Symposiums
satellites
de l’ESC 2000
(Amsterdam)
La Lettre du Cardiologue - n° 339 - novembre 2000
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IEC ET BRADYKININES
(P.M. Vanhoutte, Courbevoie)
En introduction, P.M. Vanhoutte a rappelé que les inhibiteurs de
l’enzyme de conversion (IEC) avaient une action hypotensive,
y compris chez les patients dont le taux de rénine plasmatique est
bas. L’explication qu’il en propose est qu’en bloquant la dégra-
dation des bradykinines, les IEC augmentent les effets de celle-
ci et sont de ce fait des vasodilatateurs, y compris en l’absence
d’angiotensine I.
Les actions de la bradykinine ont été peu étudiées en comparai-
son de celles de l’angiotensine II. On sait que la bradykinine
entraîne la libération par l’endothélium d’un facteur hyperpola-
risant (EDHF, ou endothelium derived hyperpolarizing factor)
qui relâche les fibres musculaires lisses des vaisseaux résistifs.
Même si l’on sait peu de choses de ce facteur, il est établi que son
importance augmente au fur et à mesure que le diamètre des vais-
seaux diminue. On sait également qu’il est formé à partir d’un
système local déclenché par la contrainte de cisaillement (comme
le NO sur les vaisseaux de plus gros calibre).
Alors que la réponse vasodilatatrice NO-dépendante est pertur-
bée très tôt au cours du développement de l’athérome, il semble
que la réponse vasodilatatrice aux bradykinines persiste jusqu’à
un stade avancé de la maladie. Puisque les IEC augmentent la
demi-vie des bradykinines, ils pourraient permettre une poten-
tialisation de cette vasodilatation endothélium-dépendante, alors
même que la maladie artérielle est évoluée.
BRADYKININES : CONTRIBUENT-ELLES À LA DIMINUTION
DE LA PRESSION ARTÉRIELLE PAR UN IEC CHEZ L’HOMME ?
(J.L. Reid, Glasgow)
Deux types de récepteurs à la bradykinine ont été isolés : les récep-
teurs B1 sont exprimés en cas de lésion et d’inflammation dans
les vaisseaux et d’autres tissus, et sont responsables de l’action
pro-inflammatoire et de la douleur. Le récepteur B2, présent de
façon diffuse à l’état normal, est responsable de l’effet vasodila-
tateur (en provoquant la libération de NO, d’EDHF, de prosta-
glandines), antihypertrophique. C’est donc ce récepteur qu’il
importe de bloquer pour estimer l’importance des kinines dans
l’effet hémodynamique des IEC. J.L. Reid a rapporté les résul-
tats d’une étude qu’il a conduite avec un antagoniste du récep-
teur B2, le HOE 140, ou icatibant.
L’étude a consisté à donner à des sujets sains, de façon succes-
sive et dans un ordre tiré au hasard :
1. du perindopril i.v. et du placebo, ou 2. du perindopril i.v. et de
l’icatibant i.v., ou 3. du placebo et de l’icatibant, ou 4. un double
placebo. Les dosages hormonaux réalisés pendant ces quatre
périodes ont montré que l’administration d’icatibant ne modifiait
pas la pharmacocinétique du perindopril ni l’inhibition de l’en-
zyme de conversion par le perindopril (inhibition dosée in vitro
ou estimée par le rappport AT1/AT2 dans le plasma). Malgré cela,
l’adjonction d’icatibant au perindopril fait perdre à celui-ci une
partie de son action hypotensive, alors que seul, l’icatibant n’a
que pas ou peu d’effet hypertenseur. Cela démontre que chez les
sujets sains, normotendus, recevant un apport sodé normal (et
donc chez lesquels le système rénine-angiotensine n’a pas été
artificiellement activé), l’effet hypotenseur du perindopril passe
en partie par la stimulation du récepteur B2 des bradykinines.
