Les études menées à l’hôpital Saint-Louis en collaboration
avec d’autres équipes européennes ont permis de préciser
l’intérêt et la nature des traitements adjuvants.
– Avant la ménopause, dans les formes sans atteinte
ganglionnaire (N-) : 6 cycles de CMF réduisent le risque de
rechute locale, de rechute métastatique et de cancer
controlatéral de 25 à 33 %.
– Avant la ménopause, en cas d’atteinte ganglionnaire (N+),
on a pu démontrer la supériorité d’une chimiothérapie
comportant des anthracyclines (FEC50) sur le CMF.
Le gain additionnel en survie sans récidive est de 27 %, sans
différence appréciable de toxicité aiguë ou tardive.
– Chez la femme ménopausée, en cas d’atteinte ganglionnaire,
la survie sans rechute est améliorée par l’association hormono-
chimiothérapique.
L’intérêt d’une administration simultanée ou séquentielle de ces
traitements fait actuellement l’objet d’études multicentriques.
P.H. Cottu a indiqué les principales caractéristiques des
cancers du sein inflammatoires. Formes rares (5 % des
adénocarcinomes mammaires) pouvant se rencontrer à tout
âge, le pronostic en est sombre étant donné la fréquence de
l’envahissement axillaire (46 à 100 %) et des métastases (17 à
36 %) au moment du diagnostic. Leur diagnostic et leur
traitement constituent une véritable urgence.
Le traitement repose actuellement sur une chimiothérapie
d’induction comportant une anthracycline suivie d’une
chirurgie et de radiothérapie. La chimiothérapie permet
d’obtenir des taux de réponse initiale de 80 %, mais la
médiane de survie reste de 1,5 à 5 ans selon les études.
La place des taxanes a été précisée par C. Cuvier. Parmi les
agents anticancéreux, les taxanes ont un mécanisme d’action
original et une toxicité spécifique, touchant les phanères, avec
atteinte unguéale, alopécie complète et même dépilation. Il existe
aussi une toxicité hématologique pour le Taxol®(paclitaxel), des
réactions allergiques, alors que le Taxotère®(docétaxel) est
responsable de phénomènes de rétention hydrique.
Ces deux produits sont actuellement commercialisés en France
avec une AMM de monothérapie pour les cancers du sein en
phase avancée (métastatiques) après échec d’une première
ligne de chimiothérapie.
Des études d’association sont actuellement en cours.
L’hormonothérapie dans les cancers du sein métastasés a
évolué depuis l’apparition des nouvelles anti-aromatases. F.
Morvan a rappelé qu’en “première ligne”, au stade des
métastases, toutes les molécules sont efficaces. Le tamoxifène
est resté jusqu’ici le chef de file de cette classe thérapeutique
dans cette indication, puisque son efficacité est comparable à
celle des progestatifs de synthèse et de l’anti-aromatase
jusque-là disponible, l’aminoglutéthimide (Orimétène®), avec
un meilleur rapport efficacité/toxicité.
Une deuxième génération d’anti-aromatases a vu le jour ces
dernières années. N’induisant pas d’effet frénateur surrénalien,
ces molécules ont peut d’effets secondaires. Trois d’entre elles
sont actuellement commercialisées en France : le létrozole
(Fémara®), l’anastrozole (Arimidex®), le formestane
(Lentaron®, voie i.m.), et il est actuellement logique de les
prescrire en deuxième ligne du traitement des métastases ou en
cas de contre-indication au tamoxifène, en attendant le résultat
des études à grande échelle les comparant, en première ligne
du traitement des métastases, au tamoxifène.
Les répercussions de la chimiothérapie sur la fertilité ont été
étudiées par H. Nowak.
Le cancer du sein est découvert chez des femmes de moins de
40 ans, encore fertiles, dans environ 10 % des cas. En France,
on peut donc considérer que 2 500 femmes de moins de 40 ans
sont concernées chaque année. L’usage de plus en plus
répandu des chimiothérapies adjuvantes doit faire considérer
leur répercussion sur la fertilité et avertir les patientes avant
l’instauration de ces traitements.
L’aménorrhée survient pendant ou après la chimiothérapie.
Elle peut être définitive ou transitoire, la fonction de
récupération ovarienne pouvant se faire jusqu’à deux ans après
l’arrêt du traitement ! Une contraception efficace s’impose
donc durant toute cette période.
Les facteurs favorisant l’aménorrhée définitive de la fonction
ovarienne sont l’âge (l’aménorrhée est beaucoup plus
fréquente après 40 ans, mais elle existe dans 10 à 25 % des cas
avant 35 ans), les drogues utilisées (méthotrexate, 5-FU et
doxorubicine sont moins ovariotoxiques), mais il existe de
grandes différences de susceptibilité individuelle.
Les dosages hormonaux sont peu utiles car leurs résultats sont
très variables et la pratique de tests de réserve ovarienne avant
chimiothérapie n’est pas validée.
En réalité, les conséquences et les séquelles tardives des
chimiothérapies n’ont été jusque-là que peu évaluées. Du fait de
l’âge jeune des patientes et du bon pronostic des cancers
diagnostiqués précocement, ces études se révèlent indispensables.
■ Grossesse succédant à un cancer du sein
L. Mignot a rappelé les résultats de la première enquête
française sur ce thème. Menée en 1985, sous l’égide de la
Société française de gynécologie, cette étude rétrospective
avait permis de répertorier 68 observations de grossesses
succédant à un cancer du sein, dont 41 menées à terme.
Ces femmes ont été comparées à des témoins présentant des
cancers identiques mais sans grossesse ultérieure : les taux de
survie à 5 et 10 ans étaient identiques dans les deux
populations, démontrant l’absence d’influence péjorative de la
grossesse sur le risque de rechute, que la grossesse soit menée à
terme ou interrompue. Trois autres études cas-témoins publiées
dans la littérature retrouvent des résultats similaires. Le risque
de rechute n’est pas majoré par la grossesse, quels que soient le
pronostic du cancer initial et le délai de conception.
Cependant, les délais parfois très précoces de survenue d’une
grossesse après traitement d’un cancer du sein font penser que
certaines de ces grossesses n’étaient pas prévues (pas désirées)
et imposent de proposer à la patiente une contraception.
Quant aux enfants nés après traitement d’un cancer du sein, ils ne
présentent pas de malformations spécifiques mais un taux global
de malformations identique à celui de la population générale (4 %).
■ Enfin, A. Gorins a rappelé les données des études de
traitement hormonal substitutif de la ménopause après traitement
d’un cancer du sein et le rôle pionnier dans ce domaine de
l’équipe de Saint-Louis, qui a entrepris une étude dès 1990.
ACTUALITÉ
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La Lettre du Gynécologue - n° 236 - novembre 1998