R E V U E D E P R E S S E Résumés de la littérature Capsulite rétractile : infiltration, rééducation ou les deux ? Bien que son évolution soit la guérison spontanée en quelques mois ou années, la prise en charge thérapeutique de la capsulite rétractile reste un sujet encore débattu. Les injections intra-articulaires de corticoïdes et/ou les programmes de physiothérapie combinant exercices, agents physiques et mobilisation sont les options thérapeutiques les plus communément utilisées. Cependant, les preuves de l’efficacité de l’une ou de l’autre sur la douleur, la fonction et/ou l’évolution de la maladie font défaut. Une étude randomisée contrôlée a comparé quatre options thérapeutiques possibles pour la capsulite rétractile. Groupe 1 : association injection intra-articulaire radioguidée de corticoïdes + programme de physiothérapie dirigé, avec un délai d’une semaine entre l’infiltration et le début de la physiothérapie ; Groupe 2 : injection intra-articulaire radioguidée de corticoïdes + programme d’exercices à suivre à domicile ; Groupe 3 : injection intra-articulaire de sérum physiologique + programme de physiothérapie dirigé de trois séances hebdomadaires d’une heure pendant quatre semaines, seul ; Groupe 4 (placebo) : injection intra-articulaire de sérum physiologique + programme d’exercices à suivreà domicile. Les patients inclus devaient avoir une capsulite rétractile évoluant depuis moins d’un an. L’efficacité a été évaluée après 6 semaines, 3, 6 et 12 mois de traitement, en utilisant le score algo-fonctionnel SPADI (Shoulder Pain and Disability Index). Les 93 patients inclus avaient des caractéristiques similaires à l’inclusion : âge moyen (55 ans), discrète prédominance féminine (52 %), durée d’évolution moyenne (21 semaines), score moyen de SPADI (65). À la sixième semaine, le score de SPADI montrait une amélioration significative des groupes 1 et 2 comparativement aux groupes 3 et 4 (p = 0,0004) (figure 1). L’effet traitement (différence avec l’effet observé dans le groupe placebo) était : – 17,8 (– 31,9, + 3,7) ; – 3,4 (– 17,1, – 10,4) et – 27,7 (– 42,1, – 13,2) pour les groupes corticoïdes seuls, physiothérapie seule et association, respectivement. Trois mois après l’inclusion, les différences entre groupes restaient significatives, que ce soit pour la douleur, la fonction ou le score global de SPADI. En revanche, à partir de six mois, il n’y avait plus de différence significative entre les quatre groupes. Les résultats de cette étude montrent que l’association injection intra-articulaire de corticoïdes-physiothérapie semble être le traitement le plus efficace en cas de capsulite rétractile. Elle permet de diminuer la douleur et d’améliorer la fonction, mais ne modifie pas l’évolution de la maladie. La Lettre du Rhumatologue - n° 292 - mai 2003 Figure 1. Variation du score SPADI : différence par rapport au score évalué à l’inclusion dans l’étude (moyenne). Groupe I : injection intra-articulaire de corticoïdes + physiothérapie. Groupe II : injection intra-articulaire de corticoïdes seule. Groupe III : physiothérapie seule. Groupe IV : placebo. * = p < 0,05 versus groupe placebo. # = p < 0,05 versus groupe physiothérapie seule. L’injection de corticoïdes seule, associée à un simple programme d’exercices à domicile, semble aussi plus efficace que la physiothérapie intensive seule. Bien que la physiothérapie ait inclus des modalités standardisées, avec techniques de mobilisation active et passive, exercices de mobilisation autoassistés et agents physiques, son utilisation seule n’a pas été plus efficace que le programme d’exercices à domicile, considéré comme placebo dans cette étude. Aucun de ces traitements ne semble modifier l’évolution de la pathologie. Les deux modalités comportant une injection de corticoïdes permettent cependant d’améliorer la qualité de vie des patients en diminuant la douleur et en améliorant la fonction. T. Pham, Marseille Intraarticular corticosteroids, supervised physiotherapy, or a combination of the two in the treatment of adhesive capsulitis of the shoulder : a placebo-controlled trial. Carette S, Moffet H, Tardif J et al. ! Arthritis Rheum 2003 ; 48 (3) : 829-38. 