La Lettre du Cardiologue - n° 339 - novembre 2000
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de rechercher si cet effet était le résultat de l’augmentation des
kinines (propre aux IEC) ou du blocage du système rénine-
angiotensine (effet commun avec les antagonistes des récep-
teurs de l’angiotensine II), des études comparant l’effet des IEC
et AT1 bloquants ont été réalisées. Chez des sujets obèses pré-
sentant une hypertension légère à modérée, pour un même
niveau de diminution de pression artérielle, l’IEC perindopril
augmente la sensibilité à l’insuline alors que le losartan est sans
effet sur ce paramètre. Des résultats similaires ont été obtenus
dans deux autres études : l’une comparait losartan et lisinopril
chez des hypertendus ni diabétiques ni obèses, et l’autre, le tran-
dolapril et le losartan chez des femmes ménopausées hyper-
tendues.
D’autres études ont rapporté une efficacité des AT1 bloquants
(population de sujets sévèrement hypertendus, rats spontanément
hypertendus ou recevant un régime riche en sucres).
L’activité fibrinolytique du sérum résulte d’une balance entre
activateurs et inhibiteurs, dont les principaux sont le t-PA (acti-
vateur tissulaire du plasminogène) et le PAI-1 (inhibiteur de l’ac-
tivateur du plasminogène type 1). On a retrouvé un taux élevé de
PAI-1 chez les patients athéromateux, en cas d’AVC, d’infarctus
du myocarde et d’hypertension artérielle. Les IEC diminuent le
PAI-1 et le taux de fibrinogène, mais le rôle joué par les kinines
est encore mal connu : une étude comparant IEC et AT1 bloquant
chez des patients en insuffisance cardiaque a trouvé que les deux
molécules avaient des effets similaires, mais une autre étude, réa-
lisée chez des sujets diabétiques hypertendus, a retrouvé une dimi-
nution du PAI-1 en cas de traitement par perindopril et non par
losartan. Des résultats similaires ont été obtenus chez les femmes
après la ménopause et chez les sujets sains après activation du
système rénine-angiotensine.
Il pourrait s’agir d’un effet des kinines (dont l’effet stimulant
sur la sécrétion de t-PA est augmenté par les IEC), mais égale-
ment de l’effet de l’angiotensine IV, un peptide de huit acides
aminés qui se fixerait sur un récepteur spécial qui stimulerait la
sécrétion de PAI-1. En cas d’inhibition de l’enzyme de conver-
sion, le taux d’angiotensine II est diminué, et donc également
le taux d’angiotensine IV qui en dérive, alors que lorsque le
récepteur de type 1 est bloqué par AT1 bloquant, le taux d’an-
giotensine II augmente, et par conséquent également le taux
d’angiotensine IV.
Il est aussi possible que l’effet “fibrinolytique” découle de l’ef-
fet sur la sensibilité à l’insuline, car on sait que ces deux facteurs
sont liés : des études transversales, mais également des études
longitudinales ont montré que l’amélioration de la sensibilité à
l’insuline s’accompagne d’une diminution du taux de PAI-1.
R. Fogari a pu montrer que le trandolapril diminuait le taux de
PAI-1 et augmentait la sensibilité à l’insuline des femmes hyper-
tendues ménopausées, alors que le losartan, à baisse tensionnelle
équivalente, était sans effet sur ces paramètres. Il en a été de même
dans une autre étude comparant les effets du perindopril et du
losartan chez les patients obèses. Il existait une corrélation entre
la modification des deux paramètres (sensibilité à l’insuline et
taux de PAI-1) sous perindopril, ce qui est compatible avec un
lien de cause à effet.
BRADYKININE ET MALADIE CORONAIRE
(R. Ferrari, Ferrare)
R. Ferrari a abordé le rôle potentiel de la bradykinine dans
l’athérogenèse. Il a d’abord rappelé que les études de grande
envergure réalisées avec les IEC ont montré une diminution des
événements ischémiques, résultats confortés par l’étude HOPE,
et qui sont attendus avec les études EUROPA (perindopril chez
plus de 10 000 coronariens stables) et PEACE. Expérimentale-
ment, l’expression de l’enzyme de conversion est augmentée dans
l’hypertension artérielle, l’ischémie myocardique et la surcharge
de pression qui s’observe dans l’insuffisance cardiaque. Cela per-
met la formation locale, tissulaire de l’angiotensine II, mais aussi
la modification de la dégradation locale des bradykinines.
Le bénéfice des IEC face au développement de l’athérome a été
attribué à leur effet sur l’endothélium, à leurs propriétés anti-
hypertrophiques (l’angiotensine II induit l’expression de proto-
oncogènes), antithrombotiques, à leur effet stabilisant sur la
plaque d’athérome (en inhibant la synthèse de facteurs chémo-
tactiques pour les neutrophiles et en augmentant le taux de
kinines), ainsi qu’à leur effet potentiel antioxydant. Mais si le
bénéfice a été démontré dans des modèles expérimentaux, les
résultats des études cliniques sont plus décevants : l’IEC après
angioplastie n’a pas empêché la resténose, ni diminué l’incidence
de l’angor après angioplastie ni la mortalité. Il est possible que
ces résultats s’expliquent par la faible dose d’IEC utilisée ou le
faible nombre des patients. L’étude TREND a montré que le qui-
napril tendait à normaliser la réponse vasodilatatrice à l’acétyl-
choline intracoronaire. L’importance des kinines dans cette action
reste à déterminer.
Plusieurs éléments laissent penser que la bradykinine joue un rôle
important dans l’effet des IEC sur la fonction endothéliale : l’an-
tagoniste des récepteurs B2 bloque la libération de NO ; expéri-
mentalement, la NO synthase constitutive aortique est induite par
un traitement au long cours de rats par un IEC, effet en partie blo-
qué par le HOE 140. On a suggéré que les IEC pouvaient poten-
tialiser le couplage entre les récepteurs B2 et les sites de stockage
de NO, indépendamment de leur effet sur le métabolisme des
kinines.
Chez l’homme, C. Hornig a récemment montré que la vasodila-
tation endothélium-dépendante provoquée par une augmentation
du flux par IEC était sous la dépendance des kinines. Ce rôle est
important lorsque le flux est stimulé, mais, dans d’autres terri-
toires, les kinines pourraient également participer à la régulation
du flux de repos. L’action hypotensive des IEC chez des hyper-
tendus est diminuée en cas de blocage de l’action des kinines.
BRADYKININE ET FONCTION VENTRICULAIRE
(J.G.F. Cleland,
Hull)
Un système local kallicréine-kinines est présent dans le myo-
carde. Ce système fonctionne probablement de façon pulsatile
car une tachyphylaxie se développe rapidement. La bradykinine
pourrait stimuler le système sympathique, certes indirectement
du fait de la vasodilatation, mais aussi peut-être directement. Les
IEC accélèrent la relaxation ventriculaire en administration aiguë.
Lorsque des kinines sont administrées au cours d’ischémie expé-
rimentale ou après reperfusion, elles diminuent la concentration
de lactates, maintiennent les taux tissulaires de glycogène et de
INFORMATIONS
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