LA DOULEUR EN PSYCHATRIE Pr A.Ouanass La médecine générale est le premier recours du patient pour les problèmes de santé qu’ils soient fréquents, habituels, courants ou au contraire complexes et multiples. La douleur chronique est une histoire sans fin ou les rechutes se succèdent parfois de plus en plus invalidantes sans que les examens en fournissent d’explication satisfaisante. Le médecin généraliste doit pouvoir réévaluer les composantes principales du cercle vicieux ainsi pérennisé : l’aspect somatique, l’influence culturelle, l’aspect psycho comportemental. DOULEUR ET PSYCHIATRIE « L’étude de la Douleur conduit à une Médecine humaine en tous ses gestes » René LERICHE - 1940 Rabat - 22/05/2016 La douleur est une expérience individuelle, globale et subjective C’est un phénomène multidimensionnel et complexe influencé par de très nombreux facteurs : psychologiques, sociaux, culturels, religieux, environnementaux La douleur chronique présente des liens étroits avec certains troubles psychiatriques, notamment la dépression et les pathologies post-traumatiques. Elle a donc une répercussion sur l’ensemble de l’individu Rabat - 22/05/2016 ( َم َثل ُ المؤمنين في َت َوا ِّدهم وترا ُحمهم وتعا ُطفهم :مثل ُ الجسد ،إِذا اشتكى منه عضو: والح ِّمى )) بالس َه ِر َتدَا َعى له سائ ُر الجسد ُ َّ [أخرجه البخاري ومسلم عن النعمان بن بشير] Rabat - 22/05/2016 LA DOULEUR SELON LE FACTEUR TEMPS Douleur Aigue : dérèglement de l’homéostasie la Douleur Chronique : modèle bio-psycho-social Rabat - 22/05/2016 DOULEUR AIGUË 7 C'est une douleur « signal d'alarme » Engendre : - un stress plus ou moins important selon le terrain (tachycardie, sueur, malaise vagal) -un état d'anxiété, qui peut accroître et entretenir la sensation douloureuse. Il est important de soulager rapidement la douleur d’optimaliser et accélérer la prise en charge de considérer la douleur comme une entité co-existante à toute maladie ou traumatisme nécessitant une évaluation et une prise en charge parallèle. Cette prise en charge précoce peut limiter l'évolution vers une douleur chronique et une amplification du phénomène douloureux. Rabat - 22/05/2016 LA DOULEUR CHRONIQUE Situation d’échec pour le malade et le médecin . Consommation irrationnelle de médicaments . « Shopping de médecins » « Docteur, essayez n’importe quoi, ça ne peut pas être pire » « Docteur, j’ai tout essayé, rien ne fait » Rabat - 22/05/2016 DOULEUR CHRONIQUE La douleur chronique se définit par une douleur persistant plus de trois mois Les personnes qui ont des douleurs chroniques sont plus susceptibles de présenter des symptômes dépressifs et anxieux que les personnes ne présentant pas de douleur . Rabat - 22/05/2016 douleur dans la nosographie psychiatrique 10 patient Douloureux douleur + lésion douleur sans lésion organique psychogène Trouble psychosomatique -Somatisation Maladie tumorale Inflammatoire chronique Vasculaire -Hystérie : »kolchite » Maladie de système ….. Rabat - 22/05/2016 DOULEURS PSYCHOGENES Evénements concomitants de vie personnelle contribuant à la genèse et à l’entretien des douleurs . Topographie inhabituelle ou particulière des douleurs . Description imagée, détaillée et luxuriante. Discordance plaintes / comportement . Rabat - 22/05/2016 DOULEURS PSYCHOGENES Le trouble somatoforme Somatisation: La conversion: La fibromyalgie se caractérise par l’existence de plaintes et/ou de dysfonctionne ments physiques sans qu’il n’existe plaintes fonctionnelles multiples, durables et polymorphes parmi lesquelles il peut exister des plaintes douloureuses. déficits de la motricité volontaire ou des fonctions sensitives et sensorielles avec un défaut de congruence affective en comparaison de la gravité apparente des symptômes un syndrome douloureux musculosquelettique d’évolution chronique sans explication lésionnelle Rabat - 22/05/2016 LA FIBROMYALGIE Équivalente au « syndrome polyalgique idiopathique diffus » un syndrome douloureux musculo-squelettique d’évolution chronique sans explication lésionnelle Des facteurs de stress chroniques sont le