Yawm al Qods, Jour de Jérusalem, une nécessaire unité dans la résistance
En son nom l’Exalté,
En ce jour de vendredi béni, le dernier vendredi du mois de Ramadan, je tiens à rappeler à nos
consciences, que dans le cadre des évènements sur la scène internationale, il est important de
commémorer le jour dit Yawm al Qods, Jour de Jérusalem, décrété par lImam Khomeiny
(+1989), que la miséricorde de Dieu soit sur son âme.
Au vu des crimes perpétrés par le gouvernement voyou, terroriste, sioniste, raciste, fasciste
israélien, et au vu de l’entreprise génocidaire menée par ce procureur du terrorisme
international d’Etat contre le peuple palestinien, tant à Gaza qu’en Cisjordanie, ne délaissons
pas nos engagements pour cette cause, et soyons la conscience éveillée des opprimés autour
de nous. La Palestine est devenue une « pâle estime », comme dit Abdelmajid Mhauchi,
aujourd’hui en nos engagements, mais n’oublions pas que toute action qui sera, en ce jour,
une grâce et une bénédiction en faveur des démunis, sera aussi en notre faveur au jour de la
tribution. Le Coran nous dit : « Et certes, leur seigneur leur a exaucé en leur répondant que
je ne mène pas vers la perdition l’œuvre de quiconque d’entre vous, homme ou femme »
(Sourate III, verset 195).
Aujourd’hui, le génocide entrepris en Birmanie au su et au vu, et avec une dénonciation
frileuse et complice du Dalaï Lama, ainsi qu’avec une démission catégorique silencieuse et
responsable du prix Nobel de la paix, Aung San Suu Kyi, nous devons prier pour nos sœurs et
frères dans cette situation, et associer à ce jour de la terre de Jérusalem, la résistance pour la
justice partout dans le monde. Si nos institutions musulmanes, dans l’ensemble, oublient cette
cause, soyons le rappel en ce mois béni du Rappel, du Coran, soyons le rappel de la justice et
de la dignité de tous les peuples, au-delà de Jérusalem qui depuis 1967 est en état de siège.
Le coup d’Etat militaire contre la liberté et la dignité des peuples en Egypte, avec le soutien
des pays européens et des pétromonarchies, nécessite de notre part une résistance contre cette
pseudo démocratie chère à « l’Occident » qui n’en est une qu’à l’égard de ses citoyens et à
géométrie valable à l’égard de l’Asie, de l’Afrique, de l’Amérique latine, et du monde
musulman, prions en ces nuits de Mérite et de Valeur, Laylatou al Qadr. N’oublions pas la
Syrie, et prions pour que la raison puisse gagner l’unité et la fraternité entre les composantes
de la nation syrienne, tant chiite, sunnite, alaouite, chrétienne, que laïque. Prions pour que nos
ulémas soient sages dans leur approche de la question syrienne et que leurs propos ne soient
pas instrumentalisés comme une source de discorde, fitna. Prions pour que les Etats
responsables du massacre en Syrie, tant l’axe des pétromonarchies comme l’Arabie saoudite,
le Qatar, et les Emirats-Arabes Unis, ainsi que l’axe Iran-Hezbollah, qui semblent vouloir
nous dresser un conflit « intra-confessionnel » dans la région, soient éveillés par la lumière de
la bénédiction du mois du Coran, le mois de Ramadan.
L’Abbé Pierre (+ 2007), paix sur son âme, disait : « On n’aura pas agi quand on aura pleuré,
mais quand on aura tout mis en œuvre pour que cesse l’injustice ». Je rappelle la sagesse de
Maître Sadek Charaf (+ 1993), sainteté sur son âme, et que Dieu l’agrée : « La communauté
musulmane est l’orientation, la Qibla, des peuples ». A savoir, elle en est la conscience
éveillée car elle témoigne de la dignité de tous les peuples, pour qu’ils puissent déterminer
d’eux-mêmes, puisqu’elle a hérité de l’ensemble des peuples leur sagesse, par sa fidélité au
cycle de la prophétie, et elle embrasse en son sein l’amour de tous, puisqu’elle est l’héritière
de toutes les spiritualités. Maître Roger Garaudy (+ 2012), sainteté sur son âme, disait :
« Lève-toi et marche contre le chaos, en disant non à hégémonie de nos petits-enfants causé
par le terrorisme de l'Etat sioniste israélien qui a substitué au Dieu d’Israël l’Etat d’Israël, ce
qui est une hérésie du judaïsme. »
En ce jour de Jérusalem, soutenons nos frères et sœurs palestiniens, qu’ils soient juifs,
chrétiens ou musulmans, de par nos invocations, notre résistance par le boycott des produits
israéliens, ainsi que par toute action citoyenne par laquelle nous pourrions manifester notre
résistance, notamment en interpellant nos politiciens face à la nature des relations qu’ils
entretiennent avec cet Etat voyou qui est Israël.
