Département Environnement et Agronomie
Institut National de la Recherche Agronomique
Centre de Recherche Val de Loire
2163 av. de la Pomme de Pin CS 40001 Ardon - 45075 ORLEANS cedex 2 Courriel : [email protected] www.ea.inra.fr
ENJS1 : ADAPTATION DES CULTURES ET DES SYSTEMES DE CULTURE AU
CHANGEMENT CLIMATIQUE ET AUX NOUVEAUX USAGES
A. Chanzy (UMR EMMAH), G. Martin (UMR AGIR), N. Colbach (UMR Agroécologie), M. Gosme (UMR SYSTEM),
M. Launay (US Agroclim), C. Loyce (UMR Agronomie), A. Métay (UMR SYSTEM), S. Novak (UE FERLUS)
Q2 : En quoi l'adaptation au changement climatique interroge nos méthodes de
conception des systèmes de culture?
Les méthodes de conception des systèmes de culture prennent en compte, implicitement ou explicitement le
climat et devraient ainsi offrir un cadre pertinent pour définir des voies d’adaptation au changement
climatique. Celui-ci conduit, toutefois, à une évolution du climat et de sa variabilité totalement inédite qui
contraint à raisonner sur des échéances de temps inhabituellement lointaines alors même que les projections
dans l’avenir sont très incertaines. Dans ce contexte, il important de s’interroger sur l’adéquation des
méthodes de conception de système de culture et de traiter un enjeu particulier qui est celui des temporalités
à considérer pour mettre en œuvre l’adaptation au changement climatique.
Par ailleurs, de nombreux travaux ont déjà été conduits sur le potentiel d’atténuation du changement
climatique par l’agriculture. Aussi, nous limiterons le champ de notre intervention à l’adaptation des
systèmes de production végétale au changement climatique. L’évolution du contexte social, politique,
économique concomitante au changement climatique sera seulement intégrée dans la manière d’appréhender
l’évaluation des systèmes de culture.
Conséquences du changement climatique sur les systèmes de culture
Le changement climatique doit être appréhendé par l’évolution tendancielle de certaines caractéristiques,
telles que la température et la concentration en CO
2
, et sous l’angle de la variabilité climatique dont les
projections semblent indiquer qu’elle s’accentuera. Le changement climatique va avoir des impacts sur les
peuplements végétaux qui se manifesteront sur la phénologie, la productivité et la vulnérabilité aux risques
biotiques (maladies, ravageurs, adventices). Sur le plan biologique, l’augmentation de la température et dans
une moindre mesure de la teneur en CO
2
vont jouer sur la phénologie, conduisant à un impact direct sur les
calendriers culturaux et les besoins en eau. La productivité des systèmes de production va être influencée
positivement ou négativement du fait des régimes hydriques et thermiques mais aussi la mobilisation des
ressources nutritives. Par ailleurs, la dynamique des populations des organismes biologiques interagissant
avec les plantes cultivées pourrait être perturbée par le changement climatique et ainsi modifier leur impact
sur les cultures. Enfin, l’augmentation de la variabilité climatique nous amène à considérer la résilience des
systèmes de culture qui seront probablement plus fortement impactés par la variabilité climatique.
Les acteurs de l’adaptation au changement climatique
ASSISES
EA
2015
[2]
Pour s’adapter au changement climatique, différentes familles d’acteurs de la sphère agricole sont concernées
et doivent pouvoir disposer de connaissances et de leviers d’actions relevant de leur champ d’expertise. De
tels besoins doivent être pris en compte pour orienter les recherches.
- Les agriculteurs doivent adapter leurs stratégies et leurs pratiques agricoles pour diminuer la sensibilité de
leurs systèmes de culture au changement climatique. A ce titre, deux voies d’adaptation sont envisageables
(cf. présentation de Michel Duru et Jean Roger-Estrade) : un recours accru aux technologies (variété,
équipement de précision, etc.) ou une diversification de ces systèmes, par exemple en cultivant des
associations d’espèces explorant différents horizons du sol.
- Les sélectionneurs doivent adapter la sélection variétale en recherchant par exemple des variétés plus
précoces et plus robustes face aux stress thermiques et hydriques de fin de cycle tout en intégrant de
nouveaux critères liés aux pratiques agricoles en développement, comme par exemple l’aptitude à la culture
en association d’espèces.
- La formation et le conseil agricole doivent adapter leurs contenus pédagogiques et leurs méthodes
d’animation pour préparer à la gestion du risque grâce à la simulation de systèmes de culture en conditions
contrastées, et créer des arènes d’apprentissage sur l’adaptation au changement climatique notamment via le
partage de connaissances entre pairs.
- Les décideurs publics doivent adapter leurs modes de soutien à l’agriculture en orientant les politiques
d’aides vers des pratiques offrant des compromis satisfaisants pour la société et les agriculteurs entre
atténuation et adaptation au changement climatique.