plus souvent retrouvés et, dans la majorité des cas, il s’agit de stresseurs professionnels Van Houdenhove et Luyten postulent en 2006 qu’elle résulte de l’association d’un traumatisme précoce de l’enfance et d’une forme singulière d’épisode dépressif à l’âge adulte Rabat - 22/05/2016 Fibromyalgie / dépression Des symptômes communs –Asthénie :fatigabilité pathologique à l’effort ne cède pas au repos (15 jours) aggravée par les restrictions d’activité Troubles du sommeil :réveil précoce difficultés d’endormissement diminution de la latence du sommeil paradoxal Troubles cognitifs :diminution de la vitesse de traitement des informations et de la mémoire de fixation Idée depressive Voir ideation suicidaire Bilan organique Negatif penser à une depression Rabat - 22/05/2016 Rabat - 22/05/2016 Douleur et anxiété l’anxiété est plus importante chez les personnes souffrant de douleur que dans le groupe témoin Des études situent la prévalence de l’anxiété dans la douleur chronique autour de 15 à 20 %, Rabat - 22/05/2016 DOULEUR ET DEPRESSION 17 Sharp et al., en 2005, identifièrent 20 % à 50 % de SDM chez les sujets atteints de douleurs chroniques En corollaire,Demyttenaere et al. retrouvèrent en 2006 que 50 % des sujets déprimés se plaignent de douleurs chroniques . Leurs plaintes douloureuses sont plus nombreuses, de plus forte Rabat - 22/05/2016 18 IMPACT DE LA DOULEUR SUR LA QUALITÉ DE VIE la douleur s'ancre hors du patient, imposant une réorganisation de son environnement relationnel. Les relations familiales professionnelles, sociales et amicales vont être investies différemment par le patient , et modifiées lors du soulagement de la douleur Si un nouvel équilibre ne se met pas en place de façon concomitante au soulagement de la douleur, des résistances à la prise en charge apparaissent et/ou l’organisation affective et contingente de l’environnement du patient s’effondre. Les symptômes dépressifs peuvent favoriser le manque de motivation et d’effort ; ce qui conduit à une baisse d’activité et une augmentation des cognitions négatives Rabat - 22/05/2016 PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR Rabat - 22/05/2016 L’évaluation de première intention implique : la connaissance des antécédents médicaux/chirurgicaux personnels et familiaux du patient ; un bilan à la recherche des causes de la douleur (entretien, examen clinique, examens complémentaires nécessaires) ; une auto-évaluation de son intensité, ou à défaut de participation possible du patient, une hétéro évaluation adaptée, avec un suivi régulier de l’évolution ; une recherche de son retentissement social, scolaire ou professionnel, et économique ; une analyse des résultats des traitements antérieurs, médicamenteux ou non ; la recherche de troubles anxieux, dépressifs ou de manifestations psychopathologiques induits ou associés, mais aussi des interprétations et croyances du patient éloignées de celles du médecin. Colloque du 17 octobre 2011 Signes d’alerte • résistance à l’analyse clinique et au traitement a priori bien conduit et suivi ; • composante anxieuse, dépressive ou autres manifestations psychopathologiques ; • interprétations ou croyances du patient éloignées des interprétations du médecin concernant la douleur, ses causes, son retentissement ou ses traitements. Colloque du 17 octobre 2011 LA DOULEUR : une affaire d'équipe Rabat - 22/05/2016 LA DOULEUR : une affaire d'équipe Prise en charge pluridisciplinaire = indispensable accompagner la souffrance dans sa globalité pour Chaque compétence spécifique a sa place auprès du malade (géneraliste,psychiatre, infirmier, psychologue, kiné, assistante sociale, )s'il le désire pour Rabat - 22/05/2016 DEMARCHE CLINIQUE Dans l’ immediat : Rassurer le malade Considérer le soulagement de la douleur comme une priorité. Eviter d’attendre la fin de la consultation et/ou d’éventuelles investigations qui se prolongent avant de prescrire un antalgique Explorer les circonstances de survenue de la douleur, les représentations, attentes et émotions du patient à l’égard