Notre résistance doit être une conscience éveillée qui parle aux générations futures pour
entretenir l’éveil contre toute tentative d’une mémoire sélective. N’oublions pas dans nos
invocations tous les démunis de par le monde, et surtout les ulémas injustement traités dans
beaucoup de pays dits musulmans. N’oublions pas les opprimés qui peuples les prisons des
tyrans alliés de la cupidité tant en Occident qu’en Orient. N’oublions pas les opprimés qui
subissent, tant en Syrie, en Irak, en Afghanistan, en Tchétchénie, en Lybie, au Mali, en
Somalie, en Egypte, en Tunisie, au Yémen, en Birmanie, que partout ailleurs l’OTAN,
l’escadron de la mort, tue en silence, déracine la culture et impose la pensée unique.
Notre Prophète Mohamed, le bien aimé, sur Lui et sa sainte famille la paix et le salut de Dieu
dit : « Le musulman est celui dont les gens sont en sécurité de sa langue et de sa main ». Il dit
encore : « Nul ne sera croyant que lorsqu’il aimera pour son frère ce qu’il aime pour lui-
même ». Ainsi, disons le bien à leur propos, en ce jour de Jérusalem, en dénonçant l’injustice
qui est infligée au peuple palestinien et à tous les opprimés du monde. L’être humain selon
Martin Buber (+ 1965), que Dieu lui fasse miséricorde, est par essence « homo dialogus ». Il
ne peut s’accomplir que dans la communion avec l’humanité, tout en étant « homo
religiosus » dans son rapport de création/Créateur. Autrement dit, son amour de l’humain
mène à l’amour divin. Acquérir à la manière de Gandhi (+ 1948), que Dieu lui fasse
miséricorde, une stratégie qui inculque discipline et exigence pacifiste.
Au moment des peuples entiers sont amenés à vivre ensembles dans une société qui
cherche désespérément un horizon, le musulman se doit de contribuer à l’élaboration d’un
projet humaniste. « Aucun arabe n’a de mérite sur l’étranger, ni le blanc sur le noir si ce
n’est en piété », disait le Prophète Mohamed (+ 632), sur Lui et sa sainte famille la paix. C’est
dire combien l’Islam appelle à une exigence de l’homme face à l’altérité. Dans la foulée de
l’émergence de nationalismes identitaires, dans la prétention à la suffisance ; la non
connaissance engendre la méconnaissance et le repli devient une posture pathologie
entretenue par le mépris de l’autre qui, a fortiori est rejeté car il est différent et par
conséquent, perçu comme une menace. Des réseaux de protections sont alors développés au
nom de l’islamité, une sorte d’apologie de la « pureté spirituelle » est brandie pour prétendre
détenir la vérité absolue.
Le Coran n’élabore pas une nouvelle religion mais confirme le message éternel de Dieu aux
hommes. Le Livre, Al Kittab, est répété dans son édition terrestre (la Thora, l’Evangile, le
Psaume,…et le Coran), pour un seul « Livre leste », la Parole de Dieu. Une « religion »
pour diverses cultures qui sont parallèles et communicantes. Ceci est l’« éclat » du génie de
l’ouverture de l’Islam qui embrasse en son sein, toutes les dimensions civilisatrices, tant sur le
plan extracommunautaire qu’intracommunautaire. La diversité est un signe de l’omnipotence
de Dieu l’Exalté, « Si Dieu l’avait voulu, il aurait fait de vous une seule communauté ; mais Il
veut vous éprouver en ce qu’Il vous donne. Concurrencez donc dans le bien, c’est vers Dieu
qu’est votre retour à tous, Il vous informera de ce dont en quoi vous divergiez » (V-48). C’est
ici une injonction à l’humilité de savoir que Dieu est Un pour que cette communauté humaine
soit Une dans son éthique, singulière et plurielle, intime et commune à la fois, en vue d’une
fécondité réciproque, pour se laisser toucher par la différence loin de toute passivité complice.
