L’échocardiographie chez l’hémodialysé chronique D

La Lettre du Cardiologue - n° 319 - octobre 1999
26
DOSSIER
i l’avènement et le développement des méthodes
d’épuration chronique extrarénales ont transformé le
devenir et la prise en charge des insuffisants rénaux,
si leur survie s’en est trouvée considérablement augmentée, de
nombreux facteurs contribuent au développement des patholo-
gies cardiaques qui sont la première cause de mortalité chez le
dialysé chronique (1). Ils sont dus entre autres à : l’anémie chro-
nique, l’hypertension, des processus accélérés d’athérosclérose
(2, 3), les anomalies du métabolisme phosphocalcique et la fis-
tule artérioveineuse.
L’hémodialyse par le biais de la création d’une fistule artério-vei-
neuse (FAV) est le mode le plus courant d’épuration extrarénale ;
la dialyse péritonéale est habituellement instituée comme relais
temporaire, dans l’attente d’une greffe ou surtout en cas de situa-
tion cardiaque précaire, évitant ainsi les changements trop rapides
de volémie.
L’échocardiographie est un outil privilégié pour surveiller ces
patients qui, de façon chronique, peuvent développer une ou des
pathologies touchant à l’ensemble des structures cardiaques : le
péricarde, les valves et le myocarde.
L’analyse échocardiographique des dialysés chroniques néces-
site, pour une meilleure interprétation des résultats, de com-
prendre les différents éléments susceptibles de modifier les para-
mètres habituellement recherchés : la taille des cavités, la
cinétique pariétale, l’étude de la fonction diastolique et le débit
cardiaque. Le dialysé étant un “modèle” de patient à volémie
variable, tous ces paramètres dépendent des conditions de charge.
Il est donc nécessaire, avant de réaliser une échocardiographie
chez un patient dialysé, de recueillir un maximum d’informa-
tions.
Le cardiologue doit de ce fait communiquer largement avec les
centres d’hémodialyse pour assurer au mieux le suivi de ces patients.
LES RENSEIGNEMENTS NÉCESSAIRES AVANT TOUT EXAMEN
ÉCHOCARDIOGRAPHIQUE CHEZ L’HÉMODIALYSÉ (HD)
1. La cause de l’insuffisance rénale
Certaines causes vont d’emblée majorer le risque de complica-
tions cardiaques : avant tout le diabète, où la cardiopathie isché-
mique reste la cause la plus fréquente de mortalité, puis la néphro-
angiosclérose secondaire à l’hypertension artérielle, les maladies
de système, tels le lupus ou l’amylose, sont autant de pathologies
qui, à elles seules, peuvent être responsables de cardiopathie.
2. Les facteurs directement liés aux modalités de dialyse
Les patients en hémodialyse sont porteurs d’une fistule artério-
veineuse (FAV) ; celle-ci se situe habituellement à l’avant-bras
afin d’obtenir un débit modéré ; elle peut se modifier dans le temps
par augmentation du débit, apprécié régulièrement par doppler
vasculaire. Elle peut également ne plus être fonctionnelle et néces-
siter la création d’une autre FAV. Si le débit est important, la FAV
est à l’origine d’une surcharge volumétrique pouvant participer
de façon autonome ou associée à une insuffisance cardiaque.
3. La date de début de la dialyse
Cette date est essentielle, car les complications surviennent le
plus souvent chez les “vieux dialysés”, et la dialyse peut durer
plusieurs dizaines d’années .
4. La fréquence des dialyses
L’hémodialyse est effectuée à raison de trois par semaine ; la
durée est de l’ordre de quatre heures. Elles ont tendance à dimi-
nuer en durée et ainsi entraîner des changements de volémie trop
rapide à l’origine d’une mauvaise tolérance en cas de pathologie
cardiaque associée.
L’échocardiographie chez l’hémodialysé chronique
M.C. Malergue*
Les épanchements péricardiques chez les patients hémo-
dialysés sont rares mais témoignent d’un état de sous-
dialyse.
Les calcifications valvulaires sont particulièrement fré-
quentes, touchent les sigmoïdes aortiques et peuvent
être à l’origine de sténoses d’évolution anormalement
rapide.
Il existe une véritable cardiopathie urémique caractéri-
sée par une dilatation et une hypertrophie inadéquate à
prédominance souvent septale.
