DEPARTEMENT TECHNIQUE Formation bachelier en emballage et conditionnement 3ème année. Campus ULg – Sart Tilman 6, Allée du 6 août, 4000 LIEGE Tél. : 04 / 366 52 49 Email : [email protected] Website : www.isipack.be Cours de Chimie Appliquée 2007-2008 Steve Gillet, D. Sc. Email : [email protected] Website : http://perso.latribu.com/shagar/steve Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. 1.1. Bases de la thermodynamique Qu'est-ce que la thermodynamique ? Dans la vie de tous les jours, nous sommes familier au fait que l'énergie est importante pour que certaines choses se réalisent, par exemple, l'énergie intervient clairement lorsque des masses sont soulevées, lorsque de la chaleur, de la lumière, ou de l'électricité sont produites. Plus encore, il apparaît évident qu'une quantité précise d'énergie est requise pour atteindre certains objectifs particuliers, par exemple, il y a une quantité minimum d'énergie qui sera suffisante pour clouer une pointe dans le mur, mais il n'y a pas de risque que cette énergie fasse s'écrouler le mur au moment de l'impact. La disponibilité d'énergie est, de la même façon, un critère critique pour le comportement des systèmes moléculaires au niveau microscopique. Donc, la mesure dans laquelle un ensemble de molécules, tel que celles comprises dans une cellule vivante, peuvent changer d'une certaine façon, par exemple, via une réaction chimique, ou via un processus de transport qui redistribue les molécules, dépend de l'énergie requise pour ce changement et de la disponibilité de suffisamment d'énergie pour le rendre possible. Des considérations de ce type mènent à des questions fondamentales qui peuvent se poser pour n'importe quel système moléculaire : - Le système est-il stable ? - Sinon, quel réarrangement du système conduira à une stabilité accrue ? - Combien de temps cela prendra-t-il pour atteindre un état plus stable ? Pour répondre à ces questions, il est nécessaire de pouvoir déterminer la quantité d'énergie disponible dans le système et la façon dont elle peut être utilisée ou redistribuée. C'est le domaine de la thermodynamique, l'étude de l'énergie, sa distribution et la façon dont elle est convertie d'une forme en une autre. La thermodynamique est primordiale à la compréhension des changements qui peuvent avoir lieu dans un système, et elle peut être utilisée pour répondre à quantité de questions fondamentales ayant trait à la biochimie, comme : - Les systèmes vivants sont-ils stables ? - Quel est le coût énergétique des fonctions cellulaires ? - Comment l'énergie peut-elle être emmagasinée et rendue disponible lorsque c'est nécessaire ? - Dans quelle mesure les cellules s'équilibrent-elles avec l'environnement ? Comme nous le verrons ultérieurement, la quantité d'énergie disponible est également critique dans la détermination de la vitesse à laquelle un changement a lieu et donc, la thermodynamique est également importante pour répondre à des questions telles : Gillet Steve, D.Sc. -1- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. - Dans quelle échelle de temps des réactions biochimiques ont-elles lieu ? Etant donné l'importance de la thermodynamique, il est utile que nous fixions certains points importants : - La thermodynamique est basée sur des lois empiriques simples, provenant de l'observation du monde réel. Nous n'avons pas besoin de connaissance spécifique concernant la nature de la matière ou de l'univers pour utiliser ces lois, nous n'avons pas même besoin de savoir que les atomes ou les molécules existent. Nous utilisons la thermodynamique parce qu'elle marche, pas parce que c'est une théorie élégante. - Comme les lois de la thermodynamique ne sont pas basées sur un quelconque modèle physique spécifique, elle peuvent être appliquées à une très grande variété de problèmes, de l'ingénierie mécanique (performance des machines, réfrigérateurs, etc.) aux systèmes biologiques de grande échelle (efficacité de l'action musculaire) en passant par les réactions chimiques et la stabilité des systèmes moléculaires. - Si nous voulons relier des paramètres thermodynamiques à un système, nous avons besoin d'un modèle physique. Si nous n'obtenons pas, alors, de bons résultats dans la prédiction du comportement ce notre système, c'est que le modèle que nous avons choisi est faux. Définitions de base Les concepts thermodynamiques dépendent fondamentalement de la distinction entre un système et son environnement. Un système consiste en de la matière. Une description complète d'un système nécessite de définir la composition, aussi bien que la pression, le volume et la température. C'est, en gros, la partie de l'univers au sein de laquelle s'effectue la transformation étudiée (par exemple, le contenu d'un ballon pendant une réaction chimique). Il y a trois types différents de systèmes : - Isolé : ne peut échanger ni de matière, ni d'énergie. - Fermé : ne peut échanger que de l'énergie, mais pas de matière. - Ouvert : peut échanger de l'énergie et de la matière. Les réactions chimiques se déroulant dans une cellule ou dans un laboratoire, peuvent souvent être considérées comme ayant lieu dans un système fermé. Les processus incluant un transfert à travers des membranes doivent habituellement être traités comme ayant lieu en système ouvert. Toutefois, dans un premier temps, nous n'étudierons que les systèmes fermés et isolés, puisque ce sont les plus simples à aborder au niveau de leur analyse. Gillet Steve, D.Sc. -2- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. L'environnement consiste en tout ce qui est en contact avec le système et qui peut influencer son état. Dans un système fermé, l'énergie peut être échangée avec l'environnement, alors que dans un système ouvert, énergie et matière peuvent être échangées avec l'environnement. Un système ouvert, plus son environnement constituent un système isolé. Toute propriété d'un système qui dépend seulement de son état actuel, et non de la façon dont il y est arrivé, est appelé fonction d'état. Il y a deux sortes de fonction d'état différentes : - Les fonctions d'état intensives : ne dépendent pas de la taille du système (ex. : pression, température, densité, etc.) - Les fonctions d'état extensives : dépendent de la taille du système (ex. : masse, volume, etc.) Si la taille d'un système est doublée, la valeur d'une fonction d'état intensive reste la même, alors que celle d'une fonction d'état extensive, double. La plupart des fonctions thermodynamiques sont des fonctions d'état extensives. Lorsque l'on parle de changements de fonctions d'état, nous utiliserons ∆ pour représenter une variation importante et mesurable, et δ pour représenter une très petite variation. Donc, ∆T représentera une importante variation de température et δT, une très petite variation de température. Comme les températures des états initial et final d'un système ne dépendent pas du chemin emprunté pour passer de l'un à l'autre, la variation de température doit être ∆T = Tfinal – Tinitial. Ce type d'équation (final – initial) s'applique à toutes les autres fonctions d'état. Établissement de la première loi de la thermodynamique La première loi de la thermodynamique est la loi de conservation de l'énergie. Première loi : La somme algébrique de toutes les variations d'énergie dans un système isolé est 0. Donc l'énergie peut être déplacée d'une place à une autre, comme dans un flux de chaleur, ou elle peut changer de forme, comme la conversion d'énergie chimique en énergie électrique dans les piles, mais elle ne peut être ni crée, ni détruite. Il est utile de définir une quantité appelée "énergie interne", U. C'est l'énergie totale d'un système, quelle que soit sa forme. Si l'énergie est convertie d'une forme à une autre, comme, par exemple, l'énergie chimique en énergie électrique, l'énergie interne reste inchangée. Dans un système isolé, qui ne peut acquérir ou céder de l'énergie à Gillet Steve, D.Sc. -3- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. l'environnement, la première loi de la thermodynamique établit que la variation d'énergie interne durant tout processus doit être nulle, donc, pour un système isolé, ∆U = 0. Pour un système fermé ou ouvert, l'énergie peut être échangée avec l'environnement. ∆U pour le système n'est plus, alors, nécessairement nul, mais toute énergie perdue ou gagnée par le système doit être balancée exactement par un gain ou une perte d'énergie par l'environnement, puisque ce dernier forme avec le système un système isolé. Donc, pour un système fermé, on a : ∆U(système) = - ∆U(environnement). Donc ∆U peut être utilisé comme un outil de bilan, il permet de garder une trace de l'énergie, quelque soit la forme qu'elle prend. Il résulte également de la première loi que U doit être une fonction d'état. Travail, chaleur et énergie interne Comme nous l'avons vu, U est un outil de bilan qui peut être utilisé pour garder une trace des modifications d'énergie. Il est cependant, également, utile de distinguer entre deux formes différentes d'énergie, le travail (w) et la chaleur (q). Nous avons l'habitude de distinguer le travail de la chaleur dans la vie de tous les jours et des définitions similaires peuvent être utilisées dans les systèmes moléculaires. Le travail est l'énergie associée au mouvement ordonné des corps. La chaleur est l'énergie associée au mouvement désordonné des corps. Le travail effectué sur un système par l'environnement est défini comme ∆w et la chaleur absorbée par le système à partir de l'environnement comme ∆q. L'énergie interne du système doit augmenter de ∆U = ∆q + ∆w ou δU = δq + δw. De façon analogue, l'énergie interne de l'environnement doit diminuer de la même quantité. La quantité totale de travail et de chaleur ne doit pas être constante, contrairement à U, puisque l'énergie peut être convertie d'une forme en une autre. Le travail dans les systèmes chimiques Dans certains systèmes biochimiques de nombreuses formes de travail peuvent intervenir, comme le travail mécanique fournit par les muscles ou le travail électrique requis pour déplacer un ion à travers un gradient de champ électrique. Ces termes de travail sont souvent d'un grand intérêt pour les biochimistes. Cependant, il est une forme de travail que pratiquement toutes les réactions chimiques réalisent, à pression constante, et qui n'est pratiquement d'aucun intérêt, à part celui de retirer de l'énergie du système. C'est le travail d'expansion. Si le volume d'un système augmente de ∆V durant une réaction chimique, alors le système doit exercer un travail sur l'environnement, il repousse ses propres limites et rend Gillet Steve, D.Sc. -4- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. l'environnement plus petit. ∆w qui est défini comme étant le travail effectué par le système, est alors négatif. A pression constante P, ∆w est donné par ∆wP(expansion) = - P∆V où l'indice P est utilisé pour montrer que le processus à lieu à pression constante. Si l'expansion est la seule forme de travail échangée entre le système et l'environnement, comme c'est le cas de la plupart des réactions chimiques en solution, alors, de la première loi, on peut déduire : ∆UP = ∆qP - P∆V. Pour des réactions en solution, ∆V est très petit et le travail associé avec l'expansion est donc également très petit. Le concept d'enthalpie Pour les réactions à pression constante, il est pratique de définie une nouvelle fonction d'énergie, l'enthalpie (H), telle que : H = U + PV A pression constante, ∆H = ∆U + P∆V qui peut être réécrit : La variation d'enthalpie est égale à la variation d'énergie totale – l'énergie requise pour l'expansion. Donc, H peut être vu comme une forme corrigée de U qui tient compte du travail d'expansion à pression constante. Si l'expansion est la seule forme de travail échangée entre le système et l'environnement, alors ∆UP = ∆qP - P∆V et donc ∆qP = ∆UP + P∆V = ∆H Donc ∆H est égal à la chaleur absorbée à pression constante, mais seulement si le système ne réalise pas d'autre travail que l'expansion. Gillet Steve, D.Sc. -5- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. Les états standards Chaque système a une valeur absolue de U et H qui dépendent de l'état du système, c'est à dire de la température, composition, etc. Cependant, ces valeurs ne peuvent pratiquement jamais être mesurées. Les valeurs qui peuvent l'être sont les variations d'U (∆U) et de H (∆H) lorsque le système évolue d'un état à un autre. Il est utile d'avoir un point de référence commun pour de telles variations. Les états standards sont les point de référence à partir desquels les variations d'énergie sont mesurées. Les états standards sont définis comme suit : - Solide : solide pur - Liquide : liquide pur - Soluté : concentration de 1 M - Gaz : gaz pur à une pression de 1 atm Les états standards peuvent être définis à n'importe quelle température, cependant, si aucune température n'est indiquée, il est habituellement sous-entendu qu'elle est de 25°C (298 K). Si le soluté est