7 R E V U E D E P R E S S E Site Internet grand public sur la lombalgie : on doit faire mieux Selon un travail récent, à travers le monde, environ un tiers des patients utilisent Internet pour chercher de l’information médicale. Internet a l’avantage d’être une source d’information facilement accessible. Pourtant, plusieurs inconvénients sont potentiellement liés à ce mode d’information. L’absence de comité de lecture est fréquente. Les auteurs peuvent rester anonymes. L’origine, la propriété, la pertinence des informations ne sont pas toujours révélées. Les patients lombalgiques sont à la recherche d’informations sur leur état de santé et sur ce qu’ils peuvent faire pour l’améliorer. Les évidences scientifiques confirment que l’éducation des patients lombalgiques, notamment sur leurs croyances, est bénéfique pour leur santé. Les auteurs ont sélectionné et analysé 60 sites Internet à l’aide de plusieurs moteurs de recherche en utilisant le mot “back pain” en janvier 2000. Un score de qualité a été établi pour chaque site. Ce score tenait compte de la qualité générale du site et de celle des informations spécifiques à la lombalgie au regard des évidences scientifiques. Plus de la moitié des sites analysés ont un score global inférieur à la moyenne, indiquant une mauvaise qualité globale des sites. La moyenne du score de qualité globale des sites était de 4,97 ± 2,85 (score maximum 14). La moyenne du score sur le contenu spécifique des sites était de 2,42 ± 3,47 (score maximum 24). Les sites créés le plus récemment et ne vantant aucun produit obtiennent de meilleurs scores. D’une façon générale, les informations disponibles sur le Web ne sont pas conformes aux recommandations anglaises sur la prise en charge de la lombalgie. L’item le plus concerné par cette nonconformité concerne le repos. En dépit des évidences scientifiques fortes sur l’intérêt d’inciter les patients à maintenir leur activité, 14 sites (23,3 %) recommandent le repos au lit lors de la lombalgie aiguë. Les auteurs pensent que les professionnels de santé doivent jouer un rôle dans l’évaluation des sites existants et contribuer au développement de sites fondés sur les évidences scientifiques. Les effets positifs de ce moyen de communication sur les patients lombalgiques doivent être évalués, comme l’ont été des livrets d’information fondés sur les évidences scientifiques. M. Marty, hôpital Henri-Mondor, Créteil Back pain on line. A cross sectional survey of the quality of web-based information on low back pain. Butler L, Foster N ! Spine 2003 ; 28 : 395-401. On peut “voir” les enthèses ! Alors que les enthèses sont reconnues comme constituant la lésion anatomique majeure des spondylarthropathies (SpA), les possibilités d évaluation actuelles de ces sites s’avèrent insuffisantes. En particulier, ni l’évaluation clinique ni même l’IRM ne semblent avoir une sensibilité suffisante. Quelques travaux ont suggéré l’intérêt de l’échographie dans cette évaluation, surtout lorsqu’elle est associée à une technique de doppler qui permet de mesurer la vascularisation de la zone étudiée. C’est pourquoi les auteurs de ce travail ont conduit une étude systématique en échographie doppler des principaux sites enthésiques des membres dans une large cohorte de patients atteints de SpA comparativement à des contrôles. La région trochantérienne, le pubis, l’épicondyle, l’olécrâne, les attaches rotuliennes inférieures et supérieures, les attaches calcanéennes postérieures et inférieures, l’insertion pédieuse du jambier antérieur ont été analysés chez 164 patients atteints de différentes formes de SpA, 34 patients atteints de lombalgie mécanique (LM) et 30 patients atteints de polyarthrite rhumatoïde (PR), l’opérateur n’étant pas informé du diagnostic. Des anomalies échographiques d’au moins un site enthésique ont été observées chez 98 % des patients SpA, contre seulement 44 % des patients LM et 60 % des PR (p < 0,0001). En considérant la proportion d’enthèses atteintes, il apparaît que 38 % des 2 952 enthèses étudiées chez les SpA étaient anormales, contre seulement 10 % et 14 % au sein des LM et PR respectivement. 