Avant-propos
Grande Europe n° 37 - octobre 2011
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L’Europe sans l’URSS
Avant-propos
Il y aura vingt ans, le 25 décembre 1991, l’Union soviétique était rayée
de la carte du monde. Un peu plus de deux semaines auparavant, le
8 décembre, les Présidents de trois « républiques socialistes fédératives
soviétiques » engagées sur la voie de l’indépendance – la Russie, l’Ukraine
et la Biélorussie – déclaraient en effet du n fond d’une forêt biélorusse :
« L’URSS en tant que sujet de droit international et réalité géopolitique
a cessé d’exister ». Ainsi, s’écroulaient comme un château de cartes cet
État-continent qui se partageait, avec les États-Unis, le contrôle de la
majeure partie de la planète et, avec lui, un système politico-économique
qui, durant sept décennies, fut présenté à l’Est, mais aussi considéré par
certains à l’Ouest comme la seule alternative crédible au capitalisme.
Cet événement qui clôt un épisode majeur du XXe siècle prendra le
monde entier de court: comment l’URSS avait-elle pu faire illusion si
longtemps et dissimuler sous ses habits de superpuissance les cancers qui
la rongeaient ?
Si la disparition de l’URSS et, plus généralement, des régimes
communistes – ceux de ses anciens satellites s’étant effondrés deux
ans plus tôt – a été reçue par la communauté internationale comme
une bonne nouvelle, ses conséquences sont loin d’être toutes positives
et, quand c’est le cas, elles sont longues à se concrétiser, ainsi que le
souligne Tzvetan Todorov (historien et essayiste). À l’Est, la restauration
(ou l’instauration) de la démocratie ne pouvait se faire en un jour et,
aujourd’hui encore, la justice ne jouit pas partout de l’indépendance
que requiert la séparation des pouvoirs, la corruption perdure dans le
secteur public quand elle ne s’est pas ampliée, sans parler de la comédie
du pouvoir qui se joue à Moscou entre Dmitri Medvedev et Vladimir
Poutine, dont l’autoglorication renvoie à un autre âge ou à une autre
civilisation, selon les propres termes de Pierre Hassner (Ceri-Sciences
po). À l’Ouest, la mise hors jeu du communisme s’est traduite par des
effets que l’on ne saurait non plus qualier de positifs, les deux préfaciers
de ce dossier se rejoignant sur ce point : n’ayant plus à se confronter au
« camp socialiste » censé incarner le progrès social, un certain nombre
de démocraties occidentales ont donné libre cours à leur penchant pour
l’ultralibéralisme au détriment du principe de solidarité, socle de l’État-
providence.