H+, alors, une solution aqueuse à l'état standard correspondrait à une concentration en protons de 1 M, ou pH = 0. Cet état standard n'est que de peu d'intérêt pour les biochimistes qui sont plutôt confrontés à des solutions dont le pH est 7. Ainsi, l'état standard biochimique est défini avec tous les composants présents dans leur état standard, excepté pour H+ qui est présent à 10-7 M. Lorsqu'une mole de réactifs dans leur état standard est convertie en une mole de produit dans leur état standard, les paramètres thermodynamiques liées à ce processus sont affectées de l'exposant ° (∆U°, ∆H°). Lorsque les réactifs et les produits sont à l'état standard biochimique, un exposant °' (∆H°') est utilisé. L'enthalpie en tant que fonction d'état Pour de nombreuses réactions chimiques, la variation d'enthalpie peut être mesurée directement, puisque ∆qP = ∆H et que ∆qP peut être déterminé par mesure de la variation de température du système causé par la réaction (cette technique s'appelle la calorimétrie). Nous pouvons également être intéressés par le ∆H d'une réaction qui est difficile à réaliser. Cependant, puisque l'enthalpie est une fonction d'état extensive, nous pouvons réaliser une Gillet Steve, D.Sc. -6- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. réaction en plusieurs étapes et ensuite, faire la somme de tous les termes enthalpiques résultants. Ce procédé est connu sous le nom de "loi de Hess". La première loi et la direction d'une réaction La première loi de la thermodynamique ne concerne que la balance d'énergie durant un processus. Elle ne nous donne aucune information sur la spontanéité d'un processus, mais seulement qu'il ne peut y avoir de création ou de destruction d'énergie si ce processus a lieu. De même, la variation d'enthalpie, ∆H, durant une réaction ne nous donne pas d'information sur sa spontanéité. Donc, pour prédire si une réaction va, ou non, avoir lieu, il est nécessaire de considérer quelque chose d'autre que la variation d'énergie totale du système. Énergie disponible, travail et modification La modification d'un système d'un état à un second état, est un processus ordonné. Nous voulons modifier un système, mais nous voulons également effectuer cette modification d'une certaine façon. Par exemple, nous ne pouvons pas simplement chauffer un tas de briques et espérer que cette énergie va les réarranger en une maison. Nous avons déjà fait la distinction entre le travail, l'énergie impliquée dans un mouvement ordonné, et la chaleur, énergie impliquée dans les mouvements désordonnés. Pour modifier un système, il faut donc utiliser du travail. Le travail est la force motrice du changement. Le travail peut provenir du système lui-même, dans lequel cas le système est instable et peut changer spontanément. Dans d'autres cas, l'énergie peut provenir de l'environnement, par exemple, un système stable peut être forcé à changer par un apport d'énergie. Comme la première loi de la thermodynamique concerne à la fois la chaleur et le travail et non le travail seul, il n'est pas étonnant qu'elle ne puisse prédire la direction d'une réaction. Établissement de la seconde loi de la thermodynamique La seconde loi de la thermodynamique relie travail et modification. Deuxième loi : Les modifications spontanées sont celles qui peuvent être réalisées pour produire du travail. Gillet Steve, D.Sc. -7- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. C'est seulement un énoncé formel des idées développées dans la section précédente. Durant une modification spontanée, la variation d'énergie de travail est libérée et dissipée sous forme de chaleur. Cependant, cette énergie de travail peut être récupérée et utilisée. Un système qui est stable et qui ne peut changer ne possède pas d'énergie de travail disponible. Dans ce cas, une modification ne peut avoir lieu qu'en forçant le processus, en utilisant une source extérieure d'énergie de travail. Donc, pour prédire si un système va se modifier spontanément, nous avons besoin de savoir si le système peut effectuer un travail, c'est à dire si il y a de l'énergie disponible dans ce système qui puisse être libéré durant la modification. Le concept d'entropie Pour calculer si il y a de l'énergie de travail disponible dans un système, nous devons introduire un nouveau paramètre thermodynamique, l'entropie (S). La façon la plus simple de visualiser S est : L'entropie est une mesure du désordre d'un système. Par exemple, l'entropie de l'eau liquide à 0°C est plus grande que celle de la glace à 0°C, parce que les molécules sont maintenues dans une position fixe dans la glace, alors qu'elles sont libres de se mouvoir dans l'eau. Pour l'eau liquide, lorsque l'on accroît la température, les molécules se déplacent plus rapidement et donc le désordre, l'entropie, du système augmente. De façon analogue, l'entropie de l'eau vapeur est plus importante que celle de l'eau liquide, à cause d'une liberté de mouvement des molécules encore plus importante dans la vapeur. Pour augmenter la température d'un liquide nous avons besoin de fournir de la chaleur. Pour aller du solide au liquide ou du liquide au gaz, nous avons également besoin de fournir de la chaleur, que nous appellerons chaleur latente de fusion ou de vaporisation. Donc, l'apport d'énergie calorifique mène à un accroissement du désordre, que la température change, ou non. Ceci nous conduit à la seconde façon de voir l'entropie. L'entropie (S) multipliée par la température, TS, est une mesure de la quantité de chaleur, q, présente. Si nous savons quelle quantité de chaleur est présente et quel est le total d'énergie interne, alors la différence entre les deux doit être l'énergie de travail du système. Gillet Steve, D.Sc. -8- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. Expression alternative de la seconde loi de la thermodynamique Comme TS est une mesure de la chaleur, T∆S donne la variation de chaleur dans un système. ∆q est la chaleur transférée au système par l'environnement. Pour un système qui n'évolue pas, appelé un système à l'équilibre, aucun travail n'est utilisé et donc la variation de chaleur du système est égal à la quantité de chaleur ajoutée au système. A l'équilibre, on peut donc écrire : T∆S = ∆q Durant une variation spontanée, de l'énergie de travail est libérée et convertie en chaleur. Donc, la variation de chaleur du système, T∆S, doit être plus élevée que la chaleur absorbée à l'environnement ∆q. Donc, lors d'une modification spontanée, on a : T∆S > ∆q La seconde loi peut être exprimée par l'équation T∆S ≥ ∆q. La différence entre T∆S et ∆q donne la quantité de travail qui a été libéré durant la modification. Le concept d'énergie libre Plutôt que d'utiliser la variation de chaleur comme une mesure indirecte de la variation d'énergie de travail, il serait plus pratique de travailler directement avec l'énergie de travail puisque c'est elle qui peut être utilisée comme force motrice de la modification. Par facilité, nous pouvons définir une propriété appelée "énergie libre de Gibbs", G, telle que : G = H – TS Pour une réaction se déroulant à pression et température constantes, la variation en G est donnée par : ∆G = ∆H - T∆S Ce qui peut être réécrit comme : La variation en énergie libre = variation en énergie interne totale disponible pour l'expansion – variation en chaleur. Gillet Steve, D.Sc. -9- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. Donc, G est une mesure du travail total d'un système et ∆G est une mesure de la variation de travail d'un système durant une réaction. Pour qu'une réaction ait lieu spontanément, de l'énergie de travail du système est libérée et donc G doit décroître, donc ∆G < 0. A l'équilibre, il n'y a pas de variation d'énergie de travail, donc ∆G = 0. Pour un système isolé, ∆H = 0 et le critère de spontanéité devient donc ∆S > 0. Le système isolé le plus commun est l'univers lui-même et donc l'entropie, ou le désordre, de l'univers ne peut qu'augmenter durant n'importe quelle modification. L'entropie dans une petite partie de l'univers peut diminuer, aussi longtemps qu'il y ait un accroissement égale ou supérieur qui le compense ailleurs. Comme l'enthalpie, l'entropie et l'énergie libre sont des fonctions d'état extensives. Donc, nous pouvons ajouter et soustraire des variations d'entropie et d'énergie libre de la même façon que nous l'avons fait pour l'enthalpie (Loi de Hess). Énergie libre et équilibre Prises ensembles, la première et la seconde loi de la thermodynamique fournissent des critères permettant de prédire si un système est à l'équilibre ou si il peut subir une modification spontanée. Type de système Échange avec l'environnement Critère d'équilibre Critère de variation spontanée Système isolé Aucun ∆S = 0 ∆S > 0 Système fermé Énergie ∆G = 0 ∆G < 0 Ces critères nous permettent également de prédire la position éventuelle d'un équilibre pour une réaction spontanée, le point auquel le système va cesser de se modifier. Considérons la réaction chimique la plus simple possible, une espèce R qui se convertit en une espèce P. Si G peut être déterminé pour une composition donnée de R et P, G peut être tracé en fonction de la composition (figure 1.1.). Quelle que soit la composition dont nous partions, la réaction va avoir lieu dans la direction de réduction de G jusqu'à ce qu'un minimum soit atteint auquel ∆G = 0. Donc la même position d'équilibre sera atteinte, que nous partions de R pur, ou P pur, ou de n'importe quel mélange de R et P. Gillet Steve, D.Sc. -10- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. Figure 1.1. : Variation de l’enthalpie libre en fonction de la composition du système en réaction : A l’équilibre, la composition du système est telle que son enthalpie libre (potentiel thermodynamique) est minimale. L’état d’équilibre constitue un « attracteur » pour le système : quel que soit le point de départ, il évolue vers la composition correspondante. La réaction est d’autant plus complète dans l’un des deux sens que ∆G° est plus grand. Thermodynamique appliquée à des systèmes réels Les principes thermodynamiques dont nous venons de discuter jusqu'à présent sont complètement indépendants de toute connaissance du système que nous sommes en train d'étudier. Aucune supposition n'a été faite sur la nature du système. Pour relier des paramètres thermodynamiques à des choses que nous puissions mesurer, comme des pressions ou des concentrations, un modèle du système est nécessaire, par exemple, nous devons connaître les atomes, les molécules et les liaisons pour relier des variations d'enthalpie et d'entropie aux détails d'une réaction chimique. Prenons deux exemples pratiques : Un composé est-il plus stable à l'état solide, liquide ou gazeux ? Étape 1 : Pour répondre à cette question, nous avons besoin d'un modèle pour notre système, qui nous permette de prédire la valeur de H, S et donc G, pour les trois phases. Nous supposerons que notre système est constitué de molécules totalement rigides. Le terme entropique dépend de l'organisation ordonnée des molécules dans chaque phase. Dans la phase solide, les molécules sont fortement ordonnées et ont donc une petite valeur de S, alors que dans la phase gazeuse, elles sont fortement désordonnées et ont donc une valeur de S importante. Le terme enthalpique provient des forces qui maintiennent les molécules ensemble. Vaincre ces forces pour passer d'une phase ordonnée à une phase moins ordonnée requiert un apport d'énergie. Donc l'enthalpie d'un liquide doit être plus grande que l'enthalpie d'un solide. De façon similaire, l'enthalpie d'un gaz doit être plus importante que celle d'un liquide. Gillet Steve, D.Sc. -11- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. Phase Solide Modèle H S petit et + petit et + moyen et + moyen et + grand et + grand et + Molécules maintenues en place par des attractions Liquide intermoléculaires fortes Molécules maintenues par des attractions Gaz intermoléculaires plus faibles Molécules libres de mouvement Étape 2 : Nous utilisons la relation G = H – TS pour tracer G en fonction de la température pour chaque phase. Pour chaque phase, cela donne une ligne droite avec H comme valeur de l'intersection avec la droite des ordonnées et – S comme valeur de la pente (figure 1.2.) Figure 1.2. : (a) Représentation schématique des passages de solide à liquide, puis de liquide à gazeux. Les molécules sont le plus ordonnées dans la phase solide et le moins ordonnées dans la phase gazeuse et donc le gaz a la valeur la plus élevée de S. De l'énergie est nécessaire pour briser les forces intermoléculaires maintenant les molécules ensembles pour donner les phases liquides et gazeuses, donc le gaz a la plus grande valeur de H. (b) Un graphique de l'énergie libre, G, en fonction de la température, T, pour la phase solide, liquide et gazeuse, basé sur le modèle simplifié de ces trois phases. Pour chaque droite, l'interception avec l'axe des ordonnées est égale à la valeur de H et la valeur de la pente est