INTÉRÊT DES KININES AU-DELÀ DE LA PRESSION ARTÉ-
RIELLE : SENSIBILITÉ À L’INSULINE ET THROMBOGENÈSE
(R. Fogari, Pavie)
R. Fogari a fait le point sur l’action de la bradykinine vis-à-vis
de la résistance à l’insuline et de la coagulation. Ces données sont
à relier à l’effet antiathérogène qui a récemment été supposé aux
IEC, et que l’étude HOPE a mis en avant.
La diminution de la sensibilité à l’insuline se retrouve dans
l’hypertension artérielle comme dans le diabète non insulino-
dépendant, l’obésité, l’hypercholestérolémie et la maladie athé-
romateuse. Les IEC augmentent la sensibilité à l’insuline. Afin
INFORMATIONS
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Rôle des bradykinines dans les maladies cardiovasculaires :
il est temps de reconnaître les choses (Symposium Servier)
La Lettre du Cardiologue - n° 339 - novembre 2000
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de rechercher si cet effet était le résultat de l’augmentation des
kinines (propre aux IEC) ou du blocage du système rénine-
angiotensine (effet commun avec les antagonistes des récep-
teurs de l’angiotensine II), des études comparant l’effet des IEC
et AT1 bloquants ont été réalisées. Chez des sujets obèses pré-
sentant une hypertension légère à modérée, pour un même
niveau de diminution de pression artérielle, l’IEC perindopril
augmente la sensibilité à l’insuline alors que le losartan est sans
effet sur ce paramètre. Des résultats similaires ont été obtenus
dans deux autres études : l’une comparait losartan et lisinopril
chez des hypertendus ni diabétiques ni obèses, et l’autre, le tran-
dolapril et le losartan chez des femmes ménopausées hyper-
tendues.
D’autres études ont rapporté une efficacité des AT1 bloquants
(population de sujets sévèrement hypertendus, rats spontanément
hypertendus ou recevant un régime riche en sucres).
L’activité fibrinolytique du sérum résulte d’une balance entre
activateurs et inhibiteurs, dont les principaux sont le t-PA (acti-
vateur tissulaire du plasminogène) et le PAI-1 (inhibiteur de l’ac-
tivateur du plasminogène type 1). On a retrouvé un taux élevé de
PAI-1 chez les patients athéromateux, en cas d’AVC, d’infarctus
du myocarde et d’hypertension artérielle. Les IEC diminuent le
PAI-1 et le taux de fibrinogène, mais le rôle joué par les kinines
est encore mal connu : une étude comparant IEC et AT1 bloquant
chez des patients en insuffisance cardiaque a trouvé que les deux
molécules avaient des effets similaires, mais une autre étude, réa-
lisée chez des sujets diabétiques hypertendus, a retrouvé une dimi-
nution du PAI-1 en cas de traitement par perindopril et non par
losartan. Des résultats similaires ont été obtenus chez les femmes
après la ménopause et chez les sujets sains après activation du
système rénine-angiotensine.
Il pourrait s’agir d’un effet des kinines (dont l’effet stimulant
sur la sécrétion de t-PA est augmenté par les IEC), mais égale-
ment de l’effet de l’angiotensine IV, un peptide de huit acides
aminés qui se fixerait sur un récepteur spécial qui stimulerait la
sécrétion de PAI-1. En cas d’inhibition de l’enzyme de conver-
sion, le taux d’angiotensine II est diminué, et donc également
le taux d’angiotensine IV qui en dérive, alors que lorsque le
récepteur de type 1 est bloqué par AT1 bloquant, le taux d’an-
giotensine II augmente, et par conséquent également le taux
d’angiotensine IV.
Il est aussi possible que l’effet “fibrinolytique” découle de l’ef-
fet sur la sensibilité à l’insuline, car on sait que ces deux facteurs
sont liés : des études transversales, mais également des études
longitudinales ont montré que l’amélioration de la sensibilité à
l’insuline s’accompagne d’une diminution du taux de PAI-1.
