Professions Santé Infirmier Infirmière N° 65 • août-septembre 2005
tème. Cela a pour conséquence
de favoriser le conflit entre le pou-
voir infirmier et le pouvoir médical
rendu d’autant plus aigu que la
RTT, coupable de la dévalorisation
du travail en tant que devoir fon-
damental du salarié, a causé la
pénurie du personnel. À cela, il
faut ajouter le renversement entre
les effectifs du personnel admi-
nistratif, ce qui n’a pas été sans
affecter le transfert du pouvoir
des médecins à celui des admi-
nistrateurs.
En ajoutant à ces révolutions,
lentes mais prégnantes, l’intrusion
des travailleurs sociaux dans les
rapports entre les médecins et les
malades, les conditions de travail
sont devenues singulièrement dif-
férentes de ce qu’elles étaient, il
n’y a pas si longtemps encore.
Si l’on ajoute le malaise que
cause l’existence depuis des
décennies, de vacataires et d’atta-
chés, sans contrat de travail, expo-
sés en permanence à l’exclusion,
contrairement aux autres salariés
qui souvent occupent les mêmes
fonctions qu’eux, le tableau ne
ressemble plus à l’original et l’on
comprend que nombre de mis-
sions doivent être redéfinies.
En clair, l’esprit de corps qui était
le ciment du travail à l’hôpital est
pour le moins malmené. C’est
d’autant plus grave que cet esprit
de corps a souvent été, en ce qui
concerne l’hôpital, et particulière-
ment au bloc, le garant d’un par-
tage équitable des tâches et la
reconnaissance des compétences
individuelles indispensables au
bon fonctionnement de l’entre-
prise.
L’intérêt du malade
Par ailleurs, de l’importance de la
vocation, découle naturellement et
en corollaire, l’intérêt du malade.
Celui-ci peut être invoqué en tout
circonstance, là où le discours
échoue à résoudre les conflits.
«Refuser de remplacer un col-
lègue ou de coopérer peut appor-
ter tort au malade […] et cela
signifie aussi, manquer la mission
propre à la profession […] ».
L’exemple de luttes de distinction à
l’intérieur des équipes entre auxi-
liaires plus spécialisés et aides-soi-
gnantes plus polyvalentes, indique
comment la structuration des
équipes à l’hôpital donne occasion
à des situations de conflit potentiel
à partir de distinctions symbo-
liques minimales.
Cette étude, par les témoignages
qu’elle relate, apporte un éclai-
rage sur les conditions de travail
qui ne dépendent pas unique-
ment de conditions objectives,
mais de différents ressentis
comme inéquitables et vexatoires
du fait d’une mauvaise articula-
tion des équipes.
Des inégalités…
Une première série de transfor-
mations concernant le mode de
gestion des établissements de
santé publics ou privés, est direc-
tement liée à la remise en cause
de l’hôpital public dans l’effort
qu’il est fait aujourd’hui de l’adap-
ter aux méthodes managériales
modernes. Nouvelle gouvernance,
contrats d’objectifs, regroupement
des services en pôles d’activité,
contractualisation interne, accrédi-
tation, certification… tout cela
provoque une plus grande insta-
bilité du personnel médical ou
paramédical, une perte de puis-
sance, voire d’autonomie dans la
pratique des soins et n’est pas
sans contribuer aux inégalités
constatées. La gestion de l’hôpital
comme une entreprise, la réduc-
tion du temps de présence des
patients sur des critères de renta-
bilité, leur sortie accélérée, fragili-
sant les relations de confiance
entre le personnel et les malades,
font l’objet de plusieurs cri-
tiques…
Les soins eux-mêmes affectent
directement, dans leurs transfor-
mations majeures que les progrès
technologiques leur imposent, la
reconnaissance acquise par les
professions médicales. Cela
apporte in fine, des stratégies de
carrière différentes, souvent
inconscientes et entache le bon
fonctionnement des équipes.
Et si la tendance au bloc tend,
d’une façon générale, vers plus
d’autonomie et de spécialisation,
ce n’est pas en contradiction avec
l’interdépendance que provoque
l’exécution des tâches : les méde-
cins anesthésistes, par exemple,
sont plus souvent tenus d’exercer
une fonction de contrôle sur les
pratiques des chirurgiens !
La multiplication des procédures,
des formulaires et le souci de tra-
çabilité, remettent en cause le
pouvoir médical. En interne, mais
aussi auprès des usagers, même
si ce contrôle administratif peut
être un atout, non seulement
dans la qualité des soins, mais
aussi dans la défense du profes-
sionnel face à une judiciarisation
de la pratique médicale, chaque
jour plus menaçante.
L’apparition de nouvelles patholo-
gies, en partie liées au vieillisse-
ment de la population, ainsi que
la précarisation de la clientèle de
l’hôpital ne sont pas aussi sans
perturber les pratiques médicales
dans leur effort d’adaptation.
L’amélioration des conditions
techniques du travail et les condi-
tions de sécurité mises en place
pour le bien-être du malade en
bloc opératoire et dans les ser-
vices d’anesthésie-réanimation
constituent pourtant un réel pro-
grès par rapport aux débuts
héroïques de la chirurgie, où les
normes étaient quasi inconnues,
où les salles de réveil étaient
inexistantes et où les circuits d’ac-
cès aux salles d’opération étaient
laissés, la plupart du temps, à
l’inspiration esthétisante d’un
architecte.
La RTT : une mesure
imparfaite
De nos jours, un bloc ressemble à
un aéroport. D’ailleurs, les termes
ressemblent à ceux employés
dans un aéroport : on a un “dis-
patching” qui gère les flux des
patients, une opération chirurgi-
cale, c’est un “check-list”, et avec
une équipe qui va prendre le vol,
maintenant qu’il y a un “pilote”,
c’est le chirurgien ou anesthé-
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CHIRURGIE 17