égale à – S. A n'importe quelle température, la phase avec la plus petite valeur de G est la phase la plus stable. Étape 3 : A n'importe quelle température, la phase avec la plus petite valeur de G est la plus stable. Lorsque deux phases ont des valeurs identiques de G, elles sont alors à l'équilibre à cette température, puisque la variation d'énergie libre pour convertir l'une en l'autre est nulle. Gillet Steve, D.Sc. -12- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. Le modèle que nous venons de développer prédit que la forme solide est la plus stable à faibles températures et la forme gazeuse est la plus stable à températures élevées. Comme cela correspond à ce que nous pouvons observer expérimentalement, notre modèle est satisfaisant mais, comme nous allons le voir ultérieurement, il nécessite quelques précisions pour expliquer les changements de phase avec encore plus de détails. Pourquoi les protéines se dénaturent-elles lorsqu'elles sont chauffées ? Étape 1 : Nous proposons un modèle simple pour le système. Phase Modèle H S petit et + petit et + grand et + grand et + Il y a une seule conformation qui maximise les Protéine repliée attractions intramoléculaires (ponts H, force de V.d.W, etc.) Peut adopter de nombreuses conformations Protéine dénaturée différentes, chacune caractérisée par de faibles interactions intramoléculaires Étape 2 : Nous faisons des prédictions basées sur ce modèle en utilisant G = H – TS pour tracer G en fonction de la température pour chaque phase, comme dans l'exemple précédent. Le modèle prédit un passage de la forme repliée à la forme dénaturée d'une protéine lorsque la température augmente (figure 1.3.). Figure 1.3. : (a) Représentation schématique de la dénaturation des protéines. La forme repliée est la plus ordonnée et donc la forme dénaturée a l'entropie la plus élevée. De l'énergie est requise pour briser les forces intramoléculaires dans la forme repliée et donc la forme dénaturée a la valeur d'enthalpie la plus élevée. (b) Un graphique de l'énergie libre, G, en fonction de la température , T, pour une protéine repliée et dénaturée basé sur le modèle simplifié. A n'importe quelle température, la phase avec la plus basse valeur de G est la plus stable. Gillet Steve, D.Sc. -13- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. Étape 3 : Nous comparons ces prédictions aux données expérimentales. L'observation expérimentale est que la protéine se déplie lorsqu'elle est chauffée. Cela ne prouve pas que le modèle soit correcte, mais seulement que le modèle explique les données expérimentales jusqu'à ce point. Dans ce modèle, nous avons ignoré le rôle du solvant, qui rend les choses encore plus complexes, et nous pouvons donc nous attendre à ce que ce modèle simple se révèle finalement inadéquat si nous nous penchons sur le système de façon plus détaillée. En réalité, les protéines ne se déplient pas à une seule température, mais sur un intervalle de température et en fait, à basse température, une augmentation de cette dernière stabilise la structure de la protéine. Les exemples que nous avons décrits ci-dessus utilisent des modèles physiques très simplifiés pour expliquer les phénomènes de fusion/ébullition et de dénaturation des protéines. Pour construire un meilleur modèle thermodynamique d'un système, et donc être capable d'expliquer un comportement plus précisément, ou pour réaliser des prédictions plus précises, il nous faut un modèle physique plus réaliste. Pour améliorer le modèle pour la fusion/ébullition, nous devons commencer par considérer les modèles physiques possibles pour un gaz. Le modèle le plus simple d'un gaz correspond à des molécules n'interagissant pas qui se déplacent de façon totalement aléatoire. Un tel gaz est appelé "gaz parfait" et son comportement est décrit mathématiquement par une équation appelée "loi du gaz parfait" : PV : nRT où P est la pression, V est le volume, n est le nombre de moles de gaz présentes, R est la constante du gaz parfait et T est la température. Nous pouvons calculer le comportement thermodynamique d'un gaz parfait en combinant les équations thermodynamiques dérivées de la première et de la seconde loi avec l'équation du gaz parfait. Cela donne l'équation : G = G° + nRT ln(P/P°) où G est l'énergie libre du gaz à la pression P et G° est l'énergie libre du gaz à l'état standard, défini comme P° = 1 atm. Cette équation décrit comment l'énergie libre d'un gaz parfait varie avec la pression. Si un gaz n'obéit pas à cette équation, c'est parce que le modèle physique d'un gaz parfait ne s'applique pas dans ce cas. Finalement, une fois que le modèle explique toutes les données expérimentales requises, on peut l'utiliser pour faire des prédictions, ou pour élaborer d'autres expériences. Gillet Steve, D.Sc. -14- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. Comment les stabilités des phases solide, liquide et gaz sont-elles affectées par la pression ? Étape 1 : Le modèle de base pour les solides , liquides et gaz que nous avons décrit à la page 11 a besoin d'être étendu pour prendre en compte les variations de pression. Plus spécifiquement, les gaz peuvent être comprimés, ce qui implique d'effectuer un travail sur le système, donc d'augmenter son énergie interne. Phase Modèle H S Solide Incompressible Inchangé Inchangé Liquide Incompressible Inchangé Inchangé Gaz Compressible, pV = nRT pour un gaz parfait Varie Varie Étape 2 : Pour les solides et liquides, le tracé de G vs T est identique. Comme nous l'avons vu, pour un gaz parfait, G varie avec la pression suivant l'équation G = G° + nRT ln(P/P°). Étape 3 : Lorsque P décroît, ln(P/P°) devient plus petit et l'énergie libre d'un gaz parfait diminue. Cela rend la phase gazeuse encore plus stable par rapport à la phase liquide et réduit le point d'ébullition (figure 1.4.) Figure 1.4. : Graphique de l'énergie libre en fonction de la température pour des phases solide, liquide et pour un gaz parfait, montrant comment le point d'ébullition varie avec la pression. Lorsque la pression est diminuée, L'énergie libre du gaz diminue et donc le point d'ébullition également. Si la pression est suffisamment basse, le point d'ébullition devient inférieur au point de fusion et on n'observe plus de phase liquide. Un diagramme de phase complet peut être construit en traçant les points de fusion et d'ébullition sur un graphique de P vs T (figure 1.5.). Le point de fusion est indépendant de la pression, alors que le point d'ébullition chute quand la pression diminue, sous une certaine Gillet Steve, D.Sc. -15- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. pression critique, la phase liquide n'est plus stable et une transition directe de la phase solide vers la phase gazeuse prend place, on l'appelle sublimation. Figure 1.5. : Diagramme de phase basé sur le graphique de l'énergie libre de la figure 1.4. Le point de fusion est indépendant de la pression et le point d'ébullition décroît lorsque la pression décroît. Ce tracé a toutes les caractéristiques principales du diagramme de phase de l'eau, bien que certains détails ne soient pas correctes du fait que le modèle physique utilisé n'est pas suffisamment réaliste. Le diagramme de phase de nombreux liquides, tel que l'eau, ont les mêmes caractéristiques qualitatives que dans la figure 1.5. Cependant, une observation plus attentive révèle un certain nombre de différences mineures. C'est du au fait que le modèle que nous avons utilisé est toujours très simplifié, par exemple, les liquides ne sont pas complètement incompressibles et il y a donc une légère diminution du point de congélation avec la pression. Bases moléculaires de l'enthalpie et de l'entropie L'entropie et l'enthalpie sont des quantités macroscopiques. Elles sont utilisées pour décrire un système entier et jusqu'à présent, nous n'avons pas été confrontés aux propriétés des molécules qui constituent le système. Cependant, nous savons que les molécules existent et que le comportement macroscopique est simplement une conséquence des interactions atomiques et moléculaires, donc les valeurs d'entropie et d'enthalpie pour un système macroscopique donné doivent être fixées par les énergies des molécules constitutives. Le calcul de valeurs thermodynamiques à partir d'énergies moléculaires est appelée "thermodynamique statistique". Cette matière dépasse le cadre de ce cours et nous n'en donnerons donc, ici, que les principes de base. Gillet Steve, D.Sc. -16- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. La base moléculaires de l'enthalpie ou de l'énergie interne est relativement directe. Une molécule possède une énergie totale qui est la somme de toutes les formes d'énergie qu'elle possède, c'est-à-dire, l'énergie translationnelle, rotationnelle, vibrationnelle, l'énergie de liaisons, etc. Il y a, en outre, l'énergie associée aux interactions intermoléculaires, c'est à dire les forces de Van der Waals, les ponts H, etc. L'énergie interne du système est simplement la somme des énergies de toutes les molécules et de toutes les interactions intermoléculaires. La base moléculaire de l'entropie est un peu plus complexe à comprendre (quoique). L'entropie est une mesure du désordre, c'est une mesure du nombre de façons dont l'énergie interne du système peut se distribuer entre toutes les molécules. Cela peut être décrit mathématiquement par S = k ln(W) où k est la constante de Boltzmann et W, le nombre de façons de distribuer l'énergie dans le système. L'énergie de liaison chimique, etc. de chaque molécules sont habituellement fixes et donc, la seule contribution significative à l'entropie provient de la distribution des énergies translationnelles, rotationnelles et vibrationnelles. Par exemple, un solide a une faible entropie, parce que toutes les molécules sont fixées dans l'espace et n'ont donc pas d'énergie translationnelle, ni rotationnelle. Les seules variations résident dans la distribution de l'énergie vibrationnelle entre les différentes molécules. Un gaz a une très haute entropie, parce que chaque molécule peut avoir des énergies translationnelle, rotationnelle et vibrationnelle et qu'il y en a un grand nombre de combinaisons possibles pour une même énergie totale. Il y a habituellement de nombreux facteurs différents au niveau moléculaire, qui contribuent aux valeurs de ∆S et ∆H observées pour une réaction. Certains de ces facteurs peuvent être favorables et d'autres défavorables. En effet, une faible valeur de ∆H ou ∆S résulte souvent de la différence de deux ou plusieurs nombres de valeurs importantes. Par exemple, la valeur globale de ∆H°' de – 20,1 kJ mol-1 pour l'hydrolyse de l'ATP inclut un terme d'environ 540 kJ mol-1 pour la rupture d'une liaison O-P et un terme négatif d'amplitude similaire pour la création d'une liaison O-P différente. Il est donc important de faire attention lorsque l'on tente d'expliquer des valeurs de ∆H et ∆S. 1.2. Potentiel chimique et systèmes à plusieurs composants. Nous venons de voir comment la stabilité relative de différents états d'un même système peut être exprimée en terme d'énergie libre de Gibbs. G varie avec la température et la pression du système et nous avons également établi que G pouvait varier avec la composition du système (figure 1.1.). Donc, l'étape suivante est d'étendre l'analyse Gillet Steve, D.Sc. -17- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. quantitative pour inclure des situations dans lesquelles des réactions chimiques et/ou des processus de transports altèrent la composition du système. Cela requiert de considérer la relation entre la composition d'un système et son énergie libre. Le concept de potentiel chimique Précédemment, nous n'avons considéré que l'énergie libre d'un système dans sa globalité. Nous n'avons pas considéré l'énergie associée aux différentes molécules du système. Si on double la taille du système, par exemple en passant de 1 l de sucrose 1 mM à 2 litres de sucrose 1 mM, l'énergie libre du système doit également doubler. G double parce que le nombre de molécules que l'on considère double. L'énergie moyenne de chaque molécule, et donc ses propriétés chimiques, restent les mêmes. Cela montre qu'un G minimum n'est pas un critère de stabilité thermodynamique lorsque l'on considère des systèmes dans lesquels la quantité de matière peut changer, par exemple, 1 litre de sucrose 1 mM n'est pas plus stable que 2 litres de sucrose 1 mM, même si G est deux fois plus important dans ce dernier cas. Le concept de potentiel chimique est donc introduit pour nous permettre de tenir compte de la thermodynamique de tels systèmes ouverts. Le potentiel chimique d'un composé, µ, est défini comme l'énergie libre par mole de ce composé, sous certaines conditions données. On parle parfois également de µ comme l'énergie libre de Gibbs partielle molaire. Pour un système à un seul composant, µ est obtenu en divisant l'énergie libre du système par le nombre de moles présentes, n : µ = G/n Le potentiel chimique est une