R. Fogari a pu montrer que le trandolapril diminuait le taux de
PAI-1 et augmentait la sensibilité à l’insuline des femmes hyper-
tendues ménopausées, alors que le losartan, à baisse tensionnelle
équivalente, était sans effet sur ces paramètres. Il en a été de même
dans une autre étude comparant les effets du perindopril et du
losartan chez les patients obèses. Il existait une corrélation entre
la modification des deux paramètres (sensibilité à l’insuline et
taux de PAI-1) sous perindopril, ce qui est compatible avec un
lien de cause à effet.
BRADYKININE ET MALADIE CORONAIRE
(R. Ferrari, Ferrare)
R. Ferrari a abordé le rôle potentiel de la bradykinine dans
l’athérogenèse. Il a d’abord rappelé que les études de grande
envergure réalisées avec les IEC ont montré une diminution des
événements ischémiques, résultats confortés par l’étude HOPE,
et qui sont attendus avec les études EUROPA (perindopril chez
plus de 10 000 coronariens stables) et PEACE. Expérimentale-
ment, l’expression de l’enzyme de conversion est augmentée dans
l’hypertension artérielle, l’ischémie myocardique et la surcharge
de pression qui s’observe dans l’insuffisance cardiaque. Cela per-
met la formation locale, tissulaire de l’angiotensine II, mais aussi
la modification de la dégradation locale des bradykinines.
Le bénéfice des IEC face au développement de l’athérome a été
attribué à leur effet sur l’endothélium, à leurs propriétés anti-
hypertrophiques (l’angiotensine II induit l’expression de proto-
oncogènes), antithrombotiques, à leur effet stabilisant sur la
plaque d’athérome (en inhibant la synthèse de facteurs chémo-
tactiques pour les neutrophiles et en augmentant le taux de
kinines), ainsi qu’à leur effet potentiel antioxydant. Mais si le
bénéfice a été démontré dans des modèles expérimentaux, les
résultats des études cliniques sont plus décevants : l’IEC après
angioplastie n’a pas empêché la resténose, ni diminué l’incidence
de l’angor après angioplastie ni la mortalité. Il est possible que
ces résultats s’expliquent par la faible dose d’IEC utilisée ou le
faible nombre des patients. L’étude TREND a montré que le qui-
napril tendait à normaliser la réponse vasodilatatrice à l’acétyl-
choline intracoronaire. L’importance des kinines dans cette action
reste à déterminer.
Plusieurs éléments laissent penser que la bradykinine joue un rôle
important dans l’effet des IEC sur la fonction endothéliale : l’an-
tagoniste des récepteurs B2 bloque la libération de NO ; expéri-
mentalement, la NO synthase constitutive aortique est induite par
un traitement au long cours de rats par un IEC, effet en partie blo-
qué par le HOE 140. On a suggéré que les IEC pouvaient poten-
tialiser le couplage entre les récepteurs B2 et les sites de stockage
de NO, indépendamment de leur effet sur le métabolisme des
kinines.
Chez l’homme, C. Hornig a récemment montré que la vasodila-
tation endothélium-dépendante provoquée par une augmentation
du flux par IEC était sous la dépendance des kinines. Ce rôle est
important lorsque le flux est stimulé, mais, dans d’autres terri-
toires, les kinines pourraient également participer à la régulation
du flux de repos. L’action hypotensive des IEC chez des hyper-
tendus est diminuée en cas de blocage de l’action des kinines.
BRADYKININE ET FONCTION VENTRICULAIRE
(J.G.F. Cleland,
Hull)
Un système local kallicréine-kinines est présent dans le myo-
carde. Ce système fonctionne probablement de façon pulsatile
car une tachyphylaxie se développe rapidement. La bradykinine
pourrait stimuler le système sympathique, certes indirectement
du fait de la vasodilatation, mais aussi peut-être directement. Les
IEC accélèrent la relaxation ventriculaire en administration aiguë.