La non-reconnaissance de la diversité est la porte ouverte au dogmatisme qui s’impose, un
juridisme desséché qui prend forme et la rivalité engendre de douloureuses confrontations.
Lors du lerinage, « grand congrès islamique annuel », comme le définit Maître Sadek
Charaf (+ 1993), sainteté sur son âme, l’Islam permet à toutes les cultures de dialoguer entre
elles afin de s’unir dans le cadre civilisationnel de l’amour du prochain. Ce dialogue n’est pas
une perte de l’identité mais un savoir être en partage au travers de discussion, d’échange et
d’enrichissement spirituel réciproque. C’est pour chacun, l’approfondissement de sa propre
fidélité contre toute forme de pauvreté fraternelle réactionnaire au pluralisme culturel. Il s’agit
d’un itinéraire guidé par la compréhension de l’autre. Il nous faut alors, déconstruire le
discours exclusiviste, en dévoiler les arguments fallacieux et en dénoncer la manipulation. Il
s’agit donc de recomposer une identité ouverte qui deviendrait le creuset de l’intégration de la
vision de l’autre.
Le jour de Jérusalem doit faire de moi le musulman qui dit haut et fort oui, je suis chiite dans
mon amour de Ahl al Bayt, sur eux la paix, les membres de la demeure prophétique, je suis
salafi dans ma rigueur de référence aux sources, je suis soufi dans mon aspiration spirituelle à
la pureté du cœur, je suis sunnite dans ma méthodologie emprunte de tradition de
l’exemplarité des compagnons, que Dieu les agrée, et je suis rationaliste dans ma volonté de
comprendre et de réfléchir de par moi-même. Il s’agit là, d’une marche vers la symphonie des
communautés où, tout sujet se sent investi du destin de l’autre.
Ce défi ne pourra être relevé que lorsque notre intériorité intégrera l’autre dans sa démarche.
Lorsque le cœur s’ouvrira à l’accepter comme il se veut être, c’est alors là, que la réforme de
notre réalité s’opérera, car comme nous l’enseigne Maître Sadek Charaf (+ 1993), sainteté sur
son âme, « le cœur est l’artisan du changement ». Il s’agit d’une réforme qui perçoit les
choses par le cœur et les désigne dans les termes de l’action, celle d’être un agent créateur
dans l’espace d’une sphère qui n’est pas une réalité toute faite mais qui reste à
construire. L’autre, mon frère, est sacré à tout égard. Il est essentiel de marquer sa présence en
se débarrassant du sentiment du solitaire héritier de la vérité. Loin de se considérer comme le
centre et la mesure de toute chose, il faudra pouvoir être authentique dans toutes les nuances
de notre propre identité et capable de se décentrer face à la logique de notre lecture.
Le jour de Jérusalem est celui du vivre ensemble qui doit être un nouveau langage qui
exprime une nouvelle manière d’exister devant Dieu et le monde. Il est un jaillissement, une
exploration et une expérimentation du monde possible. Il est un art de communiquer avec la
raison fraternelle qui lance le regard vers l’infini au lieu de le centrer sur la personne dans sa
différence.
L’Islam est indivisiblement une transcendance et une communauté. Il débute sa révélation par
raison et foi, avec le principe de la parole de l’Unicité, kalimatou at-tawhid, au service de
l’unité de la parole, tawhid al kalima. Avec Ali le Qorayshite (+ 661), Bilal l’Abyssinien (+
640), Salman le Perse (+ 656), Soheib le Byzantin (+ 658), et Abou Bakr le Mecquois (+
634), la réalité de la diversité était celle de présenter la pluralité des manières de se dire dans
sa culture et d’approcher l’universel. Sans dogmatiser l’unité ou asseoir la tyrannie de la
totalité majoritaire, l’Islam encourage l’acte d’unifier, à savoir, rattacher tout à son principe
de l’Unicité. Il brandira non plus une communauté tribale fondée sur le lien de sang à la
manière des nomades, ni sur le lien de la propriété tel que chez les sédentaires, ni fondé sur
l’unité de territoire ou d’une langue comme l’Etat-nation « occidental » mais sur base d’une
communauté de la transcendance, une éthique universaliste et humaniste.