8 Les enthèses les plus fréquemment atteintes étaient celles des membres inférieurs (calcanéum et pointe de rotule), et ce aussi bien dans le groupe SpA que chez les contrôles. La fréquence d’atteinte des enthèses s’est révélée identique au sein des différents sous-types de SpA considérés. En outre, l’étude de la vascularisation en doppler a montré non seulement qu’une vascularisation anormale des enthèses était fréquente dans les SpA (81 % des enthèses), mais que, de plus, elle n’était pas retrouvée chez les contrôles. L’ensemble des constatations a permis aux auteurs de proposer un score en 5 stades des anomalies observées. Ainsi, cette étude, en montrant que l’échographie doppler détecte très souvent des anomalies des enthèses de tous les types de SpA (certaines, comme l’hypervascularisation, paraissant spécifiques des SpA), renforce les espoirs placés dans cette technique comme outil diagnostique et d’évaluation des SpA. P. Claudepierre, hôpital Henri-Mondor, Créteil Assessment of peripheral enthesitis in the spondylarthropathies by ultrasonography combined with power doppler. D’Agostino MA, Said-Nahal R, Hacquard-Bouder C, Brasseur JL, Dougados M, Breban M ! Arthritis Rheum 2003 ; 48 : 523-33. La Lettre du Rhumatologue - n° 292 - mai 2003 R E V U E D E P R E S S E L’ostéoprotégérine a-t-elle du cœur ? La survie après transplantation cardiaque a considérablement augmenté ces dernières décennies, pour atteindre 69 % à 5 ans. Comme pour toutes les pathologies graves, une fois le pronostic vital surmonté et l’espérance de vie allongée, se posent des problèmes moins vitaux, mais importants en termes de morbidité et de diminution de la qualité de vie, qui viennent grever les bons résultats initiaux. L’ostéoporose est un problème important chez les transplantés, du fait du terrain sous-jacent, des traitements administrés (corticoïdes), des périodes de diminution d’activité physique, d’immobilisation, de dénutrition... Dans les premiers mois après la transplantation, la perte osseuse lombaire va de 6 à 10 %, et la perte fémorale de 10 à 14 %. L’évolution de la densité minérale osseuse (DMO) dans les années suivantes est plus variable. En fait, on sait peu de choses sur ce qui se passe après la troisième année post-transplantation. Immédiatement après la transplantation, les patients sont soumis à de hautes doses de corticoïdes et d’immunosuppresseurs, qui sont ensuite diminuées ; à long terme, d’autres effets peuvent influer sur la masse osseuse, comme la survenue d’une insuffisance rénale ou d’un hypogonadisme. Plusieurs études ont cherché des facteurs prédictifs d’ostéoporose dans la transplantation cardiaque, et la DMO au col fémoral semble être l’un des plus fiables. La majeure partie de l’ostéoporose post-transplantation est attribuée aux glucocorticoïdes et à la ciclosporine, notamment dans les trois premiers mois, avec un découplage entre la formation (diminuée) et la résorption (augmentée). Cette période est celle où l’incidence des fractures vertébrales est la plus élevée. L’ostéoprotégérine (OPG) est une cytokine régulatrice de la résorption osseuse par son action inhibitrice sur l’ostéoclaste, par l’intermédiaire de son action sur le système RANK-RANKL, luimême nécessaire à la différenciation ostéoclastique. En se fixant sur RANKL, elle va empêcher son action sur RANK. Il a été montré in vitro que les immunosuppresseurs diminuaient la production d’OPG dans les cellules stromales de la moelle et induisaient ainsi une augmentation de la résorption osseuse. Des auteurs autrichiens on étudié les effets osseux à long terme de la transplantation cardiaque et les variations de l’OPG dans cette population. La première partie de leur travail, rétrospective, concernait 57 patients transplantés entre novembre 1998 et avril 1999 ; la seconde partie, prospective, concernait 14 nouveaux transplantés suivis pendant 6 mois. Parmi les 57 patients initiaux, 77 % étaient des hommes ; l’âge moyen était de 57 ± 8 ans au moment de l’évaluation et le