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Le Courrier de l’algologie (3), no4, octobre-novembre-décembre 2004
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douleurs sévères dans le territoire du nerf intercostobra-
chial. Il s’agit, d’autre part, d’une technique validée au plan
carcinologique s’il n’existe pas d’envahissement tumoral
axillaire macroscopique (7). Enfin, la préservation du creux
axillaire permet de réduire l’incidence d’autres complica-
tions postopératoires, qui surviennent avec une fréquence
variable : hématome compressif sur les structures nerveuses
(17), syndrome douloureux régional complexe de type II
avec atteinte du plexus brachial et/ou évolution vers une
capsulite rétractile de l’épaule, voire un véritable syndrome
épaule-main (1). Éviter la section nerveuse permettrait éga-
lement d’éviter la formation d’un névrome, qui peut simu-
ler une récurrence tumorale et nécessiter une nouvelle biop-
sie (6) afin de s’assurer de la bénignité du tableau clinique.
Du fait de leur fréquence et de leur sévérité potentielle, la
prévention des douleurs neuropathiques s’avère donc pri-
mordiale. Celle-ci reste possible et doit faire partie inté-
grante de la stratégie chirurgicale du cancer du sein, en pre-
nant en compte les possibilités de biopsie du ganglion
sentinelle et de préservation du nerf intercostobrachial si
un curage axillaire est décidé.
Aspects thérapeutiques : la prise en
charge des douleurs neuropathiques
intercostobrachiales
Une évaluation globale, multidimensionnelle, est un préa-
lable indispensable à la stratégie thérapeutique. Celle-ci
s’attachera à la sévérité de la douleur et de son retentis-
sement, mais aussi à écarter certaines pathologies, telles
qu’une douleur de sein fantôme, des douleurs neuropa-
thiques cicatricielles ou une atteinte des nerfs intercostaux
(9, 14, 18). L’imagerie doit permettre d’éliminer une réci-
dive tumorale locorégionale, plus fréquente au niveau
axillaire et supraclaviculaire (9), parfois responsable d’un
authentique syndrome de Pancoast-Tobias, lors duquel le
nerf intercostobrachial est la première structure du plexus
brachial envahie (19).
Les traitements médicamenteux restent la base de la prise
en charge (20) avec, en première ligne, les antidépresseurs
tricycliques (haut niveau de preuve). L’amitriptyline et la
clomipramine sont d’ailleurs les seules molécules à possé-
der cette mention dans leur AMM. Le bénéfice de l’ami-
triptyline en cas de douleurs liées à la lésion du nerf inter-
costobrachial a été démontré par Kalso (21) dans une étude
randomisée et contrôlée, à la dose moyenne de 50 mg par
jour. D’un point de vue théorique, les antidépresseurs inhi-
biteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradréna-
line devraient avoir le même effet que les tricycliques sur
la douleur, sans effets indésirables de type cholinergique.
Ainsi, la venlafaxine a fait l’objet de deux études de bonne
qualité méthodologique dans le cadre du SDPM. La pre-
mière a conclu à son intérêt à une dose de 75 mg par jour
en cas de douleurs installées (22) et la seconde à une pos-
sible action préventive en cas de prise en période périopé-
ratoire (23), avec une diminution significative de la fré-
quence des douleurs axillaires (19 % versus 51 %),
thoraciques (19 % versus 55 %) et brachiales (17 % versus
43 %). Les antidépresseurs constituent donc bien un trai-
tement de première ligne, tout comme les antiépileptiques,
sans oublier les traitements locaux. Dans ce cadre, la neu-
rostimulation transcutanée a sa place aux niveaux brachial
et thoracique, tandis que le maintien d’électrodes axillaires
reste illusoire. La lidocaïne en patch (Neurodol®) et la cap-
saïcine en crème (Zostrix®), toutes deux disponibles en
autorisation temporaire d’utilisation (ATU), sont égale-
ment intéressantes dans cette indication. La dernière a ainsi
permis de soulager de façon significative dix-huit patientes
aux douleurs sévères dans la série de Watson (24).
Enfin, bien entendu, une prise en charge globale s’im-
pose, sur le modèle biopsychosocial. Elle doit notamment
s’attacher à la souffrance morale de la patiente, atteinte
dans sa féminité (8). Un soutien psychologique est indis-
pensable avant tout recours éventuel à des traitements de
seconde ligne, comme la kétamine, les antiarythmiques ou
la neurochirurgie fonctionnelle.
Conclusion
La chirurgie carcinologique du sein est à l’origine de dou-
leurs iatrogènes, dont la plus fréquente est neuropathique,
liée à l’atteinte volontaire ou accidentelle du nerf inter-
costobrachial de Hyrtl. La fréquence de cette affection,
– 40 % des patientes opérées – et sa sévérité potentielle
nécessitent non seulement qu’elle soit mieux (re)connue
des praticiens, mais aussi le développement d’une vraie
politique de prévention. Les arguments sont ainsi présents
en faveur de techniques chirurgicales moins agres-
sives – biopsie du ganglion sentinelle, préservation du
nerf intercostobrachial –, lorsqu’elles sont possibles.
Enfin, le terme de syndrome douloureux postmammecto-
mie, trop imprécis, mérite d’être remplacé par celui de
douleur neuropathique intercostobrachiale, meilleur reflet
des symptômes exprimés. ■
Références bibliographiques
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