Journée du Centre des maladies du sein de l’hôpital Saint-Louis A

ACTUALITÉ
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La Lettre du Gynécologue - n° 236 - novembre 1998
Journée du Centre des maladies du sein
de l’hôpital
Saint-Louis
18 septembre 1998
S. Fridmann
*
our son vingtième anniversaire, le Centre des
maladies du sein de l’hôpital Saint-Louis, structure
pluridisciplinaire originale, avait organisé à Paris
une journée scientifique. Celle-ci a permis de faire le point sur
les avancées diagnostiques, pronostiques et thérapeutiques de
ces vingt dernières années.
F. Perret et A. de Roquancourt ont rappelé toute l’importance
de la cytoponction. La cytoponction à l’aiguille fine est
indiquée devant toute anomalie palpatoire, et on ne devrait plus
voir ces femmes surveillées par des mammographies annuelles
pour des tuméfactions supposées bénignes sans preuve
cytologique.
Dans les différentes séries de la littérature médicale, les
résultats du triplet (clinique, mammographie, cytologie) ont une
spécificité de 99 % (avec moins de 1 % de faux négatifs) dans
les lésions malignes et de 85 à 95 % dans les lésions bénignes.
Pour les lésions malignes, la sensibilité de la ponction est
supérieure à celle de la biopsie. Les échecs de la ponction
peuvent être liés à la taille (trop petite) de la tumeur ou aux
caractéristiques du stroma (fibreux/œdémateux).
La cytoponction peut aussi être faussement négative en cas de
cancers très différenciés, de lésions in situ, de cancers lobulaires
ou de lésions masquées par des lésions bénignes (nécessité
d’une nouvelle palpation après ponction-évacuation d’un kyste).
Les rares faux positifs de la ponction s’observent en cas
d’adénofibrome en poussée.
Pour les lésions non palpables mais “visibles” en échographie,
la ponction échoguidée est possible. Ses résultats sont
cependant moins bons puisque le matériel ramené est
insuffisant pour l’analyse dans 0 à 14 % des cas selon les
séries.
Pour les ponctions stéréoguidées, sous repérage radiographique
cette fois, le taux de prélèvements insuffisants varie de 0 à
50 % : en fait, les foyers de microcalcifications et les
désorganisations architecturales ne sont pas de bonnes
indications pour ces ponctions.
La cytoponction ne dispense pas cependant de l’examen
extemporané, qui reste nécessaire, notamment pour décider
d’un éventuel curage axillaire.
Le carcinome intracanalaire (CIC) du sein
Il pose toujours des problèmes diagnostiques et thérapeutiques.
Le carcinome in situ est défini par l’OMS comme un “carcinome
des galactophores n’infiltrant pas le tissu conjonctif”.
Le rôle du pathologiste est d’en faire le diagnostic, de ne pas
méconnaître une micro-invasion et de donner des indications
thérapeutiques et pronostiques en mesurant :
la taille de la tumeur : généralement sous-estimée par la
mammographie, la taille de la tumeur est déterminée par la
mesure de son plus grand diamètre. Pour les CIC, la mesure
doit être effectuée histologiquement, par exemple en comptant
le nombre de sections galactophoriques envahies ;
lextension, définie par la multifocalité (distance entre deux
foyers supérieure à 2 cm) et la multicentricité (distance entre
deux foyers supérieure à 5 cm), qui sont retrouvées dans 15 à
75 % des cas.
Ces critères architecturaux ne suffisant pas à caractériser ce type
de tumeur, différentes classifications ayant une valeur
pronostique ont vu le jour (classification de Van Nuys-Silverstein ;
classification des pathologistes européens par Holland).
Une conférence internationale de consensus s’est tenue à
Philadelphie en 1997 : les pathologistes n’ont pas fait le choix
d’une classification, mais ils ont insisté sur les éléments devant
figurer dans tout compte rendu de CIC, qui sont : le grade
nucléaire, la nécrose, la polarisation, le type architectural, l’état
des limites d’exérèse, la taille et la topographie des lésions de
CIC, la présence de microcalcifications et leur siège. Le
compte rendu anatomopathologique permettra ainsi d’orienter
les choix thérapeutiques.
La forme comédocarcinome, sous-type spécifique des cancers
in situ, se définit par une nécrose centrale extensive et le plus
souvent un haut grade nucléaire. La micro-invasion est alors
fréquente.
Les problèmes thérapeutiques posés par ces cancers in situ
(CIS) ont été traités par M. Espié.
Les carcinomes intracanalaires, qui représentaient autrefois
0,5 à 5 % des cancers du sein et se traduisaient cliniquement
par une masse palpable ou un écoulement mammaire,
représentent maintenant 15 à 20 % des tumeurs mammaires et
sont découverts grâce à la mammographie (le plus souvent
devant un foyer de microcalcifications).
