La Lettre du Neurologue - Suppl. Les Actualités au vol. X - n° 6 - juin 2006 21
de l’APP suffisant à causer une forme
précoce de MA, il paraît licite de sug-
gérer qu’une augmentation plus limitée
de l’expression de l’APP, par exemple
par le biais de mécanismes régulateurs,
puisse causer ou favoriser une forme
tardive de la maladie.
Ces résultats valident l’imputabilité de
la copie supplémentaire d’APP dans la
MA associée à la trisomie 21, car la plus
petite duplication ne concerne que
4 gènes en dehors de l’APP. La preuve
absolue serait apportée par la décou-
verte d’une MA causée par duplication
limitée au seul gène APP. Le phénotype
de nos observations, caractérisé par la
fréquence des hématomes, devrait être
proche de celui affectant les patients
trisomiques 21 âgés de plus de 50 ans.
En fait, les hématomes intracérébraux
causés par l’angiopathie amyloïde sont
rarement rapportés chez les patients tri-
somiques 21 atteints de MA. Une espé-
rance de vie moyenne estimée actuelle-
ment à 60 ans et des causes de décès
non liées à la démence pourraient expli-
quer cette différence de prévalence. Il
paraît donc nécessaire de collecter une
série plus importante de patients por-
teurs de duplications de l’APP pour
déterminer la possible variabilité de la
sévérité de l’AAC et la fréquence des
hématomes intracérébraux.
Une AAC sévère s’exprimant essentielle-
ment par des hématomes, parfois par
des accidents ischémiques, et associée
à des anomalies de la substance blanche
ou à des microbleeds en IRM est connue
débutait entre 42 et 59 ans. Dans
4 familles, alors que la majorité des
patients répondait aux critères de MA
probable, un patient au moins présen-
tait une démence vasculaire au décours
d’un hématome intracérébral. Les exa-
mens anatomopathologiques de 5 cer-
veaux appartenant à trois familles (dont
celle indemne d’hématome) ont révélé
une AAC sévère, des dépôts amyloïdes
diffus et sous forme de plaques ainsi
que des dégénérescences neurofibril-
laires correspondant à un stade V-VI de
Braak. L’angiopathie était extensive
dans toutes les régions, touchait les
vaisseaux leptoméningés, les artérioles
superficielles et intraparenchymateuses,
les capillaires et veinules. Les immuno-
marquages ont montré que l’AAC était
majoritairement composée de peptide
Aβ40 alors que les plaques avaient un
centre marquant fortement Aβ42, entouré
d’un marquage Aβ40.
Ce travail fournit un argument majeur à
l’hypothèse amyloïdergique, puisqu’il
démontre qu’une augmentation de
l’expression de l’APP suffit à déclencher
la MA. Il s’agit d’une nouvelle illustra-
tion montrant qu’un mécanisme purement
quantitatif peut causer une maladie
neurodégénérative, au même titre que
des duplications ou des triplications du
gène de l’α-synucléine sont responsables
de certaines formes autosomiques
dominantes précoces de la maladie de
Parkinson. Ce type de mécanisme, mais
de moindre ampleur, pourrait également
s’appliquer aux formes communes de
MA. En effet, une copie supplémentaire
dans de rares cas de mutations ponc-
tuelles de l’APP, au niveau de la région
codante du peptide Aβ. Dans la plupart
des cas, cette AAC coexiste avec les
lésions caractéristiques de MA (plaques
séniles et dégénérescences neurofibril-
laires), comme dans les présentes obser-
vations causées par des duplications de
l’APP. En revanche, des mutations aux
codons APP 692-693 sont responsables
d’une AAC associée à des dépôts intra-
parenchymateux de peptide Aβ, mais sans
dégénérescence neurofibrillaire, et la
mutation APP L705V cause une démence
due à la seule AAC sans dépôt paren-
chymateux. Il reste donc à comprendre
les mécanismes selon lesquels les pep-
tides Aβ42 et Aβ40 se déposent préfé-
rentiellement au niveau du parenchyme
cérébral ou des parois vasculaires, avec
une palette d’expression de l’AAC pou-
vant être sévère et isolée, sévère et
associée à la MA, comme dans nos pré-
sentes observations, ou limitée comme
celle habituellement observée dans les
formes communes de MA.
Enfin, soulignons combien la description
de telles observations dépend des inter-
actions entre spécialistes de la patho-
logie vasculaire et des démences. Ainsi,
en pratique clinique, chez un patient de
moins de 60 ans atteint d’un hématome
intracérébral spontané, l’enquête fami-
liale doit rechercher à la fois des cas
similaires et une pathologie démentielle
répondant aux critères de MA. De même,
chez un patient atteint de MA précoce,
l’existence d’anomalies de la substance
blanche ou d’AVC chez un apparenté incite
à rechercher une duplication de l’APP.
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