vingtaine
d’années pour photographier ces moments exceptionnels et a vécu huit
éclipses totales ou annulaires de Soleil.
Aujourd’hui il nous fait partager son expérience au travers de deux
événements…
Dans l’Espace actualité…
Olivier Sauzereau a sélectionné des ouvrages du fonds ancien de la
bibliothèque du muséum qui témoignent d’observations d’éclipses des
18ème et 19ème siècles. De la relation émouvante de Frédéric Cailliaud(*)
contemplant une éclipse lunaire en Égypte aux lointaines expéditions
scientifiques du 19ème siècle étudiant ces phénomènes, cette exposition
montre combien les éclipses sont des moments grandioses et riches en
enseignements scientifiques.
Et dans le Péristyle…
Photographe professionnel spécialisé dans la prise de vue des
phénomènes astronomiques, il expose une sélection de ses meilleurs
clichés d’éclipses. Il nous fait ainsi revivre les événements célestes avec
une véritable émotion esthétique. Chacun de ces clichés peut ainsi être
regardé pour son aspect artistique mais également scientifique, puisqu’il
s’agit à chaque fois d’une image nous parlant de science.
(*)
Célèbre égyptologue, Frédéric Cailliaud (1787, 1869) fut directeur du muséum de Nantes de 1836 à 1869.
22 juillet 2009,
l'éclipse du siècle
Le récit d’une éclipse, extrait de carnet de voyage
« Le 22 juillet 2009, la plus longue éclipse totale de Soleil du 21ème siècle s’est produite.
Au maximum, il devait être possible d’observer une occultation totale du Soleil durant
6 minutes et 39 secondes, alors que la durée moyenne de ce type d’éclipse est de 2 ou
3 minutes. Invisible depuis l’Europe, son observation nécessitait un voyage en Inde, en
Chine ou sur l’une des iles du Pacifique. C’est finalement à Putuoshan, petite île de
l’archipel Zhoushan au sud-est de Shanghai et au milieu de la mer de Chine Orientale que
j’ai décidé avec ma compagne Maguy, d’installer mes appareils photographiques. De là,
nous devions pouvoir assister à 5 minutes et 11 secondes d’éclipse totale de Soleil.
Malheureusement, la veille de l’observation les prévisions météorologiques deviennent
particulièrement pessimistes en annonçant… 90% de « chances » de précipitations le jour
du phénomène tant souhaité !
Au matin du jour J, nous installons notre matériel. Le ciel est nettement moins menaçant
que la veille. De nombreux curieux et autres astronomes amateurs s’installent également.
Certains ont des lunettes spéciales éclipse, des filtres et même un masque de soudeur,
plusieurs viennent demander à regarder dans nos appareils photos protégés par des filtres
spéciaux. Une petite pagode se découpe nettement devant nous sur l’horizon,
parfaitement bien orientée par rapport à l‘éclipse. Nous sommes prêts.
8 heures 24 minutes 19 secondes, « premier contact », nous apercevons au travers des
nuages le soleil dont la Lune commence à grignoter tout doucement la moitié supérieure.
Durant toute la phase partielle précédant l’éclipse totale, le Soleil va jouer à cache-cache.
Dix minutes avant la phase totale, le ciel se couvre totalement, cachant derrière son
rideau opaque le précieux spectacle. Nous pourrons de nouveau apercevoir le Soleil
éclipsé 5 minutes après la phase totale ! Pendant ces minutes précieuses, nous observons
impuissants autour de nous. La lumière baisse étrangement, l’obscurité est surnaturelle,
la foule crie. Le ciel au-dessus de nous est d’une lueur grise opaque et étrange. Nous
aurons ainsi fait des milliers de kilomètres sans pouvoir apercevoir le spectacle rêvé.
C’est aussi cela la magie des éclipses. »
La prochaine éclipse totale de Soleil aura lieu le 11 juillet 2010 depuis l’Île de Pâques.
Clichés Olivier Sauzereau.
L'éclipse, véritable
laboratoire scientifique
Une éclipse est non seulement un spectacle naturel
d’une beauté époustouflante, mais aussi un
phénomène scientifique dont l’étude au cours des
siècles a été d’une importance essentielle pour faire
évoluer notre vision du monde.
La Terre est ronde : la preuve par l’éclipse !
L’une des preuves de la rotondité de la Terre a été donnée
dès le 4ème siècle avant notre ère, avec l’observation des
éclipses de Lune. Les savants de l’Antiquité ont en effet
compris que ce phénomène est produit par le passage de
la Lune dans l’ombre de la Terre, ce qui permet à n’importe
quel observateur de constater que la Lune pénètre dans un
cône d’ombre rond et non carré ou d’une autre forme.
Une éclipse de Lune nous offre ainsi le privilège de voir
l’image sphérique de notre planète en ombre chinoise sur
son satellite naturel !
Comprendre les étoiles grâce aux éclipses
À partir du 19ème siècle, les éclipses totales de Soleil
deviennent de véritables laboratoires scientifiques car elles
permettent d’étudier dans des conditions uniques un certain
nombre de phénomènes entourant notre Soleil, telle la
couronne solaire, la chromosphère ou les protubérances.
