La guerre des étoiles selon Sakharov Enfants du diable

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La guerre des étoiles selon Sakharov
Annexe 7 des Enfants du diable par J-P. Petit
En 1951, Andreï Sakharov propose un système de création de champs magnétiques ultraforts basé
sur le principe suivant. Un solénoïde est logé à l'intérieur d'un tube metallique, lui-même serti dans
une charge explosive de forme toroïdale.
Générateur MK-1 à magnétostriction.
[Le lecteur trouvera une description de ce dispositif dans les Œuvres scientifiques de A.D. Sakharov, éd. Anthropos, p.
29.]
Canon à
plasmoïde d'A. Sakharov (1965) [Cf. Œuvres scientifiques de A.D. Sakharov, op. cit., p. 44.]
Une décharge de condensateur dans le solénoïde crée un fort champ magnétique dans l'enceinte.
L'explosif écrase alors le dispositif cylindro-conique et, au-delà, le solénoïde lui-même (l'effet
serait accru en utilisant des matériaux supraconducteurs). Le champ magnétique se comporte alors
comme un « gaz de photons » qui se trouve expulsé selon l'âme du canon. Celui-ci entraîne alors la
bague d'aluminium à 100 km/s, vaporisée sous forme d'un plasma autoconfiné, qui devient le
projectile.
La décharge d'un condensateur provoque le passage d'un courant I dans le solénoïde de self L, ce
qui représente une énergie 1/2 L I². Le champ magnétique au centre du système représente alors la
valeur relativement modeste de 30 000 gauss (3 teslas). Puis l'explosif est mis à feu et le tube est
comprimé radialement à une vitesse supérieure à dix kilomètres par seconde. Le flux magnétique,
égal à H × π R², où R représente le rayon du solénoïde, doit être conservé. La réduction du rayon du
solénoïde du fait de la compression entraîne une élévation corrélative de la valeur du champ
magnétique.
En fin de compression, le diamètre du solénoïde étant de 4 mm, le champ magnétique maximal
atteignait 25 millions de gauss, c'est-à-dire 2 500 teslas. La pression magnétique, qui est aussi celle
qui s'exerce sur le tube en fin d'écrasement, atteint vingt-cinq millions d'atmosphères. Le rendement
énergétique (conversion de l'énergie chimique en énergie magnétique) est de l'ordre de 50 %. Les
premières expériences ont été faites en 1952.
Ces systèmes magnétocumulatifs ont alors été utilisés pour la propulsion de projectiles (voir schéma
page précédente).
Un solénoïde crée un puissant champ magnétique dans la région située entre le tube central de
cuivre empli d'explosif et la culasse. La mise à feu de l'explosif, en bout, entraîne une déformation
plastique du tube de cuivre selon un cône se déplaçant à grande vitesse (dix kilomètres par seconde,
c'est-à-dire la vitesse de détonation dans l'explosif solide). Le champ magnétique se trouve alors
emprisonné entre la culasse métallique et le tube central en cours de déformation. Il en résulte un
accroissement intense du champ et de la pression magnétique, qui agit sur un petit anneau
d'aluminium de deux grammes enserrant le tube axial, qui sert de guide.
L'anneau est alors transformé en un tore de plasma et éjecté à une vitesse de cent kilomètres par
seconde. On appelle ce genre d'objet un plasmoïde.
Ici l'onde de détonation commence à comprimer le cône de cuivre. L'énergie magnétique se
conservant, la pression magnétique croît et c'est elle qui expulse la bague d'aluminium, vaporisée
sous l'effet des courants induits.
Parmi la batterie d'idées introduites par Sakharov, on trouve également un générateur de courant
électrique MK-2 correspondant au schéma ci-dessous :
Générateur MK-2 d'Andreï Sakharov.
Un condensateur crée une forte décharge électrique dans un solénoïde constitué de quelques spires à
écartement variable, et de self L. En fin de décharge l'énergie stockée est 1/2 L I². Au centre du
système se trouve un tube de cuivre empli d'explosif qui est mis à feu par une extrémité et subit,
comme dans le montage précédent, une déformation plastique conique se déplaçant à très grande
vitesse. Le cône de cuivre court-circuite les spires du sol noïde les unes après les autres. La
conservation de l'énergie dans le solénoïde, dont la self ainsi décroît, implique une montée de
l'intensité du courant qui la parcourt. Des essais effectués en 1953 sur ce générateur MK-2 ont
permis de produire des courants allant jusqu'à cent millions d'ampères avec une masse d'explosif de
quinze kilos représentant dix millions de joules.
Ce système, extrêmement simple, permettant de créer des intensités de cent millions d'ampères (en
1953 !), était totalement inconnu en 1977 non seulement des Français, mais des militaires
américains, qui envisagèrent ultérieurement d'alimenter leurs stations de tir à l'aide de générateurs
homopolaires, semblable à ceux qui alimentent les Tokamak.