Les anomalies du métabolisme phosphocalcique sem-
blent responsables des valvulopathies calcifiantes et des
atteintes myocardiques.
Mots-clés : Insuffisance rénale chronique - Hémodialyse -
Échocardiographie doppler.
Points forts
S
*CECV, Paris. Institut Cardiologique, Paris Sud. Hôpital Jacques-Cartier,
Massy.
5. Le poids pris entre chaque dialyse
Il correspond à la rétention hydrosodée et ne doit pas excéder
3kg. En fin de dialyse, on obtient le “poids sec” ; les écarts de
régime hyposodé et hypovolémique sont souvent à l’origine d’une
prise de poids excessive, majorant la volémie et pouvant être res-
ponsable de décompensation cardiaque. Le poids sec peut donc
être abaissé ou augmenté entre chaque dialyse ; la prise de poids
est parfois d’interprétation difficile chez certains patients dénu-
tris et en rétention hydrosodée pouvant garder un poids fixe par
baisse de la “masse maigre” et augmentation de la volémie.
6. Le moment de l’échocardiographie par rapport aux séances
de dialyse
Le patient en surcharge volumétrique avant dialyse présentera des
paramètres ventriculaires différents après l’hémodialyse, que ce
soit au niveau des diamètres ventriculaires ou des paramètres de
fonction diastolique (flux de remplissage mitral dépendant des
conditions de charge). Il est souhaitable de réaliser l’échocar-
diographie, dans une situation intermédiaire, entre deux dialyses ;
lors de la répétitivité des examens, il est important de réaliser les
enregistrements dans les mêmes conditions afin de pouvoir com-
parer de façon fiable les paramètres obtenus.
7. Les anomalies biologiques
Les hémodialysés présentent une anémie chronique ; auparavant
soumis à de fréquentes transfusions, ils bénéficient actuellement
de traitements par l’érythropoïétine, qui peut être responsable
d’HTA. Associées à l’anémie chronique, les anomalies du méta-
bolisme phosphocalcique sont constantes, largement mises en
cause dans les dysfonctions myocardiques et la survenue de val-
vulopathie calcifiante anormalement évolutive. L’existence d’une
parathyroïdectomie, d’une hypo- ou d’une hyperparathyroïdie, le
rapport phosphocalcique, l’existence d’une “dystrophie osseuse
adynamique” sont importantes à connaître, de même que d’éven-
tuelles anomalies du ionogramme sanguin pouvant favoriser la
survenue de troubles du rythme.
Le cœur du dialysé peut présenter des complications péricar-
diques, valvulaires et myocardiques ; elles sont toutes accessibles
à l’échocardiographie.
LES ÉPANCHEMENTS PÉRICARDIQUES
Complication classique des insuffisances rénales terminales, la
survenue de tels épanchements est actuellement rare grâce à une
prise en charge précoce. Cette complication était un tournant
majeur de la maladie et annonçait une issue proche : “The dia-
gnosis rub is one of the few signs in medecine which enables the
physician to prognosticate the death of his patient within a few
weeks” (4). En dehors de ces cas, qui sont actuellement excep-
tionnels, l’épanchement péricardique est un marqueur urémique
et témoigne d’un état de sous-dialyse.
Il faut donc différencier ces anciens épanchements de phase ter-
minale et la survenue d’un épanchement chez un patient dialysé
chronique. Devant un gros cœur radiologique, l’échocardiogra-
phie permettra de poser facilement le diagnostic et d’éliminer une
cardiomyopathie dilatée.
Il est rare que les épanchements péricardiques soient abondants
et nécessitent un drainage ; ils disparaissent rapidement après
majoration du programme d’épuration extrarénale.
LES ATTEINTES VALVULAIRES
Les constatations anatomiques (7) ont permis de mettre en évi-
dence la présence de calcifications valvulaires particulièrement
fréquentes et importantes, comparativement à une population non
dialysée. Ce processus de calcifications valvulaires est plus ou
moins rapide mais, dans certaines circonstances, leur dévelop-
pement accéléré est à l’origine de lésions sténosantes calcifiantes
“galopantes”. Straumann et coll. (8) retrouvent un pourcentage
très élevé de valvulopathies calcifiantes atteignant 64 % : les
lésions les plus fréquemment retrouvées et relativement banales,
bien que survenant chez des sujets jeunes, sont les calcifications
de l’anneau mitral (9), retrouvées chez 40 % des HD ; 55 % dans
cette série présentent un épaississement ou des calcifications des
sigmoïdes aortiques, dont 27 % d’atteinte des trois sigmoïdes
avec constitution de lésions sténosantes (figure 1). Les données
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DOSSIER
Figure 1. Calcifications aortiques et hypertrophie pariétale chez un
hémodialysé.