Lorsque des kinines sont administrées au cours d’ischémie expé-
rimentale ou après reperfusion, elles diminuent la concentration
de lactates, maintiennent les taux tissulaires de glycogène et de
INFORMATIONS
.../...
La Lettre du Cardiologue - n° 339 - novembre 2000
12
INFORMATIONS
phosphates et augmentent l’entrée cellulaire de glucose ; l’effet
protecteur du préconditionnement n’est pas retrouvé chez les sou-
ris KO pour le récepteur B2 ; le prétraitement par bradykinines
semble être aussi efficace que le préconditionnement au cours de
l’angioplastie pour prévenir l’ischémie ; les IEC dans les modèles
animaux peuvent protéger contre l’ischémie et diminuer la taille
de l’infarctus, effets abolis en présence d’un antagoniste des
récepteurs B2.
La bradykinine pourrait avoir un effet antihypertrophique.
Les souris KO pour le récepteur B2 sont hypertendues et pré-
sentent une hypertrophie, et finalement une défaillance ventricu-
laire gauche. La plupart des effets de la bradykinine résultent de
la libération de NO et de prostaglandines ; le NO a des proprié-
tés antiprolifératives sur la cellule musculaire lisse, la prostacy-
cline et l’AMPc également. Les IEC sont capables de prévenir le
développement de l’hypertrophie ventriculaire dans des modèles
animaux à des doses qui ne modifient pas la pression artérielle.
Dans certains modèles animaux, les antagonistes des récepteurs
de l’angiotensine sont moins efficaces, et l’administration d’an-
tagoniste des bradykinines en même temps que l’IEC prévient
l’action antihypertrophique. Les bradykinines pourraient égale-
ment être responsables de la supériorité des IEC sur la préven-
tion de la fibrose dans la zone non infarcie. Cela étant, dans un
modèle d’infarctus du myocarde chez le rat, l’icatibant prévenait
l’apparition de fibrose périvasculaire. Ces résultats semblent
contredire les résultats obtenus avec les modèles transgéniques,
mais pourraient indiquer que la bradykinine n’est pas toujours
bénéfique après infarctus du myocarde.
La bradykinine peut avoir d’autres effets bénéfiques chez les
patients en insuffisance cardiaque : effet vasodilatateur, natri-
urétique, diurétique, inhibiteur de l’agrégation plaquettaire, aug-
mentation de la sensibilité à l’insuline. Chez ces patients, on a
rapporté une augmentation du taux plasmatique de bradykinine
sous IEC, et le rapport de BK1-9/BK1-7 est diminué de 70-80 %
par le perindoprilate (le BK1-7 est le produit de dégradation du
BK1-9 ou bradykinine).
L’administration d’aspirine, qui bloque la cyclo-oxygénase,
diminue l’effet hémodynamique aigu des IEC. De même, si les
études n’ont pas retrouvé d’altération du processus de remode-
lage ventriculaire lorsque l’aspirine est ajoutée aux IEC, certaines
études pourraient indiquer que le bénéfice des IEC est diminué
en cas de prise concomitante d’aspirine. Les kinines pourraient
faciliter le préconditionnement des patients présentant une car-
diopathie ischémique et ainsi limiter ses conséquences sur la fonc-
tion ventriculaire. La stimulation des prostaglandines et du NO
limite l’agrégation plaquettaire, laquelle est activée chez les
patients en insuffisance cardiaque. Il est possible que cet effet
explique une partie de la perte du bénéfice des IEC en cas de prise
d’aspirine (idée contestée mais chère à J.G.F. Cleland). Cela étant,
les kinines n’ont pas que des qualités : elles sont responsables de
la toux sous IEC, des angio-œdèmes, et elles pourraient activer
le sympathique.