temps écoulé depuis la transplantation de 4,5 ± 3,2 ans. La totalité des patients avaient eu des corticoïdes et de la ciclosporine ; certains d’entre eux ont également reçu du mycophénolate mofétil (65 %) ou de l’azathioprine (35 %). Une fracture vertébrale prévalente unique a été constatée dans 31 % des cas, deux dans 7 %, et trois ou plus dans 18 % des cas. Il y avait une ostéoporose au col fémoral (T score < – 2,5 DS) dans 39 % des cas. Les patients ont été divisés en trois groupes selon le délai écoulé depuis la transplantation ; groupe A : 15 ± 2 mois (13-24), 17 patients - groupe B : 36 ± 7 mois (25-48), 16 patients - groupe C : 94 ± 26 mois, 24 patients. Le temps écoulé après la transplantaLa Lettre du Rhumatologue - n° 292 - mai 2003 tion était corrélé à l’augmentation des fractures vertébrales (de 1/3 [A] à 2/3 des patients [C]), à une diminution de la DMO, à une dégradation de la fonction rénale, à une diminution de la calcémie et à une augmentation des taux de parathormone ; on constatait également une diminution des taux sériques de vitamine D, de testostérone (8 %, 45 % et 57 % d’hypogonadisme chez les hommes dans les groupes A, B et C), mais pas de variation significative des taux d’estradiol chez les femmes. Il y avait une augmentation des taux de CTX et d’ostéocalcine sériques, d’interprétation difficile car corrélés à la dégradation de la fonction rénale. Un dosage d’OPG était disponible chez 50 patients et 55 témoins sains appariés pour l’âge et le sexe. Les patients avaient des taux d’OPG significativement plus bas que les témoins (52,5 ± 5,9 versus 97 ± 9,4 pg/ml, p < 0,0001). Les taux d’OPG étaient plus bas à distance de la transplantation avec une corrélation négative par rapport au nombre de mois écoulés (r = – 0,38, p = 0,07) (figure 1). Figure 1. Les taux d’OPG étaient corrélés positivement à la testostérone (r = 0,36, p = 0,02), négativement : aux CTX sériques (r = – 0,31, p = 0,02), à l’âge (r = – 0,29, p = 0,03), à la créatinine sérique (r = – 0,4, p = 0,003), à la PTH (r = – 0,37, p = 0,008) et à la DMO mesurée à l’extrémité supérieure du fémur [col (r = 0,48, p = 0,0001), trochanter (r = 0,4, p = 0,004), fémur total (r = 0,44, p = 0,001)]. En revanche, il n’était pas retrouvé de corrélation avec la dose cumulative ou la dose actuelle de corticoïdes. Finalement, en prenant le Z score au niveau du col fémoral comme variable dépendante, seule l’OPG demeurait un facteur indépendant en analyse multivariée (r = 0,49, p = 0,002). Les patients ostéoporotiques, transplantés plus longtemps auparavant, avaient un index de masse corporelle plus faible, des taux d’OPG plus bas et des phosphatases alcalines osseuses plus élevées. Les patients sans fracture avaient des taux d’OPG 2,9 fois plus élevés que ceux sans fractures. Après ajustement pour les différentes variables, les variations de taux d’OPG étaient prédictifs des 9 R E V U E D E P R E S S E fractures : une diminution de 20 à 30 pg/ml était associée à une augmentation du risque de fracture vertébrale de 7,9 (2,1-28,6) à 22 (3,1-153). L’étude prospective sur 6 mois des 14 patients confirmait la diminution de l’OPG au cours du temps et montrait que l’OPG était la seule variable indépendante, prédictive des variations de la DMO lombaire (r = 0,98, p < 0,0001) et du col fémoral (r = 0,6, p = 0,05). Les variations de l’OPG étaient corrélées aux variations des CTX à 3 mois (r = – 0,58, p = 0,02), mais pas à 6 mois (r = – 0,47, p = 0,08) ; il n’y avait pas de corrélation avec l’ostéocalcine, les doses cumulées de corticoïdes ou de ciclosporine (qui n’étaient pas elles-mêmes corrélées aux variations de la DMO). Commentaires. Cette étude souligne l’importance du problème de la perte osseuse et des fractures ostéoporotiques après une transplantation cardiaque. Elle montre le rôle central que joue la diminution de l’OPG (– 41et – 47 % à 3 et 6 mois), liée au traitement immunosuppresseur. Cela est important dans la compréhension de ces phénomènes osseux, car si la dépression ostéoblastique en post-transplantation précoce est expliquée par le traitement par corticoïdes, l’augmentation