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DOSSIER
de la littérature sont cependant discordantes [3 % pour Maher
(10),20 à 30 % pour Schott (11) et Raine (12)].
Peu de données concernent le délai d’apparition des calcifica-
tions aortiques et leur évolutivité. Dans un travail personnel récent
(13, 13bis), un groupe de 112 patients a été suivi par échocar-
diographie ; l’âge moyen était de 59 ± 16 ans ; ils étaient tous
hémodialysés par une FAV, avec une durée de dialyse de 6,3 ±
5,ans. Les néphropathies concernées sont diverses, sans prédo-
minance étiologique (15 néphro-angioscléroses, 28 glomérulo-
néphrites chroniques, 13 népropathies interstitielles, 9 polykys-
toses, 7 néphropathies congénitales et 33 insuffisances rénales
chroniques d’origine indéterminée). Ces patients ont été suivis
par une échocardiographie annuelle et aucun d’entre eux ne pré-
sentait, en début d’étude, de calcifications sténosantes aortiques.
Parallèlement aux données échographiques, nous avons comparé
les données cliniques et biologiques. Le bilan phosphocalcique
avec dosage de PTH a fait l’objet d’une étude particulièrement
attentive (calcium plasmatique, phosphore plasmatique, produit
phosphocalcique, taux d’alumine, la fraction 1-84 de la parathy-
roïde hormone, les phosphatases alcalines osseuses, la vitamine
D (25-OH D3). Sur cette population, 16 patients, soit 14 %, ont
développé une sténose aortique orificielle avec une surface infé-
rieure à 1 cm2.
La prédominance masculine est manifeste (13 hommes soit
19 % de la population pour 3 femmes soit 7 %). Il s’agit de patients
dont le temps de dialyse est supérieur à 9 ans. Aucun des facteurs
tels que l’HTA, le degré d’anémie, le débit de fistule, l’origine de
l’IRC n’apparaît comme facteur prédisposant. Huit des patients
porteurs d’un RAC serré, soit 50 %, sont décédés de complica-
tions cardiovasculaires : 2 dans les suites immédiates du rempla-
cement valvulaire, 5 de défaillance cardiaque, 2 de mort subite.
Deux des quatre patients opérés ont survécu et ont bénéficié d’une
prothèse mécanique, une bioprothèse étant déconseillée en rai-
son d’un risque accru de dégénérescence.
Le caractère très évolutif est caractéristique de cette popu-
lation : l’augmentation annuelle du gradient moyen est de 13
mmHg, avec une diminution moyenne de la surface de 0,3 cm2
par an. Chez un patient de 40 ans, le gradient moyen aortique
est passé de 20 à 55 mmHg et la surface de 2,2 à 0,6 cm2en
moins d’un an.
À cette sténose calcifiante aortique s’associe dans trois quarts des
cas une calcification de l’anneau mitral. Chez les patients ne déve-
loppant pas de sténoses aortiques, 45 % des hémodialysés ont,
au terme de cette étude, une calcification de l’anneau mitral.
Dans les études de la littérature, la progression des sténoses aor-
tiques d’une population générale se fait de façon linéaire avec
une progression moyenne de 0,1 cm2par an (14). Ces résultats
ont été obtenus, pour les premiers, par des méthodes invasives et,
plus récemment, les travaux d’Otto (15) retrouvent une progres-
sion linéaire et lente. Il semble donc que chez l’hémodialysé, cette
évolution se fasse trois fois plus vite que dans une population non
hémodialysée.
Aucune atteinte des valves tricuspide ou pulmonaire n’a jamais
été signalée ; en revanche, chez deux patientes, l’évolution s’est
faite vers un rétrécissement mitral sténosant dont une a nécessité
un remplacement valvulaire mitral.