Les études qui ont comparé IEC et antagonistes des récepteurs
de l’angiotensine II sur des paramètres cliniques dans l’insuffi-
sance cardiaque suggèrent que leur effet est identique sur la tolé-
rance fonctionnelle. L’étude ELITE avait suggéré un bénéfice des
AT1 bloquants sur les IEC, mais ELITE II n’a pas confirmé cette
tendance. Il est possible que le bénéfice des IEC soit plus impor-
tant encore en association avec les bêtabloquants.
En conclusion, P.M. Vanhoutte a souligné que les arguments
étaient nombreux pour penser que la bradykinine avait une part
importante dans les effets des IEC.
G. Jondeau, service du Pr Dubourg,
hôpital Ambroise-Paré, Boulogne
Inhibition de l’enzyme de conversion de l’angiotensine dans les cardiopathies :
questions résiduelles (Symposium Servier)
L. Rydén (Stockholm) a regroupé les questions résiduelles sur
les IEC autour de trois thèmes (tableau I).
L’insuffisance cardiaque : les IEC ont largement démontré leur
efficacité à réduire la mortalité et à ralentir la progression de l’in-
suffisance cardiaque, et de façon très supérieure aux autres vaso-
dilatateurs. Pourquoi les IEC restent-ils malgré tout aussi insuf-
fisamment prescrits et à des doses souvent insuffisantes, et
comment améliorer cette insuffisance ? Quel est l’intérêt des IEC
dans l’insuffisance cardiaque diastolique ? Les bêtabloquants se
sont avérés efficaces en traitement additif aux IEC, mais ces trai-
tements prescrits isolément seraient-ils équivalents ? Enfin, les
antagonistes des récepteurs à l’angiotensine II sont-ils une alter-
native satisfaisante aux IEC dans l’insuffisance cardiaque ?
Patients à haut risque cardiovasculaire : il s’agit d’un thème
majeur au vu du nombre de patients potentiels et des résultats
spectaculaires de l’étude Heart outcomes prevention evaluation
(HOPE), qui a récemment démontré que l’addition d’un IEC, le
ramipril, au traitement de ces patients diminuait l’incidence des
infarctus, des accidents vasculaires cérébraux et de la mortalité
cardiovasculaire. Cet effet est-il spécifique ? Est-il réellement
indépendant d’une réduction (même légère) des chiffres ten-
sionnels ? La prescription d’IEC devra-t-elle être systématique-
ment incluse dans la prévention secondaire ? Quelles en seraient
les conséquences économiques ?
Diabète : dans cette pathologie, les IEC ont largement démontré
leur intérêt en prévention primaire de l’infarctus ou de l’insuffi-
sance cardiaque, ainsi que leur effet néphroprotecteur, justifiant
leur prescription large chez le diabétique. De façon étonnante,
l’étude HOPE a aussi montré une réduction importante de la sur-
venue de nouveaux cas de diabète sous IEC. Quels sont les méca-
nismes de cet effet ? Et, s’il se confirmait, les IEC pourraient-ils
être prescrits en prévention primaire ?
.../...
M. Terdera (Katowice) a précisé la question de l’intérêt des
IEC dans l’insuffisance cardiaque diastolique (ou à fonction
systolique conservée). Ce type d’insuffisance cardiaque devient
très fréquent chez le sujet âgé et représente, après 75 ans, envi-
ron 50 % des cas d’insuffisance cardiaque. Son pronostic est néan-
moins sensiblement moins sombre que celui de l’insuffisance car-
diaque avec FEVG altérée. Peu de données existent sur l’efficacité
des IEC chez ces patients, car la très large majorité des études a
inclus des patients peu âgés (60 à 70 ans en moyenne), avec le
plus souvent des FEVG altérées. Une importante étude est actuel-
lement mise en place pour remédier à ce manque : Perindopril
for elderly people with chronic heart failure (PEP-CHF). Cet essai
inclut des patients de plus de 70 ans sans dysfonction ventricu-
laire gauche majeure, mais souffrant d’insuffisance cardiaque cli-
nique, traités par diurétiques et ayant été hospitalisés pour un pro-
blème cardiologique dans les trois mois précédents. Le perindopril
est prescrit à 4 mg/j pendant plus d’un an, et le critère principal
est le délai entre l’inclusion et la survenue ou d’une hospitalisa-
tion pour insuffisance cardiaque, ou d’un décès.