Les méthodes de conception et d’évaluation de systèmes de culture et l’adaptation au changement
climatique
Afin d’orienter l’adaptation des systèmes de culture au changement climatique, la littérature scientifique
caractérisant les bénéfices de différentes voies d’adaptation est en pleine explosion, quoique fortement axée
sur une modification des pratiques agricoles. Evaluer les bénéfices de différents types d’adaptation suppose de
sappuyer sur des méthodes de conception et dévaluation de systèmes de culture dans un contexte de
changement climatique. La question se pose de la capacité des méthodes existantes à prendre en compte les
spécificités du changement climatique.
En les distinguant selon la nature des objets intermédiaires1 et niveaux de participation2 des acteurs de la
sphère agricole qu’elles mobilisent, cinq archétypes de méthodes de conception et d’évaluation de systèmes de
culture peuvent être identifiés, du plus ancré dans la situation actuelle au plus virtuel : l’amélioration pas à pas
d’un système de culture, le prototypage, la modélisation participative, la simulation dynamique et
l’optimisation mathématique. La simulation dynamique à l’échelle de la parcelle agricole est aujourd’hui la
méthode la plus largement utilisée dans la littérature scientifique.
Archétype de
méthode
Amélioration pas à
pas d’un système de
culture
Prototypage Modélisation
participative
Conception assistée par modèle
Simulation
dynamique
Optimisation
mathématique
1 support facilitateur de la coordination entre acteurs impliqués dans un processus complexe à la finalité et l’issue
incertaines
2 Nulle ; Consultative : coordination par les chercheurs, consultation des acteurs pour collecter des infos ; Collaborative :
coordination par les chercheurs, partage de connaissances avec les acteurs ou Collégiale : chercheurs et acteurs travaillent
de concert, dans le consensus
[3]
Nature des
objets
intermédiaires
SdC réel,
Indicateurs
SdC virtuel,
Indicateurs
SdC virtuel,
Eléments
matériels et
Modèle
informatique
SdC virtuel,
Modèle
informatique de
simulation
SdC virtuel,
Modèle
informatique
d’optimisation
Principales
formes de
participation
Nulle ou
Consultative ou
Collégiale
Nulle ou
Consultative ou
Collégiale
Collaborative ou
Collégiale
Nulle ou
Consultative
Nulle ou
Consultative
Exemple Expé. système de
Mirecourt
MASC 2.0 Rami Fourrager Moderato FSSIM
Atouts Test grandeur
nature
Développement de
références
biotechniques
Transposabilité
interrégionale
Hybridation de
connaissances
scientifiques et
gestionnaires
Hybridation de
connaissances
scientifiques et
gestionnaires
Mise en situation
de gestion
Potentiel
calculatoire :
multi-sites, multi-
années
Prise en compte
de la dynamique
biotechnique du
système
Potentiel
calculatoire :
multi-sites, multi-
années
Identification de
l’optimum
mathématique
Faiblesses Pas de projection
dans le climat futur
Pas de prise en
compte de l’effet
CO2
Nombre de
situations limité
Validité pour des
événements
climatiques
extrêmes
Nombre de
scénarios limité
Validité pour des
événements
climatiques
extrêmes
Prise en compte
des facteurs
biotiques
Validité pour des
événements
climatiques
extrêmes
Prise en compte
des facteurs
biotiques
Validité pour des
événements
climatiques
extrêmes
Prise en compte
des facteurs
biotiques
Prise en compte
de la dynamique
biotechnique du
système
Chaque méthode de conception et dévaluation de systèmes de culture présente des atouts et faiblesses
respectifs pour aborder la question de l’adaptation au changement climatique. L’amélioration pas à pas d’un
système de culture, éventuellement mis en œuvre dans une expérimentation système, peut permettre de
constituer une base de références biotechniques transposables entre régions pour anticiper les adaptations
nécessaires au changement climatique. Mais, hormis OASYS (FERLUS - Lusignan), les expérimentations
système ne sont pas explicitement orientées par la question du changement climatique. Le prototypage est un
excellent moyen d’hybrider connaissances scientifiques avec le savoir-faire des gestionnaires pour concevoir
des adaptations. La principale limite de cette méthode porte sur l’évaluation des adaptations à l’aide de
systèmes d’indicateurs calibrés pour les conditions actuelles et dont le domaine de validité pourrait être dans
certains cas remis en cause avec les futurs événements climatiques extrêmes. Cette critique vaut aussi pour les
3 archétypes de méthode ayant recours à des modèles informatiques. En outre, ces derniers utilisent ou
simulent des rendements atteignables, c’est-à-dire qui ne tiennent pas compte de l’occurrence et des impacts
des adventices, maladies et ravageurs, et ce, alors que leurs populations vont évoluer sous l’effet du
changement climatique. Des expérimentations et des collaborations avec des chercheurs en épidémiologie
sont nécessaires pour mieux appréhender l’évolution de ces facteurs biotiques et leur possibilité d’occurrence