de la douleur ainsi que les répercussions de cette dernière sur le fonctionnement quotidien et les affects du patient. Rabat - 22/05/2016 DEMARCHE CLINIQUE Parler et surtout faire parler le patient « Le malade est le meilleur expert de sa douleur » Reconstituer l’histoire de la douleur et la nature des traitements entrepris : anamnèse et enquête thérapeutique Donner au patient le sentiment « d’être crû » à propos de la réalité de sa douleur et de sa souffrance Se garder de toute réaction d’agacement ou de suspicion vis à vis du patient malgré le caractère rebelle de sa douleur Éviter de tomber dans le piège tous et uniquement organique Rabat - 22/05/2016 Evaluation de la douleur Les instruments d’évaluations : POUR LES COMMUNICANTS Auto-évaluation : - Schémas topographiques -Échelle verbale simple -EVA - Echelle des visages Rabat - 22/05/2016 Evaluation de la douleur Schémas topographiques : • Diagnostic de localisation En demandant au patient de repérer la zone douloureuse (en montrant du doigt ou de la main) Rabat - 22/05/2016 Evaluation de la douleur EVA EVS : Est-ce que vous avez mal? 0 pas de douleur NON 1 douleur modérée UN PEU 2 douleur importante BEAUCOUP 3 douleur très intense ENORMEMENT Rabat - 22/05/2016 Evaluation de la douleur Echelle des visages Cette échelle est classiquement utilisée chez l’enfant mais peut permettre une autoévaluation de la douleur en psychiatrie Rabat - 22/05/2016 Mise en œuvre du projet thérapeutique • Traiter les causes curables: traitement médicamenteux douleur neuropathique, dépression, chirurgie parfois, • Bonne condition psychique: traiter les troubles anxieux, l’insomnie: apprentissage de la relaxation, psychothérapie, • Réduire le handicap: mobilisation, étirement, rééducation, renforcement musculaire, Reconditionnement à l’effort • Réinsertion professionnelle: Colloque du 17 octobre 2011 PISTES THÉRAPEUTIQUES 2-LES PSYCHOTROPES a-Les antidépresseurs Activité antalgique indépendante de leur action thymoanaleptique. Blocage de la recapture des monoamines ( noradrénaline et sérotonine) renforcementdes mécanismes inhibiteurs descendants. Action sur les récepteurs NMDA, récepteurs opiacés, les canaux sodiques, l’adrénaline et les récepteurs alpha 2 adrénergiques . Rabat - 22/05/2016 1-LES PSYCHOTROPES b- Les antidépresseurs agissant sur la douleur neurogène : Les antidépresseurs imipraminiques (clomipramine, amitriptyline) à posologie inférieure à la posologie antidépressive sont parfois efficaces sur ce type de douleurs neurogènes . - Amitriptyline : 5 à 20 gouttes le soir en augmentant par paliers de 10 mg jusqu’à 40 à 75 mg/jour ou plus si la tolérance est correcte. - Les antidépresseurs IRS et IRSNA sont parfois utilisés mais seule la duloxetine a l'AMM pour la douleur neuropathique du diabétique. Posologie: 60 à 120 mg par jour selon tolérance en 1 à 2 prises. Rabat - 22/05/2016 1-LES PSYCHOTROPES C- antiépileptiques Réduction des activités ectopiques (douleurs périphériques) - Carbamazépine : effets indésirables, interactions médicamenteuses , surveillance biologique +++ - Oxcarbazépine 600- 1200mg/j .; moins d’interactions médicamenteuses. moins de risques hépatiqes ou hématologiques; hyponatrémie et effets centraux identiques . - Gabapentine et Prégabaline dans les douleurs neuropathiques périphériques et les névralgies post-zostériennes. - Lamotrigine : inhibition de la libération de glutamate sensibilisation centrale ; 200-500mg/j ; rash cutané (titration très lente) - Topiramate : canaux sodiques et calciques; polyneuropathies diabétiques ? Effets indésirables cognitifs (titration très lente) Rabat - 22/05/2016 2-LES PSYCHOTROPES D-Les anxiolytiques : Ils permettent de soulager les symptômes d’anxiété, mais leur intérêt dans le traitement de la douleur n’est pas démontré. Il est recommandé de les prescrire pour de courtes périodes, du fait du risque de pharmacodépendance Rabat - 22/05/2016 PSYCHOTHÉRAPIES Rabat - 22/05/2016 PSYCHOTHÉRAPIES Les différents types d’approches Thérapies cognitivocomportementales : TCC Thérapies