W.J. Remme (Rotterdam) a mis en exergue le défaut de pres-
cription des IEC et ses causes éventuelles. L’ESC recommande
la prescription des IEC à tous les stades de l’insuffisance car-
diaque avec dysfonction systolique et aux doses cibles maximales
utilisées dans les essais cliniques (guidelines de 1997). L’analyse
des prescriptions montre que ces recommandations sont insuffi-
samment suivies. Ainsi, lorsque l’on analyse les prescriptions de
192 patients hospitalisés pour insuffisance cardiaque avec FEVG
< 40 %, dans sept hôpitaux universitaires hollandais, 72 % d’entre
eux recevaient un IEC, mais seuls 23% avaient une dose “opti-
male”. L’étude IMPROVEMENT a montré qu’en fait le pour-
centage de patients traités à doses optimales différait largement
selon l’IEC (tableau II).
L’absence d’hypotension significative à l’instauration du traite-
ment (effet première dose) sous perindopril, contrairement au
captopril ou à l’énalapril, pourrait en partie expliquer la pres-
cription plus fréquente de doses optimales sous perindopril.
Il est intéressant de noter que le risque d’effets secondaires,
“perçu” par le médecin prescripteur, est élevé (51 % dans l’étude
Euro-HF réalisée auprès de médecins généralistes de différents
pays), et disproportionné par rapport aux pourcentages d’effets
secondaires objectivés dans les essais cliniques.
Pour conclure, W.J. Remme a insisté sur la nécessité de renfor-
cer nos efforts d’éducation, notamment auprès des généralistes,
en soulignant le fait que le bénéfice des IEC survient essentiel-
lement à long terme, qu’une titration progressive peut faciliter la
tolérance et que les bénéfices des IEC ne sont optimaux qu’à
doses optimales.
R. Ferrari (Ferrare) a présenté des données essentiellement
expérimentales, démontrant l’existence d’effets bénéfiques liés
aux IEC, effets indépendants de l’angiotensine II (figure 1).
Les IEC préviennent également la dégradation de la bradykinine et
celle-ci exerce divers effets sur l’endothélium, essentiellement par
le biais d’une stimulation de la NO synthase constitutive endothé-
liale et, en aval, par des effets vasodilatateurs et anti-remodelage
vasculaire. Ainsi, l’effet bénéfique d’IEC sur la vasodilatation
induite par l’acétylcholine ou sur l’épaisseur intimale de modèles
expérimentaux athéromateux est inhibé par des antagonistes de
la bradykinine et du NO. Ce rôle de la bradykinine est proba-
blement plus marqué avec les IEC à forte affinité tissulaire
(l’enzyme de conversion s’accumule au niveau de l’endothélium
pathologique). Il expliquerait, au moins en partie, les effets
protecteurs vasculaires des IEC sur la fonction endothéliale et sur
la survenue d’événements ischémiques.
La Lettre du Cardiologue - n° 339 - novembre 2000
13
INFORMATIONS
Figure 1. Mécanismes d’action des IEC sur le vaisseau.
Tableau I. Questions résiduelles sur les IEC.
IEC et insuffisance cardiaque IEC et risque vasculaire IEC et diabète
Une prescription
insuffisante ?
Insuffisance cardiaque
à FEVG conservée ?
Équivalence
des antagonistes
des récepteurs
de l’angiotensine II ?
Équivalence des IEC
et des bêtabloquants
en monothérapie ?