Les corrélations avec les résultats biologiques du métabolisme
phosphocalcique sont particulièrement intéressantes ; alors
qu’il est habituellement admis que les dépôts calcaires extras-
quelettiques, et en particulier valvulaires, sont secondaires à une
hyperparathyroïdie (16), nos constatations sont différentes. Si
tous ces patients ont des désordres sévères du bilan phosphocal-
cique, il s’agit dans tous les cas d’une augmentation du produit
phosphocalcique liée à une augmentation de la phosphorémie et
non de la calcémie. Cette augmentation du produit phosphocal-
cique s’avère en rapport dans 62 % des cas avec une hypopara-
thyroïdie (PTH abaissée, taux bas de phosphatases alcalines) et,
seulement dans 37 % des cas, cette hyperphosphorémie est secon-
daire à une hyperparathyroïdie. La concentration plasmatique en
25-OH D3est également anormalement élevée.
Ce tableau s’associe dans 62 % des cas à une “dysplasie osseuse
adynamique” (17) avec baisse du capital osseux, confirmée par
ostéodensitométrie. Ces hémodialysés se comportent comme s’ils
n’étaient plus capables de fixer le calcium sur leur masse osseuse,
des dépôts extrasquelettiques se retrouvant, entre autres, au niveau
des valves aortiques.
Cette hypothèse est d’autant plus intéressante que des études
comparables ont été réalisées dans des populations non dia-
lysées avec un rétrécissement aortique dégénératif et présentant
le même tableau de “dystrophie osseuse adynamique” ; cette
hypothèse permettrait d’envisager une étiologie possible et
d’éventuelles conséquences thérapeutiques sur les rétrécisse-
ments aortiques dits dégénératifs de ces patients âgés non insuf-
fisants rénaux (18, 19).
Le pronostic de ces rétrécissements aortiques est défavorable
puisque 8 patients sur 16 sont décédés; cette évolution s’explique
par une mauvaise tolérance hémodynamique du rétrécissement
aortique (surcharge hydrosodée entraînant rapidement une
défaillance ventriculaire gauche, altération précoce de la fonc-
tion diastolique chez l’HD souvent hypertendu, désordres hydro-
électrolytiques pouvant ajouter un risque rythmique).
Si certains rétrécissements aortiques serrés peuvent être parfai-
tement asymptomatiques dans la population générale (15), ceux
des HD sont rapidement symptomatiques. Les HD de longue date
paraissent plus exposés ; cette donnée est en accord avec la litté-
rature, où l’apparition de calcifications (aortiques et/ou anneau
mitral) est liée à la durée de dialyse (8, 9, 10). Les hommes sont
plus fréquemment exposés que les femmes, mais cette patholo-
gie a également une prédominance masculine dans la population
générale non dialysée.
LA FONCTION VENTRICULAIRE GAUCHE CHEZ L’HÉMODIA-
LYSÉ CHRONIQUE PAR ÉCHOCARDIOGRAPHIE
L’étude de la fonction ventriculaire gauche chez l’HD dépend des
paramètres spécifiques à chaque patient précédemment détaillés.
L’échocardiographie est le moyen idéal pour suivre ces patients
soumis pendant des dizaines d’années à des variations perma-
nentes de volémie. La question “existe-t-il une cardiopathie uré-
mique?” a fait l’objet de nombreuses controverses (20, 21, 22).
Les études échocardiographiques permettent de mettre en évi-
dence une dilatation des cavités auriculaire et ventriculaire
gauches, une augmentation de la masse myocardique avec une
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DOSSIER
hypertrophie pariétale soit concentrique, soit de type septal
asymétrique, une hypertrophie mixte associant une hypertrophie
volumétrique et une hypertrophie pariétale de pression.
1. La dilatation des cavités gauches
Habituellement modérée, elle est secondaire à la surcharge volu-
métrique chronique ; cette surcharge dépend de trois facteurs
essentiels : la fistule artérioveineuse (FAV) (23, 24),l’anémie (25)
et la rétention hydrosodée.
La fistule artérioveineuse (23, 24) : elle est habituellement
située à l’avant-bras ; le débit ne doit pas excéder 400 cc/mn/m2.
Ce débit est souvent variable, pouvant augmenter et dépasser
1l/mn/m2. Il est tout à fait possible de constater les modifications
induites par le débit de FAV, tant sur les diamètres ventriculaires,
pour autant que le ventricule gauche soit normal, que sur l’ana-
lyse doppler du débit aortique qui pourra varier (figure 2) paral-
lèlement au débit de FAV, et cela pour un taux d’hémoglobine
constant.