P
* Hôpital Antoine-Béclère, Clamart.
La mastectomie était justifiée, par le caractère multicentrique
de ces tumeurs, corrélé à la forme anatomopathologique
(comédocarcinome/micropapillaire) ou à la taille tumorale. La
mastectomie permettait une guérison dans presque 100 % des
cas, alors que les patientes traitées par tumorectomie seule
présentaient un risque de rechute de 20 à 50 % selon les
études, rechutes parfois très tardives.
Le NSABP a publié, en 1993, une étude portant sur 818 patientes
comparant, pour des carcinomes in situ majoritairement
inférieurs à 1 cm, un traitement par tumorectomie seule (T) à
un traitement par tumorectomie + radiothérapie (RT). Les
résultats ont été réactualisés en 1998, montrant, avec un recul
de 10 ans, une survie sans rechute de 75 % en cas de T + RT
contre 62 % en cas de T seule, ce qui représente un nombre
non négligeable d’événements dans les deux bras.
La radiothérapie diminue donc de façon significative le risque
de rechute locale pour ces CIS de petite taille, et diminue aussi
le risque de rechute sur un mode infiltrant. La rechute sur un
mode infiltrant reste un événement grave puisqu’une autre
étude (Silverstein, 1998) a montré que le risque de décès à
8 ans après rechute sur le mode infiltrant était de 14 %, alors
qu’il n’existe aucun décès après mastectomie.
Le traitement des CIS doit donc tenir compte de différents
paramètres : taille tumorale, grade histologique, mais aussi
marges d’exérèse chirurgicale (en zone saine ou non) et
microcalcifications résiduelles ; les choix peuvent donc se
révéler très difficiles.
Les traitements adjuvants des cancers du sein
M. Marty a donné les conclusions de la conférence de
consensus de Saint-Gall (1996).
Le traitement adjuvant améliore la survie de toutes les
femmes atteintes de cancer du sein, à l’exception des cancers
du sein a minima (taille tumorale inférieure à 1 cm, sans
emboles vasculaires ni envahissement ganglionnaire).
Avant la ménopause, le traitement adjuvant est la
chimiothérapie.
– Chez la femme ménopausée, le traitement adjuvant comporte
au minimum du tamoxifène pour 5 ans, qui peut être associé à
une chimiothérapie.
Cependant, les bénéfices supplémentaires du traitement
disparaissent lorsque le nombre de ganglions envahis est supérieur
à cinq, laissant entier le problème du choix thérapeutique en cas
d’envahissement ganglionnaire massif (utilisation de nouvelles
drogues, “intensification thérapeutique” avec autogreffes de
moelle, comme l’étudie le programme européen PEGASE ?).
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Les études menées à l’hôpital Saint-Louis en collaboration
avec d’autres équipes européennes ont permis de préciser
l’intérêt et la nature des traitements adjuvants.
Avant la ménopause, dans les formes sans atteinte
ganglionnaire (N-) : 6 cycles de CMF réduisent le risque de
rechute locale, de rechute métastatique et de cancer
controlatéral de 25 à 33 %.
Avant la ménopause, en cas d’atteinte ganglionnaire (N+),
on a pu démontrer la supériorité d’une chimiothérapie
comportant des anthracyclines (FEC50) sur le CMF.
Le gain additionnel en survie sans récidive est de 27 %, sans
différence appréciable de toxicité aiguë ou tardive.
Chez la femme ménopausée, en cas d’atteinte ganglionnaire,
la survie sans rechute est améliorée par l’association hormono-
chimiothérapique.
L’intérêt d’une administration simultanée ou séquentielle de ces
traitements fait actuellement l’objet d’études multicentriques.
P.H. Cottu a indiqué les principales caractéristiques des
cancers du sein inflammatoires. Formes rares (5 % des
adénocarcinomes mammaires) pouvant se rencontrer à tout
âge, le pronostic en est sombre étant donné la fréquence de
l’envahissement axillaire (46 à 100 %) et des métastases (17 à
36 %) au moment du diagnostic. Leur diagnostic et leur
traitement constituent une véritable urgence.
Le traitement repose actuellement sur une chimiothérapie
d’induction comportant une anthracycline suivie d’une
chirurgie et de radiothérapie. La chimiothérapie permet
d’obtenir des taux de réponse initiale de 80 %, mais la
médiane de survie reste de 1,5 à 5 ans selon les études.
La place des taxanes a été précisée par C. Cuvier. Parmi les
agents anticancéreux, les taxanes ont un mécanisme d’action
original et une toxicité spécifique, touchant les phanères, avec
atteinte unguéale, alopécie complète et même dépilation. Il existe
aussi une toxicité hématologique pour le Taxol®(paclitaxel), des
réactions allergiques, alors que le Taxotère®(docétaxel) est
responsable de phénomènes de rétention hydrique.