Mécanismes des IEC :
·rôle de l’effet
hypotenseur ?
·rôle de la
bradykinine ?
Prescription
systématique en cas
de risque vasculaire
élevé ?
Effet classe ?
Coût économique ?
Prévention
primaire de
la survenue
du diabète ?
Mécanismes
de cet effet
préventif ?
Tableau II. Pourcentage de patients traités à doses optimales.
Captopril Énalapril Lisinopril Ramipril Perindopril
32 66 63 44 90
La Lettre du Cardiologue - n° 339 - novembre 2000
14
INFORMATIONS
K. Fox (Londres) a exposé les données expérimentales et cli-
niques actuellement disponibles sur le bénéfice des IEC dans
la pathologie vasculaire et notamment coronaire (figure 2).
Les IEC améliorent la fonction endothéliale et diminuent le pro-
cessus athéromateux dans des modèles expérimentaux. Plusieurs
études cliniques prospectives ont essayé de confirmer ces résul-
tats chez l’homme. L’étude TREND (Trial of reversing endothe-
lial dysfunction) a montré que l’administration de 40 mg/j de
quinalapril pendant six mois améliorait la réponse vasodilatatrice
à l’acétylcholine de patients coronariens.
En revanche, les essais MERCATOR (Multicenter european
research trial with cilazapril after angioplasty to prevent translu-
minal coronary obstruction and restenosis) puis MARCATOR et
QUIET (Quinalapril ischemic event trial) n’ont pas réussi à
démontrer un bénéfice des IEC sur la resténose.
Par ailleurs, l’analyse rétrospective des études SAVE et SOLVD
a montré une réduction de 20 à 25 % du risque d’infarctus sous
IEC. De larges études prospectives ont été alors mises en place
pour évaluer l’intérêt clinique des IEC, essentiellement sur le
risque d’événements ischémiques coronaires.
Parmi les trois grandes études multicentriques, randomisées, en
double aveugle, contre placebo, sur 3 à 5 ans, seul l’essai HOPE
est maintenant terminé et publié. Il montre une réduction d’en-
viron 25 % du risque relatif de mort cardiovasculaire, infarctus
et AVC chez 9 297 patients à haut risque vasculaire mais non
insuffisants cardiaques (80 % de coronariens documentés et
39 % de diabétiques). Cet effet ne semblerait pas s’expliquer,
selon les auteurs, par la baisse tensionnelle (3 mmHg) observée
sous ramipril.
Deux autres essais sont actuellement en cours et devraient aider
à répondre à la question : tout patient cardiovasculaire devrait-il
être traité par IEC ? Il s’agit d’une part d’une étude européenne
incluant 12 162 patients coronariens mais sans insuffisance car-
diaque (et 12 % seulement de diabétiques) avec 8 mg/j de perin-
dopril (EUROPA : European trial on reduction of cardiac events
with perindopril in stable coronary artery disease) ; les résultats
en sont attendus mi-2002. D’autre part, une étude américaine au
profil proche de la précédente avec le trandolapril (PEACE : Pre-
vention of events with angiotensin-converting enzyme inhibition
trial) est également en cours.
D. Logeart, service de cardiologie, hôpital Beaujon, Clichy
Figure 2. Essais cliniques des IEC sur le risque vasculaire.
ANNONCEURS
BEAUFOUR IPSEN PHARMA (Tanatril), p. 27 ;
GLAXO WELLCOME (Pritor), p. 7 ;
HOECHST HOUDÉ / AVENTIS (Corvasal), p. 2 ;
LIPHA SANTÉ (Cardensiel), p. 35 ;
PARKE-DAVIS (Tahor), p. 15 ;
SANOFI-SYNTHÉLABO / BRISTOL-MYERS SQUIBB
(Bourse Opal), p. 22 ;
SERVIER (Coversyl, Fludex et Preterax),
p. 11, p. 19 et p. 36.
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