corporelles: relaxation, sophrologie EMDR Rabat - 22/05/2016 LES THERAPIES COGNITIVOCOMPORTEMENTALES Objectifs: Améliorer la qualité de vie Retrouver un sentiment de contrôle par le développement de ressources internes Donner au patient des moyens de «faire face» Ces thérapies vont être ciblées sur la modification des pensées (identification des pensées négatives), sur la modification de certains postulats (peur de la douleur avec conduites d’évitement, «catastrophisme») Rabat - 22/05/2016 C.A.T devant une douleur Douleur Organique Aigue Anxiété TTT symptomatique TTT étiologique Anxiolytique psychogène chronique - anxiété - Dépression TTT symptomatique TTT étiologique Anxiolytiques Antidépresseurs Anti épileptique Psychothérapie Le trouble somatoforme somatisation Trouble de conversion La fibromyalgie psychotropes -Antidépresseurs -Anti épileptique -Anxiolytiques Psychothérapie Rabat - 22/05/2016 Cas clinique n°1: Mme F. âgé de 32 ans, mariée, mère de 3 enfants, sans profession. Adressée par son médecin de famille pour la prise en charge de symptômes douloureux chroniques évoluant depuis 2 ans à type de céphalées, cervicalgies et scapulalgies droites, rebelles aux traitements antalgiques et anti-inflammatoires. Il y a 2 ans , suite à al naissance de son 3ème enfant, elle est devenue de plus en plus anxieuse, s’inquiétant de l’avenir de son foyer familial, anhédonique, présentant des insomnies d’endormissement, accusant des céphalées, cervicalgie et scapulalgies, d’intensité et d’horraire variable, non amélioré sous traitement symptomatique. Plusieurs consultations chez plusieurs médecins ont été réalisées. Elle a bénéficié d’un examen ophtalmologique, ORL, TDM cérébrale, radiographies du rachis cervical et de l’épaule droite, bilan inflammatoire VS CRP, NFS, qui ont conclu à l absence de cause organique identifiable. Mme F. présente un trouble douloureux comorbide à un trouble anxieux Rabat - 22/05/2016 Cas clinique n°2: Mr S. âgé de 52ans, célibataire, fonctionnaire, adressé par son médecin neurologue pour la prise en charge d’une tristesse de l’humeur avec angoisse et inquiétude permanente en rapport avec son état de santé. Depuis plus de 6 mois, Mr S. se plaint de lourdeur des membres inférieurs avec fourmillements et sensation de froid, d’intensité croissante, sans autre signe associé. Un avis cardio a été demandé avec échographie doppler des membres inférieurs qui était sans particularité. L’examen neurologique était normal, et un bilan a été demandé: ionogramme sanguin, GAJ, bilan lipidique, bilan rénal, NFS, TSHus, Vs et CRP, IRM médullaire, revenu normaux. Devant la persistance des douleurs, et étant convaincu d’avoir une maladie grave pouvant évoluer vers la paralysie, Mr S. a consulté à nouveau chez un autre neurologue qui l’a adressé pour avis psychiatrique. . Le diagnostique d’épisode dépressif majeur Rabat - 22/05/2016 Cas clinique n°3: Mr L. ancien militaire de 68 ans, présente un ulcère au niveau du 4ème orteil droit. Une tentative de revascularisation a échoué et a conduit à une amputation de celui-ci. Quelques jours plus tard sont apparues des douleurs intenses et une nécrose du pied. Une amputation du pieds droit a été réalisée. Les mois qui ont suivi l’intervention, Mr L. a présenté des douleurs du membre amputé cotés à 5/10 sur l’échelle visuelle analogique, avec sensation des orteils amputés crispés, et de cheville amputée serrée. Une prise en charge psychologique avec plusieurs séances ont été réalisées avec disparition des sensations d’orteils crispés et de cheville fantôme serrée. Rabat - 22/05/2016 CONCLUSION Les dl en psychiatrie sont sous diagnostiquées: dépression, trouble anxieux, conduites addictives, L’importance de la relation médecin patient ++++++ Si difficultés vérifiez la composante psycho Rabat - 22/05/2016 « La lutte contre la Douleur est une usure… Consentir à la souffrance est une sorte de suicide lent… Il n’y a qu’une seule douleur qu’il soit facile à supporter, c’est celle des autres. » René LERICHE MERCI POUR VOTRE ATTENTION