fonction d'état intensive. Si on double la taille du système, G double et n double, mais µ ne change pas. µ est donc une mesure utile de l'énergie libre moyenne d'une molécule dans un système comme il dépend seulement de l'environnement de la molécule et est indépendant de la taille du système. Pour un système à plusieurs composants, G est donné par la somme des potentiels chimiques de toutes les espèces présentes. G = ∑ µx n x x De là, le potentiel chimique de x peut être défini comme étant la vitesse de variation de l'énergie libre de l'ensemble du système à mesure que la quantité de x présent change, à température, pression et concentrations de toutes les autres espèces constantes, c'est-à-dire Gillet Steve, D.Sc. -18- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. ⎛ δG ⎞ ou µx = ⎜ ⎟ n δ ⎝ x ⎠T,P,n j δG = µ x δnx où δnx est la variation de x, mesurée en moles. Potentiel chimique et modification D'un point de vue thermodynamique, tout processus chimique peut être imaginé comme étant l'élimination des réactifs du système, suivi par l'apparition des produits. La variation de G pour l'élimination des réactifs est donnée par ∆G = ∑ µréactifs ∆nréactifs réactifs où ∆n est négatif, c'est à dire que le nombre de moles présentes diminue. La variation de G pour l'apparition des produits est donnée par ∆G = ∑ µproduits ∆nproduits produits où ∆n est positif. La variation globale de G pour la réaction est donnée par la somme de ces équations, c'est à dire ∆G = ∑ µ x ∆nx x L'élimination des réactifs peut avoir lieu par leur conversion en d'autres substances chimiques ou par leur transport à l'extérieur du système. Donc, en utilisant les potentiels chimiques, les réactions chimiques et les processus de transport peuvent être traités exactement de la même façon. Réactions spontanées et équilibres La prochaine étape est de déterminer les critères de modification spontanée et d'équilibre dans les systèmes à composants multiples. Nous commencerons avec la réaction simple durant laquelle n moles du composé A sont converties en n moles du composé B. Nous pouvons traiter ce cas comme la perte de n moles de A (µ = µA, ∆n = - n) et le gain de Gillet Steve, D.Sc. -19- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. n moles du composé B (µ = µB, ∆n = + n). Globalement, ∆G pour la conversion de A en B vaut : ∆G = nµB - nµA Si µB est plus petit que µA, alors ∆G, pour cette réaction, est négatif et elle peut se dérouler spontanément. A l'équilibre, ∆G = 0 et donc µB = µA. Dans ce cas, le critère de spontanéité est d'abaisser le potentiel chimique et l'équilibre a lieu lorsque les potentiels chimiques sont égaux. Pour des réactions plus complexes, telles que aA + bB ƒ cC + dD où a moles de A et b moles de B sont converties en c moles de C et d moles de D, la variation d'énergie libre est donnée par ∆G = ∑ µ x ∆nx = cµC + dµD − aµ A − bµB x Pour une réaction spontanée, ∆G < 0 et donc cµC + dµD doit être plus petit que aµA + bµB. A l'équilibre ∆G = 0 et donc cµC + dµD doit être plus égal à aµA + bµB. Le critère pour une modification spontanée est que la somme pondérée des potentiels chimiques puisse être abaissée et le critère d'équilibre est que la somme pondérée des potentiels chimiques des réactifs et des produits soient égales. Type de Échange avec Critère de système l'environnement Isolé Aucun ∆S = 0 ∆S > 0 Fermé Énergie ∆G = 0 ∆G < 0 Ouvert Énergie + matière Critère d'équilibre ∑ réactifs µ∆n = ∑ produits µ∆n spontanéité ∑ réactifs µ∆n > ∑ µ∆n produits C'est une condition plus générale pour l'équilibre que celle basée sur ∆G, puisque nous pouvons à présent tenir compte du transfert de matière autant que du transfert d'énergie, vers et hors du système. Gillet Steve, D.Sc. -20- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. Variation du potentiel chimique avec la concentration La dernière étape est de déterminer comment le potentiel chimique varie avec la concentration. Le point de départ est l'équation reliant G à la pression pour un gaz parfait : G = G° + nRT ln(P/P°) Comme µ = G/n pour un composé pur, une substitution directe donne µ = µ° + RT ln(P/P°) où µ° est le potentiel chimique du gaz à l'état standard. Contrairement à G, qui s'applique à tout le système, l'équation pour µ peut être étendue à un composant d'un mélange de gaz parfaits pour donner µx = µ°x + RT ln(Px/P°x) où Px est la pression partielle de x, c'est à dire la pression exercée par x, la pression totale étant donnée par la somme de toutes les pressions partielles pour l'ensemble des différents gaz présents. Si la proportion de x présent change à pression totale constante, alors Px changera. Par exemple, si il y a moins de x présent, sa contribution à la pression totale sera plus faible. Donc la pression partielle de x dépend du nombre de moles de x présentes. Cela peut être représenté par la formule Px nbr de moles de x présentes = o Px nbr de moles de x présentes à l' état s tandard Qui correspond à un rapport de concentrations et donc ⎛ ⎞ 'concentration de x ' µ x = µOx + RT ln ⎜ ⎟ ⎝ 'concentration de x à l' état s tandard' ⎠ Cette approche peut être généralisée à n'importe quel type de composé. Sans entrer dans les détails, on peut résumer cela de la façon suivante : Gillet Steve, D.Sc. -21- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. État Équation pour µ Gaz µx = µ°x + RT ln(Px/P°x) Définition Px est la pression partielle de x et P°x est la pression à l'état standard (soit 1 atm) [x] est la concentration de x et [x]° est la Liquide/solvant µx = µ°x + RT ln([x]/[x]°) concentration à l'état standard, c'est à dire la concentration du liquide pur Soluté µx = µ°x + RT ln([x]/[x]°) Solide µx = µ°x [x] est la concentration de x et [x]° est la concentration à l'état standard (1 M) Tous les solides purs sont dans leur état standard, par définition La plus importante équation pour le potentiel chimique, et celle que nous utiliserons abondamment, est la version qui implique les solvants et les solutés. Elle est habituellement écrite µx = µ°x + RT ln[x] mais il convient de ne pas oublier que [x] est exprimé par rapport à la concentration à l'état standard. Dépendance de ∆G à la concentration Nous sommes maintenant en mesure d'étudier la thermodynamique de réactions chimiques. Considérons la réaction : aA + bB ƒ cC + dD où [A], [B], [C] et [D] sont les concentrations des réactifs et des produits exprimés par rapport aux états standards et a, b, c et d sont les coefficients stœchiométriques. A température et pression constante : ∆G° = ∑ µ°x ∆nx = cµ°C + dµ°D − aµ° A − bµ°B x et ∆G = ∑ µ x ∆nx = cµC + dµD − aµ A − bµB x Gillet Steve, D.Sc. -22- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. En substituant µ dans l'équation pour ∆G, on obtient : ∆G = c{µ°C + RT ln[C]} + d{µ°D + RT ln[D]} - a{µ°A + RT ln[A]} - b{µ°B + RT ln[B]} Qui peut être réarrangé pour donner : ∆G = {cµ°C + dµ°D - aµ°A - bµ°B} + RT {ln[C]c + ln[D]d - ln[A]a - ln[B]b} Le premier terme est simplement ∑ µ° x ∆nx qui est la variation d'énergie libre x standard pour une mole de réactifs donnant une mole de produits, tous dans leur état standard (∆G°), et le second terme donne la variation en ∆G lorsque les concentrations varient de l'état standard. L'équation peut être réécrite comme ⎛ [C]c [D]d ⎞ ∆G = ∆G° + RT ln ⎜⎜ a b ⎟⎟⎟ ⎜⎝ [A] [B] ⎠⎟ Cette équation peut être généralisée de la façon suivante : ⎛ ∏ [x]mx ⎞⎟ ⎜⎜ ⎟ ∆G = ∆G° + RT ln ⎜⎜⎜ produits mx ⎟⎟⎟ ⎜⎜ ∏ [x] ⎟⎟⎟ ⎝ réactifs ⎠ où mx est le coefficient stœchiométrique de x Rapports d'action de masse et constantes d'équilibre ⎛ ∏ [x]mx ⎞⎟ ⎜⎜ ⎟⎟ produits ⎟⎟ est parfois appelé rapport d'action de masse, Γ, et Par facilité, le terme ⎜⎜ m x ⎟ ⎜⎜ [x] ⎟ ∏ ⎜⎝ réactifs ⎠⎟ donc ∆G = ∆G° + RT ln Γ . A l'équilibre, ∆G = 0. Le rapport d'action de masse est alors appelé "constante d'équilibre", K et est donné par Gillet Steve, D.Sc. -23- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. ⎛ ∏ [x]mx ⎞⎟ éq ⎜⎜ ⎟ K = ⎜⎜⎜ produits mx ⎟⎟⎟ ⎜⎜ ∏ [x]éq ⎟⎟⎟ ⎝ réactifs ⎠ où l'indice éq indique qu'il s'agit de la concentration à l'équilibre. Donc ∆G° = −RT lnK Notons que ni Γ, ni K n'ont de dimension puisque toutes les concentrations sont exprimées relativement à la concentration à l'état standard, c'est à dire [x]/[x]°. Des dimensions sont fréquemment ajoutées, parfois entre parenthèses, mais elles ne devraient être utilisées que pour indiquer les dimensions des quantités utilisées pour calculer Γ ou K. En combinant les équations pour ∆G et ∆G° on obtient ∆G = RT ln(Γ/K) Le rapport Γ/K donne une mesure de ∆G pour la réaction. Si Γ = K, alors ∆G = 0 et le système est à l'équilibre, si Γ < K, alors ∆G < 0 et la réaction peut avoir lieu spontanément. Variation de la constante d'équilibre avec la température La position de l'équilibre pour une réaction et donc sa constante d'équilibre varient avec la température. Pour une réaction chimique à l'équilibre, on a : ∆G° = −RT lnK et ∆G° = ∆H° - T∆S° donc lnK = ∆S° ∆H° − R RT En supposant que ∆H° et ∆S° soient indépendants de la température, un tracé de ln K vs 1/T donne une ligne droite de pente - ∆H°/R. Donc, la dépendance de K à la température permet de déterminer ∆H°. Si on dérive cette équation en fonction de T, on obtient : Gillet Steve, D.Sc. -24- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. d(lnK) ∆H° = dT RT 2 Cette équation est connue comme étant "l'isochore de van't Hoff". Son intégration entre les températures T1 et T2, avec des valeurs de constantes d'équilibre respectives de K T1 et K T2 donne : ⎛ K ⎞⎟ ∆H° ⎛⎜ 1 1 ⎞⎟ T ⎟ − ln ⎜⎜⎜ 1 ⎟⎟ = − ⎜ R ⎝⎜ T2 T1 ⎠⎟⎟ ⎜⎝ K T2 ⎠⎟⎟ Dépendance de l'enthalpie et de l'entropie à la température La supposition que ∆H° et ∆S° soient tous deux indépendants de la température est habituellement satisfaisante si l'intervalle de températures considéré est relativement petit. Elle devient cependant erronée sur de grands intervalles de températures, et pour certains processus, comme le repliement des protéines, ∆H et ∆S sont fortement dépendants de la température, même sur des intervalles de températures assez petits. Il est possible de tenir compte de cette variation en fonction de la température, mais cela dépasse le cadre du cours. Il est toutefois important de se rappeler, lorsque nous utiliserons l'équation de van't Hoff, qu'elle n'est valide que dans un intervalle de températures limité. Mesure des paramètres thermodynamiques de réactions Nous pouvons à présent résumer certaines des méthodes permettant la mesure de paramètres thermodynamiques d'une réaction. • ∆G° Est habituellement déterminé par mesure des concentrations de réactifs et de produits à l'équilibre, c'est à dire en déterminant la constante d'équilibre, puis en utilisant la formule : ∆G° = −RT lnK . Si cela n'est pas possible, soit parce que l'équilibre est trop déplacé d'un côté, ou parce que la réaction en elle-même ne peut être réalisée, alors ∆G° peut être calculé à partir de cycles thermodynamiques appropriés de réactions pour lesquelles les valeurs de ∆G° sont connues (loi de Hess) • ∆G Est déterminé à partir du ∆G° en mesurant les concentrations de réactifs et de produits aux conditions désirées et en utilisant la relation ∆G = ∆G° + RT ln Γ • ∆H° Peut être déterminé en mesurant la constante d'équilibre en fonction de la température. Un tracé de ln K vs 1/T donne une ligne droite de pente -∆H°/R. Gillet Steve, D.Sc. -25- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. Si cela n'est pas possible, soit parce que l'équilibre est trop déplacé d'un côté, ou parce que la réaction en elle-même ne peut être réalisée, alors ∆H° peut être calculé à partir de cycles thermodynamiques appropriés de réactions pour lesquelles les valeurs de ∆G° sont connues (loi de Hess) • ∆H Peut être déterminé par des mesures calorimétriques directes réalisées à pression constante, la microcalorimétrie étant la technique la plus utilisée pour les réactions biochimiques. • ∆S° et ∆S Sont habituellement obtenus en connaissant ∆G° ou ∆G et ∆H° ou ∆H à une température donnée et en les substituant dans les équations ∆G° = ∆H°-T∆S° et ∆G = ∆H-T∆S. 1.3. Réaction d'oxydation – réduction et électrochimie Beaucoup de réactions chimique font intervenir des transferts d'électron entre les réactifs, et dans de tels processus, un réactif perd des électrons et est dès lors oxydé, alors qu'un autre composant gagne des électrons et est donc réduit. Ces réactions sont connues comme "réactions rédox", et elles sont d'une importance particulière pour deux raisons. La première, dans un contexte thermodynamique, les réactions rédox peuvent être utilisées pour effectuer un travail électrique en dirigeant les électrons à travers un circuit électrique. Les mesures électrochimiques qui peuvent être réalisées avec ces circuits sont très précis et ils peuvent également être réalisés dans des conditions réversibles, les rendant capable de générer un nombre considérable d'informations thermodynamiques utiles. Deuxièmement, dans un contexte biochimique, les réactions