L’anémie chronique (25) est également à l’origine d’une dila-
tation ventriculaire gauche : la baisse des résistances périphé-
riques, associée à une diminution de la viscosité sanguine, majore
les paramètres de contractilité. Des modifications sous érythro-
poïétine EPO (26) ont été constatées en échographie avec une
diminution de la taille des cavités cardiaques. L’EPO serait par
contre susceptible d’entraîner une HTA et d’induire une hyper-
trophie pariétale de type septal et une altération de la fonction
systolique.
La rétention hydrosodée (27, 28) : elle est essentielle sur la
variation des diamètres ventriculaires gauches. Les écarts de
régime avec prise de poids excessive peuvent entraîner, de façon
chronique, un tableau de défaillance cardiaque. L’aspect écho-
cardiographique du ventricule gauche est celui d’une cardio-
myopathie congestive dilatée ; cet aspect est bien connu des
néphrologues.
Le cardiologue est moins habitué à ce tableau hémodynamique
et pourrait être amené à prescrire au patient un traitement clas-
sique de l’insuffisance cardiaque, alors qu’il relève de l’épura-
tion rénale. On obtient souvent un retour à la normale des para-
mètres de fonction . Cet aspect de “cœur accordéon” est impor-
tant à reconnaître avant d’entreprendre tout traitement à visée
purement cardiologique .
Inversement, en cas de déplétion excessive, on peut constater une
cavité hypertrophique de très petite taille et un tableau de car-
diomyopathie hypertrophique avec gêne à l’éjection (figure 3) ;
ces situations hémodynamiques peuvent expliquer la mauvaise
tolérance hémodynamique per- et post-dialyse (malaise, chute
tensionnelle importante, et cela d’autant que le patient prend un
traitement vasodilatateur).
2. L’hypertrophie volumétrique et l’hypertrophie de pression
L’hémodialysé devrait se comporter comme d’autres sujets sou-
mis à une surcharge volumétrique chronique physiologique,
comme la femme enceinte ou le sportif ; il s’agit d’une hyper-
trophie dite adaptée, adéquate, ayant pour but le maintien constant
de la tension pariétale. Elle associe une hypertrophie de volume
et de paroi avec un rapport h/r constant .
Figure 2. Augmentation du débit cardiaque à 10 l/mn lié à une augmen-
tation du débit de FAV à 1,5 l/mn/m2.
Figure 3. Gêne à l’éjection après dialyse sur une cavité ventriculaire
gauche petite et hypertrophique, calcification de l’anneau mitral.
La Lettre du Cardiologue - n° 319 - octobre 1999
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DOSSIER
Si, pour une pression donnée, l’hypertrophie de paroi est insuf-
fisante, on assiste à une dilatation ventriculaire gauche de type
excentrique, inadéquate. En cas d’hypertrophie excessive, on
observe une hypertrophie concentrique pariétale ou à prédomi-
nance septale inappropriée (21, 22).
Chez l’hémodialysé chronique, on observe dans 60 % des cas
une hypertrophie ventriculaire, non seulement de type excen-
trique, mais également une hypertrophie de pression. Il s’agit
d’une hypertrophie inadéquate évoquant une cardiopathie uré-
mique autonome.
Après plus de dix ans d’hémodialyse, 37 % des patients ont un
diamètre ventriculaire gauche supérieur à 58 mm, 76 % présen-
tent une hypertrophie pariétale, dont 43 % sont des hypertrophies
de type septal asymétrique. Cette hypertrophie mixte progresse
chez l’HD et se majore au fil du temps avec une dégradation de
la fonction diastolique et systolique en dehors de toute autre
pathologie associée, en particulier hypertensive.
Les causes avancées de cette “cardiomyopathie urémique” sont
de plusieurs types : une hyperactivité sympathique, un rôle direct
de la parathormone et des troubles induits du métabolisme phos-
phocalcique. Les études histologiques retrouvent une accumula-
tion anormale intracellulaire de calcium (29) ayant pour consé-
quence une nécrose cellulaire, avec fibrose interstitielle responsable
d’une dilatation, d’une hypertrophie inadéquate réactionnelle et
d’une baisse ultérieure de la fonction systolodiastolique.
Une étude récente tend à conforter cette hypothèse (30). L’ana-
lyse tissulaire par échographie quantitative met en évidence des
modifications des propriétés acoustiques de la texture du myo-
carde chez les HD. Ces anomalies pourraient être secondaires non
seulement à des dépôts calcaires anormaux, mais également à des
dépôts amyloïdes associés à de la fibrose. Elles se distinguent des
constatations faites chez les hypertendus non insuffisants rénaux.