Ces deux produits sont actuellement commercialisés en France
avec une AMM de monothérapie pour les cancers du sein en
phase avancée (métastatiques) après échec d’une première
ligne de chimiothérapie.
Des études d’association sont actuellement en cours.
Lhormonothérapie dans les cancers du sein métastasés a
évolué depuis l’apparition des nouvelles anti-aromatases. F.
Morvan a rappelé qu’en “première ligne”, au stade des
métastases, toutes les molécules sont efficaces. Le tamoxifène
est resté jusqu’ici le chef de file de cette classe thérapeutique
dans cette indication, puisque son efficacité est comparable à
celle des progestatifs de synthèse et de l’anti-aromatase
jusque-là disponible, l’aminoglutéthimide (Orimétène®), avec
un meilleur rapport efficacité/toxicité.
Une deuxième génération d’anti-aromatases a vu le jour ces
dernières années. N’induisant pas d’effet frénateur surrénalien,
ces molécules ont peut d’effets secondaires. Trois d’entre elles
sont actuellement commercialisées en France : le létrozole
(Fémara®), l’anastrozole (Arimidex®), le formestane
(Lentaron®, voie i.m.), et il est actuellement logique de les
prescrire en deuxième ligne du traitement des métastases ou en
cas de contre-indication au tamoxifène, en attendant le résultat
des études à grande échelle les comparant, en première ligne
du traitement des métastases, au tamoxifène.
Les répercussions de la chimiothérapie sur la fertilité ont été
étudiées par H. Nowak.
Le cancer du sein est découvert chez des femmes de moins de
40 ans, encore fertiles, dans environ 10 % des cas. En France,
on peut donc considérer que 2 500 femmes de moins de 40 ans
sont concernées chaque année. L’usage de plus en plus
répandu des chimiothérapies adjuvantes doit faire considérer
leur répercussion sur la fertilité et avertir les patientes avant
l’instauration de ces traitements.
Laménorrhée survient pendant ou après la chimiothérapie.
Elle peut être définitive ou transitoire, la fonction de
récupération ovarienne pouvant se faire jusqu’à deux ans après
l’arrêt du traitement ! Une contraception efficace s’impose
donc durant toute cette période.
Les facteurs favorisant l’aménorrhée définitive de la fonction
ovarienne sont l’âge (l’aménorrhée est beaucoup plus
fréquente après 40 ans, mais elle existe dans 10 à 25 % des cas
avant 35 ans), les drogues utilisées (méthotrexate, 5-FU et
doxorubicine sont moins ovariotoxiques), mais il existe de
grandes différences de susceptibilité individuelle.
Les dosages hormonaux sont peu utiles car leurs résultats sont
très variables et la pratique de tests de réserve ovarienne avant
chimiothérapie n’est pas validée.
En réalité, les conséquences et les séquelles tardives des
chimiothérapies n’ont été jusque-là que peu évaluées. Du fait de
l’âge jeune des patientes et du bon pronostic des cancers
diagnostiqués précocement, ces études se révèlent indispensables.
Grossesse succédant à un cancer du sein
L. Mignot a rappelé les résultats de la première enquête
française sur ce thème. Menée en 1985, sous l’égide de la
Société française de gynécologie, cette étude rétrospective
avait permis de répertorier 68 observations de grossesses
succédant à un cancer du sein, dont 41 menées à terme.
Ces femmes ont été comparées à des témoins présentant des
cancers identiques mais sans grossesse ultérieure : les taux de
survie à 5 et 10 ans étaient identiques dans les deux
populations, démontrant l’absence d’influence péjorative de la
grossesse sur le risque de rechute, que la grossesse soit menée à
terme ou interrompue. Trois autres études cas-témoins publiées
dans la littérature retrouvent des résultats similaires. Le risque
de rechute n’est pas majoré par la grossesse, quels que soient le
pronostic du cancer initial et le délai de conception.
Cependant, les délais parfois très précoces de survenue d’une
grossesse après traitement d’un cancer du sein font penser que
certaines de ces grossesses n’étaient pas prévues (pas désirées)
et imposent de proposer à la patiente une contraception.
Quant aux enfants nés après traitement d’un cancer du sein, ils ne
présentent pas de malformations spécifiques mais un taux global
de malformations identique à celui de la population générale (4 %).
Enfin, A. Gorins a rappelé les données des études de
traitement hormonal substitutif de la ménopause après traitement
d’un cancer du sein et le rôle pionnier dans ce domaine de
l’équipe de Saint-Louis, qui a entrepris une étude dès 1990.
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