Sakharov couple ensuite les deux systèmes, le générateur MK-2 produisant le courant destiné à
alimenter le solénoïde d'un générateur rateur MK-1, avant son implosion. On ignore quels ont été
les intensités de champ magnétique obtenues, mais, dans un article datant de 1966, Sakharov a
proposé l'extension de tous ces dispositifs à des expériences thermonucléaires effectuées dans des
cavités souterraines. Citons-le
« À notre avis la plus importante application scientifique des générateurs magnétocumulatifs
pourrait bien être la fourniture d'une puissance très élevée aux accélérateurs de particules
élémentaires et aux installations de mesure et d'enregistrement. Pour obtenir une énergie de
1 000 GeV, soit un téraélectronvolt, en tablant sur une valeur de dix millions de gauss au centre d'un
bétatron à explosif (ce qui ne constitue sûrement pas une limite), l'énergie nécessaire représenterait
l'équivalent d'un million de tonnes de TNT. L'énergie totale serait évidemment plusieurs fois
supérieure, c'est-à-dire qu'il s'agirait de l'explosion souterraine d'une charge thermonucléaire de
puissance "moyenne".
« Une telle explosion peut avoir lieu sans retombées radioactives à une profondeur quelque peu
supérieure à un kilomètre. La dépense principale correspondrait à la construction à une telle
profondeur d'une chambre ayant un volume supérieur à dix mille mètres cubes et au montage dans
cette structure de plusieurs milliers de tonnes de structures métalliques.
« Il existe une possibilité que l'on pourrait qualifier de fantastique. Au moyen de vastes lentilles
magnétiques pulsées (l'énergie du champ à mettre en œuvre représenterait quelques centaines de
kilotonnes d'explosif), il serait possible de focaliser un intense flux de 1018 protons, émis en 10-5
secondes sur une surface d'un millimètre carré. »
Ce texte de Sakharov, datant de 1966, préfigure les systèmes à énergie dirigée et à haute énergie
développés ultérieurement par les Soviétiques.
Ces protons ont une énergie unitaire de 1012 électronvolts, soit 1012 × 1,6 10-19 = 10-7 joules.
L'ensemble de flux émis équivaut à 1,6 1011 joules, soit une bordée d'un millier d'obus. La
puissance est de 1016 watts, soit dix mille térawatts.
Il existe un autre thème de recherche, lancé en 1948 par Andreï Sakharov, qui pourrait avoir partie
liée avec les futures armes spatiales.
L'existence des mésons en tant que particules de liaison à l'intérieur des noyaux d'atome a été
postulée en 1935 par le physicien Yukawa. Les molécules sont des assemblages d'atomes liés par
des électrons jouant des rôles de go-between, faisant l'aller-retour entre les noyaux. Selon Yukawa,
les noyaux étaient des assemblages de nucléons liés également par des particules de liaison, sortes
d'électrons lourds (également chargés), les mésons. La masse des particules de liaison étant
inversement proportionnelle à la portée de la force, Yukawa, se basant sur les mesures faites sur les
dimensions des noyaux, déduisit que les mésons devaient avoir des masses égales à deux cents fois
celle des électrons. Ces mésons furent par la suite identifiés à l'état libre et on montra que leur durée
de vie atteignait deux millionièmes de seconde.
En 1948, Sakharov eut communication d'un article de Frisch (USA) interprétant des expériences
faites à Berkeley par Powell comme un effet de catalyse mésonique. L'idée d'une telle catalyse avait
précédemment été émise par Franck en 1947 , dans la revue Nature. Dans les molécules, les noyaux
sont liés par les électrons. Une molécule d'oxygène, à basse température, donc neutre, faisant
intervenir des éléments lourds ou légers, représente une liaison due à l'échange de deux électrons. À
plus forte température, l'hydrogène s'ionise. Un des électrons devient libre et la liaison dans l'ion
n'est plus assurée que par l'électron restant. Cette ionisation est obtenue pour une température de
l'ordre de trois mille degrés (extrêmement faible par rapport aux températures recherchées dans les
machines à fusion, qui sont de l'ordre de cent millions de degrés, donc trente mille fois plus
élevées).
Il est envisagé alors de remplacer l'électron de liaison dans l'ion par un méson (suffisamment
ralenti), ce qui aurait alors pour effet, dans cet « ion mésonique », de rapprocher les deux noyaux à
une distance de l'ordre des distances internucléons dans les noyaux, par réduction de leur « barrière
de potentiel », avec in fine fusion desdits noyaux. Ce phénomène fut mis en évidence en 1956 par
Alvarez. Sakharov montra qu'après cette fusion exoénergétique des deux noyaux, par exemple de
deutérium et de tritium, liés dans un ion mésonique, le méson pouvait être libéré en étant
susceptible de créer d'autres ions mésoniques et d'autres fusions. D'où un processus autocatalytique
dit de « catalyse mésonique ». Le tout donnant naissance au concept de « fusion froide ». Cette idée
souleva un grand enthousiasme dans les années cinquante mais se heurta malheureusement à des
problèmes de réalisation pratique, qui pourraient peut-être être levés en fonctionnant à très haute
densité.
L'idée de Sakharov, subtile, est là pour rappeler que les mécanismes nucléaires n'ont pas livré tous
leurs secrets, ni dévoilé toutes leurs possibilités. Le concept de catalyse froide est familier à tout
lecteur qui aura vu s'initier une réaction de combustion d'un mélange d'hydrogène et d'oxygène sur
une mousse de platine, à la température ordinaire, réaction qui, dans d'autres conditions, ne
s'amorce qu'à des températures se chiffrant en centaines de degrés.
Le développement de canons à mésons, assez voisins dans leur principe des canons à électrons, aux
États-Unis (Los Alamos) comme en URSS, apporte une nouvelle possibilité sur la fusion à distance
de cibles par faisceaux énergie.
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