Il s’agit là, de tenter la réalisation d’une communauté universelle, unie par une même foi afin
de prendre conscience de notre commune référence et histoire, loin de tout sectarisme ou de
toute prétention nationaliste à être le peuple élu, le groupe sauvé ou la culture suprême. La
communauté musulmane est celle de l’exigence de l’intelligence et de la fraternité dans
l’amour. Aimer, c’est déjà avoir le sens de la fraternité en soi. Les hommes sont ainsi appelés
à s’aimer comme Dieu aime le pécheur qui se repent. Fraterniser, ne revient pas à perdre son
identité, mais à se construire et se nourrir par l’autre. Vivre la fraternité de la foi, c’est dire le
principe, le sens et les valeurs dans la différence. Au nom de cette fraternité vivons le jour de
Jérusalem.
L’Islam exhorte l’individu dans son rapport à la singularité afin d’être exigent de sa personne
pour être généreux envers les hommes. La morale collective est insufflée d’une responsabilité
individuelle le « nous » est constitutif du « moi », « Certes les croyants sont frères
parachevez votre fraternité » dit le Coran, (XLIX-10). Ou encore « Il unit entre vos cœurs et
vous devinrent par Sa grâce des frères » (III-103). Il insiste en confirmant « Et cramponnez-
vous tous au cordon ombilical de Dieu et ne vous divisez pas » (III-103). Revenu sur le risque
Dieu recommande « Et ne vous disputez pas, vous fléchirez et s’en irait votre force » (VIII-
46). L’imam Ja’far Sadik (+ 765), sur lui la paix, dit : « la discorde des frères est le festin de
Satan », cette fraternité est un constat et l’exigence est de la sauvegarde dans la fécondante
contribution de tous. Il nous faudra apprendre à aimer dans un jaillissement spontané, dans la
mémoire du cœur loin de toute amitié illusoire, car les douloureuses expériences apprennent à
être lucide, et c’est ce qui fait que la fraternité s’alimente dans la crainte révérencielle de
Dieu, « les frères intimes sont ce jour-les uns aux autres des ennemis, si ce n’est ceux qui
sont couverts de piété » (XLIII-67).
L’homme ne devient humain que par la lutte incessante contre la prétention de son petit moi
individualiste. Dans cette attitude, la solidarité, l’amour et la communication profonde sont
des possibilités permanentes d’initiatives, car l’homme existe par et avec les autres. La
multiplicité du possible doit être une relation renouvelée chaque jour avec nos semblables, car
« l’humanité n’est pas une aventure solitaire » comme le dit Roger Garaudy (+ 2012), paix
sur son âme. Le respect d’autrui implique des normes d’équilibres, celle d’écouter pour
respecter et de connaître pour aimer.
La diversité est une épreuve et sa gestion en est un défi, il faut ne surtout pas dire la pluralité
et agir dans l’exclusivité, mais il faut avoir la conviction que dans l’unité de la mémoire de
Dieu, il y a la diversité et la multiplicité des regards pour Le vivre. Il y a des fondements qui
nous séparent mais des principes qui nous unissent. Cette fraternité crée un cœur nouveau
capable d’aimer qui est symbole expressif de notre richesse dans la diversité.
En ce Yawm al Qods, Jour de Jérusalem, ayons un moment profond et intense d’invocations
en faveur des palestiniens, en ces derniers jours bénis du mois béni de Ramadan. Soyons aux
cotés des juifs, des chrétiens, des agnostiques, des athées, des bouddhistes, des hindouistes,
des bahaïes, de toutes les composantes philosophico-spirituelles, et des musulmans, somme
toute de tous les humanistes, en prière et méditation pour la justice, la justesse, la bonté, la
liberté, le bon, le beau, et le vrai, en vue d’asseoir l’autodétermination des peuples.
J’espère en Dieu qu’une nouvelle ère de la marche contre le chaos vers l’espoir en la
symphonie des communautés musulmanes et autres s’ouvre à nous, car c’est en faisant jaillir
une nouvelle source de notre élan spirituel, que notre univers en sera agrandi. Fraternellement.
Amen !
Yacob MAHI
Islamologue et Théologien, Bruxelles
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