en fonction des conditions climatiques. Toutefois, une représentation mécaniste de la dynamique spatio-
temporelle des systèmes biologiques concernés par les interactions avec les plantes cultivés ne semble pas
toujours accessible à court et moyen terme et des modes de représentation simplifiés doivent être envisagés et
testés afin d’intégrer les risques biotiques dans l’évaluation des systèmes de culture. Les modèles
informatiques s’avèrent également peu adaptés à la simulation de certaines adaptations comme la
diversification des systèmes de culture évoquée plus haut. A ce titre, les expérimentations système ayant
[4]
engagé de telles démarches peuvent constituer de bons supports pour étendre le domaine de validité des
modèles à ces adaptations. Ces modèles présentent aussi des lacunes quant à la représentation des décisions
des agriculteurs. En effet, l’accroissement de la variabilité climatique va rendre nécessaire la mobilisation
d’adaptations aux plannings culturaux prévus par les agriculteurs plus fréquente, impliquant possiblement
des refontes régulières et importantes de ces plannings. Des progrès sont donc nécessaires dans la
modélisation de la décision en agriculture pour pouvoir simuler de telles refontes de plannings. Ces progrès
nécessitent des collaborations avec des chercheurs en intelligence artificielle. Enfin, il y a des progrès
envisageables sur le développement de plans d’expérience permettant de caractériser l’impact d’adaptations
au changement climatique sur différents types de systèmes de culture. Le développement de tels plans
d’expérience requiert des méthodes de stratification des différents facteurs de production (sol, climat, etc.) et
la construction d’indicateurs d’évaluation de ces adaptations, notamment de la résilience des systèmes de
culture à des successions de stress liés au changement climatique. L’identification d’adaptations (au
changement climatique et vis-à-vis de différents types d’aléas) à simuler pourrait s’appuyer sur l’analyse de
suivis de systèmes de culture et l’identification de ceux présentant les meilleures performances en année
climatique particulièrement défavorable et la meilleure résilience à des successions de stress.
Quand s’adapter ?
Une des difficultés pour développer des stratégies d’adaptation au changement climatique vient d’un signal
climatique (tendance, évolution de la variabilité) faible au regard des incertitudes sur les projections
climatiques et l’évolution du contexte socio-économique. Par ailleurs, ces incertitudes conjuguées à la
variabilité climatique, ne constituent pas un contexte favorable pour sensibiliser les acteurs de la filière
agricole au besoin de s’adapter. Le timing de l’adaptation est donc une question importante. Ce timing
conduit à considérer plusieurs périodes de temps qui se conjuguent pour déterminer l’échéance à laquelle il
faudra amorcer les transformations nécessaires pour s’adapter :
La capacité d’adaptation des plantes qui va déterminer l’échéance à laquelle le système de culture
reste satisfaisant.
Le temps de mise en œuvre du système de culture qui inclut le temps de réaction des acteurs
(agriculteurs, filières) rendant possible la mise en œuvre d’un système de culture et le temps de
construction incluant l’obtention d’un matériel végétal productif ou la réalisation d’installation.
Le temps de la « rentabilisation » de l’adaptation. Celle-ci peut représenter un coût humain et
financier (acquisition de compétence, investissement financier, perte de rentabilité sur la phase
transitoire) nécessitant un certain temps pour être amorti et ainsi engendrer une situation
avantageuse par rapport à celle résultant de la non-action. Ce temps sera court pour des stratégies
d’adaptation incrémentales alors qu’une évolution profonde du système de culture peut conduire à
des temps beaucoup plus longs.
Pour appréhender ce timing il est nécessaire de sappuyer sur des critères d’évaluation des systèmes de
culture. Ces critères doivent prendre en compte à la fois les incertitudes sur les projections climatiques et la
variabilité climatique. Pour des stratégies incrémentales on peut imaginer que les critères classiques
d’évaluation des systèmes de cultures pourraient être utilisés, la période de mise en œuvre et de
rentabilisation pouvant être courte. Par contre, pour une adaptation engendrant une remise en cause plus
profonde du système de culture, une évaluation à une échéance plus lointaine de ces systèmes de cultures est
nécessaire. Au-delà des critères d’évaluation habituels, celle-ci devra s’appuyer sur une scénarisation des
contextes socio-économiques futurs pour identifier des mesures sans regret et tenir compte de l’évolution
possible des risques biotiques. D’une manière générale, la question de timing fait ressortir la nécessité
[5]
d’élaborer un cadre conceptuel pour réaliser la projection des performances des systèmes de cultures à des
horizons plus ou moins lointain.
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