de la résorption n’est pas bien étayée ; une hyperparathyroïdie n’est généralement pas retrouvée ; il existe parfois une diminution des hormones sexuelles dans laquelle la ciclosporine pourrait jouer un rôle. Malgré la décroissance des doses de corticoïdes, les taux d’OPG demeurent bas, suggérant un rôle direct de la ciclosporine. L’OPG pourrait également jouer un rôle sur les ostéoblastes, les ostéocytes et la matrice osseuse, en dehors de son rôle sur la résorption, ce qui ajouterait au risque fracturaire. Cette étude montre donc l’importance du système RANKLOPG dans la physiopathologie de la perte osseuse après transplantation. P. Guggenbuhl, Rennes Serum osteoprotegerin is a major determinant of bone density development and prevalent vertebral fracture status following cardiac transplantation. Fahrleitner A, Prenner G, Leb G et al. ! Bone 2003 ; 32 : 96-106. Cannabis pour douleurs non cancéreuses : quelle consommation ? Les cannabinoïdes font partie des composants du circuit neural avec un système de récepteurs et de ligands qui leur sont propres. Il jouent un rôle non négligeable dans la modulation de la douleur, expliquant l’intérêt croissant pour le cannabis comme antalgique. En revanche, la prévalence de son utilisation à but antalgique est peu connue. Afin d’en savoir plus, un questionnaire a été distribué à tous les patients venant consulter dans un centre anti-douleur canadien. Ce questionnaire, rempli anonymement, recueillait les données démographiques des patients, le type de pathologie et de douleur, leur consommation tabagique, médicamenteuse, et éventuellement de cannabis. En cas de prise de cannabis, les patients devaient préciser si c’était dans un but “récréationnel” ou dans un but antalgique, quelles étaient les modalités et la fréquence des prises, ainsi que les bénéfices et les effets indésirables ressentis. Sur 220 questionnaires distribués en 6 semaines, 217 ont été retournés et 209 étaient analysables, l’anonymat ne permettant pas de compléter secondairement les données manquantes. Parmi ces 209 patients, 72 (35 %) avaient déjà consommé du cannabis, dont 32 dans un but antalgique. Ce groupe de patients (32/220 = 15 %), comparés à ceux qui n’avaient jamais touché au cannabis, était statistiquement plus jeune (p = 0,001) et plus grand consommateur de tabac (p = 0,0001). Leurs douleurs étaient de nature, de durée d’évolution et de topographie très variées : principalement des dou10 leurs post-traumatiques ou post-chirurgicales, évoluant depuis moins de 5-10 ans. Les localisations les plus fréquentes étaient cervicales et myofasciales. On note que plus de 70 % des patients consommant dans un but antalgique utilisaient des fleurs de cannabis (versus 20 % dans le groupe “récréationnel”) et que 40 % des “récréationnels” fumaient de la résine (versus 22 % des “antalgiques”). La fréquence de consommation était aussi très variable, allant de rarement (9 %) à une fois par jour (7 %). La douleur, les troubles du sommeil et de l’humeur sont les symptômes les plus souvent décrits comme ayant été améliorés par la prise de cannabis. Les effets indésirables les plus fréquents étaient le fait de “planer” et la sécheresse buccale. Cette étude présente certains biais : – Le caractère illégal de ce type de comportement a pu pousser certains patients à ne pas déclarer leur consommation, et, par conséquence, à faire sous-estimer la prévalence globale. – Pour les questions concernant les modalités de prise, les symptômes et les effets indésirables, les données manquantes étaient nombreuses. – Enfin, la séparation entre “récréationnel” et “antalgique” est subjective. Mais, bien que certains patients aient pu faussement arguer d’une consommation dans un but antalgique, le fait que le questionnaire ait été distribué seulement à des personnes venant consulter dans un centre anti-douleur rend la mauvaise classification improbable. La Lettre du Rhumatologue - n° 292 - mai 2003 R Malgré ses limites, cette étude montre que la prévalence de la consommation de cannabis n’est pas négligeable dans cet échantillon de patients douloureux