L’un des grands débats de cette époque porte sur l’origine
de ces phénomènes observés. Font-ils partie de notre étoile
ou de l’atmosphère de la Lune ? La question sur les
protubérances n’est résolue qu’en 1860, lors de l’éclipse
du 18 juillet, par les prises de vues photographiques de
deux astronomes séparés de 400 km, le père Secchi et le
chimiste Warren De la Rue. La comparaison de la position
des protubérances observées sur chacun de leurs clichés
met alors clairement en évidence la nature solaire de ce
phénomène, surnommé plus tard « les flammes du Soleil ».
Il s’agit d’ailleurs probablement de la première découverte
astronomique faite grâce à la technique photographique.
L’étude du Soleil, étoile parmi tant d’autres, dans des
conditions si extraordinaires devenait ainsi essentielle pour
comprendre le fonctionnement des étoiles en général.
Cette gravure met en évidence les conséquences d’une éclipse lunaire par
une Terre non ronde. Illustration extraite de l’ouvrage Histoire du ciel,
Camille Flammarion, édition Hetzel, 1872.
Gravure de l'éclipse totale de Soleil du 18 juillet 1860
Ci-contre, gravure de protubérances solaires.
Extraites de l'ouvrage Le Soleil, père Secchi, Paris, Gauthier-Villars, 1875.
Bibliothèque du Muséum de Nantes.
Éclipse totale de Soleil du 1er août 2008, photographiée en Sibérie. La Lune,
en occultant l'astre du jour, dévoile les protubérances solaires. Celles-ci
apparaissent avec une couleur rose-rouge. La protubérance située sur le côté
supérieur droit de l'éclipse est une petite « flamme du Soleil » s'élevant à
quelques dizaines de milliers de km de hauteur.
Série de photographies de l'éclipse totale de Soleil du 1
er
août 2008 en Sibérie.
Éclipse totale de soleil du 1er août 2008, photographiée près de Novossibirsk
en Sibérie.
Le petit point de lumière situé en haut à gauche est la planète Mercure.
Clichés O. Sauzereau
La magie des calculs
Peut-on imaginer la terreur qui s’abattait sur celles et
ceux qui ignoraient la nature des éclipses totales de
Soleil, au moment où la nuit tombait soudain en plein
jour ? Cela devait être épouvantable ! Les éclipses ont
d’ailleurs souvent été associées à des prophéties de
malheurs et de désastres. Ce dernier mot, qui signifie
« contre les astres », révèle bien les conséquences
supposées de certains phénomènes cosmiques sur
l’Humanité. Le mot éclipse, quant à lui, vient du grec
ekleipsis qui signifie abandon ou omission, rappelant la
peur de l’abandon que devaient ressentir des peuples
ignorant le mécanisme du phénomène, en voyant
disparaître le Soleil ou la Lune.
Le cycle des éclipses
Pourtant, dès l’époque babylonienne, les astronomes ont
observé et noté avec attention ces phénomènes astronomiques.
Ils ont pu en tirer de premières « lois » démontrant une
régularité et des cycles dans l’observation des événements
célestes. L’un de leur plus grand titre de gloire serait la
découverte du cycle du Saros. Lorsqu’une éclipse se produit, une
autre se réalise automatiquement 18 ans 11 jours et 8 heures
plus tard quelque part dans le monde. À partir du 17ème siècle,
les prévisions des éclipses atteignent une précision étonnante.
C’est la « magie » de la mécanique céleste.
Profiter d’une éclipse pour s’imposer…
Certains aventuriers ou explorateurs ont profité de l’ignorance
des peuples pour s’imposer auprès d’eux. L’un des plus beaux
exemples est l’éclipse de Lune du 29 février 1504, qui permit à
Christophe Colomb de faire croire aux habitants d’une île,
aujourd’hui jamaïquaine, qu’il était capable de commander aux
Dieux de faire disparaître la Lune. Convaincus de ses pouvoirs
surnaturels alors que la Lune s’obscurcissait dans une couleur
rouge sang au moment annoncé, les habitants effrayés
acceptèrent d’aider le navigateur et son équipage. Bien
entendu, Christophe Colomb avait simplement lu dans ses
almanachs les prévisions de l’éclipse pour profiter de la
crédulité des indigènes. L’anecdote rappelle naturellement
l’éclipse vécue par Tintin dans l’album Le Temple du Soleil.
Le récit de Frédéric Cailliaud contant son observation de
l’éclipse de Lune du 10 juin 1816, lors de son voyage en
Égypte, est nettement plus sympathique. Sa « prédiction » du
phénomène lui a tout de même permis de gagner « une haute
considération » auprès des « indigènes » et d’être pris pour
« un second Mahomet » !
Les courbes noires dessinées sur cette carte terrestre montrent le passage
de l’ombre de la Lune pour trois éclipses faisant parties de la même « famille »
d’un cycle du Saros. Avec une période de 18 ans 11 jours et 8 heures,
l’éclipse de Soleil se reproduit, mais avec un décalage de 120° en longitude
ouest. Illustration extraite de l’ouvrage Les Éclipses, de l’Abbé Th. Moreux
(début 20ème).
Cette gravure du 19ème siècle montre une peuplade tirant sur l’éclipse pour
tenter de délivrer le Soleil ! Illustration extraite de l’ouvrage Les Merveilles
célestes, Camille Flammarion, 1897.
Série de photographies de l'éclipse totale de Soleil du 1
er
août 2008 en Sibérie.
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