de transfert d'électrons jouent un rôle pivot dans les processus de transformation d'énergie qui se déroulent durant la photosynthèse et la phosphorylation oxydative, aussi bien que dans les nombreuses réactions rédox qui se déroulent dans le métabolisme. Ce chapitre examine la thermodynamique de tels processus et fournit une introduction à la nomenclature électrochimique qui est utilisée pour les décrire. Gillet Steve, D.Sc. -26- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. Réactions d'oxydo-réduction Le transfert d'électron qui se déroule entre le zinc et le cuivre dans une solution aqueuse fournit un exemple simple de réaction d'oxydo-réduction. Zn(s) + Cu2+(aq) U Zn2+(aq) + Cu(s) Ici l'état d'oxydation du zinc augmente de zéro à deux, correspondant à la perte de deux électrons, alors que l'état d'oxydation du cuivre diminue de deux à zéro, correspondant au gain de deux électrons. Dans le même d'ordre d'idée, un exemple de réaction rédox de grande importance biochimique est 2 NADH + O2 + 2 H+ U 2 NAD+ + 2 H2O Dans ce cas, le processus de transfert d'électrons sous-jacent peut être mis en évidence en divisant la réaction en deux demi-réactions, l'une correspondant à la réduction de la molécule d'oxygène O2 + 4 H+ + 4 e- → 2 H2O et l'autre correspondant à l'oxydation du NADH NADH → NAD+ + H+ + 2 eLa thermodynamique de ces réactions peut être analysée exactement de la même façon que tout autre processus chimique, mais il serait pratique de convertir le terme d'énergie libre de Gibbs (∆G) sous la forme d'un potentiel rédox (E). La raison en est que les réactions de transfert d'électrons peuvent être étudiées dans des cellules électrochimiques et que dans cette situation, la force motrice de la réaction donne naissance à un potentiel mesurable, la force électromotrice de la cellule. Comme les réactions de transfert d'électrons sont très importantes en biochimie, et comme les cellules électrochimiques fournissent l'opportunité d'étudier les paramètres énergétiques de telles réactions sous des conditions réversibles thermodynamiquement, il est nécessaire d'avoir une certaine compréhension des principes d'électrochimie. Gillet Steve, D.Sc. -27- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. Les cellules électrochimiques Les processus de transfert d'électrons peuvent se dérouler aléatoirement, par simple contact entre les réactifs, ou non aléatoirement, en fournissant un chemin pour les électrons entre des réactifs séparés. Considérons le transfert d'électron entre le zinc et le cuivre. Si le zinc est ajouté à une solution de sulfate de cuivre, le zinc va se dissoudre et le cuivre va précipiter. Ce processus est énergiquement favorable (∆G° = -213,2 kJ mol-1 à 298 K) et l'énergie utilisable sera perdue en chaleur. Par contre, en plaçant les réactifs dans ces récipients séparés, les électrons peuvent passer du zinc vers les ions de cuivre le long d'un fil de connexion et le courant électrique correspondant, qui est à nouveau une manifestation de la variation d'énergie libre favorable, peut être utilisée pour réaliser un travail. C'est le principe de la cellule électrochimique (pile). La cellule électrochimique sépare la réaction rédox en deux composants Zn(s) → Zn2+(aq) + 2 eCu2+(aq) + 2 e- → Cu(s) Ces deux demi réactions ne peuvent avoir lieu significativement isolément, à cause de la difficulté de stabiliser les électrons libres. Par exemple, considérons ce qui se passe lorsqu'un morceau de zinc est ajouté à une solution contenant des ions Zn2+. Si une partie du zinc se dissout, alors des électrons vont rester sur le métal et la différence de potentiel résultante, entre le zinc chargé négativement et la solution chargée positivement, va limiter la capacité du zinc à se dissoudre. De même, si des ions de zinc précipitent de la solution sur le métal, la séparation de charge correspondante apparaît et le processus sera limité par la différence de potentiel entre le zinc chargé positivement et la solution chargée négativement. Il est important de réaliser que ces deux processus prennent place lorsque le zinc est ajouté à une solution de ses ions, mais que la façon dont ils vont se dérouler n'est pas nécessairement la même. Donc, en fonction de la concentration en Zn2+ et des paramètres énergétiques de la réaction, le zinc va acquérir une charge nette et donc un potentiel électrique (Nernst). Un processus similaire a lieu lorsqu'un morceau de cuivre est ajouté à une solution de Cu 2+ avec le cuivre acquérant une charge nette et un potentiel électrique. Comme il est peu probable que les potentiels sur le zinc et sur le cuivre soient les mêmes, autrement que par chance, il y aura une différence de potentiel électrique (E) entre le zinc et le cuivre, et donc le courant s'écoulera lorsque le zinc et le cuivre seront connectés dans une cellule électrochimique (figure 1.6.). Les électrons s'écoulent d'un compartiment vers l'autre pour donner une réaction nette : Gillet Steve, D.Sc. -28- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. Zn(s) + Cu2+(aq) U Zn2+(aq) + Cu(s) Figure 1.6. : Une cellule électrochimique (pile) consiste en deux réactions redox séparée. Dans ce cas, 2+ l'oxydation de Zn et la réduction de Cu , connectés par un fil pour permettre aux électrons de s'écouler entre les deux. Un pont salin de KCl concentré est utilisé pour compléter le circuit électrique. KCl est utilisé parce que + K et Cl ont des propriété de transporte de courant (mobilité) similaires, de sorte que le courant global peut être transporté par des ions se déplaçant dans l'une ou l'autre direction avec une même facilité. Donc du côté gauche de la cellule, le zinc est oxydé en Zn2+, alors que du côté droit de la cellule, le Cu2+ est réduit en cuivre. Les électrons circulent via les électrodes de zinc et de cuivre, et le circuit électrique est complété en ajoutant un pont salin contenant une solution concentrée de KCl. Lorsque les électrons se déplacent de la gauche vers la droite, il y a un mouvement de compensation de charge à travers le pont salin avec le Cl- de déplaçant dans le compartiment gauche et K+ se déplaçant vers la droite. Si les électrodes de Zn et Cu sont connectés, alors les électrons s'écoulent du Zn vers le Cu alors que des ions Zn2+ sont formés et que des ions Cu2+ sont réduits. Alors que la réaction se déplace vers l'équilibre, la force motrice (∆G) diminue et donc la quantité de travail électrique obtenu de la cellule diminue également. Cependant, supposons que l'on applique une différence de potentiel adéquate entre les électrodes, de sorte qu'elle s'oppose aux effets de la cellule électrochimique, comme montré dans la figure 1.7., lorsque la différence de potentiel appliquée augmente, le courant s'écoulant dans le circuit va diminuer. A un certain point, le point neutre, aucun courant ne s'écoule parce que la différence de potentiel est exactement égale à celle de la cellule électrochimique. Sous ces conditions, la différence de potentiel est égale à la force électromotrice de la cellule. Si la différence de potentiel appliquée est augmentée au delà de cette valeur, le courant va s'inverser, c'est à dire que la réaction de cellule va se dérouler dans la direction opposée Gillet Steve, D.Sc. -29- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. Zn2+(aq) + Cu(s) → Zn(s) + Cu2+(aq) Figure 1.7. : Une cellule électrochimique pour la mesure de la force électromotrice. En appliquant un potentiel s'opposant à celui de la cellule électrochimique, le courant s'écoulant dans le fil diminue. En ajustant le potentiel, par exemple en utilisant une résistance, le courant peut être arrêté. Dans ces conditions, le potentiel appliqué est égale à la force électromotrice de la cellule. La thermodynamique des cellules réversibles La première loi de la thermodynamique établit que ∆U = ∆q + ∆w Pour une cellule électrochimique, ∆w, le travail effectué sur le système, consiste en travail effectué sur l'environnement (-P∆V) et le travail électrique fait (-∆wélec). Ainsi ∆U = ∆q - P∆V - ∆wélec Maintenant à pression constante ∆H = ∆U + P∆V et donc ∆H = ∆q - ∆wélec Gillet Steve, D.Sc. -30- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. Comme ∆G = ∆H – T∆S il s'en suit que ∆G = - ∆wélec pour une cellule électrochimique se déroulant à pression constante. Donc ∆G mesure la quantité de travail utile que l'on peut obtenir d'une cellule électrochimique. Supposons que la réaction comprenne le transfert de n électrons (par exemple, n = 2 dans le cas du zinc et du cuivre). Alors le travail effectué en transportant n électrons à travers une différence de potentiel E est donnée par ∆wélec = nFE où F, la constante de Faraday, est une constante de conversion égale à 96,5 kJ V-1 mol-1. Donc nous arrivons à l'équation ∆G = - nFE pour tous les processus de cellule réversibles. La mesure de la force électromotrice (E) d'un processus rédox donne directement ∆G, pour autant que le nombre d'électrons (n) impliqués dans le processus soient connus. Une équation comparable relie la force électromotrice de la cellule dans des conditions standards (E°) avec la variation d'énergie libre quand les réactifs et les produits sont dans leur état standard (∆G°) ∆G° = - nFE° Comme indiqué au début de cette section, la force électromotrice d'une cellule (E) en quelque sorte une forme déguisée de la variation d'énergie libre de la réaction de la cellule (∆G). Cependant, le "déguisement" est plus subtile qu'il ne semble de prime abords, puisque ∆G est une fonction d'état extensive, alors que E est intensive. Il s'en suit que les valeurs de E ne peuvent être additionnées ou soustraites de la même façon que les valeurs de ∆G. Il y a certaines circonstances dans lesquelles les valeurs de E doivent être soustraites, mais pour des calcules thermodynamiques, dont l'objectif est d'étudier les énergies de la réaction rédox, il est essentiel de convertir les valeurs de E en ∆G avant d'ajouter et soustraire les composants de la réaction globale. Cellules et demi-cellules En principe, toute réaction qui fait intervenir un transfert d'électrons peut être utilisée comme base d'une cellule électrochimique. Toute réaction de ce type peut être divisée en un processus d'oxydation et un processus de réduction, et la cellule est arrangée de façon à ce que ces processus se réalisent dans des compartiments séparés. La réaction qui se réalise dans chaque compartiment est connue comme une réaction de demi-cellule (demi-réaction), Gillet Steve, D.Sc. -31- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. et par convention les réactions de demi-cellules sont toujours écrites comme des processus de réduction Ox + n e- → Red où Ox et Red se réfèrent aux espèces oxydée et réduite respectivement. Donc pour la cellule électrochimique de zinc et de cuivre discutée ci-dessus, les deux demi-réactions sont Zn2+(aq) + 2 e- → Zn(s) Cu2+(aq) + 2 e- → Cu(s) La cellule est faite par combinaison de deux demi-cellules, pour donner la réaction de cellule globale, équilibrée, dans laquelle il n'y a pas d'électrons libres Zn2+(aq) + Cu(s) → Zn(s) + Cu2+(aq) Types de demi-cellules Nous allons brièvement aborder, ici, les plus importants types de demi-cellules. Une électrode métallique dans une solution de ses ions Il en existe beaucoup d'exemples, comme Zn2+(aq) + 2 e- → Zn(s) Zn2+(aq)⏐Zn(s) Ag+(aq) + e- → Ag(s) Ag+(aq)⏐Ag(s) Un gaz en contact avec une solution de ses ions L'exemple le plus connu en est l'électrode d'hydrogène 2 H+(aq) + 2 e- → H2(g) H+(aq)⏐H2(s), Pt L'hydrogène gazeux est bullé sur une électrode de noir de platine. Cela provoque la dissociation des molécules d'hydrogène et mène à la formation en une couche monoatomique d'hydrogène en contact avec la solution d'ions H+. Des électrodes de chlore et d'oxygène peuvent être construites de la même façon. Gillet Steve, D.Sc. -32- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. Deux états d'oxydation différents de la même espèce Dans ce cas, une électrode inerte, de Pt par exemple, permet aux électrons de pénétrer ou de quitter la solution. Par exemple, Fe3+(aq) + e- → Fe2+(aq) Fe3+(aq), Fe2+(aq) ⏐ Pt Sn4+(aq) + 2 e- → Sn2+(aq) Sn4+(aq), Sn2+(aq) ⏐ Pt Fe(CN)63-(aq) + e- → Fe(CN)64-(aq) Fe(CN)63-(aq), Fe(CN)64-(aq) ⏐ Pt Métal en contact avec son sel insoluble Ici, un métal est couvert d'une mince couche d'un de ses sels insolubles, lequel est en contact avec une solution contenant l'anion du sel insoluble. Les deux exemples les plus communs en sont AgCl(s) + e- → Ag(s) + ClHg2Cl2(s) + 2 e- → 2 Hg(l) + 2 Cl- Cl-(aq) ⏐ AgCl(s), Ag(s) Cl-(aq) ⏐ Hg2Cl2(s), Hg(l) cette dernière est connue comme "électrode au calomel" et est souvent utilisée comme électrode de référence. Potentiels d'électrode La force électromotrice d'une cellule (E) est égale à la différence de potentiel entre les électrodes dans deux demi-cellules. Malheureusement, il est impossible de mesurer directement la différence de potentiel entre une électrode et l'électrolyte environnant, et