L’échocardiographie quantitative par l’analyse des structures tis-
sulaires semble être une technique prometteuse pour le suivi de
ces patients.
D’autres travaux confirment la spécificité du cœur de l’hé-
modialysé ; Dahan et coll. (31) montrent que, comparativement
à une population du même âge non hypertendue, les patients HD
normotendus présentent une hypertrophie pariétale associée à une
élasticité aortique normale, ce qui suggère une altération intrin-
sèque de la fonction myocardique en dehors de toute réponse à
une hypertension.
L’altération de la fonction diastolique (32, 33) précède la baisse
de la fonction systolique et l’ensemble des paramètres (flux de
remplissage mitral et flux veineux pulmonaire). L’étude de cette
fonction diastolique est de première importance chez les patients
porteurs de cardiopathie hypertrophique. Les modifications de
ces paramètres ont été étudiées au cours de la dialyse ; elles sont
directement corrélées à la perte de poids et sont le résultat de la
réduction de la précharge.
Des travaux récents utilisent l’analyse en doppler tissulaire de
l’anneau mitral (34) comme paramètre indépendant des condi-
tions de charge. Chez l’HD, alors que le flux mitral se modifie
au décours de la précharge et peut se normaliser, il semble que le
doppler tissulaire de l’anneau mitral reste inchangé, confirmant
le caractère indépendant des conditions de charge de ce nouveau
paramètre. Il permettrait ainsi une identification précise de la
dysfonction diastolique chez des patients ayant des indices nor-
maux de flux mitral.
L’insuffisance rénale chronique est responsable de troubles pré-
coces des propriétés de la relaxation myocardique, et cela indé-
pendamment de la pression artérielle, du degré d’hypertrophie,
suggérant l’existence d’une cardiomyopathie spécifique (33,35).
3. Les troubles de la cinétique régionale
Les patients atteints d’une insuffisance rénale chronique (IRC)
sont susceptibles de développer des cardiopathies ischémiques
en raison d’un processus d’accélération de l’athérosclérose, par-
ticulièrement fréquent chez le patient diabétique.
L’écho de stress s’avère un moyen fiable et sans danger pour
dépister ces atteintes coronariennes avec une sensibilité de 95 %
(92 % pour une atteinte monotronculaire, 100 % pour une atteinte
bitronculaire) ; la spécificité est de 86 % (36).
Des anomalies de la cinétique pariétale peuvent également être
présentes en dehors de toute pathologie ischémique, probable-
ment secondaires à des modifications structurelles de type fibrose
régionale, comme cela a été démontré par l’analyse tissulaire
quantitative.
4. La valeur prédictive des données de l’échocardiographie de
l’hémodialysé
Les données de l’échocardiographie paraissent être un facteur
prédictif de survie chez les patients HD chroniques et diabétiques
(37). Alors que l’association d’un ECG de base, l’histoire cli-
nique d’angor, l’existence d’un infarctus ancien ou d’une décom-
pensation cardiaque ne sont pas des facteurs prédictifs, les ano-
malies échocardiographiques de fonction ventriculaire gauche
restent le facteur déterminant essentiel de la survie de ces patients.
LE BILAN CARDIAQUE ÉCHOCARDIOGRAPHIQUE EN VUE
D’UNE TRANSPLANTATION RÉNALE
Des travaux ont été effectués (38) dans des cohortes d’insuffi-
sants rénaux diabétiques ; les anomalies échocardiographiques
de dysfonction ventriculaire gauche s’avèrent très spécifiques du
résultat sur la mortalité des patients greffés. En cas de fonction
ventriculaire gauche normale, avec des anticorps inférieurs à
10 %, le pronostic de la transplantation rénale apparaît excellent.
Par contre, les patients présentant une altération de la fonction
systolique et diastolique ont un pronostic incertain et justifient
un bilan hémodynamique et coronarographique avant transplan-
tation rénale.
LE CŒUR DU TRANSPLANTÉ RÉNAL
Après transplantation (39), on assiste à une amélioration de la
fonction ventriculaire gauche, une régression de l’index de masse
de l’ordre de 30 % et souvent une normalisation des diamètres
ventriculaires ; ces modifications surviennent rapidement dans
.../...
1 / 8 100%

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