chroniques non cancéreux, et avec une efficacité intéressante. Des études contrôlées seraient nécessaires pour compléter ces informations sur la prévalence exacte et les modes d’utilisation du cannabis. E V U E D E P R E S S E Cannabis use for chronic non-cancer pain : results of a prospective survey. Ware MA, Doyle CR, Woods R, Lynch ME, Clark AJ ! Pain 2003 ; 102 : 211-6. T. Pham, Marseille Une bouffée de corticoïdes : c’est mieux pour le col ! La responsabilité des corticoïdes inhalés dans l’augmentation du risque fracturaire reste un sujet de débat. Si leur emploi est nettement préférable à la voie systémique dans les maladies respiratoires, les résultats des études évaluant le risque osseux sont contradictoires. Il semble que le risque soit faible, mais pas complètement négligeable, notamment au long cours et chez les femmes ménopausées. À partir des données des registres médicaux de l’Ontario (Canada), E. Lau et al. ont mené une étude rétrospective à partir de 800 000 femmes de plus de 66 ans. Les auteurs ont sélectionné quatre groupes de femmes en fonction de leur exposition : aux corticoïdes inhalés (CI) [les patientes étaient exclues de ce groupe si elles avaient reçu des corticoïdes par voie systémique durant l’année précédente], aux corticoïdes par voie systémique (CS), au traitement hormonal substitutif (THS) et aux inhibiteurs de la pompe à protons (IPP ; constituant un groupe témoin). La période examinée s’étendait du 1er janvier 1993 au 31 mars 2000. Les femmes étaient incluses dans l’analyse lors de la première prescription du médicament. Les caractéristiques des groupes sont résumées dans le tableau I. Tableau I. Âge (ans) BPCO CI CS THS IPP n = 24 648 n ou m (%) ± DS* n = 27 751 n = 28 119 n = 34 855 74 ± 7 75,4 ± 6,9 71,4 ± 5,3 75,6 ± 7,1 4 856 (19,7) 1 693 (6,1) 506 (1,8) 1 603 (4,6) Ostéoporose/ bisphosphonates 1 577 (6,4) 3 108 (11,2) 3 909 (13,9) 2 928 (8,4) Arthrite/AINS 7 863 (31,9) 13 487 (48,6) 9 757 (34,7) 13 384 (38,4) Sédatifs 8 553 (34,2) 9 824 (35,4) 8 576 (30,5) 15 301 (43,9) * Nombre ou moyenne (%) déviation standard. L’incidence et les risques ajustés de fracture de hanche des différents groupes pour les différentes covariables (âge, antécédents médicaux, traitements) figurent dans le tableau II. Il y a eu en tout 931 fractures de hanche, avec une incidence significativement plus basse et un effet protecteur dans le groupe THS (HR = 0,6) et une incidence significativement plus élevée avec La Lettre du Rhumatologue - n° 292 - mai 2003 Tableau II. Fractures de hanche Incidence Hazard Ratio (IC95) (/1 000 patient-année) IPP 422 10,7 1 CI 188 9,6 0,92 (0,75-1,12) CS 196 12,1 1,21 (1,01-1,45) THS 125 3,1 0,6 (0,48-0,75) une augmentation du risque dans le groupe CS (HR = 1,21) par rapport aux témoins. En revanche, il n’y avait pas d’augmentation du risque de fracture de hanche dans le groupe CI par rapport aux témoins (HR = 0,92). Commentaires. Cette étude conclut à l’absence d’augmentation du risque de fracture de hanche en cas de traitement par corticoïdes inhalés, contrairement à l’utilisation de corticoïdes par voie systémique. Il s’agit de nouveau d’une étude rétrospective, mais avec des effectifs très importants, garantissant une bonne précision de l’évaluation du risque. Cette étude comporte néanmoins des limites méthodologiques importantes, car certains facteurs de risque majeurs de fracture de hanche n’ont pas été pris en compte : les antécédents familiaux d’ostéoporose, l’indice de masse corporelle, la densité minérale osseuse et l’évaluation des chutes. Il existe un biais de sélection des patients : le groupe recevant des CI sélectionne des patients avec une pathologie pulmonaire, alors que le groupe CS sélectionne plus de patients avec des maladies rhumatismales ou systémiques, qui ont un risque d’ostéoporose plus important. Ces résultats plaident pour l’emploi préférentiel des corticoïdes inhalés chaque fois que cela est possible, mais ne dispensent pas d’évaluer l’ensemble des facteurs de risque d’ostéoporose. P. Guggenbuhl, Rennes Inhaled or systemic corticosteroids and the risk of hospitalization for hip fracture among elderly women. Lau E, Mamdani M, Tu K ! Am J Med 2003 ; 114 : 142-5. 