donc il n'est pas possible de mesurer la valeur absolue du potentiel de chaque électrode. Cependant, il est possible de mesurer la différence entre les potentiels de deux demi-cellules lorsqu'elles sont reliées sous forme d'une cellule électrochimique, et donc une série de valeurs relatives peuvent être obtenues si chaque demi-cellule est combinée avec une demicellule standard. L'électrode d'hydrogène a été choisie comme demi-cellule standard et son potentiel d'électrode standard (E°) a été arbitrairement fixée à 0 V. La demi-réaction de cette électrode est 2 H+(aq) + 2 e- → H2(g) et lorsque chaque composant est dans son état standard (H2, 1 atm ; H+ une solution idéale de 1M) le potentiel d'électrode est fixé à 0 V. Gillet Steve, D.Sc. -33- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. Le potentiel d'électrode standard de toute autre électrode est défini comme la force électromotrice de la cellule dans laquelle la demi-cellule d'intérêt, avec chaque composant à l'état standard, est combinée avec l'électrode d'hydrogène standard. Une valeur négative de E°, qui correspond à une valeur positive de ∆G°, implique que la forme oxydée est favorisée par rapport à la forme réduite, dans les conditions standard. Par exemple, l'hydrogène ne va pas réduire Zn2+ en zinc. De même, une valeur positive de E°, qui est équivalent à une valeur négative de ∆G°, signifie que la forme réduite est favorisée par rapport à l'état oxydé dans les conditions standard. Donc l'hydrogène va réduire Cu2+ en cuivre. Les potentiels d'électrode sont également parfois appelés potentiels rédox et, en général, plus l'agent oxydant est fort, plus le potentiel rédox est positif. L'équation de Nernst Tout comme le ∆G d'une réaction est fonction de la concentration des réactifs et des produits, E, pour un processus de transfert d'électrons est également une fonction des concentrations des participants. Considérons la demi-réaction générale Ox + n e- → Red et supposons que les participants dans ce processus de transfert d'électrons peuvent s'équilibrer avec une électrode inerte (M). A l'équilibre, µ ox (aq) + nµ e− = µ red (aq) Notons que nous devons utiliser, ici, la fonction de potentiel électrochimique ( µ ), parce que tout mouvement net de charge vers, ou à partir, d'une électrode va générer une différence de potentiel entre l'électrode et la solution. L'extension de cette équation en utilisant la définition de µ donne o µoox + RT ln[ox] + zoxFΦ$ + nµe− (M) − nFΦM = µred + RT ln[red] + zredFΦ$ où Φ$ et ΦM sont les potentiels électriques de la solution et de l'électrode inerte, et où zox et zred sont les charges transportées par les espèces oxydées et réduites. En réarrangeant en regroupant les termes de potentiel électrique et de concentration, on obtient Gillet Steve, D.Sc. -34- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. o o zredFΦ$ − zoxFΦ$ + nFΦM = µox − µred + nµe− (M) + RT ln [ox] [red] et en notant que zox – zred = n, on obtient ΦM −Φ$ = o µoox − µred + nµe− (M) nF + RT [ox] ln nF [red] cependant, par définition, ΦM - Φ$ = E, le potentiel de Nernst, et comme E = E° lorsque les espèces oxydées et réduites sont dans leur état standard E = E° + RT [ox] ln nF [red] C'est l'équation de Nernst pour la dépendance du potentiel rédox à la concentration, correspondant à la demi-réaction généralisée. Une équation similaire peut être déduite de la dépendance de la force électromotrice d'une cellule électrochimique à la concentration. Une des approches consiste à noter que la force électromotrice est le résultat net de deux demiréactions, chacune donnant naissance à un potentiel rédox, avec une dépendance à la concentration donnée par l'équation de Nernst. Ainsi, si on a les deux demi-réactions A + n e- → C et D + n e- → B On obtient pour la réaction globale E = E° + RT [A][B] ln nF [C][D] On peut également prendre l'expression de la dépendance de la variation d'énergie libre à la concentration pour une réaction A + B ƒ C+D ∆G = ∆G° + RT ln Gillet Steve, D.Sc. [C][D] [A][B] -35- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. et sachant que ∆G = -nFE, on obtient E = E° + RT [A][B] ln nF [C][D] Effet de la température sur les valeurs de force électromotrice d'une cellule L'équation de définition de l'énergie libre de Gibbs, G = H – TS, montre que les variations d'énergie libre sont fonction de la température. Une conséquence en est la variation de la constante d'équilibre avec la température et une autre, en est la dépendance du potentiel mesuré à la température dans les cellules électrochimiques. ∆G = ∆H - T∆S et si ∆H et ∆S sont indépendants de la température, δ(∆G) = −∆S δT comme la force électromotrice d'une cellule électrochimique est directement relié à la variation d'énergie libre de la réaction de la cellule ∆S = − δ(∆G) δE = nF δT δT Cette relation montre que la variation d'entropie pour une réaction peut être calculée à partir de la dépendance de la force électromotrice de la cellule correspondante, à la température. Calcul de quantités thermodynamiques à partir de données électrochimiques Les cellules électrochimiques sont des outils utiles pour l'étude des propriétés thermodynamiques des réactions de la cellule parce qu'ils peuvent être utilisés de façon Gillet Steve, D.Sc. -36- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. réversible. Les relations suivantes existent entre les mesures de E ou E° et ∆G, ∆S, ∆H et la constante d'équilibre K ∆G = -nFE ∆S = nF δE δT ∆H = ∆G + T∆S = −nFE + nTF − K=e Le lien direct thermodynamiques entre les ∆G ° RT =e mesures δE δT nFE ° RT électrochimiques et les paramètres d'une réaction peut fournir un moyen pratique de calcul de telles quantités comme constantes d'équilibre. Plus important, encore, il n'est pas nécessaire de construire des cellules hypothétiques lorsque l'on cherche à travailler de telles données. Electrodes de référence Quoiqu'on leur fasse (dans les limites du raisonnable), elles maintiennent leur potentiel. Nous allons voir, ici, le montage de certains des types les plus communs. Electrode de calomel La demi-cellule de calomel est un exemple de demi-cellule métal, sel insoluble, ion (Cl- ⏐ Hg2Cl2, Hg). Le mercure est en contact avec une pâte de chlorure de mercure solide et de chlorure de potassium, qui elle-même trempe dans une solution d'activité (concentration) connue d'ions chlorure. La réaction de cellule est Hg2Cl2(s) + 2 e- → 2 Hg(l) + 2 Clet l'équation de Nernst donne le potentiel E = cte − RT ln(aCl− ) F La constante inclut le potentiel d'électrode standard de la demi-cellule de mercure et le produit de solubilité du calomel. On voit que si l'activité en chlorure est maintenue Gillet Steve, D.Sc. -37- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. constante (par exemple, en utilisant une solution saturée), alors le potentiel de la demicellule est fixé. L'oxyde de mercure et l'hydroxyde de potassium peuvent servir d'alternative aux chlorures, pour donner une électrode de référence qui est utile dans les environnements alcalins. Si la réaction d'intérêt est dépendante du pH, la solution d'hydroxyde peut être omise et l'électrode directement utilisée dans la solution. Lorsque le pH change, la variation de potentiel de l'électrode de référence compense pour celle de l'électrode de travail. Electrode d'argent – chlorure d'argent Un autre exemple d'électrode de métal, sel insoluble, ion, est l'électrode d'argent – chlorure d'argent. Celle-ci est habituellement constituée d'un fil enrobé, obtenu par anodisation d'un fil d'argent dans du chlorure de potassium jusqu'à ce qu'un film de chlorure d'argent gris clair ait recouvert la surface, ou en oxydant le fil avec du chlorure ferrique. En fixant la concentration de chlorure, le potentiel est fixé et la demi cellule peut être utilisée comme une référence. L'électrode peut être miniaturisée et est donc très utile pour la fabrication de senseurs. Electrode d'hydrogène de référence L'électrode d'hydrogène est une électrode de référence utile pour les environnements acides ou basiques. La réserve d'hydrogène pure limite quelque peu la facilité d'utilisation de cette électrode, mais ce problème est détourné dans l'électrode à hydrogène dynamique. Une petite cellule est construite avec des électrodes de noir de platine et un courant d'environ 2 mA y est appliqué, avec l'hydrogène étant impliqué à la cathode et l'oxygène à l'anode. Le potentiel à la cathode va seulement différer de quelques millivolts du potentiel à circuit ouvert de l'électrode d'hydrogène, à cause de l'activité élevée du platine et du faible courant. Soit le survoltage est ignoré, soit la cellule est calibrée par rapport une référence connue. Comme l'électrode à oxyde de mercure, l'électrode à hydrogène peut être utilisée directement dans une solution de pH variable. 1.4. Corrosion Introduction La corrosion est le processus d'oxydation spontané d'un métal dans lequel la réaction cathodique a également lieu sur le métal, ou sur une surface en contact électronique avec lui. C'est un phénomène omniprésent dans le monde. Le fait que tous les métaux, à l'exception de l'or, sont thermodynamiquement instables en présence d'oxygène, en milieu Gillet Steve, D.Sc. -38- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. acide, cèle le destin de toutes nos fabrications métalliques. Le fait que nous ayons besoin de mettre tant d'énergie dans l'extraction des métaux à partir de leurs minerais suggère d'ailleurs qu'à la première occasion, ils retourneront à la stabilité confortable d'un oxyde. Le coût de cet inévitabilité thermodynamique est énorme pour notre société moderne. Les voitures rouillent, les derricks s'effondrent, les métaux, pour autant qu'ils soient exposés à l'atmosphère et à l'humidité finissent toujours par se dégrader. Dans cette section, nous allons explorer le monde de la corrosion et montrer comment la connaissance des processus impliqués nous donne une chance de ralentir, sinon de stopper totalement, ces réactions. Électrochimie de la corrosion Nous développerons le principe de la corrosion à partir de la cellule (pile) de Daniell, dont vous avez déjà certainement entendu parler. Imaginez ce qui se passe si un fil est connecté entre les électrodes. Le courant va s'écouler à mesure que le zinc est oxydé (corrodé) et le cuivre déposé (figure XXXXX a). Imaginons maintenant ce fil électrique de plus en plus petit, jusqu'à ce que les électrodes de cuivre et de zinc soient connectées dans l'électrolyte, qui contient à présent seulement du sulfate de cuivre (figure XXXXXX b). La réaction aura toujours lieu. Poursuivons notre développement imaginaire et réduisons le cuivre à de minuscules inclusions à la surface du zinc (figure XXXXX c) et finalement, réalisons que la galvanisation Gillet Steve, D.Sc. -39- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. du cuivre était juste une réaction pratique pour arracher des électrons du zinc, mais que n'importe quelle réaction ferait l'affaire, par exemple, la réduction de l'oxygène (figure XXXXX d). Ce à quoi nous sommes parvenus est une image explicite de la façon dont le zinc peut se corroder dans une solution aérée. A certains endroits particuliers de la surface, l'oxygène dissous est réduit par les électrons libérés par l'oxydation du zinc. Ces endroits où l'oxygène est réduit ne sont pas nécessairement des impuretés (bien que cela aide). La corrosion peut prendre place sur une surface homogène si les conditions thermodynamiques le dictent. En pratique, toutefois, il y a toujours certains sites particuliers plus favorables à la réduction. La thermodynamique de la corrosion La corrosion est un phénomène spontané (du fait qu'il possède une variation d'énergie libre négative). Cependant, contrairement aux piles, desquels une énergie utilisable est produite, l'énergie libérée lors de la corrosion est perdue. C'est cet aspect de la corrosion qui va nous permettre de déterminer dans quelles circonstances un métal va se corroder. Stabilité des métaux Pour déterminer si un métal va se corroder, nous devons chercher une demi-réaction qui puisse avoir lieu et dont le potentiel d'électrode soit plus positif que celui du métal. Alors, selon les lois de construction d'une cellule électrochimique, cette demi-réaction deviendra la cathode et le métal sera oxydé à l'anode. Les deux seuls candidats pour ce travail sont l'eau, qui est réduite en hydrogène 2 H2O + 2 e- → H2 + 2 OH- (1) ou l'oxygène qui est réduit en eau O2 + 2 H2O + 4 e- → 4 OH- (2) La demi réaction faisant intervenir le cuivre, que nous avons utilisée initialement n'est pas une possibilité. En effet, personne ne vient arroser les voitures du parking avec une solution de sulfate de cuivre. Elles peuvent rouiller tranquillement dans des conditions aérées et humides qu'elles connaissent chaque jour. Gillet Steve, D.Sc. -40- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. Notons que pour comparer les potentiels des électrodes il faut connaître la