La Lettre du Rhumatologue - n° 292 - mai 2003
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REVUE DE PRESSE
La survie après transplantation cardiaque a considérable-
ment augmenté ces dernières décennies, pour atteindre
69 % à 5 ans. Comme pour toutes les pathologies graves, une fois
le pronostic vital surmonté et l’espérance de vie allongée, se
posent des problèmes moins vitaux, mais importants en termes
de morbidité et de diminution de la qualité de vie, qui viennent
grever les bons résultats initiaux. L’ostéoporose est un problème
important chez les transplantés, du fait du terrain sous-jacent, des
traitements administrés (corticoïdes), des périodes de diminution
d’activité physique, d’immobilisation, de dénutrition... Dans les
premiers mois après la transplantation, la perte osseuse lombaire
va de 6 à 10 %, et la perte fémorale de 10 à 14 %. L’évolution de
la densité minérale osseuse (DMO) dans les années suivantes est
plus variable. En fait, on sait peu de choses sur ce qui se passe
après la troisième année post-transplantation. Immédiatement
après la transplantation, les patients sont soumis à de hautes doses
de corticoïdes et d’immunosuppresseurs, qui sont ensuite dimi-
nuées ; à long terme, d’autres effets peuvent influer sur la masse
osseuse, comme la survenue d’une insuffisance rénale ou d’un
hypogonadisme. Plusieurs études ont cherché des facteurs pré-
dictifs d’ostéoporose dans la transplantation cardiaque, et la DMO
au col fémoral semble être l’un des plus fiables. La majeure par-
tie de l’ostéoporose post-transplantation est attribuée aux gluco-
corticoïdes et à la ciclosporine, notamment dans les trois premiers
mois, avec un découplage entre la formation (diminuée) et la
résorption (augmentée). Cette période est celle où l’incidence des
fractures vertébrales est la plus élevée.
L’ostéoprotégérine (OPG) est une cytokine régulatrice de la
résorption osseuse par son action inhibitrice sur l’ostéoclaste, par
l’intermédiaire de son action sur le système RANK-RANKL, lui-
même nécessaire à la différenciation ostéoclastique. En se fixant
sur RANKL, elle va empêcher son action sur RANK. Il a été mon-
tré in vitro que les immunosuppresseurs diminuaient la produc-
tion d’OPG dans les cellules stromales de la moelle et induisaient
ainsi une augmentation de la résorption osseuse.
Des auteurs autrichiens on étudié les effets osseux à long terme
de la transplantation cardiaque et les variations de l’OPG dans
cette population. La première partie de leur travail, rétrospective,
concernait 57 patients transplantés entre novembre 1998 et avril
1999 ; la seconde partie, prospective, concernait 14 nouveaux
transplantés suivis pendant 6 mois.
Parmi les 57 patients initiaux, 77 % étaient des hommes ; l’âge
moyen était de 57 ± 8 ans au moment de l’évaluation et le temps
écoulé depuis la transplantation de 4,5 ± 3,2 ans. La totalité des
patients avaient eu des corticoïdes et de la ciclosporine ; certains
d’entre eux ont également reçu du mycophénolate mofétil (65 %)
ou de l’azathioprine (35 %). Une fracture vertébrale prévalente
unique a été constatée dans 31 % des cas, deux dans 7 %, et trois
ou plus dans 18 % des cas. Il y avait une ostéoporose au col fémo-
ral (T score < – 2,5 DS) dans 39 % des cas.
Les patients ont été divisés en trois groupes selon le délai écoulé
depuis la transplantation ; groupe A : 15±2mois (13-24),
17 patients - groupe B : 36±7mois (25-48), 16 patients - groupe C :
94 ± 26 mois, 24 patients. Le temps écoulé après la transplanta-
tion était corrélé à l’augmentation des fractures vertébrales (de
1/3 [A] à 2/3 des patients [C]), à une diminution de la DMO, à
une dégradation de la fonction rénale, à une diminution de la cal-
cémie et à une augmentation des taux de parathormone ; on
constatait également une diminution des taux sériques de vita-
mine D, de testostérone (8 %, 45 % et 57 % d’hypogonadisme
chez les hommes dans les groupes A, B et C), mais pas de varia-
tion significative des taux d’estradiol chez les femmes. Il y avait
une augmentation des taux de CTX et d’ostéocalcine sériques,
d’interprétation difficile car corrélés à la dégradation de la fonc-
tion rénale.
Un dosage d’OPG était disponible chez 50 patients et 55 témoins
sains appariés pour l’âge et le sexe. Les patients avaient des taux
d’OPG significativement plus bas que les témoins (52,5 ± 5,9 ver-
sus 97 ± 9,4 pg/ml, p < 0,0001). Les taux d’OPG étaient plus bas
à distance de la transplantation avec une corrélation négative par
rapport au nombre de mois écoulés (r = – 0,38, p = 0,07) (figure 1).
Les taux d’OPG étaient corrélés positivement à la testostérone
(r = 0,36, p = 0,02), négativement : aux CTX sériques (r=–0,31,
p=0,02), à l’âge (r = – 0,29, p = 0,03), à la créatinine sérique
(r = – 0,4, p = 0,003), à la PTH (r=–0,37, p = 0,008) et à la DMO
mesurée à l’extrémité supérieure du fémur [col (r = 0,48,
p=0,0001), trochanter (r = 0,4, p = 0,004), fémur total (r = 0,44,
p=0,001)]. En revanche, il n’était pas retrouvé de corrélation
avec la dose cumulative ou la dose actuelle de corticoïdes. Fina-
lement, en prenant le Z score au niveau du col fémoral comme
variable dépendante, seule l’OPG demeurait un facteur indépen-
dant en analyse multivariée (r = 0,49, p = 0,002). Les patients
ostéoporotiques, transplantés plus longtemps auparavant, avaient
un index de masse corporelle plus faible, des taux d’OPG plus
bas et des phosphatases alcalines osseuses plus élevées. Les
patients sans fracture avaient des taux d’OPG 2,9 fois plus éle-
vés que ceux sans fractures. Après ajustement pour les différentes
variables, les variations de taux d’OPG étaient prédictifs des
L’ostéoprotégérine a-t-elle du cœur ?
Figure 1.