11 R E V U E D E P R E S S E Listériose et anti-TNFα : vigilance... Les données du suivi post-AMM des traitements antiTNFα nous ont appris que ces médicaments, très utiles dans la prise en charge de la polyarthrite rhumatoïde (PR) et de certaines spondylarthropathies (SpA), s’accompagnent néanmoins d’une augmentation du risque infectieux chez les patients traités. Ainsi, les risques de développer ou de réactiver une tuberculose sont maintenant bien connus et donnent lieu à des mesures de précaution systématiques avant la mise en route de ces traitements. Les auteurs ont recherché, dans la base de données de suivi post-marketing de la FDA, les cas éventuels de listériose survenus sous anti-TNFα. Il faut signaler que cette base de données fonctionne sur le principe de déclaration volontaire des événements par les cliniciens et les pharmaciens, et que, comme avec tout système de ce type, le nombre de cas repérés est probablement inférieur à la réalité. La période considérée s’étend de l’autorisation initiale de 1998 à fin décembre 2001. Quinze cas de listériose chez des patients traités par anti-TNFα ont été identifiés durant cette période. Il est difficile, pour différentes raisons méthodologiques, d’obtenir la fréquence réelle de ces infections chez les patients traités. À titre d’exemple, cependant, en ne considérant que les États-Unis, 8 cas de listériose (sur les 15) ont été signalés, alors que l’effectif de la population traitée par infliximab durant cette période est estimé à 186 500 patients. Ce type d’infections sous traitement se révèle donc très rare, bien que l’incidence paraisse plus élevée que celle observée dans la population générale ; cependant, l’incidence de la listériose parmi les patients atteints de PR ou de maladie de Crohn (également traitée par infliximab) n’est pas connue, ce qui ne permet pas de dire qu’il existe formellement une augmentation du risque de listériose chez ces malades lorsqu’ils sont traités par antiTNFα. Quatorze de ces 15 cas sont survenus chez des patients sous infliximab, et le quinzième concerne un patient sous etanercept, alors que le nombre de malades traités par chacune de ces molécules dans le monde durant cette période paraît équivalent. Rappelons que l’adjonction systématique de méthotrexate à l’infliximab est préconisée, ce qui n’est pas le cas pour l’etanercept. Une seule de ces infections n’était pas une méningite ou une septicémie : il s’agissait d’une arthrite septique. Six des 15 patients sont décédés de l’infection. L’âge moyen des 15 patients était de 70 ans, et tous les cas documentés recevaient d’autres traitements immunosuppresseurs concomitants (méthotrexate et/ou corticoïdes, ou des associations de divers immunosuppresseurs pour plusieurs d’entre eux). Ajoutons qu’un addenda en fin d’article fait état de 11 autres cas rapportés après l’étude et survenus avant le 15 septembre 2002. En conclusion, le TNFα étant connu pour être nettement impliqué dans les mécanismes de défense contre Listeria monocytogenes, il paraît probable qu’un traitement anti-TNFα introduit chez un patient déjà fragilisé par sa maladie et son traitement puisse augmenter le risque de listériose. Malgré l’absence de certitude actuelle, les auteurs recommandent la vigilance et proposent des mesures de prévention telles que l’éviction, chez les patients traités, des aliments exposant à l’infection (fromages à pâte molle, produits laitiers non pasteurisés, etc.). P. Claudepierre, hôpital Henri-Mondor, Créteil Listeria monocytogenes infection as a complication of treatment with tumor necrosis factor α-neutralizing agent. Slifman N, Gershon SK, Lee JH, Edwards ET, Braun MM ! Arthritis Rheum 2003 ; 48 : 319-24. Abonnez-vous... Abonnez-vous... Abonnez-vous... Abonnez-vous... vous... Abonnez-vous... Abonnez-vous... Abonnez-vous... AbonnezAbonnez-vous... Abonnez-vous... Abonnez-vous... Abonnez-vous... vous... Abonnez-vous... Abonnez-vous... Abonnez-vous... Abonnez12 La Lettre du Rhumatologue - n° 292 - mai 2003