concentration des ions métalliques si ils sont relargués en solution, la concentration en oxygène, si le gaz est réduit et le pH, puisque le potentiel des deux réductions dépend de la concentration en H+ ou OH-. En outre, si le métal se trouve dans une solution contenant des ions avec lequel il peut complexer (souvent le chlorure de l'eau salée), alors la corrosion sera accélérée. C'est un Français, Marcel Pourbaix, qui entreprit le projet titanesque de déterminer les limites de stabilité de tous les métaux. Le document résultant de cette entreprise (l'atlas des équilibres électrochimiques en solutions aqueuses) est le point de départ de nombreuses considérations sur la forme la plus stable d'un élément. Les diagrammes de Pourbaix Un diagramme de Pourbaix est un graphique de potentiel en fonction du pH et sur lequel, sont montrées les limites de stabilité de composés d'un élément, contenant l'élément (bien entendu), l'hydrogène et l'oxygène. Lorsque le chlorure et d'autres ions sont considérés, la stabilité des complexes de cet ion est également incluse. Superposées sur chaque diagramme de Pourbaix, on retrouve les lignes correspondant au potentiel d'équilibre des demi-réactions données en (1) et (2). La figure XXXXXX montre le diagramme de Pourbaix du nickel. Les lignes de l'oxygène et de l'hydrogène représentent l'équation de Nernst appliquées aux équations (1) et (2), c'est à dire E = -0,059 pH (3) E = 1,23 – 0,059 pH (4) Gillet Steve, D.Sc. -41- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. La limite de stabilité d'une espèce en solution (ex. Ni2+) est arbitrairement fixée à 10-6 mol dm-3. Donc la ligne horizontale de la figure XXXX séparant Ni de Ni2+ est obtenue à partir de l'équation de Nernst pour Ni2+ + 2 e- U Ni (5). Soit E = E° + 2,303 RT log[Ni2+ ] = −0,25 − 0,03 × 6 = −0,43V 2F La ligne est horizontale parce que le pH n'a pas d'effet sur la stabilité. Dans le cas de la séparation entre Ni2+ et NiO, la ligne verticale à environ pH = 9 indique que l'équilibre ne fait pas intervenir une réaction électrochimique et que donc, le potentiel n'a aucun effet sur la stabilité : NiO + 2H+ U Ni2+ + H2O (6). Un diagramme de Pourbaix est utilisé pour déterminer les limites de stabilité d'un métal par observation de la relation entre la région du diagramme occupée par le métal et les lignes de l'oxygène et hydrogène. En présence d'oxygène, il n'y a aucun pH auquel le nickel soit stable. Si l'oxygène est exclu, le nickel métallique ne peut résister qu'à pH > 9, où il y a une étroite région dans laquelle le nickel existe au dessus de la ligne d'équilibre de l'hydrogène. "Holà !", puis-je vous entendre objecter, "Pourquoi existe-t-il encore des pièces de monnaie en nickel partout dans le monde ?". C'est simplement du au fait que la réaction thermodynamiquement spontanée indiquée par le diagramme de Pourbaix est limitée par la cinétique du processus. En fait, le nickel passive, une couche d'oxyde à la surface protégeant le reste du métal de toute attaque. Donc, avant de demander quelle peut-être dès lors l'utilité pratique du diagramme de Pourbaix, il faut savoir que la spontanéité thermodynamique est une condition nécessaire pour la corrosion (qui n'aura pas lieu sans un ∆G négatif), mais pour savoir si une chose se corrode à une vitesse raisonnable, nous devons comprendre la cinétique de la corrosion également. Cinétique de la corrosion Lors de la discussion sur la cinétique de la corrosion, nous allons faire appel à toutes les notions d'électrochimique que vous avez pu voir durant vos études, mécanismes, électrocatalyse, électrolytes, etc. Nous devrons identifier les étapes limitantes des processus de corrosion puisque c'est sur ces dernières que nous devrons focaliser notre attention pour trouver un moyen de protéger nos fabrications de la corrosion. Rappelons-nous que la vitesse de la corrosion est simplement donnée par le courant, donc notre attention doit être dirigée vers cette quantité. Commençons par une brève introduction sur les façons d'exprimer la vitesse de corrosion. Gillet Steve, D.Sc. -42- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. Unités de corrosion Les personnes qui sont couramment confrontées à la corrosion ont développé un bon nombre de façons pratiques de définir la corrosion. Certaines des plus populaires sont : le millième de pouce par année (mpy), le mg par dm2 par jour (mdd) et le millimètre de pénétration par an (mmpy). Pour vous donner une idée, un courant de corrosion de 8 µA cm2 sur l'acier correspond à 20 mdd. Il est possible de convertir les valeurs d'un système à l'autre, si la densité du matériel est connue. Potentiel et courant de corrosion En définissant le potentiel de corrosion, nous devons réaliser que le potentiel entre les sites cathodiques et anodiques, sur un métal se corrodant, peut être pratiquement nul. Lorsque nous avons mis en circuit la pile de Daniell avec un fil, nous avons relié le potentiel de la cathode à celui de l'anode. La tension de la cellule est zéro (le cas où il y a une résistance substantielle entre l'anode et la cathode sera traité ultérieurement), mais le métal peut toutefois avoir un potentiel qui puisse être mesuré, par rapport à une électrode de référence externe. C'est ce potentiel qui est connu comme "potentiel de corrosion". En termes plus généraux, lorsque plus d'une réaction électrochimique se déroulent à une électrode, le potentiel est connu sous le terme de "potentiel mixte", ce qui est illustré à la figure XXXXXX. Le courant de corrosion sera limité et donc défini par l'étape la plus lente du cycle des réactions de l'électrode. Les candidats sont les suivants : - Réaction de transfert d'e- à l'anode. - Migration ou diffusion des ions et des espèces neutres à travers l'électrolyte. - Réaction de transfert d'e- à la cathode. Gillet Steve, D.Sc. -43- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. Puisque nous ne travaillons pas avec de jolies électrodes de 1 cm2, la surface disponible aux réactions peut être vitale pour la vitesse de corrosion, comme nous le verrons dans quelques exemples pratiques ultérieurement. Oublions pour un moment ce qui se passe au niveau de l'électrolyte et considérons ce qui se passe lorsque des électrodes de notre pile de Daniell sont mises en circuit. Juste avant que cela n'arrive, l'électrode de cuivre se trouve à un potentiel d'environ 0,34 V (p.r. à l'électrode standard d'hydrogène, ESH) et le zinc est à – 0,76 V. Lorsqu'elles sont connectées ensemble et que le courant circule à une vitesse toujours croissante, le potentiel du cuivre tombe, à mesure que le Cu2+ est réduit en Cu, et le potentiel du zinc augmente à mesure que Zn est oxydé en Zn2+. La situation d'état stationnaire a lieu lorsque suffisamment de courant circule pour rendre les potentiels de chaque électrode égaux. Ce potentiel est le potentiel de corrosion. Les diagrammes d'Evans Une façon élégante de montrer le potentiel et courant de corrosion, ainsi que la façon dont ils sont affectés par le changement de conditions, a été proposée par Evans. Si les courbes de potentiel en fonction du courant des réactions cathodiques et anodiques sont représentées, sur le même graphique et dans le même quadrant (c'est-à-dire sans tenir compte du fait que le courant soit cathodique ou anodique), leur intersection donne le courant et la tension de corrosion. Le logarithme du courant peut également être utilisé pour donner un tracé de Tafel des réactions d'électrode. Les courbes de la figure XXXXXX peuvent vous amener à supposer que la tension de corrosion est environ à mi chemin entre les potentiels d'équilibre de l'anode et de la cathode. C'est seulement le cas si les courbes de courant vs tension pour chacun sont symétriques. Gillet Steve, D.Sc. -44- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. L'effet de différents paramètres électrochimiques sur la corrosion est plus visible dans la relation de la réaction cathodique. Fixons la réaction anodique comme étant l'oxydation du zinc. Il y a trois paramètres qui peuvent changer : le potentiel d'équilibre (c'est à dire si il y a différents processus cathodiques) ; le courant échangé (différents électrocatalyseurs, surface, concentrations de réactifs) ; et le coefficient de transfert α (le mécanisme de la réduction). Les figure XXXX à XXXXX montrent chacun d'eux tour à tour. Gillet Steve, D.Sc. -45- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. Avoir à disposition une réaction cathodique avec un potentiel d'équilibre plus positif (par exemple, la réduction de l'oxygène au lieu de celle de l'eau pour donner de l'hydrogène), peut conduire à un accroissement de la corrosion et à un potentiel de corrosion plus élevé (figure xxxxxxx). Notons que ce n'est pas toujours le cas. Si la cinétique de réduction de l'oxygène est très lente, la formation de l'hydrogène peut être favorisée, même si thermodynamiquement, ce n'est pas le cas. Un courant d'échange (Io) plus élevé conduit à une meilleure cinétique (par exemple dans le cas improbable de présence d'impuretés de platine à la surface, cela augmenterait considérablement la formation d'hydrogène). Une plus grande surface disponible pour la réduction ou une plus grande concentration des réactifs (p. ex. l'oxygène) repoussent l'intersection des courbent et donc, conduisent à une vitesse de corrosion accrue. Si les courbes de Tafel augmentent, le point d'intersection se déplace à nouveau vers des courants de corrosion plus élevés. Souvent, les courants ne sont pas limités par le transfert d'électrons, mais par la diffusion. C'est ce qui est indiqué par une ligne verticale dans les diagrammes d'Evans. L'effet des différents courants limitant est illustré à la figure XXXXXX. Une autre observation qui peut être faite, à partir des diagrammes d'Evans, est que le potentiel de corrosion est déplacé vers le potentiel d'équilibre de l'électrode la plus active. Finalement, si il y a une résistance appréciable entre les sites anodiques et cathodiques, alors le potentiel requis pour faire parcourir le courant dans cette résistance doit être pris en compte dans la construction du diagramme d'Evans. Cette situation peut se Gillet Steve, D.Sc. -46- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. produire lorsque les sites anodiques et cathodiques sont largement séparés et qu'il n'y a pas d'ions disponibles pour agir comme électrolytes. La différence de potentiel galvanique entre le métal et la solution est à présent différent à l'anode et à la cathode parce que a potentiel de la solution a changé d'une quantité IR, où I est le courant de corrosion et R la résistance de la solution. Ce qui est illustré à la figure XXXXXXXX. Calcul du potentiel et du courant de corrosion • Le cas le plus simple se présente lorsqu'une réaction est limitée par la diffusion (figure XXXXXXX). Le courant de corrosion est alors le courant, limité par la diffusion, de cette réaction et le potentiel de corrosion est donné par le potentiel de l'autre réaction (non limitée) à ce courant. Dans l'exemple de la figure XXXXXXX, si la corrosion du zinc est dans la région de Tafel et le courant limitant de réduction de l'oxygène est Ilim,O2 , η = ∆ϕcorr - ∆ϕref = ∆ϕ e + • RT RT ln(Ilim,O2 ) − ln(Io ) − ∆ϕ ref (8). αF αF Si les deux réactions électrochimiques (désignées a pour anodique et c pour cationique) sont données par l'équation de Tafel, on obtient deux équations à 2 inconnues : ηa = ∆ϕcorr - ∆ϕe,a = − RT RT ln(Icorr ) − ln(Io,a ) (9) et ηc = ∆ϕcorr - ∆ϕe,c = α aF α aF RT RT ln(Icorr ) − ln(Io,c ) (10). Notons que cette dernière équation est affectée d'un α cF α cF signe (-). Gillet Steve, D.Sc. Les expressions pour Icorr et ∆ϕcorr sont donc : -47- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. ra o,a rc o,c ⎛⎜ [ α a +α c ]F[ ∆ϕ e,a +∆ϕ e,c ] ⎞⎟ ⎟⎟ ⎜⎜ ⎜⎝ RT ⎠⎟ Icorr = I ×I × e ∆ϕ corr = α a∆ϕ e,a + α c ∆ϕ e,c αa + αc + (11), où ra = αa αc et rc = et (α a + α c ) (α a + α c ) ⎛I ⎞ RT ln ⎜⎜⎜ o,c ⎟⎟⎟ (12). (α a + α c )F ⎝⎜Io,a ⎠⎟ Ces équations assez complexes sont relativement simples à résoudre lorsque αa = αc = 0,5. Dans ce cas, la tension de corrosion est la moyenne des tensions d'équilibre des réactions anodiques et cathodiques plus RT ⎛⎜Io,c ⎞⎟ ln ⎜ ⎟⎟ . Si le courant d'échange de la réaction F ⎜⎜⎝Io,a ⎠⎟ cathodique est plus grand que celui de la réaction en anodique, le courant est positif et le potentiel de corrosion se déplace dans la direction du potentiel d'équilibre cathodique. Si Io,c < Io,a, au contraire, le potentiel de corrosion se déplace dans la direction négative, c'est à dire vers le potentiel d'équilibre anodique. Appareil de mesure de la corrosion Il est possible d'acheter des appareils de mesure de la corrosion qui évaluent la corrosion à partir de la mesure de la tension de corrosion et de l'approximation à champ réduit de l'équation de Butler – Volmer, ce qui donne : ⎛ ξ + ξ ⎞⎟ dI a ⎟⎟ (13) = Icorr ⎜⎜⎜ c dη ⎝⎜ ξc ×ξa ⎠⎟ ⎛ RT ⎞⎟ ⎟ et ξa est la ⎜⎝ α cF ⎠⎟⎟ dans laquelle ξc est la courbe de Tafel pour la réaction cathodique ⎜⎜ ⎜ courbe de Tafel de la réaction anodique. Passivation Nous avons déjà abordé le fait que les métaux ne s'évanouissent pas toujours dans un nuage de rouille à la première occasion, à cause d'une mince couche d'oxyde, qui, initialement, s'est formée à la surface, et protège le métal qu'il recouvre de toute nouvelle attaque. C'est ce qu'on appelle la passivation. Le phénomène a été observé il y a un peu moins de deux siècles lorsque, à la surprise de tous, le fer s'est révélé non corrodable dans l'acide nitrique concentré, alors qu'il se dissolvait volontiers dans une solution diluée d'acide. L'acide nitrique concentré est un agent oxydant tellement efficace qu'il forme rapidement un Gillet Steve, D.Sc. -48- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. film de protection par passivation. La courbe de courant en fonction de la tension d'un métal qui passive est montré à la figure XXXXXX. Lorsqu'un métal tel que le fer est déplacé de son potentiel d'équilibre dans la direction de l'anode, il commence à se corroder, donnant différentes espèces de fer (II) (p. ex. Fe2+, Fe(OH)+, Fe(OH)2). Le courant augmente jusqu'au maximum en assez bonne concordance avec ce qui est attendu. Soudain, cependant, le courant, au lieu d'augmenter avec la tension, tombe à une très faible valeur. Le potentiel de passivation est le potentiel auquel la chute a lieu, et le potentiel de Flade est le potentiel lorsque le courant faible est finalement établi. Tous les métaux ne passivent pas, même si des oxydes sont formés. Le film d'oxyde, qui a une épaisseur de quelques centaines de nanomètres, qui croit avec l'augmentation de potentiel, doit ne pas permettre aux électrolytes d'atteindre les couches inférieures. La table ci dessous donne quelques potentiels de passivation de métaux dans une solution acide. A potentiels anodiques élevés, le courant augmente à nouveau. Métal Potentiel de passivation p. r. à ESH (25°C, pH = 0) Titane - 0,24 V Chrome - 0,22 V Nickel + 0,36 V Argent + 0,40 V Fer + 0,58 V Platine + 0,91 V Or + 1,36 V Gillet Steve, D.Sc. -49- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. Exemples de corrosion Il paraît évident que tous les morceaux d'un objet métallique ne vont pas se corroder uniformément et à la même vitesse. L'étude d'exemples pratiques ne consiste donc pas tant à se demander si un objet va se corroder (la réponse étant invariablement "oui"), mais plutôt où cela va-t-il arriver ? Les exemples suivants de corrosion vont également montrer que la loi de Murphy est bien une réalité dans ce monde. La corrosion dans les fentes Il est connu depuis longtemps que les imperfections dans les métaux, que ce soit des impuretés ou des défauts physiques, semblent accroître la vitesse de corrosion. Considérons une fente dans une pièce de métal (figure xxxxxxx). Par capillarité, entre autre, la fente va accumuler de l'humidité à sa base. Si la réduction de l'oxygène est la réaction cathodique favorisée, la concentration d'oxygène va diminuer à mesure que le gaz est réduit et la lenteur de la diffusion à l'intérieur de l'espace confiné de la fente ne permet pas son approvisionnement. Ce n'est pas un grand problème, parce que l'oxygène peut de réduire à n'importe quel endroit de la surface disponible (à l'ouverture de la fente, par exemple). La réaction anodique, la dissolution du métal, prend donc place au fond de la fente et donc favorise sa propagation. Si l'hydrogène est impliqué dans la réaction cathodique, cela peut se réaliser dans la fente elle-même; laquelle a habituellement un pH se trouvant aux environs de 4, quel que soit le pH du milieu dans lequel le métal se trouve. La fragilisation par l'hydrogène devient alors possible (nous y reviendrons ultérieurement). La mesure du pH et du potentiel donne un point sur le diagramme de Pourbaix qui peut être utilisé pour déterminer si la corrosion ou la fragilisation par l'hydrogène risquent de se produire. Gillet Steve, D.Sc. -50- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. Corrosion au niveau des rayures Rayures dans un métal peint Ne vous êtes-vous jamais demandé pourquoi, même la plus minime des écailles, dans la peinture d'une voiture, rouillait si rapidement ? Suivi par de plus en plus d'écaillage de peinture ? L'électrochimie possède la réponse, qui repose sur des considérations telles que : où la réduction de l'oxygène va-t-elle prendre place préférentiellement et où le métal va-t-il se corroder ? La figure xxxxxxx résume bien le tout. La plupart de la surface de la rayure ou de l'éclat, est exposé à l'atmosphère, et le maximum de concentration en oxygène dissous se situera juste au centre du film d'humidité recouvrant l'éclat. L'oxydation du métal sera alors reléguée aux bords de l'éclat. A mesure qu'il y a corrosion, la peinture entourant l'éclat perd donc peu à peu le métal sur lequel elle repose, ce qui provoque un agrandissement de l'éclat. Rayures dans le plaquage d'un métal Le plaquage d'un métal sur un autre, est souvent utilisé, soit pour minimiser la quantité utilisée d'un métal précieux en le plaquant sur un meilleur marché (p. ex. le plaquage d'or ou d'argent) ou pour protéger le métal recouvert (p. ex. en galvanisant un métal avec du zinc). Ce qui se passe est régit par quel métal (enrobant ou enrobé) est le plus corrodable. Dans le cas de la galvanisation de l'acier par le zinc, une rayure dans le zinc, exposant l'acier qui se trouve en dessous, ne conduira pas à la corrosion de l'acier. L'oxygène peut être réduit sur l'acier, mais la réaction anodique reste cependant l'oxydation du zinc, plus favorable. Dans le cas d'un plaquage à l'étain, par contre, lequel est plus électropositif, une rayure provoquera la dissolution du fer alors que l'étain jouera le rôle de cathode pour la réduction de l'oxygène (figure xxxxxxxxx). Gillet Steve, D.Sc. -51- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. Corrosion due à une différence de concentration en oxygène Certains des exemples que nous venons de voir peuvent être vus comme des corrosions provoquées par une différence de concentration en oxygène (par exemple la corrosion dans les fissures). Un exemple supplémentaire explique pourquoi la corrosion a souvent lieu au raccord entre 2 pièces de métal, et ce, même si il s'agit du même métal. Le raccord (figure xxxxxxxxx) va présenter un électrolyte appauvri en oxygène. Ainsi, le site anodique préféré se trouve au niveau du raccord, et c'est là que le métal va se corroder. Un autre exemple consiste en des structures métalliques partiellement enfoncées dans le sol, ou pire, dans la mer. La concentration en oxygène va donc se corroder juste en dessous de la surface, alors que la partie émergée va servir de cathode. Gillet Steve, D.Sc. -52- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. Corrosion au contact de différents métaux La situation de deux métaux différents en contact est encore pire. Les choix du site anodique ou cathodique n'est plus le fruit du hasard. Le métal le plus électropositif survivra et deviendra la cathode sur laquelle l'oxygène est réduit ou l'hydrogène impliqué, alors que le malchanceux métal électronégatif sera corrodé. Notons toutefois que ce phénomène peut, entre autre, être avantageusement utilisé pour nettoyer l'argenterie. Protection contre la corrosion Protection par application d'un potentiel Protection cathodique Lorsque le potentiel devient plus négatif, le courant pour l'oxydation d'un métal diminue. C'est une propriété fondamentale de ce qui se passe lorsque le potentiel d'une demi-réaction est déplacé de l'équilibre. Dès lors, pour réduire la corrosion, le potentiel du métal se corrodant doit être rendu plus négatif, ce qui peut être fait en utilisant directement une pile ou indirectement en connectant le métal à un autre, plus électronégatif, métal qui, lui, se corrodera. Dans ce dernier cas, le second métal réagit comme anode sacrificielle. La façon dont ces deux exemples de protection cathodique fonctionnent est illustrée à la figure XXXXXX. Gillet Steve, D.Sc. -53- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. Le potentiel qui est appliqué au métal doit être inférieur au potentiel de corrosion et si il est inférieur au potentiel du métal, à circuit ouvert, la corrosion sera totalement prévenue. Le coût est le courant qui doit circuler pour maintenir la tension. Ce courant est fourni par la pile. Le métal de l'anode sacrificielle doit, pour sa part, être facilement corrodable. Lorsque c'est le cas, bien que la vitesse de corrosion soit plus élevée (celle de l'anode sacrificielle, pas celle du métal protégé) le potentiel de corrosion (du métal protégé) est plus négatif que le potentiel de corrosion (toujours du métal protégé) si il ne bénéficiait pas de la protection d'une anode sacrificielle. L'effet sur le métal protégé est donc de diminuer la vitesse de corrosion. Comme on n'a rien sans rien, le résultat global est que la vitesse globale de corrosion augmente, mais cette fois, c'est la corrosion d'un métal que l'on est prêt à sacrifier et remplacer, pour en protéger un autre. En pratique, des anodes sacrificielles de ferrailles sont enterrées le long des pipelines pour les protéger, par exemple. Des bandes de zinc sont également boulonnées le long des coques de bateaux. En fait, la galvanisation en utilisant un plaquage de zinc est précisément une forme de protection cathodique. Affaiblissement par l'hydrogène Un défaut dans la carcasse de la protection cathodique, peut survenir lorsque, par excès de zèle, le métal est rendu trop négatif et que la réaction cathodique devient l'évolution en hydrogène. Cela peut arriver rapidement si la réduction de l'oxygène est limitée, ou si le pH est faible. L'hydrogène intervient dans un mécanisme dont la première étape est la décharge de proton sur la surface de l'électrode pour donner un atome d'hydrogène adsorbé. H2O + e- → Hads + OH- (14) Il arrive que pour certains métaux (y compris le fer), si l'atome d'hydrogène reste accroché suffisamment longtemps, qu'il puisse, à cause de sa très petite taille, se frayer un chemin dans le métal. Des petites quantités d'atomes d'hydrogène peuvent alors s'installer assez aisément dans le réseau du métal, ce qui, en soit, n'affecte pas, outre mesure, la force du réseau. Toutefois, les choses peuvent s'aggraver si de petites cavités dans le métal permettent à l'hydrogène gazeux de s'y accumuler. La pression qui est alors générée est élevée et suffisante pour propager une fissure dans le métal, pouvant provoquer des bris catastrophiques. Gillet Steve, D.Sc. -54- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. Protection anodique La protection anodique est possible si le métal passive. Le potentiel du métal est augmenté rapidement au delà du potentiel de Flade et dans la région dans laquelle le métal ne se corrode que très lentement. Il arrive que le métal se passive naturellement au potentiel de corrosion (figure xxxxxxx). Si il se trouve dans la région active de corrosion, son potentiel doit être rendu plus positif jusqu'à ce qu'il passive (figure xxxxxxxxxx). Avec un peu de chance, le film d'oxyde sera permanent, comme c'est le cas de l'aluminium. Enrobage de protection Un film d'oxyde passif, tel que nous venons de le décrire, est un exemple d'enrobage de protection. La couche d'oxyde peut être générée, tant par une méthode électrochimique, on parle alors d'anodisation, que par une méthode chimique (par exemple le dichromate) ou encore en ajoutant de petites quantités d'un métal électropositif dans l'alliage (par exemple du cuivre ou du palladium dans l'acier) qui vont fournir des sites cathodiques pour générer une pile qui va pousser le métal à passiver. La réaction de l'acier dans l'acide phosphorique conduit à un enrobage d'un complexe de phosphate qui fournit une bonne protection. Les peintures ou polymères qui forment un enrobage, robuste et continu, préviennent la corrosion en protégeant le métal de l'air et de l'humidité. Cependant, nous avons vu ce qui Gillet Steve, D.Sc. -55- Chapitre 1 : Thermodynamique chimique et électrochimie. se passe lorsque apparaissent des éclats ou des rayures locales. Ils doivent donc être utilisés avec précaution. Additifs et inhibiteurs Pour les articles métalliques qui doivent être en contact avec des solutions, de petites quantités d'additifs qui n'affectent pas la qualité du milieu peuvent avoir un effet positif sur la corrosion. L'élimination de l'oxygène dissous est clairement désirable, et cela peut être fait par aspiration de l'air surnageant du liquide ou par addition d'agents réducteurs tels que les sulfites ou l'hydrogène. Des additifs organiques qui sont adsorbés au potentiel de corrosion peuvent inhiber à la fois les réactions anodiques et cathodiques. L'action des inhibiteurs peut être de masquer physiquement les sites de la surface, ou de réagir avec la surface pour produire une couche inactive. Gillet Steve, D.Sc. -56-